(1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233
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(1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

II. (Fin.)

Le xvie  siècle était pour Mézeray ce que le xviiie a été pour nous : il en sortait, il en était nourri, il en savait les traditions, le langage ; il en avait ouï raconter les derniers grands événements à des vieillards ; les souvenirs et l’esprit lui en venaient de tous les côtés ; nul n’était plus propre que lui à en retracer une histoire entière, et c’est ce qu’il a fait pendant l’étendue d’un in-folio et demi. À partir du xve  siècle et du règne de Charles VII, Mézeray ne considère plus le champ de son Histoire que comme un pays peuplé, « tout entrecoupé, dit-il, de canaux, de retranchements et de places fortes, où une armée, quelque puissante qu’elle soit, ne peut faire ses logements que pied à pied, et n’y avance pas plus durant toute une campagne qu’elle ferait ailleurs en une journée ». Cela est surtout vrai pour lui à partir du xvie  siècle, et, dans ce siècle, à dater du règne de François II. C’est alors que commença d’éclater cette furieuse et vaste épidémie de guerres civiles et religieuses, qui ne cessa de sévir jusqu’au règne de Henri IV. Mézeray l’embrasse dans son ensemble ; il la décrit au naturel dans tout son cours, et, quand on l’a parcourue avec lui d’un bout à l’autre, on peut dire véritablement qu’on a vécu avec ces hommes du xvie  siècle, qu’on les a vus au juste point, ni trop loin ni trop près, qu’on les a entendus parler, qu’on a eu la saveur de leurs propos, qu’on a conçu la suite des événements dans leur exacte proportion, avec mille particularités de mœurs qui les animent et qui en sortent d’elles-mêmes. Ce pesant Chapelain, qui avait du jugement dans les matières de prose, a dit de Mézeray en notant quelques-uns de ses défauts : « C’est néanmoins le meilleur de nos compilateurs français. » L’éloge est juste, si l’on entend le mot de compilateur sans aucune idée défavorable et en se contentant de le prendre par opposition aux écrivains de mémoires et de première main. Mézeray est certes à l’avance le plus naïf et le plus original des Anquetil ; il est un digne vulgarisateur en français de l’historien de Thou, « de ce Jacques-Auguste, dit-il quelque part, que les bons Français ne doivent jamais nommer sans préface d’honneur ».

Mézeray, qui ne songe pas au drame, nous fait cependant connaître d’abord ses personnages principaux : il les montre surtout en action, sans les trop détacher des sentiments et des intérêts plus généraux dont ils sont les chefs et les représentants, mais en laissant néanmoins à chacun sa physionomie propre. Le vieux connétable de Montmorency, les Guise, l’amiral de Coligny, le chancelier de L’Hôpital, se dessinent chez lui par leur conduite et leur procédé encore plus que par les jugements qu’il leur applique. Catherine de Médicis y est peinte dans sa dissimulation et ses entrecroisements d’artifices où souvent elle se prend elle-même, ambitieuse du souverain pouvoir sans en avoir la force ni le génie, et tâchant d’y atteindre par ruse ; usant à cet effet, comme nous dirions aujourd’hui, d’un système continuel de bascule, « réveillant et élevant tantôt cette faction, et tantôt endormant ou rabaissant celle-là ; s’unissant quelquefois avec la plus faible par prudence, de peur que la plus forte ne l’accable, quelquefois avec la plus forte par nécessité, et parfois se tenant neutre quand elle se sent assez puissante pour leur commander à toutes deux, mais n’ayant jamais intention de les éteindre tout à fait ». Loin de paraître toujours trop catholique, il y a des instants où elle a l’air de pencher à la religion réformée et de vouloir trop accorder à ce parti, et cela avec plus de sincérité peut-être qu’il ne lui appartient. La Catherine de Médicis, telle qu’elle se présente et se développe chez Mézeray en toute vérité, est faite pour tenter un moderne : comme il n’y a guère de nouveau que ce qui a vieilli, et qu’on ne découvre bien souvent que ce qui a été su et oublié, le jour où un historien moderne reprendra la Catherine de Médicis de Mézeray en lui imprimant quelques-uns de ces traits un peu forcés qu’on aime aujourd’hui, il y aura un grand cri d’étonnement et d’admiration, et les critiques du moment auront à enregistrer une découverte de plus.

Les protestants se sont loués en général de la modération de Mézeray à leur égard : il ne faut pas croire pourtant qu’il les épouse et qu’il pallie leurs excès. Mézeray, par l’esprit qui circule dans son Histoire, me représente assez bien un libéral de l’école de 89, qui aurait à raconter la Révolution française et qui tâcherait d’en extraire ce qu’il y a eu de louable, de modéré, de juste, en s’affligeant d’autant plus des horreurs et des représailles qui ont eu lieu dans les deux sens. Au commencement du règne de Charles IX (1560), lors de la tenue des États à Pontoise, puis à Saint-Germain, Mézeray fait un tableau des plus animés et des mieux définis de l’air de la Cour à ce moment et des dispositions diverses qui partageaient les esprits par tout le royaume :

Or, comme l’exemple du prince transforme toute la Cour, et que le reste de l’État se règle sur elle, la reine mère penchant du côté des huguenots pour récompense de la faveur qu’elle avait reçue de l’Amiral, le calvinisme était la religion à la mode, et il semblait que celle de l’Église romaine eût une vieille robe qui ne fût plus en usage que pour les bonnes gens. Tous les entretiens ordinaires des compagnies étaient des discours sur les sacrements, sur la grâce et sur les cérémonies, les dames même et les artisans ayant les épîtres de saint Paul à la bouche, et avec cela des invectives contre le pape et le Saint-Siège. Il y avait dans le royaume, sans compter les libertins et les athées qui n’étaient pas en petit nombre, trois sortes d’esprits…

Et il considère ces trois sortes d’esprits, les uns acharnés à la destruction de la religion romaine, les autres à sa défense, et « quelques-uns, tenant le milieu, qui n’eussent pas voulu la détruire, mais seulement y réformer certains abus ». À la manière complaisante dont il développe l’opinion de ces derniers, il est assez sensible qu’il en serait volontiers lui-même. Mézeray, en favorisant cette demi-réforme, ne croit pas innover ; en religion comme en politique, il paraît croire qu’il suffit de revenir à une époque antérieure où régnait une sorte de constitution religieuse, monarchique et suffisamment populaire ; on l’eût embarrassé sans doute en le pressant de définir cette période idéale de notre histoire ou les abus avaient cessé moyennant la Pragmatique et la tenue régulière des États généraux. Le règne du bon Louis XII, qu’il nous a exposé avec tant de charme, ne remplit lui-même que bien imparfaitement ces conditions. Quoi qu’il en soit, en toute occasion, et lorsqu’il rencontre des opinions de cette nature chez quelques-uns des personnages de l’histoire, Mézeray les touche évidemment avec plaisir et les fait valoir d’un mot. Au moment où la guerre civile s’organise et où les huguenots devenus puissants, enhardis par la première faveur de Catherine de Médicis et par les édits de L’Hôpital, agitent un grand dessein de confédération par toute la France, Mézeray énumère les diverses opinions produites dans leurs conseils, dont quelques-unes n’allaient à rien moins qu’à transférer la couronne de la tête du roi sur celle du prince de Condé, et à remettre le royaume en plusieurs souverainetés particulières comme du temps de Hugues Capet ; puis il ajoute, en doutant que l’amiral de Coligny y ait jamais pu consentir :

Pour l’Amiral et le prince de Portian (Antoine de Croÿ) : comme c’étaient deux âmes libres et qui se piquaient du bien public, ils témoignaient avoir envie de rétablir l’ancienne liberté française, en faisant en sorte que cette monarchie, fût gouvernée par le conseil de plusieurs des plus prudents personnages, et que l’autorité du monarque fût restreinte à certains termes, etc.

Quinze ans plus tard (1576), exposant encore les demandes diverses des huguenots et de plusieurs catholiques confédérés, il se complaira à développer celles du vicomte de Ventadour, « tout à fait généreuses, dit-il, et qui n’avaient pour but que le bien public dont tous les autres ne parlaient point. Il voulait que pour assurer une bonne paix, stable et de longue durée, on allât jusqu’aux racines qui reproduisaient sans cesse les discordes et les troubles ; que, pour cet effet, on accordât un concile national, etc. ; qu’on assemblât les États généraux de deux en deux ans, etc. » Dans toutes ces parties de son Histoire, l’opinion et les préférences personnelles de Mézeray percent assez : pourtant il n’y met pas de système ; il s’accommodera fort bien que, sous Henri IV, on arrive au bien public sans toutes ces machines qui sont à double fin en temps de passion, et qui ne sont parfaites que dans l’esprit des vertueux. Ce qu’il faut dire à l’honneur de sa véracité comme historien, c’est que ce fonds d’opinion et d’humeur, encore plus que de principes, ne le mène point à altérer les faits ni à favoriser quelques-uns de ses personnages au détriment des autres. Son Coligny ne nous en paraît pas moins ambitieux pour être une âme libre. C’est l’ambition qui le jette d’abord du côté des réformés ; mais bientôt son esprit se prend tout de bon à leurs opinions, et il s’y glisse du fanatisme de doctrine ou de parti :

Il était arrivé la même chose à l’Amiral, dit agréablement Mézeray, qu’il arrive à un jeune homme qui vient à se piquer tout de bon d’une maîtresse qu’il n’aurait entrepris d’aimer que par feinte et pour donner de la jalousie à une autre : il s’était si fort embéguiné de cette nouvelle religion que rien n’était plus capable de l’en désabuser.

C’est en vertu de ce coin de fanatisme qu’on voit Coligny prendre intérêt à Poltrot qui doit assassiner le duc de Guise, lui donner cent écus pour avoir un bon cheval, et le recommander à son frère d’Andelot peu avant le coup. Pensez-en ce que vous voudrez ; Mézeray vous en laisse pleine liberté. C’est ainsi encore que le plus ou moins de goût que l’historien peut avoir pour les édits du chancelier de L’Hôpital ne l’empêche pas de nous rendre fidèlement l’état des esprits à cette époque critique où le parti des protestants faillit prendre le dessus dans le royaume. On voit très naïvement chez Mézeray comment la population parisienne et des environs demeure, malgré tout, aussi hostile à ceux de la religion réformée que la Cour, à ce quart d’heure, paraît leur être favorable. Vers ce temps du colloque de Poissy, quand le cardinal-légat envoyé de Rome n’est reçu qu’avec des risées et des railleries, et se voit exposé en cour aux insultes des pages et laquais, à cette heure où le cardinal de Lorraine lui-même ne serait pas fâché qu’on fît un pas et une pause à mi-chemin du côté de la communion d’Augsbourg, le fond de la population résiste et se porterait à des voies de fait contre les ministres protestants, si on ne les protégeait. Pour les sauver des attaques et de la fureur du peuple catholique, il est besoin de les faire escorter et conduire de Saint-Germain à Poissy par des archers de la garde du roi. Le moment où les âmes des deux côtés s’exaspèrent et où la guerre, à la voix des prédicants, se démoralise, est énergiquement, et je dirai, vertueusement rendu par Mézeray (1562) : il nous fait assister à cette suite de représailles et d’horreurs où, à part un bien petit nombre d’exceptions, les caractères les plus forts se souillent et se dégradent.

Mézeray, nous racontant la Saint-Barthélemy et le contrecoup de cette nuit sanglante dans les provinces, me fait l’effet d’un historien qui raconterait les massacres de Septembre après en avoir recueilli toutes les circonstances dans les auteurs originaux et de la bouche de quelques témoins survivants : un historien qui déroulerait aujourd’hui, comme il le fait, la longue traînée de forfaits qui s’alluma à ce signal dans les provinces, la bande de massacreurs en bonnets rouges à Bordeaux, les massacres des prisons à Rouen en dépit du gouverneur, « si bien qu’il y fut assommé, tué ou étranglé six ou sept cents personnes qu’ils appelaient par rôle les uns après les autres », les scènes de Lyon qui surpassèrent tout le reste en horreur, arquebusades, noyades dans le Rhône, le tout par le commandement de Pierre d’Auxerre, homme perdu de débauche, arrivé tout exprès de Paris, le Collot d’Herbois de ce temps-là ; — un historien qui écrirait, de nos jours, ces mêmes pages de Mézeray, paraîtrait avoir voulu faire des allusions aux personnages et aux événements de la Révolution française : et c’est en cela que le récit de Mézeray me paraît préférable à tous autres et d’un intérêt inappréciable, en ce que l’historien, encore à portée de ces temps, a résumé dans son propre courant tous les narrateurs originaux du xvie  siècle, et qu’en nous rendant naïvement les faits et les impressions qu’ils excitent, il nous en fait sentir l’expérience toute vive, sans soupçon de complication ni de mélange.

Le troisième tome de Mézeray, contenant le règne de Henri III et les premières années de celui de Henri IV, parut en 1651, c’est-à-dire entre deux Frondes : jamais pour ces sortes d’ouvrages on n’avait joui de plus de liberté. Lorsque Mézeray décrivait la première journée des Barricades qui avait mis Henri III hors de sa capitale (12 mai 1588), ce n’était pas sans en avoir vu faire lui-même sous ses yeux et sans avoir rappris, ainsi que ses contemporains, la puissance et la tactique de ces grands soulèvements populaires. Là encore Mézeray est plein d’instruction et donne bien à réfléchir à qui le lit. À la veille de cette journée des Barricades et de l’arrivée du duc de Guise à Paris, il n’aurait fallu que bien peu de chose, il nous le fait sentir, pour donner aux événements un tout autre cours. Un courrier expédié au duc qui était alors à Soissons, courrier dont les dépêches avaient pour objet de l’apaiser et de le retenir, ne put partir faute de vingt-cinq écus, et le duc passa le Rubicon :

Telle est, dit Mézeray, la condition des plus grandes affaires, que, lorsqu’elles sont à un certain point où elles ne peuvent pas subsister longtemps, il ne faut que le moindre incident pour les faire tomber d’un côté ou d’autre ; et, si la fortune permettait qu’il fût évité, les choses pourraient se mieux tourner et prendre toute une autre pente.

Au moment où dans Paris la sédition se chauffe, il devient très sensible, d’après le récit de Mézeray, que de tout temps les choses en pareil cas se sont passées à peu près de même. Si un historien de nos jours, me racontant ces scènes du xvie  siècle, me le dit, je ne le crois qu’avec une certaine méfiance ; mais la date de Mézeray le laisse à cent lieues de nos réminiscences et de nos allusions ; et c’est pour cela qu’il y a une partie de l’histoire qu’il faut continuer de lire dans les originaux ou chez les rédacteurs et compilateurs naïfs qui en tiennent lieu. Dès l’arrivée du duc de Guise à Paris, la physionomie de la capitale a changé :

Tout Paris était plein de gens nouveaux et de visages qui semblaient ne respirer que la proie et la vengeance ; il se tenait jour et nuit des conférences au Louvre et chez les partisans du duc ; on n’entendait plus autre chose dans la ville et à la Cour que des bruits confus de diverses résolutions qui se prenaient, et peut-être qu’à l’heure il ne s’en était encore pris aucune.

Henri III, qui n’était pas toujours cruel, résista, dès le commencement de l’émeute, aux conseils de plusieurs capitaines (et notamment de Crillon) qui voulaient en avoir raison et qu’on la réprimât avec vigueur :

Le roi, dit Mézeray, n’avait envie que de se saisir des principaux de la Ligue et voulait, par un procédé sans violence, désabuser le peuple des bruits qu’on avait semés… Il était d’ailleurs persuadé de cette opinion que la moindre goutte de sang qui se répandrait serait capable d’irriter la populace et de mettre le feu dans cette grande ville.

Henri III empêche donc qu’on ne réprime vigoureusement l’émeute dès le principe : il avait expressément défendu à ses capitaines d’enfoncer les bourgeois, « et il avait tant de peur que l’impatience des soldats et le désir de butiner ne leur fissent oublier ses ordres qu’il leur envoyait de ses officiers de moment en moment pour les réitérer. Ainsi, liant les mains aux gens de guerre, il refroidissait leur ardeur et confirmait l’audace des Parisiens qui, voyant qu’on les redoutait, se mirent à tendre les chaînes, à dépaver les rues pour porter les grès aux fenêtres, à dresser des barricades de carrefour en carrefour ». Cette attention plus que débonnaire de Henri III le conduit, quelques heures après, à s’enfuir. Tous ces récits de Mézeray ne donnent aucune leçon, car il n’y a pas de leçon en pareille matière, mais ils font réfléchir les studieux et ceux qui, dans les jours de stabilité et de silence, aux heures d’intervalle d’une société apaisée, se prennent à méditer sur l’éternelle ressemblance de ces éternelles vicissitudes.

Mézeray, qui aime le vrai avant tout, ne sacrifie point au dramatique. On sait la célèbre réponse du premier président Achille de Harlay au duc de Guise, qui lui vient demander son concours dès le soir même du triomphe des Barricades : « C’est grand pitié quand le valet chasse le maître, etc. » Faisant quelque mention de cette réponse, Mézeray ajoute :

Toutefois ceux-là sont plus croyables qui racontent que ce sage magistrat, usant d’un procédé plus convenable à un temps si dangereux, écouta patiemment ses excuses et les offres qu’il lui fit pour le maintien de la justice, le remercia de la bonne intention qu’il lui témoignait de ne s’éloigner jamais du service du roi, et l’exhorta de la confirmer par de bons effets, afin de rejeter tout le blâme de cette journée sur le front de ses ennemis.

Mézeray paraît donc croire que la réponse tant citée du premier président a été une invention royaliste du lendemain et faite après le triomphe. C’est ainsi qu’après l’assassinat de Blois, Mézeray paraît douter que Henri III, du moment que Guise est par terre, « soit sorti de son cabinet l’épée à la main comme victorieux, qu’il lui ait mis le pied sur le front ; que, revenant par deux ou trois fois et faisant lever la couverture pour voir s’il ne respirait point encore, il ait demandé aux uns et aux autres s’il était mort. Ce sont, à mon avis, dit-il, des circonstances que la Ligue inventa pour rendre cette action plus horrible. Et ces paroles qu’on lui fit dire après l’avoir un peu contemplé : Mon Dieu, qu’il est grand ! il paraît encore plus grand mort que vif, ont, à ce que je crois, été controuvées longtemps après, lorsqu’on vit les suites de cette mort plus tragiques que le roi ne les avait prévues ». En tous ces passages, Mézeray montre qu’il sait préférer le vrai tout simple et tout naturel à ce que l’imagination est tentée d’accepter pour agrandir les faits.

Une des choses qui me plaisent le plus dans Mézeray, à côté de l’agencement plein et facile de la narration, c’est le talent naturel et presque insensible avec lequel sont traités les caractères ; on les voit se développer successivement et sans parti pris selon les circonstances, avec tous leurs flux et reflux de passions ; Mézeray ne les fait jamais poser, il les laisse marcher et on les suit avec lui. Il en est qui sont peints, en passant, d’un seul trait qu’on remarquerait dans Tacite et qui échappe ici tout simplement. Par exemple, il dira en un endroit, d’un des serviteurs infidèles du roi Antoine de Navarre : « François d’Escars, homme qui se vendait à tout le monde pour de l’argent, hormis à son maître… »

J’avais noté bien d’autres remarques à faire sur les divers caractères et mérites de cette Histoire, mais il faut se borner et laisser quelque chose à ceux qui prendront le même chemin. Mézeray, qui venait de publier ce travail considérable, et de qui la réputation était faite, passe pour avoir été un Frondeur des plus actifs. On lui a généralement attribué la série de pamphlets publiés sous le nom du sieur de Sandricourt (1652). Le récent éditeur de la Bibliographie des mazarinades, M. Moreau, discute cette opinion ; il la combat, ou du moins il l’infirme, et penche à croire que, dans tous les cas, Mézeray n’est pas le seul ni même le principal auteur de ces pamphlets. S’il les avait réellement faits comme on l’a admis pendant longtemps, sa réputation n’aurait certes pas à y gagner, et il y a lieu de craindre que la Fronde en le dissipant, en le livrant sans réserve à ses instincts d’opposition et de satire, ne lui ait fait perdre l’habitude plus grave et plus contenue qui sied à l’historien.

Je ne me permettrai qu’une seule considération et conjecture sur ce qu’a dû être le rôle et l’état d’esprit d’un Mézeray sous la Fronde. Qu’on se figure bien ce que pouvait être l’ordre et l’habitude d’idées d’un homme qui venait de publier l’année d’auparavant son in-folio historique sur le xvie  siècle, et des nombreux lecteurs parisiens qui l’avaient goûté. Nous nous imaginons toujours volontiers nos ancêtres comme en étant à l’enfance des doctrines et dans l’inexpérience des choses que nous avons vues ; mais ils en avaient vu eux-mêmes et en avaient présentes beaucoup d’autres que nous avons oubliées. Ainsi, dans l’un des premiers pamphlets attribués à Mézeray29, je vois l’auteur parler de la France et des Français, et « de la longue durée de plus de treize siècles, et de l’expérience qui devrait être acquise par tant de guerres civiles et étrangères, et des périls de totale ruine si souvent encourus par le changement des races royales », tout comme nous ferions aujourd’hui. Mézeray, ou l’auteur du pamphlet, qui était du moins de ses amis, y dit des Français : « Ils emportent comme un torrent tout ce qu’ils attaquent, le garde après qui voudra, ils livrent des batailles et emportent de glorieuses victoires, quelque autre en ramasse les fruits… Oh ! les avisés politiques !… » Ma seule conclusion, c’est qu’il y avait en ce temps-là pour cette classe moyenne d’esprits, engagés dans la Fronde et manquant leur but, un désappointement et une condoléance presque égale à ce qu’on peut voir aujourd’hui chez les plus étonnés de nos politiques déçus. En ce temps-là aussi on se croyait arrivé au comble de l’expérience humaine et de l’histoire (il en est ainsi de chaque génération), et, si le monde tournait autrement qu’on n’avait compté, on s’écriait : « Eh ! quoi ? tout cela ne sert donc à rien ! »

Mézeray était de l’Académie française dès 1648 : il y avait succédé à Voiture, bel et galant esprit de cour, du genre le plus opposé au sien. Il y fut nommé secrétaire perpétuel après la mort de Conrart (1675), et en cette qualité il travailla à préparer le canevas du premier Dictionnaire. Mézeray, par sa brusquerie, contrastait également avec Conrart, ce devancier si poli et si prudent. Il était, avec Patru, des académiciens indépendants qui se sentaient d’avoir passé par la Fronde. Comme Patru, comme Maucroix et quelques camarades de cette date qui sont en dehors de l’Académie, Mézeray ne se transforme point : il continue d’appartenir à cette génération libre et familière d’avant Louis XIV. Il est de ceux qui se disent mon cher, qui se tutoient volontiers, qui ne prennent pas la perruque, et qui même, jusqu’à la fin, iront sans vergogne au cabaret. Nous reviendrons sur ce dernier point qui lui est propre. À l’Académie, Mézeray se remarque de loin en quelques occasions. Le jour de la visite que fit la reine Christine à l’illustre compagnie (11 mars 1658), c’est Mézeray qui, faisant l’office de secrétaire, lut, à l’article Jeu du Dictionnaire, cette locution proverbiale qui fit rire, dit-on, du bout des dents la princesse : « Jeux de prince, qui ne plaisent qu’à ceux qui les font. » Si le mot n’y avait été déjà, il était capable de l’y avoir mis. Il aimait à mêler sa causticité à ses définitions. Pour éclaircir le mot Comptable dans le Dictionnaire et en haine de la finance qui était sa bête noire, il avait mis : « Tout comptable est pendable. » On demanda la suppression de cet étrange axiome plus digne d’une Chambre royale de justice que de l’Académie. Mézeray résista pendant toute une séance, et, forcé d’acquiescer enfin à la condamnation, il écrivit en marge : « Rayé quoique véritable. » Ces traits singuliers en représentent beaucoup d’autres qui ne nous sont point parvenus. On sait encore qu’il se piquait de mettre une boule noire à chaque élection nouvelle ; quel que fût le candidat, il votait contre invariablement : « C’était, disait-il, pour prouver à la postérité par cette marque qu’il y avait liberté à l’Académie dans les élections. » Ennemi de tout ce qui était étiquette et cérémonie, il se moquait, ainsi que Patru, de voir la compagnie y mettre tant d’importance et se rattacher à tout propos par des compliments et des députations aux événements de la Cour ; tous deux, dans leur sans-façon, ils avaient donné à l’Académie les épithètes de délibérante, de dépistante et remerciante.

Tout Frondeur qu’il avait été, Mézeray perdit à la mort de Mazarin. Il avait demandé à ce ministre de quoi subvenir aux frais de réimpression de son Histoire ou de l’Abrégé qu’il en voulait faire ; Mazarin le lui avait promis, et de plus l’avait fait porter sur l’état de la maison du roi pour une pension de douze cents livres. On le voit, après la mort du ministre, adressant requête au roi pour obtenir le rétablissement de cette faveur qui lui avait été retranchée, et demandant de plus le fonds promis pour la réimpression30. Une pièce sans date, mais qui doit être de cette époque environ, nous montre Mézeray en voie de fonder le premier journal littéraire et scientifique qui eût paru en France. La pièce est rédigée sous forme de privilège. Elle est nécessairement antérieure à la fondation du Journal des savants (1665), et elle doit se rapporter aux premiers temps de l’influence de Colbert (1663). Je la donne ici en entier à cause de la généralité du projet et du plan qui fait honneur à Mézeray, bien qu’il fût sans doute trop paresseux à la fois et trop cassant pour l’exécuter et le mener à bonne fin31 :

Louis, etc.

 

Le sieur de Mézeray, notre historiographe, nous a très humblement représenté que l’une des principales fonctions de l’Histoire à laquelle il travaille depuis vingt-cinq ans, c’est de marquer les nouvelles découvertes et lumières qui se trouvent dans les sciences et dans les arts, dont la connaissance n’est pas moins utile aux hommes que celle des actions de guerre et de politique, mais que cette partie ne se pouvait pas insérer dans le gros de son ouvrage, sans faire une confusion ennuyeuse et un mélange embarrassé et désagréable, et qu’ainsi sa principale intention étant, comme elle a toujours été, de servir et profiter au public et lui fournir un entretien aussi fructueux et aussi honnête que divertissant et agréable, il aurait pensé de recueillir ces choses à part et d’en donner une relation toutes les semaines, sous le titre de J. L. Gl. (Journal littéraire général), ce qu’il ne saurait faire s’il n’a sur ce nos lettres qui lui en permettent l’impression.

À ces causes, considérant que les sciences et les arts n’illustrent pas moins un grand État que font les armes, et que la nation française excelle autant en esprit comme en courage et en valeur ; d’ailleurs désirant favoriser le suppliant et lui donner le moyen de soutenir les grandes dépenses qu’il est obligé de faire incessamment dans l’exécution d’un si louable dessein, tant pour paiement de plusieurs personnes qu’il est obligé d’y employer que pour l’entretien des correspondances avec toutes les personnes de savoir et de mérite en divers et lointains pays ; nous lui avons permis de recueillir et amasser de foules parts et endroits qu’il advisera bon être les nouvelles lumières, connaissances et inventions qui paraîtront dans la physique, les mathématiques, l’astronomie, la médecine, anatomie et chirurgie, pharmacie et chimie ; dans la peinture, l’architecture, la navigation, l’agriculture, la texture, la teinture, la fabrique de toutes choses nécessaires à la vie et à l’usage des hommes, et généralement dans toutes les sciences et dans tous les arts, tant libéraux que mécaniques ; comme aussi de rechercher, indiquer et donner toutes les nouvelles pièces, monuments, titres, actes, sceaux, médailles qu’il pourra découvrir servant à l’illustration de l’histoire, à l’avancement des sciences et à la connaissance de la vérité ; toutes lesquelles choses, sous le titre susdit, nous lui permettons d’imprimer, faire imprimer, vendre et débiter soit toutes les semaines, soit de quinze en quinze jours, soit tous les mois ou tous les ans, et de ce qui aura été imprimé par parcelles d’en faire des recueils, si bon lui semble, et les donner au public ; comme aussi lui permettons de recueillir de la même sorte les titres de tous les livres et écrits qui s’imprimeront dans toutes les parties de l’Europe, sans que, néanmoins, il ait la liberté de faire aucun jugement ni réflexion sur ce qui sera de la morale, de la religion ou de la politique, et qui concernera en quelque sorte que ce puisse être les intérêts de notre État ou des autres princes chrétiens. Défendons à tous autres, etc.

Ce fut le Journal des savants, imaginé par M. de Sallo, et bientôt dirigé par l’abbé Gallois, qui se chargea de remplir imparfaitement une partie du programme de Mézeray, qu’il faut peut-être appeler aussi bien le programme de Colbert.

Sous un régime qui redevenait absolu, Mézeray, du caractère dont il était, eut bientôt maille à partir avec les puissances. Son Abrégé chronologique parut en trois volumes (1667) ; il s’était fait aider, pour la partie ecclésiastique, du docteur Launoy, esprit critique, et qui avait un coin d’originalité en commun avec lui. Sur le chapitre des finances, il s’était laissé aller à son antipathie naturelle et avait trop oublié qu’il n’écrivait plus en temps de Fronde. On raconte que l’aimable fils de Colbert, M. de Seignelay, pour lors âgé de seize ans, et qui étudiait en philosophie au collège de Clermont, ayant lu le livre, en parla à son père, et lui parut singulièrement instruit, d’après cette lecture, de l’origine des impôts et revenus du roi, de la taille, gabelle, paulette, etc., et même de leurs abus et inconvénients, que Mézeray était plus porté à exagérer qu’à diminuer. Colbert, après avoir pris connaissance par lui-même de l’ouvrage, envoya son premier commis Perrault à Mézeray pour lui remontrer son imprudence et lui faire sentir qu’il pouvait être atteint dans sa pension d’historiographe. On a publié les lettres de Mézeray à Colbert au sujet de cette affaire32 ; elles sont lamentables, et ne doivent point être jugées au point de vue de ce temps-ci. Mézeray, ne l’oublions pas, était un républicain d’avant Louis XIV et non d’après Louis XVI, un républicain royaliste d’un genre approchant celui de Gui Patin. Son républicanisme, s’il faut se servir de ce nom, ne l’empêchait pas d’honorer le roi et de priser fort ses bienfaits. Son indépendance, d’ailleurs, luttait en lui avec une très réelle avarice, comme nous l’avons vu de nos jours dans l’exemple de l’historien libéral Lémontey. Après la visite de Perrault, il écrit donc à Colbert, et le supplie résolument, sans marchander sur l’expression (janvier 1669) :

Monseigneur,

 

Oserai-je vous réitérer par cette seconde lettre les mêmes prières que j’ai déjà pris la hardiesse de vous faire par ma première, dont voici les mêmes termes ? Ce que m’a dit M. Perrault de votre part a été un terrible coup de foudre, qui m’a rendu tout à fait immobile et qui m’a ôté tout sentiment, hormis celui d’une extrême douleur de vous avoir déplu. Ma seule espérance est, monseigneur, que Dieu vous ayant rendu votre santé, vous ne me défendrez pas aujourd’hui de prendre part à la réjouissance publique, et que, pendant cette satisfaction universelle des gens de bien, vous ne voudrez pas que je sois le seul qui demeure dans une tristesse mortelle…

Bref, Mézeray voulait garder sa pension. Il proposa donc de faire une seconde édition de son Abrégé, où il passerait l’éponge sur tous les endroits qui seraient jugés dignes de censure. Mais il avait promis plus qu’il n’était capable de tenir : il ne fit qu’adoucir et affaiblir ces passages, et il subit pour sa peine une diminution de pension, qui le porta à écrire d’autres lettres suppliantes. Ce sont des faiblesses qui sont faciles à comprendre, et qu’il n’est pas juste de trop étaler.

C’est peut-être le jour où il souffrait d’avoir adressé ces lettres un peu trop terre-à-terre au contrôleur général, qu’il écrivit, pour se revancher, ces mots latins et courageux à huis clos en tête de son exemplaire de l’Histoire universelle de d’Aubigné : « Duo tantum haec opto, unum ut moriens populum Francorum, etc. » Ces deux souhaits de Mézeray étaient de voir, avant de mourir, la liberté du peuple français, et que chacun fût dorénavant rétribué selon ses services. Ce que les saint-simoniens de mon temps traduisaient dans leur sens : « À chacun selon sa capacité, et à chaque capacité selon ses œuvres », tirant de la sorte à eux Mézeray.

Mézeray ne se laissait trop tirer par personne. Il devint de plus en plus original et bizarre en vieillissant. Il se donna le plaisir de tous ses défauts : c’est une des formes du découragement. Son biographe La Roque a fait un recueil de ses singularités. Il se mettait si mal qu’on l’aurait pris parfois pour un vagabond et presque pour un galérien, à ce point qu’un jour il fut arrêté par des archers sur sa mine. Il s’était accoutumé, même en été, à fermer ses volets en plein midi et à travailler à la chandelle : il reconduisait, lumière en main, les visiteurs jusqu’au grand jour. Il s’était pris d’amitié dans les dernières années pour un cabaretier de La Chapelle-Saint-Denis nommé Le Faucheur ; il l’appelait son compère, et fit de lui en mourant son héritier. Il aimait à le visiter, goûtait fort sa compagnie, et vantait à chacun son genre d’esprit naïf et son gros sel qui l’amusait extrêmement. Il est trop souvent de ces côtés bizarres et secrets dans le tempérament d’un chacun, de ces recoins de passion ou de vice qui se démasquent et se creusent en vieillissant : avec les années les goûts cachés se découvrent. Il en est, comme Des Yveteaux, qui font leur idéal de jouer la bergerie en cheveux gris sous un éternel bocage ; tel met jusqu’à la fin son cadre de bonheur dans un cabinet bleu et dans un boudoir ; tel veut un Louvre, tel veut un bouge. Mézeray avait glissé du côté du cabaret et de la tonnelle. Quand il avait la goutte, ce qui lui arrivait quelquefois, il disait, en jouant sur le mot, qu’elle lui venait « de la fillette et de la feuillette ». Il était riche d’ailleurs et serré ; il entassait les sacs d’écus derrière ses livres, avait maison rue Montorgueil et une campagne avec vigne à Chaillot. Il est dommage que sa dernière manière de vivre soit allée si fort jusqu’à la manie : car on conçoit un philosophe, un sage un peu marqué d’humeur, ayant écrit ces libres Histoires et se taisant désormais, renonçant au bruit, à la gloire, pour la plus grande indépendance, et se cachant pour bien finir. Il n’est pas mal, après un temps de vogue et de renom, de s’écouler dans la foule, d’être de ceux qui aiment à vivre et à mourir aussi près de terre que possible.

Par malheur, Mézeray, dans ce genre de vie, pas plus que dans son style, ne sut éviter le bas ; il était devenu un anachronisme sous le règne de Louis XIV. Ses propos libres en toutes choses, et même en matière de religion, n’avaient rien pourtant qui sentît à l’avance le xviiie  siècle : c’est toujours en arrière et à l’esprit des âges gaulois qu’il faut se reporter pour le bien juger. Ce frère du père Eudes, qui n’avait jamais eu qu’une irrévérence de tempérament en quelque sorte et une impiété sans venin, se repentit avant de mourir. Il avait souvent répondu à son saint frère qui essayait de lui faire peur sur ses propos d’incrédulité, que cela ne l’effrayait guère, et qu’ils iraient tous deux en paradis, « l’un portant l’autre ». Dans sa dernière maladie, Mézeray, qui n’obéissait en rien au respect humain ni à l’esprit de système, fit amende honorable devant témoins sur les points capitaux de la croyance : « Oubliez, dit-il, ce que j’ai pu autrefois vous dire de contraire, et souvenez-vous que Mézeray mourant est plus croyable que n’était Mézeray en vie. » Il mourut le 10 juillet 1683, laissant un testament qu’on a publié et qui prête aux commentaires.

C’est trop nous arrêter à des faiblesses et à des travers : Mézeray s’est mieux peint, par le meilleur côté de lui-même, dans ses Histoires. On l’y reconnaît génie droit et sensé, négligé et libre, irrégulier, inconséquent peut-être, véridique avant tout. Duclos, qui plus tard tint de lui en quelque chose pour le mordant, n’eut jamais cette ampleur de veine et cette largeur de récit. L’Histoire de France de Mézeray (je parle toujours de la grande Histoire et non de l’Abrégé), depuis le règne de François II notamment jusqu’à la paix de Vervins (1559-1598), est une lecture des plus fertiles et des plus nourrissantes pour l’esprit ; on y apprend chemin faisant mille choses de l’ancienne France, de l’ancien monde, que les meilleures histoires modernes ne sauraient suppléer. On y apprend cette vieille France racontée dans son propre langage, avec ses propres images, ses plaisanteries de circonstance ou ses énergies naïves, et toutes ses couleurs familières, et non traduite dans un style modernisé. L’Histoire du père Daniel, qui parut cinquante ans après, est bien autrement approfondie et savante : celle de Mézeray, pour les derniers règnes, mérite de rester comme une représentation et une reproduction naturelle de la France et de la langue du xvie  siècle, avant que le régime de Louis XIV et les règles de l’Académie y aient mis fin et que tout ait passé sous le niveau.