(1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre second — Chapitre VII. Emploi de l’Archimime dans les funérailles des Romains »
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(1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre second — Chapitre VII. Emploi de l’Archimime dans les funérailles des Romains »

Chapitre VII. Emploi de l’Archimime dans les funérailles des Romains

On adopta successivement à Rome toutes les cérémonies des funérailles des Athéniens ; mais on y ajouta un usage digne de la sagesse des Anciens Égyptiens.

Un homme instruit en l’Art de contrefaire l’air, la démarche, les manières des autres hommes, était choisi pour précéder le cercueil. Il prenait les habits du défunt et se couvrait le visage d’un masque qui retraçait tous ses traits. Sur les symphonies lugubres qu’on exécutait pendant la marche, il peignait par sa Danse les actions les plus marquées du personnage qu’il représentait.

C’était une Oraison funèbre muette, qui retraçait aux yeux du public, toute la vie du citoyen qui n’était plus.

L’Archimime, (c’est ainsi qu’on nommait cet Orateur funèbre), était sans partialité. Il ne faisait grâce, ni en faveur des grandes places du mort, ni par la crainte du pouvoir de ses successeurs.

Un Citoyen que son courage, sa générosité, l’élévation de son âme avaient rendu l’objet du respect et de l’amour de la Patrie, semblait reparaître aux yeux de ses Concitoyens. Ils jouissaient du souvenir de ses vertus ; il vivait ; il agissait encore. Sa gloire se gravait dans le souvenir. La jeunesse Romaine, frappée de l’exemple, admirait son modèle. Les Vieillards vertueux goûtaient déjà le fruit de leurs travaux, dans l’espoir de reparaître à leur tour, sous ces traits honorables, quand ils auraient cessé de vivre.

Les hommes, indignes de ce nom, et nés pour le malheur de l’espèce humaine, pouvaient être retenus, par la crainte d’être un jour exposés sans ménagement à la haine publique, à la vengeance de leurs contemporains, au mépris de la postérité.

Ces personnages futiles, dont plusieurs vices, l’ébauche de quelques vertus, l’orgueil extrême, et beaucoup de ridicules composent le caractère, connaissaient d’avance le sort qui les attendait un jour, par la risée publique, à laquelle ils voyaient exposés leurs semblables.

La satire ou l’éloge des morts devenait ainsi, une leçon utile pour les vivants. La Danse des Archimimes était alors dans la morale, ce que l’anatomie est devenue dans la Physique. [Voir Danse de l’Archimime]