(1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre second — Chapitre XI. Des Usages de quelques Peuples, et de certaines Lois de Lacédémone. »
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(1754) La danse ancienne et moderne ou Traité historique de la danse « Première partie — Livre second — Chapitre XI. Des Usages de quelques Peuples, et de certaines Lois de Lacédémone. »

Chapitre XI. Des Usages de quelques Peuples, et de certaines Lois de Lacédémone.

Lycurgue ordonna par une Loi que les jeunes Spartiates fussent exercés dès l’âge de sept ans aux Danses qu’il composa sur le ton Phrygien. Elles s’exécutaient avec l’épée, le javelot, et le bouclier. La Memphitique fut le modèle de toutes ces Danses guerrières, qui n’étaient au fond qu’un cours réglé des différentes évolutions militaires connues.

C’est ainsi que la jeunesse de Sparte apprenait, en se jouant, l’art terrible de la guerre. Quelle intrépidité ne devait-on pas attendre de cette foule de guerriers, qui, dès leurs plus jeunes ans, étaient familiarisés avec les armes ? Ils couraient en effet à l’ennemi en dansant.

Les mœurs des Éthiopiens, que Lycurgue avait connues dans le cours de ses voyages, lui donnèrent l’idée du plan d’éducation qu’il traça pour la jeunesse de Sparte. Ces Peuples que les Grecs appelaient Barbares, allaient au combat en dansant au son des timbales et des trompettes. Avant de lancer leurs flèches qu’ils portaient rangées autour de leurs têtes en forme de rayons, ils sautaient et dansaient fièrement, pour s’exciter à combattre et pour étonner l’ennemi.

Lycurgue d’ailleurs, comme l’abeille qui compose son miel du suc de diverses fleurs, prit encore des Arcadiens, qui passaient pour des Peuples très sages, parce qu’ils savaient être heureux, une partie des usages qu’il établit à Lacédémone ; et dans toute l’Arcadie, la jeunesse s’occupait constamment de la Danse, jusqu’à trente ans.

Dès l’enfance, ces Peuples s’instruisaient de la Musique, pour pouvoir chanter dignement les louanges des Dieux et les actions vertueuses des Héros. On les exerçait en même temps à la Danse sur les modes de Philoxène et de Timothée, et tous les ans pendant la fête des Orgies, ils exécutaient sur des théâtres publics, des Ballets composés avec autant d’Art que de magnificence. [Voir Dessauteur]

Les entrées de ces Ballets étaient proportionnées à l’âge, aux talents, aux forces, aux progrès de chacun des Acteurs. Ils étaient jugés sans partialité par le Peuple, qui était lui-même expert dans cet exercice, et ceux qui remportaient le prix étaient comblés d’éloges et de gloire.

Le Restaurateur de Lacédémone aperçut aisément l’utilité d’un pareil usage. Son but était de se rendre maître des passions de tous ces hommes nouveaux qu’il voulait former. En occupant à la Danse un grand Peuple qu’il souhaitait de rendre heureux, en appliquant cet exercice aux vues différentes qu’il avait pour la gloire de Sparte, il en conduisit tous les habitants au but qu’il était proposé par des routes aussi agréables que sûres ; parce qu’il sut opposer en Philosophe, les continuelles émotions de l’Art, aux mouvements perpétuels de la Nature.

Dans le Plan extraordinaire de réforme qu’il eut le génie d’imaginer et le courage d’exécuter, une égalité parfaite, des exercices continus, un amour constant pour la Patrie, réunirent sous les mêmes Lois, attachèrent aux mêmes plaisirs, occupèrent aux mêmes plaisirs, occupèrent aux mêmes travaux, un Peuple de Sages qui ne composaient qu’une même famille, jamais oisive et toujours heureuse. Sparte fut le Paraguay des Anciens.