(1756) Lettres sur les spectacles vol. 2 «  AVERTISSEMENT. DU LIBRAIRE. » pp. -
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(1756) Lettres sur les spectacles vol. 2 «  AVERTISSEMENT. DU LIBRAIRE. » pp. -

AVERTISSEMENT
DU LIBRAIRE.

Lorsque la sixieme Édition de cet Ouvrage parut, quelques personnes nous observerent qu’elles étoient surprises de ce que le frontispice de ce second Volume portoit le titre de Lettres sur les Spectacles.

Mais nous avons à leur répondre que notre Auteur, par égard pour le titre primitif de son Ouvrage, a cru devoir le conserver à ce qui en étoit une suite nécessaire ; & nous ajoutons que les relations fréquentes qu’il y a entre les Lettres sur les Spectacles, & l’Histoire des Ouvrages pour & contre les Théatres, ne permettent pas de les séparer.

Notre Avertissement du premier Tome a fait connoître que l’Ouvrage dont nous donnons une nouvelle Édition, a été honoré de suffrages très-flatteurs de la part de personnes en place, qui, par état, sont dans le cas de s’intéresser avec plus de zele aux mœurs. Nous avons aussi exposé que M. Desprez de Boissy avoit reçu des témoignages également intéressans de la part de plusieurs Littérateurs distingués, qui, en adhérant à ses principes, l’ont loué de les avoir soutenus de la maniere la plus persuasive. Nous n’avons rien avancé, à cet égard, que nous n’ayons déjà justifié. Mais notre Auteur a desiré que nous continuions de réserver pour ce second Volume la Lettre, dont M. Gresset, de l’Académie Françoise, l’honora le 30 Mai 1772. Et nous y joindrons celle qu’il en reçut le 26 Avril 1777, à l’occasion de la sixieme Édition. Elles sont toutes les deux analogues à la Lettre que ce célebre Académicien donna au Public en 1759, & qui est rapportée toute entiere, page 477 de ce Volume, comme un monument précieux, & capable de fixer les idées sur l’effet moral de nos Spectacles.

LETTRES
De M. Gresset, de l’Académie Françoise, à M. Desprez de Boissy.

Amiens, le 30 Mai 1772.

Une indisposition, Monsieur, m’a empêché de répondre plutôt à la Lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Recevez mes excuses de ce délai très-involontaire, & tous mes remercîmens du présent que vous avez bien voulu me faire d’un Exemplaire de la quatrieme Édition de vos Lettres sur les Spectacles. Vous avez doublé le bienfait par la maniere obligeante dont vous me l’annoncez. J’ai relu votre Ouvrage avec un très-grand plaisir. La raison & la Religion, à qui il sera toujours cher, l’ont dicté ; & tout esprit fait pour entendre & suivre l’une & l’autre, ne peut se refuser à l’évidence de vos principes, & à la justesse des conséquences. On ne peut, Monsieur, être plus sensible que je le suis, à la bonté que vous avez eue de penser à moi. Je suis avec tous les sentimens d’un respectueux attachement,

Monsieur,

Votre très-humble, &c. Gresset.

***

Amiens, le 26 Avril 1777.

Recevez toutes mes excuses, Monsieur, du délai de ma réponse à la Lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Il ne m’a point été possible de vous témoigner plutôt ma sensible reconnoissance du présent que vous avez bien voulu me faire de la sixieme Édition de votre Ouvrage sur les Spectacles. Elle ne sera point assurément la derniere ; j’en crois votre zele, vos lumieres, vos recherches, ainsi que les desirs, & le goût soutenu de vos Lecteurs. Rien n’est moins fondé que l’opinion de ceux qui prétendent que l’art dramatique, Ficta voluptatis causâ, a pour objet primitif & essentiel l’utilité morale. Il ne faut leur opposer que le sang-froid des Philosophes payens, comme M. l’Abbé le Batteux l’a fait avec le plus grand avantage dans les trois sçavantes Dissertations qu’il lut les 14 Juin 1771, & 21 Janvier 1772, à l’Académie des Inscriptions & Belles-Lettres dont il est Membre. Elles ont été insérées dans le 39me Volume des Mémoires de cette Académie. Cette question y est traitée & discutée d’une maniere d’autant plus intéressante, que cet habile Académicien avoit eu pour Contradicteur un Confrere estimable, M. de Rochefort. M. le Batteux soutint que les plaisirs & les passions du Théatre ne sont, & ne peuvent être que nuisibles aux mœurs. Il eut lieu de persévérer dans son sentiment, & il en adressa de nouvelles preuves à M. de Rochefort, qui, par sa façon de penser, honnête & vertueuse, lui parut être fait pour les entendre. Vous devez de même, Monsieur, être entendu par les gens sensés & par toutes les personnes de bonne foi, qui, averties par l’expérience, voudront se rappeller les scrupules qu’elles ont éprouvés les premieres fois qu’elles ont été à nos Théatres, avec les justes préventions qu’une bonne éducation leur avoit inspirées contre ces amusemens si funestes à la vertu.

J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentimens d’une parfaite estime & d’un respectueux attachement,

Monsieur,

Votre très-humble, &c. Gresset.