Controverse autour du Book of Sports

Dates

1595

Autre(s) titre(s)

La controverse autour du Book of Sports (The Book of Sports Controversy, Parker), La controverse autour du Sabbat (The Sabbatarian Controversy, Milward)

Fiche rédigée par Alexis Tadié . Dernière mise à jour le 24 December 2014.

Synopsis

Synopsis

La controverse autour du Book of Sports se développe dans les années 1616-1618, mais ses ramifications remontent au début du XVIIe siècle et se prolongent jusqu’à la guerre civile.

Cette controverse commence par une contorverse locale, au Lancashire. En 1617, en revenant d’Écosse, James I traverse le Lancashire et annule un ordre signé l’année précédente par des magistrats puritains, qui interdisait la pratique de tous jeux et sports le jour du sabbat – ce qui revenait à interdire toute forme de sport. La déclaration, rédigée par l’évêque de Durham, Thomas Morton, et signée du roi James, vise en particulier à affaiblir la position des puritains. Si la déclaration de James n’est, dans le contenu, pas très différente de ce qui était déjà interdit ou autorisé, elle représente en fait un moment important dans l’assimilation des puritains au respect total du repos du dimanche. Dans la préface, James I insiste sur le fait que les catholiques comme les protestants non-conformistes doivent se plier aux rites de l’église anglicane. C’était une façon pour le roi de pousser les catholiques en particulier à se convertir.

Le non-respect du sabbat constitue un problème à la fois pour les religieux et pour les hommes de loi : musique, danse, jeux et boissons ont effectivement cours le dimanche, et en particulier pendant le service religieux. Les catholiques sont accusés d’encourager ces débordements. En fait, la persistence de ces activités du dimanche est liée à la survivance de formes populaires de pratiques religieuses, face à la fois aux enseignements du protestantisme et de la contre-réforme catholique. Il est possible que les catholiques aient à leur tour utilisé ces activités comme une forme de dissidence face à l’ordre religieux et politique établi.

La controverse autour des jeux licites ou non le jour du sabbat s’inscrit dans le contexte plus large des discussions entre partisans du respect du repos du dimanche, pour se consacrer à la prière et à l’église, et tenants d’une ligne plus souple. Le débat autour du respect du sabbat commence au début du XVIe siècle. Bownd publie en 1595 un recueil de sermons sur l’observance du sabbat et la nécessité de renoncer aux activités non-religieuses qui font obstacle à la dévotion : il se fonde sur le quatrième commandement. L’ouvrage est condamné en 1599 (mais néanmoins réédité en 1606 sous le titre The True Doctrine of the Sabbath). En 1605, George Widley reprend les mêmes arguments. En 1606, la position de l’église anglicane est énoncée dans l’ouvrage de Robert Loe. En 1607, Sprint revient à la charge, ce qui influence peut-être les positions extrêmes de Traske, qui réclame l’application des coutumes des Juifs aux Chrétiens. La position de Traske est récusée par le jésuite Falconer en 1618. En 1620, Traske se rétracte.

On trouve d’autre part dans un certain nombre de pièces de théâtre de l’époque des échos de ce débat identifiant sports et débauche. C’est le cas de Eastward Ho, la pièce de Chapman, Jonson et Marston qui répond à la pièce de 1604 de Dekker et Webster, Westward Ho, qui défendait les divertissements en tous genres (comme The Merry Devill of Edmonton, créée en 1604, et dont l’auteur est incertain). De même, la pièce de John Day, The Isle of Gulls, représentée en 1606 pour la première fois, est une satire politique qui tient les jeux pour directement responsables des problèmes politiques du pays (et qui oppose plus généralement anglais et écossais). En 1612, la pièce de Thomas Dekker, If it be not good the diuel is in it, a play, attaque James I. Les débats autour de la question des jeux dans le théâtre ont pour effet d’obscurcir la position du roi, pourtant clairement énoncée dans Basilikon Doron, manuel d’instruction à l’attention de son fils Henry, qui autorisait certains divertissements et jeux, en particulier la distinction entre jeux licites et illicites.

C’est donc dans ce contexte qu’intervient la controverse sur le jeu et les sports. En 1606, un premier débat parlementaire avait déjà eu lieu sur cette question, un projet de loi étant approuvé aux Communes mais rejeté aux Lords. En 1614, un nouveau débat parlementaire visant à interdire toute forme de jeu le jour du sabbat révèle des différences profondes entre partisans d’une interdiction totale ou d’une interdiction partielle.

La déclaration de James I est en fait assez restrictive dans l’énoncé des divertissements autorisés ou non le jour du sabbat, et sanctionne les catholiques qui refusent d’assister au service du dimanche. Elle s’appuie sur le Basilikon Doron. C’est la préface qui donne plutôt le ton du document. James y explique que l’interdiction des divertissements constitue un obstacle à la conversion des catholiques, que les hommes ne seraient plus aptes à la guerre, et que cette interdiction encouragerait la débauche. Il autorise ainsi les divertissements après la fin du service du soir (evening prayer, c’est-à-dire à partir de 15h00). Mais tous les puritains devaient se conformer au rite anglican, ou bien être forcés de quitter le pays. La déclaration autorise la musique, la danse, le tir à l’arc, le lancer et la pratique du rushbearing (qui consiste à décorer de petites fleurs le sol des églises). Il interdit en revanche des sports tels que le bear-baiting (qui consiste à attacher un ours à un poteau et à lâcher des chiens dans l’arène ainsi créée). La déclaration de James I a pour effet d’assimiler clairement observance stricte du sabbat et interdiction des divertissements aux puritains. C’est en ce sens que la controverse autour du Book of Sports est à la fois une controverse sur les jeux et sur le sabbat. En outre, la déclaration de James I représente un avertissement aux pouvoirs locaux qui voudraient établir des règles qui n’auraient pas été préalablement approuvées par le Parlement.

En 1618, la déclaration devient nationale, peut-être à la suite du procès et de la condamnation de John Traske, non-conformiste qui crée un groupe de coreligionaires visant en particulier à instituer un sabbat particulièrement strict (et qui avait pour ambition de convertir James I). Pour Semenza, la déclaration de James sur les sports est un texte littéraire qui répond à la réalité générée par les pièces de théâtre qui obscurcissent la distinction entre jeux licites et illicites pourtant établie par le roi dans le Basilikon Doron.

Alors que le but de James I avait été de mettre fin à certaines formes de comportement extrémiste, les réactions au Book of Sports sont multiples : certains groupes en profitent pour interrompre les services du dimanche par des scènes de débauche ; les conflits entre tenants d’une application rigoureuse de l’interdiction et magistrats voient le jour (voir Parker, en particulier le conflit entre Sir Edward Montagu, membre du parlement qui avait lancé le débat en 1614 et qui était défenseur d’une observance stricte du sabbat, et John Williams, futur archevêque de York et juge de paix à Grafton-under-Wood). En 1621, le Parlement reprend le débat de 1614, les défenseurs de l’interdiction stricte insistant sur le fait que le Book of Sports aurait fait plus de mal que de bien en ce qui concerne la conversion des catholiques.

Enjeux

Enjeux

Quoique le débat autour du respect du sabbat soit un débat important et qui couvre un certain nombre d’années, c’est surtout avec le Book of Sports qu’il prend une dimension nationale. La déclaration de James I contribue grandement à identifier l’observance stricte du repos dominical avec le puritanisme. Mais le terme de « puritain », dans de tels débats, sert autant d’opprobre que d’identification doctrinale stricte. De fait, nombre d’évêques et d’hommes d’église sont opposés à la déclaration de James en raison de positions proches des défenseurs du sabbat. Loin d’atténuer les conflits, la déclaration de James I a pour résultat d’accroître les tensions au sein des communautés, et de permettre certains débordements. De fait, la déclaration est un échec, comme le note Parker, car elle polarise les positions.

En 1633, Charles I republie la déclaration de son père, ce qui a pour effet d’aggraver les tensions entre puritains et défenseurs de la monarchie. En particulier, en 1643, l’ouvrage est brûlé : s’ensuit une législation très restrictive, encore renforcée dans les années 1650. De fait, les sports sont interdits en Angleterre entre 1642 et 1660.

Chronologie

Chronologie

• 1595 : publication des sermons de Nicholas Bownd sous le titre The Doctrine of the Sabbath, Plainely Layde Forth. S’ensuivent un certain nombre de réponses et de contre-réponses sur cette question (voir corpus).

• 1616, 8 août : les magistrats du Lancashire interdisent toute forme de jeu le dimanche : « piping, dancinge (bowling, bear or bullbaitnge) or any other porfanacion upon any Saboth day in any parte of that day : or upon any festivall day in tyme of devyne service ».

• 1617 : Morton s’enquiert pour savoir si les divertissements empêchent le bon déroulement des prières.

• 1617, 11 août : lors de sa taversée du Lancashire, on demande à James I d’annuler l’ordre de 1616. James I fait un discours autorisant la danse et les divertissements licites le dimanche, ce qui conduit, le dimanche suivant, un groupe de gens à danser devant une paroisse du diocèse (Houghton Tower).

• 1617, 27 août : publication de la déclaration de James I.

• 1618 : la déclaration de 1617, qui concerne le Lancashire, est étendue à l’ensemble du royaume.

• 1618, juin : condamnation de John Traske, devant la Star Chamber.

• 1633 : publication de la déclaration par Charles I, sous le titre : King Charles the First’s Declaration to His Subjects, Concercing Lawful Sports to Be Used on Sundays.

• 1643 : autodafé du Book of Sports.

• 1643 : législation interdisant de fait tous les sports : « no person or persons shall hereafter upon the Lord’s-day use, exercise, keep, maintain, or be present at any Wrastlings, Shooting, Bowling, Ringing of Bells for Pleasure or Pastime, Masque, Wake, … Games, Sport or Pastime whatsoever. »

Noms propres

Noms propres

Références

Références

Corpus

• Bownd, Nicholas, The Doctrine of the Sabbath, Plainely Layde Forth, London, the widdow Orwin for I. Porter and T. Man, 1595.

• Chapman, George, Ben Jonson et John Marston, Eastward Ho, London, for W. Aspley,1605.

• Day, John, The Ile of Guls, London, sold by I. Hodgets, 1606.

• Dekker, Thomas et John Webster, Westward Ho, London, I. Hodgets, 1607. (Première représentation en 1604).

• Dekker, Thomas, If it be not good the diuel is in it, a play, London, for I. T. sold by E. Marchant, 1612.

• Falconer, John, A Briefe Refutation of John Traskes Judaical and Novel Fancyes, n. p., 1618.

• James I, The Kings Majesties Declaration to His Subjects, Concercing Lawfull Sports to Be Used, London, Bonham Norton and John Bill, 1618.

• James I, Basilikon Doron, Edinburgh, Robert Waldegrave, 1599.

• Loe, Robert, Effigiatio veri sabbathismi, London, I. Norton, 1605.

• The Merry Devill of Edmonton, London, Printed by Henry Ballard for Arthur Iohnson, 1608.

• Rogers, Thomas, The Faith, Doctrine, and Religion, Professed, & Protected in the Realme of England, and Dominions of the Same, [Cambridge], Printed by Iohn Legatt, 1607.

• Sprint, John, Propositions, Tending to Proove the Necessarie Use of the Christian Sabbaoth, London, By H. L[ownes] for Thomas Man, [1607].

• Traske, John, Christs Kingdom Discovered, London, Josias Harrison, 1615.

• Traske, John, A Treatise of Libertie from Judaisme, or An acknowledgement of True Christian libertie, London, W. Stansby for N. Butter, 1620.

• Widley, George, The Doctrine of the Sabbath, Handled in Foure Seuerall Bookes or Treatises, London, Imprinted by Felix Kyngston for Thomas Man, 1604.

Bibliographie critique

• Milward, Peter, Religious Controversies of the Jacobean Age ; a Survey of Printed Sources, London, the Scolar Press, 1978.

• Parker, Kenneth, The English Sabbath. A Study of Doctrine and Discipline from the Reformation to the Civil War, Cambridge, Cambridge University Press, 1988.

• Semenza, Gregory M. Colón, Sport, Politics, and Literature in the English Renaissance, Newark, University of Delaware Press, London, Cranbury, NJ, Associated University Presses, 2003.

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