Controverse de l'Ezour Védam

Dates 1760 - 1984

Fiche rédigée par Claire Gallien . Dernière mise à jour le 24 December 2014.

Synopsis

Synopsis

L’histoire de la controverse de l’Ezour Védam porte sur l’origine de ce texte : celle-ci a préoccupé les savants pendant deux siècles et a été l’occasion de multiples publications et débats, alors que le texte n’existe pas ; ou plutôt, l’original présumé en langue indienne n’existe pas.

En 1760, Voltaire reçoit un manuscrit « traduit » en français concernant la religion des anciens Brahmes. D’abord présenté comme l’un des quatre Védas, puis comme un commentaire des sources védiques, le texte est finalement désigné comme un faux par le naturaliste et voyageur français Sonnerat en 1782. Ce dernier précise qu’il s’agit d’un texte apostolique rédigé en sanskrit puis traduit en français par les missionnaires jésuites de Pondichéry. La controverse déclenchée suite aux affirmations de Voltaire prend fin : l’Ezour Védam, tout comme les poèmes d’Ossian, publiés en 1760, sont des contrefaçons littéraires. Dans le même temps, de nouveaux débats naissent autour de Voltaire, innocent ou coupable, autour des orientalistes, comme Anquetil-Duperron, qui l’ont soutenu dans son erreur, autour de l’identité du missionnaire auteur et traducteur du manuscrit, et, enfin, autour de la valeur et de l’origine de l’Ezour Védam.

Aujourd’hui, concernant Voltaire, les historiens substituent au blâme ou à la louange une remise en contexte culturelle et idéologique pour mieux comprendre à quoi le manuscrit lui a servi (App). Concernant l’identité des missionnaires, les historiens ont cessé de chercher à mettre un nom derrière l’entreprise de rédaction et de traduction du manuscrit. Souvent, pour le genre de textes apostoliques dont l’Ezour Védam faisait partie, il s’agissait plutôt d’adaptations à plusieurs mains, et rédigées sur plusieurs générations, à mesure que la connaissance des jésuites s’améliorait. Dans le cas de l’Ezour Védam, plusieurs noms sont apparus en tant que traducteurs ou auteurs : Roberto de Nobili, Jean Calmette, Antoine Mosac, des Indiens convertis, ou encore Pierre Martin (Fourcade & Zupanov ; Rocher).  Enfin, concernant la découverte du manuscrit original, Ludo Rocher clôt le débat en prouvant que l’Ezour Védam n’a pas d’« original » écrit en langue indienne et qu’il n’a jamais existé que dans sa version française.

Voici pour les grandes lignes de l’histoire de la réception de l’Ezour Védam justifiant la prise en compte d’une chronologie dans la longue durée (1760-1984). Je souhaiterais à présent revenir de manière plus précise sur l’enchaînement des controverses qui lui sont liées afin de mieux en comprendre les enjeux.

À partir de 1727, l’abbé Bignon et Étienne Fourmont, tous deux responsables des collections à la Bibliothèque royale, entrent en contact avec les jésuites des missions françaises en Inde afin d’obtenir de ces derniers des manuscrits en langues indiennes. Certains d’entre eux, comme le jésuite de la mission de Mysore, Jean Calmette, sont très actifs dans l’envoi de manuscrits en sanskrit, en langues vernaculaires, en français ou dans d’autres langues européennes. L’Ezour Védam, envoyé en France en 1731, est présenté comme la traduction en français d’un manuscrit védique. Bien que directement accessible par les savants de l’époque puisque rédigé en français, il ne semble pas avoir particulièrement réveillé leur curiosité. Le manuscrit entre dans le catalogue des collections de la Bibliothèque royale et tombe dans l’oubli.

Il revient à Voltaire, trente ans plus tard, d’attirer l’attention de la communauté scientifique et du public sur le manuscrit. En effet, fin octobre-début novembre 1760, Voltaire reçoit la visite de Louis-Laurent de Féderbe, chevalier de Maudave, qui, rentré d’Inde, lui offre sa copie de l’Ezour Védam. Maudave avait déjà mentionné à Voltaire l’existence du manuscrit dans une lettre, datée entre 1758 et 1759, et dont un fragment est conservé au Musée d’Histoire Naturelle à Paris. Maudave présente le texte comme l’un des quatre Védas, écrit sous la forme d’un dialogue entre le brahmane Chumontou et Biache, un Indien idolâtre, et indique qu’il a été traduit en français par le père Martin, ancien missionnaire jésuite de Pondichéry. Dans cette même lettre, Maudave exprime des doutes quant à la qualité de la traduction du jésuite, et plus particulièrement au sujet des rapprochements un peu trop marqués entre les enseignements du Véda et le christianisme. Il indique également une contradiction importante : le brahmane Chumontou, auteur du Véda intitulé Ezour Védam, défend le monothéisme contre l’idolâtrie, tandis qu’il consacre un autre Véda au culte des dieux et déesses qui peuplent le panthéon indien. Ainsi, Maudave remet en cause la qualité de la traduction et émet des doutes quant à l’authenticité du manuscrit. Dans la lettre, il propose à Voltaire de lui remettre le manuscrit si celui-ci l’intéresse.

D’après la correspondance de Voltaire, on sait qu’entre la fin de l’année 1760 et l’été 1761, le philosophe a lu le manuscrit et qu’il est très enthousiaste à son sujet. Selon Urs App, Voltaire est moins animé par la conviction de posséder un texte védique authentique, que par un calcul stratégique concernant l’application philosophique et polémique de ce texte dans sa bataille contre « l’infâme ». Même si l’analyse de Urs App paraît très convaincante, au vu des sources qu’il convoque, on ne peut imaginer que Voltaire ne portait aucun crédit scientifique au manuscrit. Il n’aurait sans doute pas remis, comme il l’a fait le 14 août 1761, à la Bibliothèque royale un texte apocryphe et sans valeur, qu’il décrit par ailleurs dans une lettre à son ami pasteur à Genève, Jacob Vernes, comme un bijou précieux dans leur collection (Besterman 9262). Dans cette lettre à Vernes, il insiste sur l’antiquité et l’authenticité du texte et modifie même l’identité du traducteur : alors que Maudave mentionnait le père Martin, Voltaire indique au pasteur que le traducteur est un brahmane de Bénarès. La même insistance sur l’antiquité et l’authenticité de l’ouvrage reparait dans le chapitre intitulé « Des Bracmanes, du Védam, et de l’Ezourvedam » qu’il prépare pour la deuxième édition de l’Essai sur les mœurs de 1763. Voltaire réitère ce point de vue dans La Philosophie de l’histoire par feu l’abbé Bazin en 1765 (p.149) et dans La défense de mon oncle en 1767 où il écrit :

 

L’abbé Bazin avant de mourir envoya à la bibliothèque du roi le plus précieux manuscrit qui soit dant tout l’Orient. C’est un ancien commentaire d’un brame nommé Shumontou sur le Védam qui est le livre sacré des anciens brachmanes. Ce manuscrit est incontestablement du temps où l’ancienne religion des gymnosophistes commençait à se corrompre: c’est après nos livres sacrés le monument le plus respectable de la créance de l’unité de Dieu; il est intitulé Ezour-Védam, comme qui dirait le vrai Védam, le Védam expliqué, le pur Védam. On ne peut pas douter qu’il n’ait été écrit avant l’expédition d’Alexandre dans les Indes, puisque longtemps avant Alexandre, l’ancienne religion bramine ou abramine, l’ancien culte enseigné par Brama, avaient été corrompus par des superstitions et par des fables. Ces superstitions même avaient pénétré jusqu’à la Chine du temps de Confutzé qui vivait environ trois cents ans avant Alexandre. L’auteur de l’Ezour-Védam combat toutes ces superstitions qui commençaient à naître de son temps. Or pour qu’elles aient pu pénétrer de l’Inde à la Chine, il faut un assez grand nombre d’années : ainsi quand nous supposerons que ce rare manuscrit a été écrit environ quatre cents ans avant la conquête d’une partie de l’Inde par Alexandre, nous ne nous éloignerons pas beaucoup de la vérité. Shumontou combat toutes les espèces d’idolâtrie dont les Indiens commençaient alors à être infectés; et ce qui est extrêmement important, c’est qu’il rapporte les propres paroles du Védam dont aucun homme en Europe jusqu’à présent n’avait connu un seul passage. (p. 221-222)

 

L’Ezour Védam remonte, selon les calculs de Voltaire, à 400 ans avant la conquête de l’Inde par Alexandre et appartient non au corpus védique mais au corpus des commentaires védiques. Son auteur, Shumontou, combat la montée de l’idolâtrie en rappelant les fondements monothéistes du Véda.

En Grande Bretagne, alors qu’une autre controverse – la controverse autour des poèmes d’Ossian par Macpherson – fait rage et tandis que les administrateurs de la East India Company collectionnent et traduisent des textes en persan, hindi, bengali, et même sanskrit, le texte redécouvert par Voltaire laisse indifférent, circonspect, voire provoque l’hostilité. L’évêque de Gloucester, William Warburton (1698-1779), interroge l’argument d’antiquité avancé par Voltaire : en quoi le fait que les personnages du dialogue n’utilisent pas de termes grecs implique-t-il que le dialogue ait été écrit avant les conquêtes d’Alexandre ? Les Turcs n’emploient pas de termes grecs : écrivent-ils pour autant avant Alexandre ? Voltaire répond à cette objection dans La Défense de mon oncle :

 

Warburton ne connaît pas plus les vraisemblances que les bienséances. Les Turcs et les Grecs modernes ignorent aujourd’hui les anciens noms du pays que les uns habitent en vainqueurs et les autres en esclaves. Si nous déterrions un ancien manuscrit grec, dans lequel Stamboul fût appelé Constantinople […] etc. nous conclurions que ce manuscrit est d’un temps qui a précédé Mahomet, et nous jugerions ce manuscrit très ancien s’il ne contenait que les dogmes de la primitive Église. Il est donc très vraisemblable que le brachmane qui écrivait dans le Zomboudipo, c’est-à-dire dans l’Inde, écrivait avant Alexandre qui donna un autre nom au Zomboudipo ; et cette probabilité devient une certitude lorsque ce brachmane écrit dans les premiers temps de la corruption de sa religion, époque évidemment antérieure à l’expédition d’Alexandre. (p. 222)

 

Si Voltaire parvient sans trop de difficulté à contredire l’évêque, il prend en revanche beaucoup plus au sérieux les découvertes des orientalistes anglais, et notamment John Holwell et Alexander Dow, et les critiques émises par ces derniers concernant l’Ezour Védam.

Dans l’intervalle entre la découverte de Voltaire et les publications de Holwell et Dow, le philosophe remet la copie du manuscrit à son neveu, l’abbé Vincent Mignot. Celui-ci l’utilise notamment pour rédiger les quatrième et cinquième discours qu’il donne à l’Académie royale des inscriptions et belles lettres en juin et décembre 1762. Ces discours sont publiés par la suite dans les Mémoires de l’Académie ce qui donne à l’Ezour Védam une plus large diffusion auprès de la communauté savante. Mignot n’émet aucun doute sur l’authenticité du texte qui, selon lui, démontre la présence ancienne du monothéisme en Inde.

Cependant, à la même époque, tant du côté britannique que du côté français, des savants et administrateurs coloniaux s’intéressent à l’Inde ancienne et exhument de nombreux textes, qu’ils vont tenter ensuite de traduire et de publier, en intégralité ou en partie. Ces nouveaux documents non seulement volent la vedette à l’Ezour Védam, mais, plus grave encore, remettent en cause son authenticité. En effet, les orientalistes du dernier quart du XVIIIe siècle comparent la facture, le style, et le contenu des nouveaux manuscrits indiens qu’ils ont sous les yeux avec l’Ezour Védam. Pour beaucoup, l’imposture est évidente.

Ainsi, John Holwell, administrateur de la East India Company, tente une entreprise de démystification. En effet, il publie entre 1765 et 1771 trois volumes intitulés Interesting Historical Events (1765, 1767, et 1771) dans lesquels il est essentiellement question de théologie et de rites hindous. Dans le deuxième volume, notamment, il traduit des Shastras, ce qui lui permet d’explorer les principes fondateurs de la religion hindoue, sa cosmogonie et sa chronologie. Dans le « Discours préliminaire » inclus au début du premier volume, il indique avoir perdu, lors de la prise de Calcutta par les troupes de Siraj ud-Daula en 1756, ses copies des Shastras et les traductions qu’il avait préparées. La frustration, le manque de temps et d’argent expliquent les dix années supplémentaires prises pour finalement publier son travail.

Cinq ans après la découverte de Voltaire et seulement deux après l’Essai sur les mœurs de 1763, Holwell regrette la profonde méconnaissance du public au sujet de la religion antique des hindous, et reproche aux missionnaires, ceux-là mêmes qui ont fourni à Voltaire l’Ezour Védam, de répandre des mensonges sur les Indiens pour justifier leur entreprise de conversion. Il critique également fermement la qualité de leurs traductions. Tout en restant vague, il semble bien qu’il ait en tête l’Ezour Védam lorsqu’il mentionne : « [these] insignificant literal translations of the Viedam, […] not made from the book itself, but from unconnected scraps and bits, picked up here and there by hearsay, from Hindoos, probably as ignorant as themselves » (vol. 1, p. 6). De manière ironique, on pourra noter que Holwell ne propose lui aussi qu’une compilation de fragments de textes dont l’authenticité reste encore à prouver (Marshall, p. 46).

Les découvertes et traductions de Shastras par Holwell (1767) et par Alexander Dow (1768), autre orientaliste britannique en Inde, enthousiasment Voltaire et expliquent qu’il se détourne de l’Ezour Védam jugé moins antique (App, p. 68-76). Sans tarder, Voltaire prend acte de ces découvertes dans ses Homélies prononcées à Londres de 1767 :

 

Les Indiens qui se vantent d’être la plus antique société de l’univers, ont encore leurs anciens livres qu’ils prétendent avoir été écrits il y a quatre mille huit cent soixante et six ans. L’ange Brama ou Abrama, disent-ils, l’envoyé de Dieu, le ministre de l’Être suprême, dicta ce livre dans la langue du sanscrit. Ce livre saint se nomme Chatabad, et il est beaucoup plus ancien que le Védam même qui est depuis si longtemps le livre sacré sur les bords du Gange. Ces deux volumes qui sont la loi de toutes les sectes des brames, l’Ezour-Védam qui est le commentaire du Védam, ne parlent jamais que d’un Dieu unique. Le ciel a voulu qu’un de nos compatriotes qui a résidé trente années à Bengale, et qui sait parfaitement la langue des anciens brames, nous ait donné un extrait de ce Chatabad, écrit mille années avant le Védam (p. 442).

 

Voltaire veut sans doute parler de John Holwell qui fait en effet carrière au Bengale dans la East India Company pendant environ 30 ans (entre 1732 et 1761). De même dans ses Lettres chinoises, indiennes et tartares de 1775, Voltaire modifie la chronologie des textes et accorde plus d’ancienneté aux Shastras comparés à l’Ezour Védam sans pour autant remettre en cause sa valeur :

 

C’est dans le présent iogue qu’un roi des bords du Gange, nommé Brama, écrivit dans la langue sacrée le sacré Shastabad, il n’y a guère que cinq mille années ; mais il ne s’écoula pas quinze siècles qu’un autre brachmane, qui pourtant n’était pas roi, donna une loi nouvelle du Veidam. Je lui en demande bien pardon : ce Veidam est le plus ennuyeux fatras que j’aie jamais lu. Figurez-vous la Légende dorée, les Conformités de saint François d’Assise, les Exercices spirituels de saint Ignace, et les Sermons de Menot, joints ensemble, vous n’aurez encore qu’une idée très-imparfaite des impertinences du Veidam. L’Ézour-Veidam est tout autre chose. C’est l’ouvrage d’un vrai sage qui s’élève avec force contre toutes les sottises des brachmanes de son temps. Cet Ézour-Veidam fut écrit quelque temps avant l’invasion d’Alexandre. C’est une dispute de la philosophie contre la théologie indienne ; mais je parie que l’Ézour-Veidam n’a aucun crédit dans son pays, et que le Veidam y passe pour un livre céleste (p. 506)

 

Les publications de Holwell et de Dow coïncident avec l’arrivée d’une nouvelle copie de l’Ezour Védam en Europe dont va s’emparer l’un des orientalistes les plus connus et controversés de l’époque : Abraham Hyacinthe Anquetil-Duperron. En effet, le 27 août 1766, l’indianiste français reçoit la visite de Court de Gébelin qui l’informe qu’une nouvelle copie de l’Ezour Védam est arrivée en France. Elle avait appartenu à M. Barthelémy, du conseil de Pondichéry, et aurait été rapportée par M. Tessier, son neveu, suite au décès de ce dernier (voir dans la rubrique « Manuscrits » NAF 8876, f.2r). Anquetil obtient une copie du manuscrit Tessier et le mentionne en 1771 dans sa traduction du livre sacré des Mazdéens, le Zend Avesta. Dans une note de bas de page de la préface, Anquetil fait référence à l’Ezour Védam et ne semble pas douter de l’authenticité du manuscrit. Il précise que « [c]e Manuscrit apporté en France par M. de Modave, vient originairement des papiers de M. Barthelémy, second du Conseil de Pondichéry, qui vraisemblablement avait fait traduire l’original par les Interprètes de la Compagnie qui étaient à ses ordres » (vol. 1, p. lxxxiii). Il confirme également la thèse de Mignot selon laquelle Chumontou serait « de ces Indiens nommés Ganigueuls » (p. lxxxv). Néanmoins, et malgré le fait qu’il ne doute pas de son authenticité, Anquetil s’interroge sur certaines incohérences du texte qu’il impute au traducteur français. Ludo Rocher attire notre attention sur une note manuscrite d’Anquetil laissée en marge de sa copie de l’Ezour Védam (NAF 8876, fol.8v) et dans laquelle il indique que le passage ne peut avoir été écrit que par un Européen et non un Indien. Anquetil émet des doutes quant à la qualité de la traduction mais pas au sujet de l’authenticité de celle-ci.

La controverse autour de l’Ezour Védam aurait pu s’éteindre et le texte être remplacé par de nombreux manuscrits jugés plus authentiques puis tomber dans l’oubli. L’inverse se produit suite à la publication de l’ouvrage par Sainte-Croix en 1778. La page de titre indique qu’il s’agit d’un « ancien commentaire du Vedam », qu’il a été traduit du sanskrit par un brahmane resté anonyme, et a été « revu & publié avec des observations préliminaires, des notes & des éclaircissements ». Dans la partie « Observations Préliminaires », Sainte-Croix reprend la thèse de l’auteur « Ganigueul » : « Nous retrouvons partout dans l’Ezour-Védam les principaux articles de la doctrine des Ganigueuls, dont nous venons de parler, on ne peut conséquemment douter que ce ne soit un philosophe de cette secte qui ait composé cet ouvrage » (p.146). Il classe l’ouvrage non plus parmi le corpus védique mais parmi le corpus des Shastras. Selon lui, Chumontou n’est pas un véritable théologien et n’offre pas la perspective d’un exégète sur le Véda mais « les raisonnements d’un philosophe […] et suit en cela la méthode employée dans les Shasters, au nombre desquels on doit mettre l’Ezour-Védam » (149). Ainsi, l’ouvrage, qui oppose le monothéisme des Ganigueuls au polythéisme des Indiens contemporains, « n’est donc pas fort ancien  et n’a point été publié avant les Pouranams qui y sont cités plusieurs fois (a) » (172).

Le voyageur Pierre Sonnerat réagit le premier et le plus fermement à la publication de l’Ezour Védam dans son Voyage aux Indes orientales publié en 1782, qui marque, selon Ludo Rocher, l’entrée dans la deuxième phase de la controverse. Sonnerat rectifie tout d’abord les erreurs de chronologie commise par Holwell et Voltaire et déclare que le Véda est antérieur, et non postérieur, aux Shastras (vol. 1, p. 212). Il retire ensuite toute crédibilité scientifique à Voltaire en révélant le scandale de l’Ezour Védam : le manuscrit vendu comme un texte indien authentique n’est autre que l’œuvre d’un missionnaire chrétien de Machilipatnam :

 

Il faut bien se garder de mettre au nombre des livres canoniques indiens l’Ezourvédam, dont nous avons la prétendue traduction à la Bibliothèque du Roi, et qui a été imprimée en 1778. Ce n’est bien certainement pas l’un des quatre Védams, quoiqu’il en porte le nom ; mais plutôt un livre de controverse écrit à Masulipatam par un Missionnaire. C’est une réfutation de quelques Pourannon à la louange de Vichenou, qui sont de bien des siècles postérieurs aux Védams. On voit que l’auteur a voulu tout ramener à la religion Chrétienne, en y laissant cependant quelques erreurs, afin qu’on ne reconnût pas le Missionnaire sous le manteau de Brame. C’est donc à tort que M. de Voltaire, et quelques autres, donnent à ce livre une importance qu’il ne mérite pas, et le regardent comme canonique (vol. 1, p. 215).

 

Sonnerat expose une forgerie apostolique et en cela prend part à un mouvement de transition épistémologique au sein duquel les missionnaires sont peu à peu remplacés par les administrateurs coloniaux britanniques comme nouveaux détenteurs du savoir orientaliste en Inde. En quelque sorte, l’Ezour Védam devient le symbole d’une entreprise de dé-crédibilisation plus générale du travail savant des missionnaires. L’implication du missionnaire carmélite Paulinus a Sancto Bartholomaeo dans la controverse est un cas à part et justement révélateur de cette transition. Comme l’indique Ines Zupanov (2009), les ambitions de Paulinus en Inde étaient doubles. Il avait à la fois une mission apostolique et des ambitions orientalistes. Ici, c’est en tant qu’orientaliste et non en tant que missionnaire que Paulinus attaque l’Ezour Védam. En effet, à la fois dans son Systema brahmanicum en 1791 (p. 315-317) et dans son récit de voyage publié en italien en 1796, Paulinus reprend les arguments de Sonnerat contre les missionnaires jésuites de Machilipatnam et contre Voltaire. Ce choix de casquette – l’orientaliste plutôt que le missionnaire – est significatif du tournant pris dans le domaine des études orientalistes en cette fin de XVIIIe siècle.

Ceux qui continuent à défendre la valeur scientifique de l’Ezour Védam semblent appartenir au passé. Sainte-Croix aurait, selon Sylvestre de Sacy dans son Catalogue des livres de la bibliothèque de… Sainte-Croix (p. xiii), préparé une réponse à Paulinus qu’il n’a jamais publiée. De même, Anquetil-Duperron attaque directement Sonnerat dans sa traduction des Oupnek’hat (vol. 1, p. xviii et p. 120) et dans ses notes pour la traduction en français du Voyage aux Indes orientales de Paulinus a Sancto Bartholomaeo. Cependant, la figure d’Anquetil est elle-même controversée à l’époque et une large partie de la communauté orientaliste, inspirée par Sir William Jones, doute fortement de la qualité scientifique de son travail et considère le Zend Avesta comme un faux.

En 1784, Gottfried Less prétend avoir détecté des preuves de contrefaçon avant Sonnerat. Il s’étonne des ressemblances entre l’Ezour Védam et la Bible, de la juxtaposition de principes théologiques premiers avec les pires superstitions, et du style de l’écriture qu’il juge proche du style français (p. 416-424). August Hennings assure, en 1786, que plus personne ne croit en l’authenticité du manuscrit publié par Sainte-Croix (« ein Vorwurf der ihn selbst in seiner ganzen Stârke trift, da ist fast niemand mehr an die Rechtsheit des Ezurvedams glaubt, die er fur wahr ausgiebt », p. 373).

Enfin, la troisième phase de la controverse débute au début des années 1820 lorsque Sir Alexander Johnston découvre dans la bibliothèque des missions catholiques de Pondichéry un nouveau manuscrit de l’Ezour Védam et un ensemble de textes similaires qu’il remet ensuite à Francis Whyte Ellis. Le récit de cette découverte par Johnston apparaît dans le Oriental Herald de 1827 et l’analyse du corpus par Ellis est publiée de manière posthume dans le quatorzième volume des Asiatic Researches (1822). Ellis prouve dans cet article qu’il ne s’agit pas d’un texte védique mais d’une œuvre écrite en 1621 par le jésuite italien de la mission du Madurai, Roberto de Nobili. En effet, ce dernier est connu pour avoir mis au point la technique de l’accomodatio pour la conversion des peuples « idolâtres ». Cette technique nécessitait la maîtrise des langues indiennes et des textes sacrés indiens afin de pouvoir les adapter aux dogmes chrétiens et convaincre les couches supérieures de la société indienne, en l’occurrence les brahmanes, de la supériorité du christianisme. Cette technique repose donc sur une rhétorique mêlant parallèles et hiérarchisations. Dans cette dissertation, Ellis décrit huit manuscrits du même type que l’Ezour Védam, appelés « pseudo-Védas », retrouvés dans la bibliothèque des missionnaires jésuites de Pondichéry, et ayant dans l’entreprise de conversion par accomodatio. Il précise que ces manuscrits sont recopiés en version bilingue avec le texte en sanskrit écrit en caractères romains et le texte en traduction française sur la page opposée.

À partir de cette date, plus aucun auteur ne défend l’authenticité de l’Ezour Védam. Il est classé parmi les « pseudo-Védas » traduits du sanskrit, du tamil ou du bengali vers le français. De manière générale, les orientalistes du XIXe siècle accusent Voltaire et présentent l’ouvrage comme une contrefaçon littéraire (voir Rocher, p. 23-27), tandis que les missionnaires ont tendance à souligner les connaissances requises pour la production de ce genre de contrefaçons. Ainsi, en 1838, John Muir adresse une lettre à la rédaction du Calcutta Christian Observer, les invitant à reconsidérer la valeur des « pseudo-Védas ». Il pense que ces textes, une fois expurgés des références trop explicites au catholicisme, pourraient être utiles aux missionnaires. Il invite donc à exhumer et utiliser les originaux en langue indienne. Dix ans plus tard, il renouvelle cette demande dans une lettre lue le 2 février 1848 aux membres de la Société Asiatique du Bengale et dans laquelle il insiste sur la nécessité de se procurer l’original sanskrit de l’Ezour Védam qu’il nomme le « pseudo-Yajur-Veda ».

La requête de Muir n’a jamais pu être honorée car, selon la conclusion des travaux de Ludo Rocher, il n’existe pas d’original de l’Ezour Védam en langue indienne. L’Ezour Védam n’a jamais été traduit d’une langue indienne vers le français mais a été rédigé directement en français. Rocher explique que, dans le cas de tous les « pseudo-Védas », y compris l’Ezour Védam, nous possédons le texte complet en français et une partie du texte en sanskrit pour les « pseudo-Védas » uniquement. Rocher remarque que les « pseudo-Védas » en sanskrit sont annotés dans les marges et entre les lignes pour apporter des modifications au texte. Ceci indiquerait, selon lui, une traduction en cours. Rocher en conclut que tous les « pseudo-Védas » ont d’abord été écrits en français puis en partie traduits en sanskrit, sauf dans le cas de l’Ezour Védam. Enfin, Rocher revient sur l’interprétation du terme « Ezour Védam ». Il ne correspond pas au « Yajurveda » de Muir et n’est donc pas l’un des quatre Védas fondateurs de l’hindouisme. Rocher rappelle d’une part que le terme de Véda ne signifie pas seulement texte sacré de l’hindouisme mais de toute religion, comme le reflète le terme « Vetam » en Tamil qui fait référence aussi bien aux Védas qu’aux textes sacrés du jaïnisme ou à la Bible. Ezour serait le résultat d’une liaison phonétique en tamil entre un [ya] et un [e] initial et donc une transformation du terme Y-ezous, ou « Jésus » selon la prononciation des jésuites de l’époque.

Enjeux

Enjeux

• Crédibilité du champ des études orientalistes. Dans un contexte où peu de savants en Europe maîtrisent les langues indiennes, le doute s’installe souvent quant à l’authenticité des manuscrits rapportés. Les orientalistes, qu’ils soient missionnaires, voyageurs naturalistes, ou administrateurs coloniaux de profession, sont accusés de produire des faux, à des fins apostoliques, idéologiques, et parfois tout simplement carriéristes, ou d’avoir été dupés par les savants locaux qui leur vendent des faux (voir la querelle du Zend Avesta). L’enjeu est triple, à la fois scientifique, religieux et idéologique, et l’on comprend que ces textes n’étaient pas l’objet de simples débats mais bien de controverses car ils touchaient et pouvaient ébranler des institutions encore aussi puissantes que le clergé, des professions, comme les études orientalistes, des individus et leur carrière, et même une certaine vision du monde européo-centrée, en faisant reculer dans le temps l’âge du monde et en intégrant des peuples longtemps considérés comme païens au sein des grandes civilisations monothéistes.

• Tournant épistémologique dans les études orientalistes, avec le passage d’un orientalisme missionnaire à un orientalisme colonial. Deux événements historiques expliquent ce changement : d’une part, la dissolution de la Compagnie de Jésus en 1773 ce qui implique la fermeture des missions en Inde et, d’autre part, la mise en place d’une administration coloniale britannique en Inde du nord et du sud dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les nouveaux orientalistes, qui sont également les nouveaux administrateurs de l’Inde, ont tendance à rejeter, ignorer, ou dénigrer le travail de leurs prédécesseurs missionnaires qu’ils jugent manquer d’objectivité et être trompé par l’objectif de conversion qui étaient le leur. Qu’eux-mêmes aient pu être guidés dans leur recherche par les besoins de la cause coloniale qu’ils servaient ne semble pas les avoir perturbés et ils insistent d’ailleurs systématiquement pour dissocier leurs deux activités : il y a le temps du travail accordé à la compagnie, et il y a le temps du repos accordé aux études savantes. Cette distinction dénote une approche apparemment dilettante du savoir. L’Ezour Védam permet aux nouveaux orientalistes de la génération de Sir William Jones de cristalliser la rupture avec l’orientaliste missionnaire. À la différence des missionnaires, les nouveaux orientalistes vont publier leurs travaux afin d’attirer un plus large public. Le travail des missionnaires avait une application bien plus locale. Les objectifs changent également : le monothéisme indien ne prouve plus que les Indiens sont prêts à la conversion mais prêts à la colonisation, puisqu’ils partagent déjà les mêmes origines indo-européenne et monothéiste.

Chronologie

Chronologie

Première phase (1731-1782) : L’Ezour Védam authentique

1731 : L’Ezour Védam arrive en France. Il est envoyé par l’abbé Bazin et est destiné à la bibliothèque du roi.

1760, Oct./Nov. : Le Chevalier de Maudave, de retour d’Inde, rend visite à Voltaire et lui offre sa copie de l’Ezour Védam. Le texte est présenté à Voltaire comme un extrait du Véda traduit en français par le père Martin, ancien missionnaire jésuite de Pondichéry. Maudave exprime des doutes quant à la qualité de la traduction du père Martin

1761, été : Voltaire a lu le manuscrit remis par Maudave et prépare un nouveau chapitre intitulé « Des Bracmanes, du Védam, et de l’Ezourvedam » pour la deuxième édition de l’Essai sur les mœurs.

1761, 14 août : Voltaire offre le manuscrit remis par Maudave à la Bibliothèque royale en ayant préalablement fait réaliser une copie de manuscrit.

1762, 15 juin puis 14 décembre : le neveu de Voltaire, l’abbé Vincent Mignot, mentionne l’Ezour Védam dans deux des cinq discours qu’il donne à l’Académie royale des inscriptions et belles lettres. Il ne doute pas de l’authenticité du texte et indique que son auteur devait appartenir à la secte des « gnagnigöl » ou « Ganigueuls », considérés par les missionnaires en Inde comme les descendants des anciens Brahmanes pratiquant une forme de religion monothéiste.

1766, 27 août : Anquetil-Duperron reçoit la visite de Court de Gebelin qui l’informe qu’une nouvelle copie de l’Ezour Védam est arrivée en France. Elle appartenait à Mr Barthelémy, du conseil municipal de Pondichéry, et avait été rapportée par M. Tessier, son neveu, suite au décès de ce dernier. Anquetil obtient une copie de la copie et le réutilise dans sa traduction du livre sacré des Mazdéens, le Zend Avesta, en 1771.

1767 : parution des Homélies prononcées à Londres et de La défense de mon oncle par Voltaire. Ce dernier ne présente plus l’Ezour Védam comme l’un des quatre Védas mais il préfère employer le terme de « commentaire » des Védas.

1771 : Anquetil-Duperron publie sa traduction du livre sacré des Mazdéens, le Zend Avesta. Anquetil mentionne l’Ezour Védam et ne doute pas de l’authenticité du manuscrit en sa possession. Il confirme également la thèse de Mignot selon laquelle Chumontou serait « de ces Indiens nommés Guanigueuls » (vol. 1, p. lxxxv). Anquetil émet néanmoins des doutes quant à la qualité de la traduction.

1778 : L’Ezour Védam est publié par Sainte-Croix. La page de titre indique qu’il s’agit d’un « ancien commentaire du Vedam », qu’il a été traduit du sanscrit par un brahmane et « revu et publié avec des observations préliminaires, des notes et des éclaircissements ». Dans les « Observations Préliminaires », Sainte-Croix reprend la thèse de l’auteur « Ganigueul ». Cependant, l’éditeur modifie la présentation de l’ouvrage telle qu’elle avait été fournie par Voltaire en deux aspects : il le classe dans la catégorie philosophie, et non théologie, et en récuse l’antiquité.

1778 : mort de Voltaire.

Deuxième phase (1782-1822) : L’Ezour Védam Factice

1782 : Sonnerat déclare que l’Ezour Védam n’est pas un commentaire védique mais qu’il s’agit de l’œuvre d’un missionnaire chrétien de Masulipatam.

1784 : Gottfried Less cherche des preuves de contrefaçon et les trouve au niveau des ressemblances entre l’Ezour Védam et la Bible et du style de l’écriture, qu’il juge très français.

1786 : August Hennings assure qu’ « aujourd’hui plus personne ne croit en l’authenticité de l’Ezurvedam ».

1791 : attaque du missionnaire carmélite Paulinus a Sancto Bartholomaeo contre Voltaire.

1802 : Anquetil-Duperron publie sa traduction des Upanishads dans laquelle il défend l’authenticité de l’Ezour Védam. Anquetil doit être, en Europe, l’un des derniers à le faire.

Troisième phase (1822-1984) : Voltaire Faussaire et Découverte des Pseudo-Védas

1822 : publication posthume de l’article de Francis Whyte Ellis sur les manuscrits en dépôt dans la bibliothèque des missionnaires jésuites de Pondichéry. Ellis prouve dans cet article qu’il ne s’agit pas d’un texte védique mais de l’œuvre du missionnaire jésuite Roberto de Nobili écrite en 1621 à des fins de conversion. Ellis visite la bibliothèque des capucins et découvre les « pseudo-Védas ». Il considère l’Ezour Védam et les autres « pseudo-Védas » comme de dangereuses contrefaçons qui avaient pour but d’ébranler la religion hindouiste sans pour autant réussir à le substituer par le christianisme (281).

1824 : Schlegel excuse l’erreur de Voltaire ; en revanche, il est plus dur envers Anquetil qui, lui, avait vécu longtemps en Inde et travaillait en tant qu’indianiste (56).

1831 : reproche très dur du missionnaire William Hodge Mill envers Anquetil ; Mill distingue son travail de celui des auteurs des « pseudo-Védas » et juge qu’il a manqué de connaissance et d’honnêteté intellectuelle (iv-v).

1838 : lettre de John Muir à la rédaction du Calcutta Christian Observer, les invitant à reconsidérer la valeur apostolique des « pseudo-Védas » et à utiliser les originaux en langue indienne.

1848, 2 février : John Muir renouvelle sa demande dans une lettre lue à la Société Asiatique du Bengale. Il invite les membres de la Société à se procurer l’original sanscrit de l’Ezour Védam qu’il nomme le « pseudo-Yajur-Veda ».

1848 : l’abbé Bach reconnaît la valeur apostolique de l’Ezour Védam (67).

1859 : Max Müller considère l’Ezour Védam comme une grossière contrefaçon (5).

1891 : le jésuite Joseph Dahlmann s’enthousiasme encore du travail monumental entrepris par ses coreligionnaires dans l’Ezour Védam (20).

1918 : le professeur de sanskrit à l’université d’Utrecht, Willem Caland, considère que l’Ezour Védam est une « pieuse » contrefaçon.

1922 : le jésuite Pinard de la Boullaye dénigre Voltaire (213).

1923 : Julien Vinson déclare que l’Ezour Védam est pure fraude intellectuelle et que l’ouvrage ne vaut plus la peine que des savants s’y intéressent (172).

1931 : Joseph Mansion de l’université de Liège loue le « zèle apostolique » contenu dans l’ouvrage (20n1)

1934 : Raymond Schwab déclare que Voltaire « avait donné aveuglément dans la supercherie, celle là éclatante, de l’Ezour Védam » (97).

1935 : Castets reproche à Voltaire sa fausse « assurance scientifique » et sa « parade de vaste érudition » (3).

Quatrième phase (1984-) : Fin de la Controverse et Ajouts

1984 : Ludo Rocher prouve que l’original sanscrit n’a jamais existé ; il propose également une nouvelle interprétation du titre Ezour Védam : le terme Ezour serait le résultat d’une liaison phonétique en tamil entre un [ya] initial et un [e] et donc une transformation du terme Y-ezous, ou « Jésus » selon la prononciation des jésuites de l’époque.

2008 : Jean Calmette est considéré comme l’auteur principal de l’Ezour Védam mais Marie Fourcade et Ines Zupanov insistent sur le fait que ces récits chrétiens en sanskrit ou en langues vernaculaires sont rédigés à plusieurs mains et par plusieurs générations de jésuites.

2010 : Urs App propose de dé-stigmatiser Voltaire. Il n’est ni totalement dupe ni totalement malveillant mais plutôt pragmatique dans l’usage idéologique et philosophique qu’il a pu faire de l’Ezour Védam.

Noms propres

Noms propres

Références

Références

Corpus

Manuscrits :

• (V) La copie de l’Ezour Védam ayant appartenu à Voltaire : « NAF 452. L’Ézour-Védam, ou ancien commentaire du Védam, traduit... par un brame de Bénarès, ... apporté en France par M. de Modave en 1759, donné par luy à Mr de Voltaire en 1760, et envoyé à la Bibliothèque du Roy, de Ferney, 14 aoust 1761 », in Catalogue général des manuscrits français. Nouvelles acquisitions françaises I (n° 1 à 3060), par Henri Omont. Paris, Ernest Leroux, éditeur, 1899.

 

N.B : Contient une « Notice sur le Zozur Bedo et sur sa traduction par Mr Court de Gebelin » sur 4 feuillets joints à ce manuscrit. Court de Gébelin est le ministre du culte protestan qui avait apporté une copie de l’Ezour Védam à Anquetil.

 

• (A) La copie de l’Ezour Védam ayant appartenu à Anquetil-Duperron : « NAF 8876. XX. L’Ezour-Védam, ou ancien commentaire du Vedam, traduit du samskrétam par un brame de Bénarès,... à la Bibl. du Roy, ms. indien n° 40 », in Catalogue général des manuscrits français. Nouvelles acquisitions françaises III (n° 6501 à 10000), par Henri Omont. Paris, Ernest Leroux, éditeur, 1900.

 

• (H) La copie de l’Ezour Védam ayant appartenu à la famille Harlay : « Français 19117. “Zozur Bedo” ; traduction française du Yadjour Véda, 4e livre des Védas. Saint-Germain, Harley 515 », in Catalogue général des manuscrits français. Ancien Saint-Germain français III (n° 18677 à 20064 du fonds français), par Henri Omont, C. Couderc, L. Auvray et Ch. de La Roncière, Paris, Ernest Leroux, éditeur, 1900.

 

La découverte de la copie (H) de l’Ezour Védam est faite par Ludo Rocher (1984, p. 85-86). Elle est plus complète que (V) et (A).

 

Publications :

• Anquetil-Duperron, Abraham Hyacinthe, « Discours Préliminaire », in Zend Avasta, Paris, 1771.

• —— Oupnek’hat, id est, Secretum tegendum... continens... doctrinam e quatuor sacris Indorum libris... excerptam... Paris, 1801-1802.

• Bach, Julien, « Notice sur l’Ezour-Védam et sur les autres Pseudo-Védas », in Annales de philosophie chrétienne, 19e année, 3e série, vol.18, p. 59-67.

• Besterman, Theodore, (éd.), Voltaire’s Correspondence, Genève, Institut et Musée Voltaire, 1953-1965.

 

Lettres citées :

Date

Vol. p.

Auteur/destinataire

8527

8 oct. 1760

44.17

À d’Alembert

8713

21 oct. 1760

44.254

À Michel Ange André Le Roux Deshauterayes

8868

22 fév. 1761

45.168

Au comte Francesco Algarotti

8870

24 fév. 1761

45.170

À François Achard Joumard Tison, marquis d’Argence

9107

13 juil. 1761

46.177

À Jean Capperonnier

9183

25 août 1761

46.283

À Jacob Vernes

9234

16 sept. 1761

47.40-41

À Vichy de Chamrond

9262

1 oct. 1761

47. 72

À Jacob Vernes

13667

8 déc. 1767

67.217

À Peacock

 

• Dow, Alexander, « A Dissertation Concerning the Customs, Manners, Language, Religion and Philosophy of the Hindoos », in The History of Hindostan, 2 vols., London, printed for T. Becket and P. A. de Hondt, 1768, vol.1, xxi-lxix.

• Ellis, Francis Whyte, « Account of a Discovery of a modern imitation of the Viedas, with Remarks on the Genuine Works », in Asiatic Researches, vol. 14, London, printed for J. Sewell et al, 1822, p. 1-49.

• Hennings, Augustus, Versuch einer ostindischen Litteratur-Geschichte nebst einer kritischen Beurtheilung der Aechtheit der Zend-Bücher, Hamburg, 1786.

• Holwell, John Zephaniah, Interesting historical events, relative to the provinces of Bengal, and the Empire of Indostan… As also the mythology and cosmogony, fasts and festivals of the Gentoo’s, followers of the Shastah…, London, printed for T. Becket and P.A. De Hondt, 3 vols., 1765-1771.

• Less, Gottfried, Geschichte der Religion, [1784] 2e éd., Göttingen, Vandenhoeck, 1786.

• Mignot, Alexandre Jean Vincent, « Quatrième mémoire sur les anciens philosophes de l’Inde » et « Cinquième mémoire », in Mémoires de l’académie des inscriptions et belles lettres, Paris, Imp. Royale, 1717-1843, 51 vols., vol. 31, p. 212-262, p. 263-338. [lus respectivement le 15 juin et le 14 décembre 1762].

• Muir, John, [Letter to the Editors] Calcutta Christian Observer. Sept. 1838, p. 506-508.

• ——, [Letter to the Secreatries of the Asiatic Society of Bengal, dated Calcutta 20 Jan. 1848] Journal of the Asiatic Society of Bengal, 1848, vol .17, p. 163-164.

• Müller, Friedrich Max, A History of Ancient Sanskrit Literature, London, Williams and Norgate, 1859.

• Paulinus, a Sancto Bartholomaeo, Systema Brahmanicum, Rome, 1791.

• ——, Voyage aux Indes Orientales, par le p. Paulin de S. Barthelemy, missionnaire; traduit de l’italien ... avec les observations de MM. Anquetil du Perron, J. R. Forster et Silvestre de Sacy, Paris, chez Tourneisen fils, 1808, vol. 1, p. 170, vol. 3, p. 120-122. Initialement publié en italien en 1796, trad. allemande en 1798.

• Pinard de la Boullaye, H., L’Étude comparée des religions, vol. 1 : Son histoire dans le monde occidental, Paris, Gabriel Beauchesne, 1922.

• Rocher, Ludo (éd.), Ezourvedam: A French Veda of the Eighteenth Century, University of Pennsylvania Studies on South Asia 1, Amsterdam and Philadelphia, John Benjamins, 1984.

• Sainte Croix, baron de (éd.), L’Ezour-Védam, ou L’ancien commentaire du Védam. Tome 1, contenant l’exposition des opinions religieuses et philosophiques des Indiens, traduit du samscretan par un Brame, revu et publié avec des observations préliminaires, des notes et des éclaircissements. Yverdon, impr. de M. Felice, 1778, 2 vols.

• Schlegel, August Wilhelm, [Review of Asiatic Researches 14], in Indische Bibliothek, 1824, vol. 2, p. 50-56.

• Sonnerat, Pierre, Voyage aux Indes orientales et à la Chine, Paris, 1782.

• Vinson, Julien, « Notes sur l’Ezour-Védam », Journal Asiatique 203 (1923), p. 169-172.

• Voltaire, « Annales de l’Empire », in Œuvres complètes de Voltaire, éd. Louis Moland, 52 vol., vol. 13, vol. 24, Paris, Garnier, 1877-1885.

• —— « Aventure indienne traduite par l’ignorant (1766) », in Romans et Contes, éd. Frédéric Deloffre et Jacques van den Heuvel, Paris, Gallimard [Pléiade], 1979.

• —— « Le Blanc et le noir (1764) », in Romans et Contes, 1979.

• —— « La Défense de mon oncle (1767) », in Œuvres complètes de Voltaire, éd. Nicholas Cronk, Oxford, OCV, vol. 64, 1984.

• —— « Dialogue entre un brahmane et un jésuite sur la nécessité et l’enchaînement des choses », in Œuvres, vol. 32A, 2006.

• —— « Dictionnaire philosophique », in Œuvres, vol. 36, 1994.

• —— « Essai sur les mœurs et l’esprit des nations. Chap. 4. Des Bracmanes, du Védam, et de l’Ezourvedam ([2e éd.] 1761) », in Œuvres, vol. 22, 2009.

• —— « Fragments sur l’Inde et sur le général Lalli », in Œuvres, vol. 75B, 2009.

• —— « Histoire d’un bon brahmin (1761) », in Œuvres, vol. 49A, 2010.

• —— « Homélies prononcées à Londres (1767) », in Œuvres, vol. 62, 1987.

• —— « Lettres chinoises, indiennes et tartares (1775) », in Œuvres, éd. Louis Moland, vol. 29, 1877-1885, p. 506.

• —— « Lettres d’un Turc sur les Fakirs et sur son ami Bababec (1750) », in Œuvres, vol. 32A, 2006.

• —— « Le Philosophe ignorant (1766) », in Œuvres, vol. 62, 1987.

• —— « La Philosophie de l’histoire par feu l’abbé Bazin (1765) », in Œuvres, vol. 59, 1969.

• —— « La Princesse de Babylone (1768) », in Œuvres, vol. 66, 1999.

• —— « Le Taureau blanc (1774) », in Œuvres, vol. 74A, 2006.

• —— « Zadig, ou la destinée (1747) », in Œuvres, vol. 30B, 2004.

Sources secondaires

Manuscrits :

• « Fragmens copiés d’après les relations de M. de Maudave et ses lettres à M. de Voltaire », MS 1765 / Fol. 21, Musée d’Histoire Naturelle, Paris.

Publications :

• Dahlmann, Joseph, Die Sprachkunde und die Missionen. Ein Beitrag zur Charakteristik der älteren katholischen Missionsstätigket (1500-1800), Freiburg, Herder, 1891.

• Mansion, Joseph, Esquisse d’une histoire de la langue sanskrite, Paris, Geuthner, 1931.

• Mill, William Hodge, Christa-sangita, or The Sacred History of our Lord Jesus Christ, Calcutta, Bishop’s College, 1831.

• Sacy, Antoine Isaac Sylvestre de, Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Guilhem de Clarmont Lodève de Sainte-Croix, Paris, De Bure, 1809.  

Bibliographie critique

• App, Urs, The Birth of Orientalism, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2010, p. 372-407.

• Castets, J., L’Ezour védam de Voltaire et les pseudo-védams de Pondichery. Voltaire et la mystification de l’Ezour Védam. Découverte des pseudo-védas de Pondichéry, Pondichéry, Imprimerie moderne, 1935.

• Fourcade, Marie, et Zupanov, Inès, « Calmette, Jean », in Dictionnaire des orientalistes de langue française, éd. François Pouillon, Paris, Karthala, 2008, p. 170-171.

• Marshall, P. J., The British Discovery of Hinduism in the Eighteenth Century, Cambridge, CUP, 1970.

• Mohan, Jyoti, « La civilisation la plus antique : Voltaire’s Images of India », Journal of World History, 16, 2 (June 2005), p. 173-185.

• Murr, Sylvia (éd.), L’Inde philosophique entre Bossuet et Voltaire, Paris, EFEO, 1987.

• Rocher, Ludo (éd.), Ezourvedam: A French Veda of the Eighteenth Century, University of Pennsylvania Studies on South Asia 1, Amsterdam and Philadelphia, John Benjamins, 1984.

• Schwab, Raymond, La Renaissance orientale, Paris, Payot, 1950, p. 146, 168.

• —— Vie d’Anquetil-Duperron, Paris, Leroux, 1934, p. 97.

• Zupanov, Inès, « Orientalist Museum. Roman Missionary Collections and Prints (18th c.) », in Ancient and Modern, Religion, Power and Community, éd. Ishita Banerjee-Dube and Saurabh Dube, New Delhi, The Oxford University Press, 2009, p. 207-235.

Liens

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