Controverse de la fable des abeilles

Dates 1723 - 1732

Fiche rédigée par Sylvie Kleiman Lafon . Dernière mise à jour le 24 December 2014.

Synopsis

Synopsis

Il s’agit de la violente querelle déclanchée en 1723 par la publication d’une nouvelle édition augmentée de la Fable des abeilles de Bernard Mandeville. Cette édition, dite « seconde édition » comporte de nombreux ajouts, dont deux essais : An Essay on Charity and Charity Schools et A Search into the Nature of Society. L’édition de 1714 comportait déjà des textes qui auraient dû entraîner de violentes réactions, notamment l’Enquiry into the Origins of Moral Virtue et les « Remarques » dans lesquelles Mandeville développe certains thèmes évoqués dans la fable elle-même, comme le luxe ou l’honneur. Etrangement, si Mandeville avait déjà suscité la controverse avec cette première édition, celle-ci n’a laissé aucune trace écrite connue.

Sur fond de querelle électorale, le Grand Jury du Middlesex (composé de huit personnalitées choisies pour leurs sympathies Tory) déclanche la controverse en s’attaquant à la Fable des Abeilles. Pour W.A. Speck, Mandeville n’était pas la cible directe de cette première attaque, le jury visant en réalité John Trenchard qui, sous le nom de « Cato, » fit paraître entre 1720 et 1723 plus d’une centaine de lettres dénonçant la corruption et la tyrannie dans le London Journal et le British Journal. C’est une lettre du 15 juin 1723 — « Of Charity and Charity Schools » — qui déclanche la réaction du Grand Jury, qui attaque d’abord directement Trenchard, le 3 juillet. Le Grand Jury renouvelle ses accusations contre lui le 8 juillet, en attaquant cette fois Mandeville et l’essai sur les « Charity schools » qu’il vient de faire paraître dans la seconde édition de la Fable des Abeilles. Une décennie de querelle a suivi ce premier épisode, alimentée dès 1724 par la publication par Mandeville de A Modest Defence of Publick Stews. Speck distingue deux types de détracteurs : les théologiens et les moralistes d’une part, les philosophes empiristes d’autres part. Certains critiquent Mandeville pour sa définition du vice et de la vertu (et ce qu’ils perçoivent comme une apologie du vice) et défendent la charité comme acte purement désintéressé contre Mandeville qui affirme que toutes les actions désintéressées sont en réalité motivées par l’orgueil et que la plupart des bonnes actions sont le résultats d’aspirations critiquables. D’autres s’opposent à l’idée « conspirationiste » que les philosophes, les moralistes et la classe politique manipulent le peuple en lui inculquant des sentiments tels que l’honneur et la honte pour le pousser à brider son égoïsme naturel et à agir pour le bien commun. D’autres enfin, reprochent à Mandeville d’opposer les impératifs de l’économie à ceux de la morale chrétienne. Hutcheson reproche essentiellement à Mandeville d’agir lui-même par désir de reconnaissance publique et critique la vanité de son érudition superficielle. En dehors de l’accusation du Grand Jury et de la lettre adressée à Lord C. (vraisemblablement Lord John Carteret), l’attaque publiée par George Berkeley est apparemment la seule à laquelle Mandeville ait répondu directement et publiquement.

Enjeux

Enjeux

Au-delà du débat d’idée qui animera les adversaires de Mandeville, il s’agit avant tout pour les membres du Grand Jury et ceux qui les ont nommés de détourner les soupçons de jacobitisme qui pèsent sur eux et de souligner leur allégeance au roi George Ier en s’attaquant à un philosophe connu pour ses sympathies ‘Whigs’. La Fable des Abeilles n’échappa à la destruction et à la censure qu’à cause de l’amitié entre Mandeville et le Lord Chancelor d’alors : Lord Macclesfield. Pour Mandeville (comme pour Trenchard), sur la question spécifique des Charity Schools, il s’agit, entre autres, de s’attaquer aux aspirations politiques du clergé.

Chronologie

Chronologie

La chronologie suit la publication des différents textes concernés (voir corpus).

Noms propres

Noms propres

Références

Références

Corpus

• Trenchard, John « Of Charity and Charity Schools » Lettre parue dans le British Journal le 15 juin 1723.

• Mandeville, Bernard The Fable of the Bees, 1714, 2e éd. (Londres, J. Tonson, 1723).

• Presentment of the Grand Jury of Middlesex, (8 juillet) publié dans l’édition de l’Evening Post datée du 11 juillet 1723.

• Letter to Lord C., publiée sous la signature de Theophilus Philo-Britannus dans le London Journal du 27 juillet 1723.

• A Vindication of the Book from the aspersions contain’d in a presentment of the Grand Jury of Middlesex, and an abusive letter to Lord C., publiée par « The author of the Fable of the Bees » dans le London Journal du 10 août 1723, rajoutée ensuite en appendice à l’édition de 1724 de la fable des Abeilles et dans les éditions subséquentes.

• Burrow, Robert, Civil Society and Governement Vindicated from the Charge of Being Founded on, and Preserved by, Dishonest Arts : in a Sermon Preached before the Right Honourable the Lord Mayor. At the Guild Hall Chapel, on Septembre 28, 1723 (Londres, J. et B. Clark, 1723).

• Mandeville, Bernard, A Modest Defence of Publick Stews (Londres A. Moore, 1724).

• Law, William, Remarks on a late Book entituled The Fable of the Bees, or Private Vices, Publick Benefits in a Letter to the Author to which is Added a Postscript Containing an Observation or Two upon Mr. Bayle (Londres, W et J. Innys, 1724). Réédité trois fois au cours des trois années suivantes, puis réimprimé en 1762 et 1780.

• Fiddes, Richard A general Treatise of Morality Formed upon the Principles of reason Only, with a Preface in Answer to two Essays Lately Published in the Fable of the Bees (Londres, S. Billingsley, 1724).

• Dennis, John Vice and Luxury Publick Mischiefs : or Remarks on a Book Intituled the Fable of the Bees or, Private Vices Publick Benefits (Londres, W. Wears, 1724).

• The Weekly Journal or Saturday Post, 8 août 1724.

• Bluet, George An Enquiry Whether a General Practice of Virtue tends to the Wealth and Poverty, Benefit or Disadvantage of a People ?In which the pleas offered by the author of the Fable of the Bees, or Private Vices Publick Benefits, for the usefulness of vice and roguery are considered. With some thoughts concerning a toleration of publick stews. (Londres, R. Wilkin, 1725).

• Hendley, William A Defence of Charity Schools (Londres, W. Mears, 1725).

• Hutcheson, « Letters to Hibernicus » (signées P.M.) Dublin Weekly Journal, 4, 12 et 19 février 1726.

• Thorold, John A Short examination of the Notions Advanced in a late Book Intituled The Fable of the Bees or Private Vices, Publick Benefits (Londres, W. Strangley, 1726).

• The True Meaning of the Fable of the Bees in a Letter to the Author of a Book Entitled An Enquiry Whether (…) Shewing that he has Manifestly Mistaken the True Meaning of the Fable of the Bees in His Rejection of that Book (Londres, W. et J. Innys, 1726).

• « Crato, » Lettre publiée dans Reads Weekly Journal or British Gazetteer du 27 mars 1731.

• Berkeley, George, Alciphron :or the Minute Philosopher, in seven Dialogues (Londres, J. Tonson, 1732).

• Mandeville, Bernard, A Letter to Dion, Occasion’d by his Book Call’d Alciphron, or the Minute Philosopher (Londres, J. Roberts, 1732).

Bibliographie critique

• Kaye, F. B. (éd.) The Fable of the Bees, 2 vols. (Oxford, Clarendon, 1929).

• Stafford, J. M. Private Vices, Publick Benefits : the Contemporary Reception of Bernard Mandeville (Solihull, Ismeron, 1997).

• Haakonssen, Knud (éd.) The Cambridge History of Eighteenth Century Philosophy, vol. 2 (Cambridge, CUP, 2006).

• Speck, W. A. « Bernard Mandeville and the Middlesex Grand-Jury » Eighteenth Century Studies, vol. 11, n°3 (printemps 1978), p. 362-374.

• Goldsmith, M. M. « Public Virtues and Private Vices : Bernard Mandeville and English Political Ideologies in the Early xviiith Century » ECS, vol. 9, n°4 (été 1976), p. 477-510.

• Mitchell, Annie « Character of an Independant Whig, ‘Cato’ and Bernard Mandeville » History of European Ideas 29 (2003), p. 291-311.

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