Dispute de Lausanne

Dates

1536

Titre(s) endogène(s)

La Disputation de Lausanne (Les chanoines de Lausanne, Actes, éd. Piaget, p. 25)

Autre(s) titre(s)

La Dispute de Lausanne (Eric Junod, Arthur Piaget, Charles Subilia, et passim)

Fiche rédigée par Mathilde Bernard . Dernière mise à jour le 24 December 2014.

Synopsis

Synopsis

Au début de l’année 1536, les Bernois conquièrent le pays de Vaud savoyard. Les villes se soumettent à condition qu’on ne les contraigne pas à changer de religion. Cette demande est acceptée mais en échange de cette apparente concession, il est précisé que l’Évangile pourra être prêché partout. Les nouveaux sujets ne sont pas prêts cependant à se laisser endoctriner sans résistance et c’est dans ce contexte que le conseil de Berne convoque les principaux réformateurs de l’époque à la dispute de Lausanne, en octobre 1536. Ces derniers doivent se mesurer en public aux prêtres qui les considèrent comme des hérétiques.

Malgré leur opposition manifeste, les catholiques sont contraints de se rendre à Lausanne et la dispute, qui devait débuter le 1er octobre, commence le lundi 02 octobre.

Les réformés remportent une première victoire à la lecture de la première thèse de Farel, sur la justification par la foi, que nul n’a réfutée quand ce dernier l’a soutenue point par point.

Pierre Viret défend le mardi 03 octobre la deuxième thèse, sur l’absence de médiateurs autres que le Christ. Un laïc, maître Claude, dit « Blancherose », s’y oppose, entraînant à sa suite plusieurs catholiques. Mais les réformateurs ont le dernier mot.

Le débat se porte ensuite, les mercredi 04 et jeudi 05 octobre, sur le sens de la messe. À l’issue d’âpres échanges, le franciscain Jean Tandy confesse son erreur et se dépouille de son habit de religieux.

Puis le vendredi 06 est consacré aux échanges sur le pape et sur les sacrements. Blancherose à nouveau s’oppose à Viret. Lorsqu’il s’agit d’attaquer les réformés sur leur conception du vrai ministère de l’Évangile, le laïc catholique s’avoue vaincu. Il ne réplique pas plus à l’exposé de la sixième thèse sur la vraie confession et de la septième sur le vrai culte, en esprit et en vérité.

Les réflexions du samedi 07 octobre portent sur la question du magistrat civil et du mariage. À nouveau, Farel sort vainqueur de sa confrontation avec Blancherose.

Le dimanche 08 octobre, Viret développe la thèse selon laquelle le Chrétien est libre d’observer les jeûnes. Blancherose finit par quitter l’assemblée.

Peu après cette victoire éclatante des réformés, le 19 octobre, le conseil de Berne adresse un mandement à ses sujets du pays de Vaud, stipulant que le catholicisme y serait aboli. Le 24 décembre 1536, l’édit de Réformation entérine cette décision.

Enjeux

Enjeux

Cette dispute ne se déroule pas sur le sol français, mais elle a lieu en langue française, et elle a une influence non négligeable sur l’Europe. C’est un tournant de l’histoire de la Réforme francophone et un chef d’œuvre de discours théologique polémique.

Quand la dispute débute, Lefèvre d’Étaples et Érasme viennent de mourir et les catholiques de leur côté s’apprêtent à reconstruire une unité menacée depuis une vingtaine d’années : le pape Paul III a déjà convoqué le concile de Mantoue, qui deviendra le concile de Trente. Calvin, qui vient de faire paraître à Bâle l’Institution chrétienne, entend bien quant à lui devenir le chef de la Réforme genevoise et réorganiser la théologie protestante. S’il parle peu lors de la dispute, ses interventions sont brillantes ; par ailleurs, Viret et Farel se font ses porte-parole. L’enjeu de la querelle est ainsi de taille sur l’échiquier qui oppose les catholiques aux protestants, comme sur celui qui oppose les diverses tendances du protestantisme. La suprématie de la doctrine calviniste s’impose sur celle de la doctrine zwinglienne. (voir Georges Bavaud, La Dispute de Lausanne, op. cit.).

Cette dispute semble également intéressante car elle est typique du mode de controverse impulsé dans les années 1520 par le monde protestant pour conquérir de nouveaux territoires aux idées de la Réforme. Elle fait suite à la dispute de Zurich, de 1523 et à celle de Berne, de 1528. Ce type d’échanges polémiques, instauré par Zwingli, est nouveau (voir Éric Junod, « De la conquête du Pays de Vaud à la Dispute de Lausanne », La Dispute de Lausanne 1536 : la théologie réformée après Zwingli et avant Calvin, op. cit., p. 18) notamment parce que la dispute, publique, en langue vulgaire, s’adresse désormais également à un peuple qu’il s’agit de convaincre, de convertir. Son issue est concrète et conduit à une Réforme théologique du territoire.

Par ailleurs (voir Éric Junod, art. cit., p. 20-21), il semble que, en 1536, on soit face à un type de dispute tout à fait extraordinaire, dans la mesure où elle est absolument contrainte pour une partie. Les catholiques, forcés par le conseil de Berne de venir à l’événement, auraient alors décidé d’opposer aux protestants une résistance passive en refusant de répondre, stratégie pensée pour discréditer les réformateurs, mais qui aurait échoué en raison de la présence de laïcs dans l’assemblée. Cette dispute nous incite donc à la plus grande vigilance sur la question de la situation d’énonciation.

Elle permet enfin d’étudier la force de la rhétorique des réformateurs genevois dans le domaine polémique, indissociable de la question stratégique. L’étude de la correspondance pourra nous amener à mieux comprendre l’importance des réseaux dans la préparation de la dispute.

Chronologie

Chronologie

• 1536/10/01 : début officiel de la dispute

• 1536/10/02 : début réel de la dispute. Thèse exposée par Farel : La Sainte Écriture n’enseigne pas d’autre manière d’être justifié que par la foi en Jésus Christ. Victoire.

• 1536/10/03-04 : exposition de la deuxième thèse par Viret : L’Écriture reconnaît Jésus Christ comme le seul vrai chef, souverain sacrificateur, médiateur et avocat de son Église. Opposition de Blancherose, victoire de Viret. Probation de la troisième thèse par Viret : « La Sainte Écriture appelle Église de Dieu tous ceux qui croient qu’ils sont rachetés par le seul sang de Jésus-Christ ; qui constamment, sans vaciller, croient, se fondent et s’appuient sur la parole du Christ seul, lequel retiré de nous quant à la présence corporelle remplit, soutient, gouverne et vivifie toutes choses par la puissance de son Saint-Esprit ».

• 1536/10/05 : victoire spectaculaire des Réformés. Jean Tandy quitte l’habit.

• 1536/10/06 : lecture de la quatrième thèse par Christophe Fabri : « Cette Église, il est vrai, est connue de Dieu seul ; toutefois elle a ses cérémonies ordonnées par Christ, par lesquelles elle est vue et connue, c’est assavoir le Baptême et la Cène du Seigneur ; on les appelle sacrements, parce qu’elles sont symboles et signes des choses secrètes, c’est-à-dire de la grâce divine ». Lecture de la cinquième thèse par Farel : « Cette Église aussi ne reconnaît d’autre ministre que celui qui prêche la Parole de Dieu et administre les sacrements. Absence de débat. Lecture de la sixième thèse (« la même Église n’admet d’autre confession que celle qui est faite à Dieu ») et de la septième thèse contre le culte des images, par Viret. Absence de débat.

• 1536/10/07 : débats sur la huitième thèse, à propos du pouvoir du magistrat civil. Exposition de la neuvième thèse par Farel, selon laquelle le mariage est permis aux prêtres.

• 1536/10/08 : exposition de la dixième thèse par Viret : le chrétien est libre d’observer les jeûnes. Victoire des Réformés.

Noms propres

Noms propres

Références

Références

Corpus

Les Actes de la dispute de Lausanne 1536, manuscrit de Berne (conservé à la Stadtbibliothek de Berne, cote Hist. helv., III, 139 olim III, 42)

Bibliographie critique

• Piaget, Arthur (éd.), Les Actes de la dispute de Lausanne 1536, publiés intégralement d’après le manuscrit de Berne, in Mémoires de l’Université de Neuchâtel, vi, 1928.

• Herminjard, Aimé-Louis, Correspondance des Réformateurs dans les pays de langue française, recueillie et publiée avec d’autres lettres relatives à la Réforme et des notes historiques et biographiques par A.-L. Herminjard, Genève, H. Georg / Paris, Michel Levy, tome 4, 1872.

• Subilia, Charles, La Dispute de Lausanne, une page de l’histoire de la Réformation dans le pays de Vaud, Lausanne, 1885.

• La Dispute de Lausanne, textes choisis et adaptés par René deluz avec une introduction historique par Henri meylan, Lausanne, 1936.

• Bavaud, Georges, La Dispute de Lausanne (1536). Une étape doctrinale des réformateurs romands, Fribourg, Studia Friburgensia, n°14, 1956.

• Junod, Éric (dir.), La Dispute de Lausanne 1536. La théologie réformée après Zwingli et avant Calvin, Lausanne, Bibliothèque historique vaudoise, n°90, 1988.

• Higman, Francis, « La dispute de Lausanne, carrefour de la Réformation française », texte de la conférence publique prononcée à la cathédrale de Lausanne le 29 septembre 1986, dans Travaux d'humanisme et de Renaissance, n°CCCXXVI (« Lire et découvrir. La circulation des idées au temps de la Réforme »), Genève, Droz, 1998, p. 605-618.

• Moeller, Bernd, « Zwinglis Disputationen. Studien zu den Anfµängen der Kirchenbildung und des Synodalwesens im Protestantismus », ZSRG.K 87 (1970), p. 275-324 (1974), p. 213-364.

Liens

Liens

Liens vers d'autres querelles associées

Zurich (dispute de)

Berne (dispute de)

Eucharistie (controverse sur l')

Liens utiles

Lien vers la Correspondance des Réformateurs, de Herminjard : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75766g