Querelle de la parodie

Dates

1723

Titre(s) endogène(s)

Querelle de la parodie (d’après l’entrée « Parodie », Irailh, Les Querelles littéraires)

Fiche rédigée par Jeanne-Marie Hostiou . Dernière mise à jour le 24 December 2014.

Synopsis

Synopsis

La querelle de la parodie se déclenche en 1723 autour de la création d’Inès de Castro, tragédie d’Houdar de La Motte, et de sa parodie par Legrand et Biancolelli, Agnès de Chaillot. Cette querelle oppose notamment deux hommes, La Motte et Fuzelier, dont l’animosité remonte au moins à l’année 1719, date à laquelle Fuzelier et Legrand avaient connu le succès avec Momus fabuliste, qui prenait notamment pour cible les Fables de La Motte (lors des deux premières éditions de sa pièce, en 1719 et 1720, Fuzelier avait entrepris de défendre le genre parodique).

Le 6 avril 1723, la tragédie d’Inès de Castro de La Motte est créée à la Comédie-Française. Elle rencontre un succès considérable. En réaction à ce succès, elle s’attire aussi de nombreuses critiques : la pièce donne lieu à quatre parodies (Gevrey, p. 305), dont l’une rencontre un succès considérable, Agnès de Chaillot, parodie de Legrand et Biancolelli créée le 27 juillet 1723 sur les théâtres de Italiens insallés à la Foire Saint-Laurent. Cette parodie sera jouée entre 1723 et 1726, et reprise entre 1731 et 1736 (sur la scène du théâtre de l’Hôtel de Bourgogne).

À cette date (en 1723), l’œuvre dramatique de La Motte a déjà été parodiée de nombreuses fois, et cet auteur entretient un rapport ambigu avec ce genre qu’il a souvent pratiqué par le passé. Cette fois pourtant, il réagit contre ses détracteurs, par la voie d’une brève préface dont il fait précéder l’édition de sa pièce : il concède avoir ri à cette critique ; souligne l’honneur qu’on lui a fait avec cette parodie (« le même honneur que Scarron a fait à Virgile ») ; note enfin, avec une certaine condescendance, qu’un tel ouvrage parodique peut se contenter d’être « plaisant », par opposition aux véritables critiques qui se doivent « d’avoir raison ».

L’abbé Desfontaines est le premier à réagir à cette préface. Dans le quatrième des Paradoxes littéraires au sujet de la tragédie d’Inès de Castro, il commence par dire son admiration pour La Motte, avant de dénoncer la « vanité » et « l’aigreur » du ton de sa préface. Rappelant que La Motte a tenté, en vain, d’empêcher la représentation d’Agnès de Chaillot, il qualifie cette pièce de « parodie excellente dans le goût du théâtre italien ». Le reste de ce paradoxe porte, plus largement, sur les nombreuses publications qui ont fleuri pour et contre Inès de Castro, et fait le plaidoyer de la critique littéraire.

La Motte offre une réponse plus étoffée à ses détracteurs dans son « troisième discours à l’occasion de la tragédie d’Inès » (1730), où il attaque le genre parodique comme « une espèce de bouffonnerie ». Il définit le genre en ces termes : « L’art de ces travestissements est bien simple. Il consiste à conserver l’action et la conduite de la pièce, en changeant seulement la condition des personnages. […] Cette précaution prise, on s’approprie les vers de la pièce, en les entremêlant de temps en temps de mots burlesques et de circonstances risibles, qui ne le deviennent que davantage par le contraste du sérieux et du touchant auxquels on les marie. » Son analyse s’inscrit dans le cadre plus général d’une réflexion sur la critique littéraire. Si la parodie peut se charger d’une fonction critique, elle porte rarement un jugement éclairé sur une pièce : elle vise surtout à faire rire, contrairement aux critiques dont le rôle est de mettre en lumière « les ressorts du plaisir » et de faire connaître « les beautés de l’ouvrage ». Quatre raisons principales, d’ordre à la fois esthétique et moral, motivent sa condamnation du genre parodique : les grosses plaisanteries ne valent pas qu’on leur sacrifie le plaisir subtil des larmes ; les parodies cultivent le mauvais goût et n’ont pas de réelle efficacité critique ; elles sont condamnables parce qu’elles tournent la vertu en ridicule ; et parce qu’elles ont pour effet à moyen terme de détourner les poètes tragiques de leur vocation.

Fuzelier, parodiste prolifique, publie l’année suivante son « Discours à l’occasion d’un discours de M. D. L. M sur les parodies », plaidoyer du genre parodique où il récuse tous les arguments de La Motte. Il insiste sur l’utilité morale d’un genre qui ne s’attaque qu’à la « vertu chimérique et romanesque » (c’est-à-dire à ce qui contrefait la vertu) et développe une « critique sensée et même utile pour les mœurs ». Son propos se situe ensuite sur le plan esthétique : le parodiste permet de distinguer « le bon or du clinquant » ; son rôle s’apparente à celui du critique ; il se fait « l’écho du parterre » pour « donner une forme théâtrale aux observations générales qu’il a entendues ». Le ton de ce « Discours » est polémique. Fuzelier s’en prend personnellement à La Motte et à sa « vanité », tout en dénonçant (avec une mauvaise foi certaine) l’usage des attaques ad hominem dans les parodies (« les auteurs parodistes n’ont jamais eu intention de blesser personnellement les auteurs parodiés : ils ont cru se livrer à un badinage innocent, permis par les lois, créé par le goût, avoué par la raison et plus instructif que bien des tragédies »). Fuzelier insère son « Discours » dans le premier volume de la publication, chez Briasson, d’un recueil de parodies, lequel constitue un signe fort de l’institution du genre – Les Parodies du nouveau théâtre italien (ensemble de volumes réédité en 1738). Ce Discours a notamment pour fonction de justifier une telle entreprise éditoriale. La même année 1731, la parodie Agnès de Chaillot est représentée à Versailles ; et La Motte meurt.

En 1733, l’abbé Sallier publie son « Discours sur l’origine et le caractère de la parodie » (qui a été prononcé devant l’académie des Inscriptions en novembre 1726). Ce discours théorique adopte un ton qui le situe en marge de la polémique. Il contribue pourtant à réhabiliter le genre en retraçant son histoire depuis l’Antiquité. Il propose une définition prescriptive du genre comme « fiction ingénieuse, sous le voile de laquelle on propose quelque vérité » et qui sait « plaire en instruisant ». Autrement dit, il réaffirme le lien qui existe entre critique et parodie, et reconnaît à cette dernière une utilité heuristique et morale.

En 1736, Louis Riccoboni s’inspire peut-être du discours de Sallier pour défendre à son tour un genre que les Français ont, selon lui, « remis avec éclat sur la scène » bien qu’il soit encore généralement considéré comme « pernicieux au goût » et « capable de gâter les jeunes écrivains ». Notant que les parodies ne seraient pas si fréquentes si les médiocres tragédies ne s’y prêtaient pas tant, il insiste sur leur nécessaire et bénéfique portée critique, et fait résolument glisser le débat du plan moral au plan esthétique : « il ne suffit pas d’avoir travesti une action tragique, et d’avoir tourné en ridicule les pensées et les expressions d’un original, il faut encore, si on veut donner à la parodie la perfection qui lui convient, et qu’exige toute espèce de comédie, instruire et corriger le spectateur. Il est vrai que cette correction n’a pas les mœurs précisément pour objet, quoiqu’elles doivent toujours être respectées dans la parodie […] ; son but est plutôt de corriger le goût, en présentant une critique fine et délicate des principales fautes de l’ouvrage parodié. » Son propos concerne aussi les différentes pratiques parodiques qui existent alors, en l’absence de règles établies.

En 1738, Fuzelier produit une nouvelle version, augmentée, de son « Discours à l’occasion du discours de M.D.L.M. », où il se réclame notamment des écrits de l’abbé Sallier, et, à travers lui, de Cicéron, de la Rome et de la Grèce antiques, ainsi que de Ménage ou Despréaux ; et où il se félicite de ses propres succès de parodiste (en France et à l’étranger).

En 1747, Riccoboni fils publie à son tour un « Discours sur la parodie » où il développe les mêmes idées que son père, précisant que c’est un art difficile que de faire rire et mettant en garde les parodistes contre l’usage des attaques ad hominem (il faut toujours épargner les hommes quand on attaque leur œuvre). Il parachève l’entreprise de légitimation du genre en invoquant l’Histoire (Aristophane est le père fondateur de cette espèce d’ouvrage « aussi ancienne que le théâtre »), et le public, dont les applaudissements suffisent à faire la « véritable gloire » du genre parodique.

En 1761, l’abbé Iraihl retrace, dans ses Querelles littéraires, les étapes de la dispute sur la parodie qui a eu lieu trente ans plus tôt. En retraçant la chronique de cette querelle, il induit qu’elle est révolue. Pourtant, les écrits continuent de fleurir sur cette question, évinçant progressivement les arguments de Fuzelier au profit de ceux de La Motte. On peut citer Nougaret dans le second volume de son Art du théâtre (1769, chapitre 5 : « De la parodie ») ou La Porte et Chamfort qui, dans l’article « Parodie » du Dictionnaire dramatique (1776), reprennent l’expression de La Motte pour signaler que l’inconvénient du genre « c'est de tourner la vertu en paradoxe, et d’essayer souvent de la rendre ridicule ». Marmontel, dans l’article « parodie » des Éléments de littérature, distingue entre parodie et critique (« les sots prennent une parodie pour une critique ») et signale que la parodie « altère l’illusion et l’impression du pathétique », si bien que c’est « un talent bien trivial et bien méprisable que celui du parodiste, soit par l’extrême facilité de réussir sans esprit à travestir de belles choses, soit par le plaisir malin qu’on paraît prendre à les avilir ». En 1785, l’Éloge de Marivaux de D’Alembert rappelle que ce genre est dangereux « chez une nation frivole, qui pardonne, oublie et sacrifie tout, pourvu qu’on l’amuse. »

Enjeux

Enjeux

• La querelle de la parodie est déclenchée par une création : elle est liée aux innovations esthétiques de la tragédie d’Inès de Castro (ainsi qu’au succès de cette pièce et de sa parodie Agnès de Chaillot). • Le déclenchement de cette querelle est lié à des enjeux personnels, et notamment au conflit larvé entre deux hommes, Fuzelier et La Motte (lequel remonte au moins à l’année 1719).

• Cette querelle est productrice de la définition d’un genre (la parodie) et de sa légitimation. Au cours de cette polémique, la parodie acquiert la légitimité d’un genre littéraire (avec une définition et une histoire). Le débat permet de promouvoir une pratique et un genre littéraire.

• Cette querelle fait apparaître le lien entre polémique et institutionnalisation d’un genre. Par exemple, il n’est pas anodin que les premiers écrits de Fuzelier sur la parodie datent de 1719 (c’est aussi la date à laquelle la nouvelle troupe des Italiens donne sa première parodie, genre auparavant réservé aux scènes foraines). De même, il n’est pas anodin que le « Discours » de Fuzelier accompagne la publication chez Briasson de la première anthologie de parodies du théatre italien.

• Le contexte polémique de cette querelle de la parodie influe la définition du genre, puisque c’est dans le but de se justifier devant leurs adversaires ou de contre-attaquer leurs détracteurs que les dramaturges fondent la théorie du genre. Autrement dit, qu’ils soient parodistes ou qu’ils soient parodiés, les théoriciens de la parodie sont le plus souvent partie prenante dans les débats (Le Blanc, p. 370-371). Ce contexte polémique explique pourquoi le genre parodique relève davantage d’une poïétique que d’une véritable poétique propre à un genre régulier.

• Sallier, « Discours sur l’origine et le caractère de la parodie » :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5721912v.image

• Fuzelier, « Discours à l’occasion du discours de M.D.L.M. » sur les parodies », 1731 :

http://books.google.fr/books/about/Les_parodies_du_nouveau_theatre_italien.html?hl=fr&id=QEkGAAAAQAAJ

• Fuzelier, « Discours à l’occasion du discours de M.D.L.M. » sur les parodies », 1738 :

http://books.google.fr/books/about/Les_parodies_du_nouveau_theatre_italien.html?hl=fr&id=FUA0AAAAMAAJ

• La Motte, « Préface » à Inès de Castro :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1081873

• La Motte,

• Riccoboni, « Observations sur la parodie »:

http://books.google.fr/books/about/Observations_sur_la_com%C3%A9die_et_sur_le_g.html?id=JpINAAAAIAAJ&redir_esc=y

Chronologie

Chronologie

• 1723 :

- 4 juin : création d’Inès de Castro (Houdar de La Motte) à la Comédie-Française.

- 24 juillet : Création d’Agnès de Chaillot (Legrand et Biancolelli) à la Comédie-Italienne. Cette parodie est reprise jusqu’en 1736.

- publication d’Inès de Castro avec une préface qui réagit brièvement à la parodie de Legrand et Biancolelli (à Paris, chez G. Dupuis et F. Flahault, 1723)

- publication des Paradoxes littéraires au sujet de la tragédie d’Inès de Castro (Paris, Pissot, 1723) où l’abbé Desfontaines réagit à la préface de La Motte pour la condamner.

• 1730 : publication par La Motte des Discours sur la tragédie et du Troisième discours à l’occasion d’Inès de Castro. La Motte relance la polémique en attaquant fortement le genre parodique.

• 1731 : publication du « Discours à l’occasion d’un discours de M.D.L.M. » dans les Parodies du nouveau théâtre italien (approbation du 20 octobre 1730 ; permission d’impression séparée pour le « Discours », datée du 25 septembre 1730). Ce « Discours » sera augmenté dans une réédition de 1738.

• 1733 : publication du « Discours sur l’origine et le caractère de la parodie » par l’abbé Sallier (discours prononcé devant l’académie des Inscriptions en novembre 1726).

• 1736 : publication des « Observations sur la parodie » dans les Observations sur la comédie et sur le génie de Molière (Louis Riccoboni).

• 1738 : nouvelle édition, revue et augmentée, du « Discours à l’occasion d’un discours de M.D.L.M. » où Fuzelier se réclame des notamment des écrits de l’abbé Sallier (version revue et augmentée).

• 1747 : publication du « Discours sur la parodie » par Antoine-François Riccoboni.

• 1761 : publication des Querelles littéraires d’Irailh. Une entrée est consacrée au genre parodique.

Noms propres

Noms propres

Références

Références

Corpus

• Desfontaines, abbé : Les Paradoxes littéraires au sujet de la tragédie d’Inès de Castro, Paris, Pissot, 1723 ; particulièrement : le 4e paradoxe : « M. de la Motte dans la préface de la tragédie Inès de Castro fait paraître de la vanité, et trop d’aigreur contre ses adversaires », p. 30-42.

• Fuzelier, Louis, « Discours à l’occasion d’un discours de M.D.L.M sur les parodies », dans Les Parodies du Nouveau Théâtre Italien, Paris, Briasson, 1731, Tome I, 1-12. Version augmentée dans l’édition de Briasson, 1738.

• Fuzelier, Louis, « Préface » de Momus fabuliste ou les Noces de Vulcain, Paris, P. Simon, 1719, n. p.

• Fuzelier, Louis, « Réponse à la lettre critique insérée dans le Mercure du mois de janvier dernier », dans Momus fabuliste ou les Noces de Vulcain, Paris, Veuve Ribou, 1720.

• Houdar de La Motte, « Préface », Inès de Castro, Paris, Flahaut et Dupuis, 1723, p. v-viii.

• Houdar de La Motte, Discours sur la tragédie à l’occasion d’Inès de Castro (1ère éd. 1730), in Œuvres de Monsieur Houdar de La Motte, L’un des Quarante de l’Académie Françoise, Paris, Prault, 1754, Tome IV, p. 255 321.

• Riccoboni, Antoine-François, « Discours sur la Parodie », dans Le Prince de Suresne, Paris, Delormel, 1746, p. 45-52.

• Riccoboni, Louis, « Observations sur la parodie », dans Observations sur la comédie et sur le génie de Molière, Quatrième livre, Paris, Veuve Pissot, 1736, p. 275-348.

• Sallier, Claude, abbé, « Discours sur l’origine et le caractère de la parodie », dans Histoire de l’Académie royale des Inscriptions et des Belles Lettres, Paris, Imprimerie Royale, 1733, Tome VII, p. 398-410.

 

Sources secondaires

• Irailh, Abbé, Querelles littéraires ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la République des Lettres, Paris, Durand, 1761, tome II, p. 382-393. [Les pages 386-393 portent plus spécifiquement sur le XVIIIe siècle et les débats occasionnés par la pratique de la parodie, qui est clairement condamnée par l’abbé.]

• La Porte, Joseph de, et Chamfort, Sébastien-Roch-Nicolas de, Dictionnaire dramatique, Paris, Lacombe, 1776, « Parodie », II, p. 378-380.

• Marmontel, Jean-François, « Parodie », Éléments de littérature [1787], éd. par S. Le Ménahèze, Paris, Desjonquères, 2005, p. 844-846.

• Nougaret, Pierre-Jean-Baptiste, « De la parodie », De l’art du théâtre en général, Livre V, chapitre V, Paris, Cailleau, 1769, II, p. 78-88.

Bibliographie critique

• Beaucé, Pauline, « Évolution d’une querelle littéraire (1719-1731) : Fuzelier, La Motte et la parodie dramatique », dans P. Servet et M.-H. Servet, Genres et querelles littéraires, Cahiers du GADGES, n° 9, Genève, Droz, 2011, p. 281-305.

• Beaucé, Pauline, La Parodie d'opéra au XVIIIe siècle : histoire et dramaturgie, à paraître aux Presses Universitaires de Rennes en 2013.

• Gevrey, Françoise, « La Motte et les parodies », dans Les Querelles dramatiques à l’âge classique XVIIe-XVIIIe siècle, dans E. Hénin (éd.), Les Querelles dramatiques à l’âge classique XVIIe-XVIIIe siècles, Louvain, Peeters, 2010, p. 303-316.

• Gevrey, Françoise et Béatric Guion (éd. critique par), Houdar de La Motte, Textes critiques : les riasons du sentiment, Paris, Champion, 2002.

• Le Blanc, Judith, Avatars d’opéra. Pratiques de la parodie et circulation des airs chantés sur la scène des théâtres parisiens (1672-1745), thèse de doctorat sous la direction de C. Biet, 2 vol. Université de Paris Ouest, nov. 2009, notamment le vol. 1, p. 369-386. À paraître aux éditions Garnier.

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