Querelle de la Princesse de Clèves
Dates 1678 |
Autre(s) titre(s) Querelle de l’aveu |
Fiche rédigée par Isabelle Moreau . Dernière mise à jour le 20 April 2015.
Synopsis
Synopsis
En 1678, paraît La Princesse de Clèves, chez l’éditeur Barbin, après au moins 5 ans d’élaboration et la collaboration probable du duc de la Rochefoucauld. Parution anonyme, l’ouvrage est précédé d’un avis du libraire au lecteur qui laisse à l’auteur supposé la possibilité de se montrer si le livre plaît. Le livre rencontre d’emblée des préoccupations mondaines – une femme doit-elle, ou non, avouer à son mari qu’elle en aime un autre ? un amant doit-il être heureux que sa maîtresse aille seule au bal ? Autant de questions débattues dans les salons et les correspondances.
En avril 1678, deux semaines après la parution du roman, le Mercure galant lance une enquête : dans sa rubrique consacrée aux « questions galantes », il invite ses lecteurs et lectrices à se prononcer sur l’aveu de Mme de Clèves. Les réponses (une quinzaine) seront publiées dans les numéros de juillet à octobre. Dans l’ensemble, les correspondants du Mercure galant (citons les pseudonymes de « L’insensible de Beauvais » et de « Stedroc, Berger des rives de Juine ») ne se demandent pas si la scène est dans la logique du récit ; cela n’intéresse personne et ce n’est pas la question posée. Ils se demandent si l’aveu de Mme de Clèves est ou non vraisemblable, et surtout s’il s’accorde avec les usages (question de bienséance). En général réponse par la négative : la scène de l’aveu est invraisemblable (voir Bussy-Rabutin, dont avis circule très tôt, avant même cette campagne) ; une exception notable : l’avis de Fontenelle.
En sus de cette campagne de presse orchestrée par Le Mercure Galant, paraissent deux textes polémiques : l’un de Valincour, qui attaquait le roman ; l’autre qui en prenait la défense, rédigé par l’abbé de Charnes. Le débat se déplace : il ne s’agit plus de questions de psychologie amoureuse, mais de problèmes d’esthétique et de technique romanesque.
Enjeux
Enjeux
La querelle engage plusieurs publics de manière plus ou moins concomitante : au public restreint des salons parisiens, s’ajoute le public des salons provinciaux, grâce à la campagne de presse menée par Le Mercure Galant et le rôle d’amplificateur joué par les correspondances semi-privées. L’univers des salons, où l’on débat de questions galantes dans la veine de celles mises en scène dans le roman, se voit mis en scène de manière spéculaire.
Les ouvrages de Valincour et de l’abbé de Charnes ajoutent une dimension théorique au débat, puisque s’y trouvent discutées des questions d’esthétique et de techniques romanesques (définition de la nouvelle historique et galante ; rapport de la fiction à l’histoire ; questions de vraisemblance).
Depuis l’article de Genette, « Vraisemblance et motivation », la notion de vraisemblance a reçu un renouveau critique intéressant du côté des Gender Studies. La critique féministe s’est penchée sur cette notion de plausibilité culturelle (cultural plausibility) – ce qui est approprié dans un contexte donné ; la norme et sa transmission en relation avec le sexe/genre (voir Miller).
Chronologie
Chronologie
• 1678/01/16 : Privilège pris par Barbin pour La Princesse de Clèves
• 1678/03/08 : Achevé d’imprimer de La Princesse de Clèves
• 1678/03/17 : Mise en vente de La Princesse de Clèves (sortie annoncée par le Mercure galant)
• 1678/03/22 : Lettre de Bussy-Rabutin à Mme de Sévigné
• 1678/04/– : Le Mercure galant ouvre une enquête auprès de ses lecteurs sur la scène de l’aveu (enquête publiée dans son supplément constitué de jeux et de questions à débattre, publié tous les trois mois et intitulé l’Extraordinaire).
• 1678/05/– : lettre de Fontenelle publiée par le Mercure galant
• 1678/09/– : publication des Lettres à la marquise de*** sur le sujet de la Princesse de Clèves par Valincour (attribué à ; l’abbé de Charnes attribue faussement le texte au P. Bouhours)
• 1679/05/-- : publication des Conversations sur la Critique de la Princesse de Clèves par l’abbé de Charnes (en réponse aux Lettres à la marquise de***)
Noms propres
Noms propres
Références
Références
Corpus
• [La Fayette, Marie-Madeleine Pioche de La Vergne – publication anonyme, attribuée à], La Princesse de Clèves, Paris, C. Barbin, 1678.
• [Valincour, Jean Baptiste Henri Du Trousset de – attribué à, d’après Barbier], Lettres à Madame la Marquise*** sur le sujet de « la Princesse de Clèves », Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1678. In-12, 371 p.
• Bussy-Rabutin, Roger de, « Lettre de Bussy-Rabutin à Mme de Sévigné » (du 22 Mars 1678), in Correspondance, éd. Lalanne, 1858, t. III, p. 462-463. Citée par Maurice Laugaa dans Lectures de Mme de Lafayette, Armand Colin, 1971, p. 18-19.
• Charnes, Abbé Jean-Antoine de, Conversation sur la critique de la princesse de Clèves, Paris, C. Barbin, 1679. 364 p.
• Mercure galant, avril-juillet-octobre 1678 (Question galante lancée par le Mercure galant et réponses des lecteurs).
Bibliographie critique
Livres et chapitres de livre
• Beasley, Faith, Revising Memory: Women’s Fiction and Memoirs in Seventeenth-Century France, New Brunswick, Rutgers University Press Rutgers, 1990.
• DeJean, Joan, Tender Geographies: Women and the Origins of the Novel in France, New York, Columbia University Press, 1991.
• Duchêne, Roger, Madame de Lafayette : la romancière aux cent bras, Paris, Fayard, 1988.
• Fabre, Jean, L’Art de l’analyse dans La Princesse de Clèves, Paris, Ophrys, 1970.
• Francillon, Roger, L’Œuvre romanesque de Madame de Lafayette, Paris, Corti, 1973.
• François, Anne-Lise, Open Secrets: The Literature of Uncounted Experience, Stanford, Santford University Press, 2008.
• Greenberg, Mitchell, Subjectivity and Subjugation in 17thc Drama and Prose: The Family Romance of French Classicism, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.
• Henry, Patrick, An Inimitable Example: The Case for the Princesse de Clèves, Washington, Catholic university of America press, 1992.
• Kreiter, Janine Anseaume, Le Problème du paraître dans l’œuvre de Madame de Lafayette, Paris, Nizet, 1977)
• Laugaa, Maurice, Lectures de Mme de Lafayette, Paris, Armand Colin, collection U, 1971.
• Lever, Maurice, Le Roman français au XVIIe siècle, Paris, PUF, 1981.
• Malandain, Pierre, La Princesse de Clèves, Paris, PUF, 1985.
• Pingaud, Bernard, Madame de Lafayette par elle-même, Paris, Seuil, 1959.
• Stone, Harriet, The Classical Model: Literature and Knowledge in seventeenth-century France, Ithaca, London, Cornell University Press, 1996.
Articles
• Autour de Madame de La Fayette, XVIIe Siècle, 181, 1993
• DeJean, Joan, « Lafayette’s Ellipses: The Privileges of Anonymity », PMLA, Oct. 1984, p. 884-902.
• Genette, Gérard, « Vraisemblance et motivation », Figures II, Paris, Seuil, 1969.
• Lyons, John D., « Narrative, Interpretation and Paradox: La Princesse de Clèves », Romanic Review 72, 1981, p. 383-400.
• Lyons, John D., « Mlle de Chartres at the Jeweller's Shop: Knowledge and Commerce in La Princesse de Clèves », Seventeenth-Century French Studies 27 (2005), p. 117-126.
• McClure, Ellen, « Cartesian Modernity and the Princesse de Clèves », Seventeenth-Century French Studies 29 (2007), p. 73-80.
• Miller, Nancy K., « Emphasis Added: Plots and Plausibilities in Women’s Fiction », PMLA 96:1 (Jan 1981), p. 36-48. [Réponse féministe à Genette.]
• Moriarty, Michael, « Discourse and the body in La Princesse de Clèves », Paragraph 10 (1987), p. 64-86.
• Stanton, Domna, « The Ideal of Repos in 17thc French Literature », L’Esprit créateur 15 (1975), p. 79-104.
Liens
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