Querelle de Sorbonne versus collège jésuite

Dates

1643

Autre(s) titre(s)

Querelle Sorbonne / collège jésuite (source : exposé de Frédéric Gabriel lors de la journée d’étude Oxford 2012 sur les Querelles philosophiques).

Fiche rédigée par Alain Viala . Dernière mise à jour le 27 December 2014.

Synopsis

Synopsis

Le 11 mars 1643, les jésuites du Collège de Clermont (Paris, aujourd’hui Louis Le Grand) présentent une requête au Conseil du Roi contre la Faculté de théologie (Sorbonne). Motif : quatre élèves de leur collège se sont présentés devant le recteur de l’université « pour être reçus Maîtres ès Arts » et leur candidature a été rejetée au motif qu’ils ont suivi « leur cours en Philosophie » hors de l’université. L’université charge Godefroy Hermant, un proche des jansénistes, de répondre. Il publie des Observations importantes sur la requête présentée au Conseil du Roi par les Jésuites le 11 mars 1643, tendante à l’usurpation des privilèges de l’Université de Paris. Conjointement paraît aussi, du même Hermant, une Apologie pour l’université de Paris contre le discours d’un Jésuite. Et en juin 1643, le même publie anonymement Vérités académiques ou réfutation des préjugés populaires dont se servent les Jésuites contre l’université de Paris. Le jésuite Martin de La Haye répond à son tour par une Réponse au livre intitulé Apologie pour l’Université de Paris contre le discours d’un Jésuite.

Le professeur de « cas de conscience » Martin Grandier avertit alors, secrètement, le recteur Louis de Saint-Amour que le Père Héreau, qui enseigne la même matière au Collège de Clermont, défend des thèses condamnables. Le recteur se rend alors, accompagné du Commissaire du Châtelet Michel Charles, le 21 août 1643, au Collège du Mans et y saisit un cahier appartenant au Père Vallée, religieux de l’ordre de Saint-Augustin, qui contient les cours du Père Héreau. Est publiée une plaquette, Acte fait à la diligence de M le Recteur de l’Université de Paris, qui se donne comme le procès-verbal du commissaire et qui relève la présence de « propositions dangereuses et […] pernicieuses ». Ce qui concerne notamment une remarque sur une exception à l’interdiction de l’homicide, pour le cas des tyrans.

S’ensuit un Examen des quatre actes publiés par les Jésuites ès années 1610, 1612 et 1626, anonyme attribué à Hermant, qui inventorie les déclarations publiées par les Jésuites sur le tyrannicide.

Le 11 janvier 1644, le même recteur et le même commissaire font une seconde perquisition, cette fois chez le prêtre Jean Lavalle, à Saint-Sulpice, et y trouvent un cahier avec les mêmes propositions enseignées par le P. Héreau en 1641-42. L’Université dépose alors des Requêtes devant le Parlement. Le P. Héreau est relevé de son enseignement, les maximes concernées sont blâmées par un arrêt du Conseil du Roi, le 3 mai 1644, et en décembre, malgré une intervention du P. Caussin, ancien confesseur de Louis XIII, les Jésuites renoncent à prétendre à la collation des grades universitaires.

1644 est aussi l’année de parution du livre de Antoine Arnauld et François Hallier, La Théologie morale des Jésuites, qui enclenche une autre querelle, proprement entre Jésuites et Jansénistes.

Enjeux

Enjeux

Les enjeux sont d’au moins quatre ordres :

  1. Enjeux religieux et politiques dans la question du tyrannicide.

  2. Enjeux religieux et politiques dans le contrôle de l’enseignement universitaire et des contenus de celui-ci : la Sorbonne revendique cette exclusivité, comme moyen de faire régner l’ordre, la question du tyrannicide apparaissant comme un cas extrême des risques d’un enseignement hors de son contrôle.

  3. Enjeux académiques : le privilège de la collation des grades, attribuée à l’Université dès sa fondation en 1200, et menacé par le succès des Collèges Jésuites qui aspirent à disposer eux aussi de ce droit.

  4. Enjeu non-dit mais manifeste dans le conflit initial : les élèves refusés d’examen avaient payé leurs droits de scolarité au Collège et non à l’Université, qui du coup refuse de les examiner et de leur délivrer un diplôme.

On notera l’importance des recours auprès d’autorités habilitées à juger au sens propre du terme : le Conseil du Roi et le Parlement.

Chronologie

Chronologie

• 1643, 11 mars : les jésuites du Collège de Clermont présentent une requête au Conseil du Roi contre la Faculté de théologie au sujet de rejet de la candidature de quatre élèves.

• Réponse de Godefroy Hermant avec la publication des Observations importantes sur la requête présentée au Conseil du Roi par les Jésuites le 11 mars 1643, tendante à l’usurpation des privilèges de l’Université de Paris ; publication également de son Apologie pour l’université de Paris contre le discours d’un Jésuite.

• 1643, juin : publication anonyme (par Hermant) des Vérités académiques ou réfutation des préjugés populaires dont se servent les Jésuites contre l’université de Paris.

• Réplique du jésuite Martin de La Haye avec la publication de sa Réponse au livre intitulé Apologie pour l’Université de Paris contre le discours d’un Jésuite.

• 1643, 21 août : sur les indications de Martin Grandier, le recteur Louis de Saint-Amour se rend au collège du Mans, accompagné du commissaire au Châtelet, pour contrôler les enseignements du Père Héreau qui y enseigne le « cas de conscience ».

• Publication de l’Acte fait à la diligence de M le Recteur de l’Université de Paris, qui se donne comme procès-verbal du commissaire contre le Père Héreau.

• Publication d’un Examen des quatre actes publiés par les Jésuites ès années 1610, 1612 et 1626, anonyme attribué à Hermant, qui inventorie les déclarations publiées par les Jésuites sur le tyrannicide.

• 1644, 11 janvier : seconde perquisition du même recteur et du même commissaire chez le prêtre Jean Lavalle, à Saint-Sulpice, qui détient un cahier avec les mêmes propositions enseignées par le P. Héreau

• L’université dépose des Requêtes devant le Parlement. Le P. Héreau est relevé de son enseignement

• 1644, 3 mai : les maximes concernées sont blâmées par un arrêt du Conseil du Roi

• 1644, décembre : malgré une intervention du P. Caussin, ancien confesseur de Louis XIII, les Jésuites renoncent à prétendre à la collation des grades universitaires.

Noms propres

Noms propres

Références

Références

Corpus

- [Godefroy Hermant], Observations importantes sur la requête présentée au Conseil du Roy par les Jésuites le 11 mars 1643, tendante à l’usurpation des privilèges de l’Université de Paris, Paris, s. l., 1643.

- [Godefroy Hermant], Apologie pour l’université de Paris contre le discours d’un Jésuite. Imprimée par le mandement de Monsieur le Recteur donné en Sorbonne le 6e octobre 1643. Contre le livre fait par les Jésuites pour répondre à la première apologie publiée contre eux dedans et dehors le Royaume, et vendu chez Sonnius à la rue Saint Jacques, au Compas d’Or, Paris, s. l., 1643.

- [Anonyme] Vérités académiques ou réfutation des préjugés populaires dont se servent les Jésuites contre l’université de Paris. Paris, s.l., juin 1643.

- La Haye (Martin de), Réponse au livre intitulé Apologie pour l’Université de Paris contre le discours d’un Jésuite, Paris, 1643.

- [Anonyme] Acte fait à la diligence de M le Recteur de l’Université de Paris, pour découvrir et faire condamner une doctrine préjudiciable à la vie d’un chacun et plus particulièrement des Rois et Princes Souverains, enseignée au Collège des Jésuites à Paris, Paris, 1643.

- [Anonyme] Examen des quatre actes publiés par les Jésuites ès années 1610, 1612 et 1626, Paris, s. l., 1643.

Sources secondaires

• Baillet, Adrien, Vie de Godefroy Hermant, docteur de Sorbonne, Amsterdam, Pierre Mortier, 1717.

• Hermant, Godefroy, Mémoires de Godefroy Hermant, éd. p. Augustin Gazier, Paris, Plon, 1905.

Bibliographie critique

Frédéric Gabriel, Communication au Colloque « Factions and fictions in Early Modern Europe, UCLA, 2002, et communication au Colloque Querelles de Philosophes, XVIe-XVIIIe s . », Oxford, 2012

Liens

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