Querelle des cours d’Amour

Dates

1701

Titre(s) endogène(s)

« Une querelle littéraire où l’on éclaircit divers points de l’histoire de Provence » (N. Lenglet Du Fresnoy, Catalogue des principaux historiens, dans Méthode pour étudier l’histoire, 1712)

Fiche rédigée par Marine Roussillon . Dernière mise à jour le 24 December 2014.

Synopsis

Synopsis

Dans son Discours sur les Arcs triomphaux dressez en la ville d’Aix, Pierre de Chasteuil Gallaup prend prétexte d’un arc consacré aux anciens comtes de Provence pour décrire les anciennes « cours d’amour » et faire l’éloge des troubadours (sa source est ici Jean de Nostredame).

S’en suit une polémique entre érudits locaux sur l’existence de ces cours d’amour. Pierre-Joseph de Haitze nie l’existence de ces cours et remet en cause la noblesse des troubadours. D’après Moreri, Jean-François de Remerville, lui aussi historien de la Provence, prend la défense de Chasteuil-Gallaup dans les Réflexions sur le libelle intitulé Lettre critique de Sextius le Salien à Euxenus le Marseillois… . P.-J. de Haitze élargit le débat à d’autres points de l’histoire de Provence dans ses Dissertations.

Chasteuil-Gallaup donne une autre dimension au débat en y mêlant la comtesse de Grignan, et surtout la conteuse Marie-Jeanne L’Héritier. Celle-ci s’était intéressé aux troubadours dès 1695 (dans la Lettre à Madame D.G***, elle en fait les fondateurs du genre du conte de fées), et est membre de l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse depuis 1696. Elle prend la défense de Chasteuil Gallaup et des cours d’amour dans la livraison de septembre-octobre 1703 de L’Érudition enjouée.

Enjeux

Enjeux

Cette querelle a des enjeux multiples. Il s’agit bien sûr d’un débat très localisé entre érudits provençaux, qui met en jeu les positions institutionnelles des uns et des autres et leurs relations aux différents pouvoirs : le roi, le gouverneur de Provence (qui ont commandé à Chasteuil-Gallaup la conception des arcs triomphaux), le consulat de la ville d’Aix, le parlement de Provence.

Mais le débat vise aussi les valeurs galantes : Chasteuil-Gallaup et Rémerville sont proches des milieux galants, et de Haitze condamne les cours d’amours au nom de valeurs chrétiennes. Il critique avant tout la possibilité d’une instance laïque de jugement des mœurs. L’intervention de L’Héritier fait des troubadours les ancêtres des galants et même de l’ensemble des hommes de lettres. L’esthétique adoptée par Chasteuil-Gallaup dans ses écrits est mondaine et galante (prose mêlée de vers, dialogues), alors que de Haitze adopte une démarche érudite (qui fait que Chasteuil le traite de « pédant »).

La querelle porte sur les modalités d’une écriture légitime du passé, De Haitze condamnant l’écriture de fiction au nom d’une exigence de vérité à la fois érudite et chrétienne. Il met en cause tous les historiens de la Provence depuis Jean de Nostredame comme des affabulateurs. Chasteuil-Gallaup les défend au nom d’un certain patriotisme.

Ce débat a enfin des liens avec un débat plus large sur le statut de l’écrivain et la valeur sociale de l’activité d’écriture : De Haitze condamne les troubadours et affirme qu’ils n’étaient pas nobles et faisaient un métier marchand. Il reprend des arguments qui circulent dans le débat sur la comédie notamment, à propos du statut social des comédiens. Chasteuil-Gallaup au contraire affirme la noblesse des troubadours et défend l’écriture comme passe-temps aristocratique et jeu amoureux.

Chronologie

Chronologie

22 janvier 1701 : le duc d’Anjou, devenu Philippe V d’Espagne, arrive à Madrid

5 mars 1701 : Entrée du duc de Bourgogne et du duc de Berry dans la ville d’Aix. Pierre de Chasteuil-Gallaup est chargé (par qui ? le pouvoir royal ? le consulat de la ville d’Aix ?) de la conception des arcs triomphaux. Il soumet le sujet de ces arcs au gouverneur de Provence et à sa femme, le comte et la comtesse de Grignan ainsi qu’au frère du comte, le chevalier de Grignan.

Dans les mois qui suivent, Pierre de Chasteuil-Gallaup publie un Discours sur les Arcs triomphaux dressez en la ville d’Aix dans lequel il décrit les arcs et y ajoute des éléments d’histoire de la ville d’Aix et du comté de Provence. La description du troisième arc est en particulier l’occasion d’un long développement sur les troubadours et les cours d’amour, inspiré par les Vies des poètes provençaux de Jean de Nostredame.

1702 : Ce discours suscite immédiatement la réaction de Pierre-Joseph Haitze, dans une lettre adressée à Louis-Antoine de Ruffi (fils de l’historien de Marseille Antoine de Ruffi), Lettre critique de Sextius le Salien à Euxenus le Marseillois.

Réponse de Chasteuil-Gallaup : Réflexions sur le libelle intitulé Lettre critique de Sextius le Salien à Euxenus le Marseillois, Cologne [Aix], P. Leblanc, 1702.

Le Discours sur les arcs triomphaux fait dans le même temps l’objet d’un compte-rendu dans Le Journal des Savants. Ce compte-rendu n’évoque pas la polémique mais loue l’ouvrage de Chasteuil-Gallaup.

Septembre-octobre 1703 : Dans la lettre de septembre-octobre de L’Érudition enjouée, Marie-Jeanne L’Héritier intervient dans la polémique, défend les cours d’amour et prend le parti de Chasteuil-Gallaup.

1704 : De Haitze publie douze Dissertations sur divers points de l’histoire de Provence. Les douze dissertations contestent des affirmations de Chasteuil-Gallaup. La troisième porte sur les troubadours, la cinquième sur les cours d’amour, les septième, huitième et neuvième sur des troubadours particuliers (Fouquet de Marseille et Guillaume Durand). Dans ce texte, De haitze se plant de l’intervention « des plus fameux écrivains du Royaume encore vivants » dans un débat spécifiquement provençal.

Chasteuil-Gallaup répond par une Apologie des anciens historiens et des troubadours ou poètes provençaux composée de huit dialogues (avec des pièces de vers insérées). Le troisième et le quatrième dialogues portent sur les cours d’amour et les troubadours.

Noms propres

Noms propres

Références

Références

Corpus

- P. de Chasteuil-Galaup, Discours sur les Arcs triomphaux dressez en la ville d’Aix, à l’heureuse arrivée de Monseigneur le Duc de Bourgogne, et de Monseigneur le duc de Berry, Aix, Jean Adibert, 1701 (in-folio orné de planches gravées) ;

- « Compte-rendu du Discours sur les Arcs triomphaux… » dans le Journal des savants, Paris, Jean Cusson, 1702 ;

- [P.-J. de Haitze], Lettre critique de Sextius le Salien à Euxenus le Marseillois [Louis-Antoine de Ruffi] touchant le « Discours sur les arcs triomphaux dressez en la Ville d'Aix »… [1702] ;

- Pierre de Chasteuil-Gallaup [ou Jean-François de Remerville ?], Réflexions sur le libelle intitulé Lettre critique de Sextius le Salien à Euxenus le Marseillois touchant le « Discours sur les arcs triomphaux dressez en la Ville d'Aix »…, Cologne [Aix], P. Le Blanc, 1702 ;

- M.-J. L’Héritier, L’Érudition enjouée, 1703 ;

- P. J. de Haitze, Dissertations sur divers points de l’histoire de Provence, Anvers [Aix], 1704 : in-12 de 149 p. dédié à l’évêque de Cavaillon.

- P. de Chasteuil-Gallaup, Apologie des anciens historiens et des troubadours ou poètes provençaux servant de réponse aux dissertations de Pierre Joseph sur divers points de l’histoire de la Provence, Avignon, Jean Du Perier, 1704, in-8°.

Liens

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