Querelle des deux Phèdre

Dates

1677

Titre(s) endogène(s)

Cabale des sonnets

Fiche rédigée par Alain Viala . Dernière mise à jour le 24 December 2014.

Synopsis

Synopsis

Début janvier 1677 sont données à peu d’intervalle Phèdre et Hippolyte de Racine et la pièce de même titre de Pradon, la première à l’Hôtel de Bourgogne, la seconde au Théâtre Guénégaud. Donneau de Visé donne dans le Mercure galant, le 14 janvier 1677, un compte rendu comparatif favorable à Racine.

À partir du 15 janvier 1677 circulent des sonnets manuscrits, anonymes, hostiles à la pièce de Racine, puis des sonnets ou épigrammes en riposte. Ils sont publiés sous l’anonymat. Le premier est supposé avoir été composé par Mme Deshoulières, puis on l’attribue au duc de Nevers. Il attaque la langue, la bienséance – Phèdre vient mourir sur scène – et le physique de l’actrice Melle d’Ennebaut qui joue Aricie ( « Une grosse Aricie au teint rouge, au crins blonds / N’est là que pour montrer deux énormes tétons… »). Quelques jours plus tard, un second sonnet, anonyme, riposte en s’attaquant à « Damon », c’est-à-dire au duc de Nevers, et l’accuse de soutenir Pradon, mais surtout de se prétendre poète, d’être amoureux incestueux de sa sœur, et enfin de n’être « ni courtisan, ni guerrier, ni chrétien ». Les auteurs supposés sont Racine et Boileau. On parle de l’affaire en ville, et le bruit circule (le duc d’Aumont, ami du duc de Nevers, le dit dans un dîner) de faire bastonner Racine et Boileau. Ces derniers font appel à un médiateur, le Prince de Condé. Il semble que la bastonnade ait été évitée. Mais la Relation Véritable (gazette envoyée depuis Paris en Belgique) du 27 janvier, puis la Gazette d’Amsterdam du 28 janvier 1677 disent que Boileau a été bastonné le 22 janvier. La querelle se déplace ensuite sur celui-ci. Un sonnet vise encore « Racine et Despréaux », mais deux autres textes (un autre sonnet et un Boileau bâtonné) attaquent Boileau seulement.

Pendant ce temps, la pièce de Pradon a d’abord un bon succès, puis c’est celle de Racine qui manifestement s’impose comme la favorite du public, à partir de la mi-février 1677.

Boileau publie alors une Epître « À M. Racine » qui fait l’éloge de Phèdre, et à la fin accuse Pradon d’ignorance. Le 13 mars, Pradon publie sa pièce avec une préface où il répond. Boileau reprend ensuite ses critiques contre Pradon dans ses Epîtres VI à X. Des ripostes anonymes, favorables à Pradon, paraissent ensuite : Le triomphe de Pradon sur les Satires du sieur D***, Lyon ( ?), 1684 ; Nouvelles remarques sur les ouvrages du sieur D***, La Haye, 1685 ; Réponse à la Satire X du sieur D***, Paris, 1694.

A noter que dans l’intervalle, pour ce qui concerne les pièces elles-mêmes, paraît en avril 1677, anonyme mais attribuée à Subligny, une Dissertation sur les tragédies de Phèdre et Hippolyte. Elle représente le débat sous la figure d’un affrontement militaire. Elle emploie le terme de « querelle » pour le désigner. Elle fait du public le juge approprié.

Enjeux

Enjeux

Trois sortes d’enjeux, stratifiés :

• La rivalité entre les deux pièces de Pradon et Racine. Elle correspond à une pratique courante de rivalité entre les théâtres. Elle porte sur des enjeux d’esthétique littéraire : Pradon est plus romanesque et plus galant, Racine plus « Ancien » et de morale sombre.

• Une rivalité de groupes socio-littéraire, le salon de Bouillon, Pradon et Mme Deshoulières, avec le soutien du duc de Nevers, apparaissant comme des Modernes et galants, Boileau comme chef de file des Anciens.

• Une querelle de personnes, l’hostilité entre Pradon et Boileau devenant chronique ensuite.

Chronologie

Chronologie

Trois phases :

Janvier 1677 : rivalité des deux Phèdre, et sonnets satiriques injurieux ; menace (et exécution ?) de coups de bâton…

Fin janvier 1677- mars 1677 : polémique autour de Phèdre entre Boileau et Pradon.

Jusqu’en 1694, polémique plus constante ensuite entre Boileau et Pradon, le premier critiquant systématiquement le second qui riposte que ces critiques sont infondées.

Il semble qu’on peut appeler à proprement parler la première phase la « cabale des sonnets », le terme de cabale figurant dans les sonnets eux-mêmes ; la seconde, la « querelle des Phèdre » parce que c’est de ces pièces qu’il est question surtout et que le terme est employé dans la Dissertation de Pradon ; et la troisième une polémique plus large entre deux auteurs.

Noms propres

Noms propres

Références

Références

Corpus

• Pradon, Phèdre et Hippolyte, Paris, Loyson, 1677.

• Racine, Phèdre, Paris, C. Barbin, 1677.

Et :

• Mercure galant, 14 janvier 1677.

• Sonnets et épigramme, dans Recueil Tralage (Bibl de l’Arsenal), Chansonnier Clérambault et Chansonnier Maurepas, (BNF).

• Boileau, Epître A M. Racine, 1677.

• Pradon, préface de Phèdre et Hippolyte, Paris, Loyson, 1677.

• Anonymes, Le Triomphe de Pradon sur les Satires du sieur D***, Lyon ( ?), 1684.

• Anonyme, Nouvelles remarques sur les ouvrages du sieur D***, La Haye, 1685

• Anonyme, Réponse à la Satire X du sieur D***, Paris, 1694.

• [Subligny ?], Dissertation sur les tragédies de Phèdre et Hippolyte, Paris, s.n., 1677

Bibliographie critique

• Picard, Raymond, La Carrière de Racine, Paris, Gallimard, 1961.

• Picard, Raymond, Nouveau Corpus Racinianum, Paris CNRS, 1976

• Dédéyanm, Charles, Racine et sa Phèdre, Paris, SEDES, 1965.

• Forestier, Georges, Racine, Paris, Gallimard, 2006.

Éditions de textes :

• Pradon, Nicolas, Phèdre et Hippolyte, in Théâtre du XVIIe siècle t. III, éd. J. Truchet et A. Blanc, Paris Gallimard, Pléiade, 1992.

• Racine, Jean, Phèdre, in Théâtre-Poésie, ed. G Forestier, Paris, Gallimard, Pléiade, 1999.

• Boileau, Epître A M. Racine (1677), éd. A Adam, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Pléiade, 1966.

• Maurepas, Jean-Frédéric, Recueil Clairambault-Maurepas : chansonnier historique du XVIIIe siècle, publié avec introduction, commentaire, notes et index par Émile Raunié, Paris, A. Quantin, 10 vol., 1879-1884.

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