Querelle sur Virgile et le Clovis de Desmarets de Saint-Sorlin

Dates 1673 - 1673

Fiche rédigée par Marine Roussillon . Dernière mise à jour le 27 December 2014.

Synopsis

Synopsis

Dans sa Comparaison de la langue et de la poésie françoise avec la grecque et la latine, et des Poëtes Grecs, Latins et François publiée en 1670, Desmarets établit un parallèle entre les poètes anciens et les modernes et compare les productions des uns et des autres dans différents genres pour établir la supériorité des modernes. Lorsqu’il en vient à la poésie héroïque, il compare des extraits de l’Énéïde et de son propre poème : Clovis et la France chrétienne. En 1673, Desmarets insère ce texte dans la nouvelle édition de son Clovis. Cette édition est fortement polémique : en plus de ce texte et du poème (partiellement remanié), elle contient une épître au roi et un « discours pour prouver que les sujets chrétiens sont les seuls propres à la poésie héroïque ».

Cette publication polémique suscite de nombreuses réactions. Parmi elles, celle de Marolles, abbé de Villeloin et traducteur de Virgile, se concentre sur la défense de Virgile et des anciens et la promotion d’une écriture érudite du passé, sérieuse et recherchant la vérité.

Les réponses de Desmarets à Marolles relancent la polémique et cherchent à l’intégrer dans un débat plus vaste sur l’usage du merveilleux chrétien (dont Marolles ne se préoccupe que marginalement). 

Enjeux

Enjeux

Cette querelle s’inscrit dans le contexte des conflits ouverts par la restructuration de la politique de la gloire après la reprise de la guerre et la mort de Chapelain. Elle est étroitement liée à la querelle du merveilleux chrétien qui oppose Desmarets à Boileau au même moment.

Elle met en jeu l’opposition entre Anciens et Modernes : Desmarets affirme de manière provocatrice la supériorité des Modernes, alors que Marolles défend Virgile et critique le poème de Clovis.

Elle a des enjeux poétiques, esthétiques et éthiques. Desmarets défend l’invention et le plaisir, alors que Marolles plaide pour une écriture sérieuse, érudite et savante du passé. Il oppose une écriture moderne et galante, associée au théâtre et aux récits chevaleresques, à la grandeur épique, qui nécessite sérieux et érudition et dont le modèle doit être l’histoire.

Marolles met aussi en cause la visée politique de l’écriture de Desmarets : pour lui, la littérature est affaire de « gens de lettres » et ne concerne ni la religion ni l’État. Desmarets revendique au contraire l’ambition d’une écriture au service du pouvoir royal et de la religion chrétienne.

Enfin, le fonctionnement même de la querelle est ici intéressant : les textes se répondent dans un véritable dialogue. Cependant, Desmarets apparaît particulièrement attentif à relancer la querelle et à l’intégrer dans la querelle du merveilleux chrétien qui l’oppose à Boileau. Il semble ainsi utiliser la querelle pour construire sa position dans le champs littéraire : celle d’un défenseur de la modernité et d’un écrivain au service de la gloire du roi.

Chronologie

Chronologie

1657 : première édition de Clovis ou la France chrétienne de Desmarets de Saint-Sorlin

1670 : Desmarets publie la première édition de sa Comparaison de la langue et de la poésie françoise avec la grecque et la latine, et des Poëtes Grecs, Latins et François. Il y compare des extraits de son Clovis à des extraits de l’Énéïde de Virgile, pour prouver la supériorité de la poésie héroïque moderne sur celle des Anciens.

1673 : Desmarets publie une nouvelle version du Clovis, et lui adjoint la Comparaison sous un nouveau titre : « Traité pour juger des poètes grecs, latins et françois ».

Michel de Marolles publie une traduction en vers des œuvres de Virgile. Il y adjoint deux traités en réponse à la comparaison de Desmarets : le Discours apologétique pour Virgile et les Considérations sur le poème épique de Clovis.

Desmarets réagit rapidement et violemment : sa Lettre à Monsieur l’abbé de La Chambre sur le sujet d’un discours apologétique de Monsieur l’abbé de Villeloin, pour Virgile, et de ses observations sur le poème de Clovis prend vivement Marolles à parti.

Marolles répond par des « observations » sur la lettre de Desmarets.

Noms propres

Noms propres

Références

Références

Corpus

J. Desmarets de Saint-Sorlin, Comparaison de la langue et de la poésie françoise avec la grecque et la latine, et des Poëtes Grecs, Latins et François, Paris, Thomas Jolly, 1670, repris sous le titre « Traité pour juger des poètes grecs, latins et françois » dans Clovis ou la France chrétienne, Paris, Cramoisy, 1673.

Jean Desmarets de Saint-Sorlin, Clovis ou la France chrétienne. Poëme, reveu exactement, et augmenté d’inventions, et des actions merveilleuses du Roi. Dédié à sa Majesté pour la seconde fois. Par J. Desmarets, Controlleur general de l’Extraordinaire des guerres. Troisième édition. Paris, Claude Cramoisy, 1673.

M. de Marolles, Discours apologétique pour Virgile et Considérations sur le Poeme épique de Clovis composé par Monsieur des Marets, dans Toutes les Œuvres de Virgile traduites en vers François, Paris, J. Langlois, 1673, p. 39-50 et p. 129.

J. Desmarets de Saint-Sorlin, Lettre de Monsieur Des Marests à Monsieur l’abbé de La Chambre sur le sujet d’un discours apologétique de Monsieur l’abbé de Villeloin, pour Virgile, et de ses observations sur le poème de Clovis. Paris, Sebastien Martin, 1673.

M. de Marolles, Quelques observations sur la lettre de Monsieur Desmarets à Monsieur l’Abbé de la Chambre, concernant un discours apologétique pour Virgile, avec des considérations sur le poème de Clovis ; composées par M. de Marolles, abbé de Villeloin, en 1673. Paris, Jacques Langlois, 1673.

Bibliographie critique

H.-G. Hall, Richelieu’s Desmarets and the century of Louis XIV, Oxford, Clarendon Press, 1990.

Dix-septième siècle, n°193, Desmarets de Saint-Sorlin, oct-déc 1996 en particulier :

- H. Stenzel, « Épopée chrétienne et modernité : le cas Desmarets », p. 753-765 ;

- A. Viala, « La Guerre des institutions et la modernité », p. 875-890.

M. Roussillon, « Usages du merveilleux dans le Clovis de Desmarets de Saint Sorlin », dans F. Wild (dir.), Épopée et mémoire nationale au XVIIe siècle, Caen, Presses Universitaires de Caen, 2011, p. 91-102.

Liens

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