Judith. Tragédie
Georges ForestierThomas MarlatÉdition critique établie par Thomas Marlat sous la direction de Georges Forestier (1998)Autres contributions
JUDITH TRAGEDIE.
PREFACE
C’est une erreur qui a infecté beaucoup d’esprits, qu’il étoit presque impossible d’accommoder heureusement au Theatre les Sujets qui sont tirez de l’Ecriture Sainte, et de l’Histoire Chrétienne. Indigné contre une opinion si fausse et si pernicieuse, je crus d’abord qu’elle n’étoit fondée que sur la prévention qui n’examine rien, et dont la force impérieuse entraîne ordinairement la multitude ; mais aprés avoir creusé jusques dans la source de cette erreur, je vis qu’elle venait de l’ignorance de l’art, de la foiblesse du genie, de la sterilité des inventions, et fur tout du peu de gout et de sensibilité qu’on a pour les choses de la Religion.
J’avouë qu’il est mal aisé d’assembler tout ce qui est necessaire à la composition de cette sorte d’ouvrages, d’autant plus qu’il y a peu de modelles dans ce genre d’écrire, et peu d’Auteurs qui soient d’humeur de les imiter. La plupart ne font que suivre & marcher aprés les autres ; privez du secours des bons exemples, ils n’osent hazarder un autre langage. C’est une route nouvelle presque inconnue à nos Anciens, et ou ceux qui l’ont suivie aussi bien que les plus habiles de nos Modernes se font quelquefois égarez. Ce qui peut encore les rebuter davantage, c’est qu’étant accoutumez à forger les événemens qui n’ont ni suite ni vray-semblance, à donner de grands noms historiques aux fictions fabuleuses, et à confondre ainsi la verité et le mensonge, ils n’osent avec raison traiter des sujets, qu’on ne peut alterer sans une espece de sacrilege. Ils ignorent le talent d’inventer, ou en font un mauvais usage. Ils ne sçavent pas qu’il consiste à parer la verité, non à la defigurer ; à l’enrichir, non à la des-honnorer ; et qu’enfin le secours des Episodes doit soûtenir les Sujets, et non pas les étouffer. Mais ce qui leur paroit de plus rebutant et de plus êpineux, c’est que pour donner à ces ouvrages les ornemens qu’ils demandent, il faut se remplir des grandes veritez de la Religion, et tirer de l’Ecriture sainte ces riches expressions que nous fournit la divine Poësie du Psalmiste et des Prophetes, et qui sont fort au dessus de tout ce que l’ingenieuse et sçavante Antiquité a de plus grand et de plus magnifique. Il faut sçavoir choisir et ménager les sentimens de pieté qui sont amenez par la matiere, et il ne faut en charger ces Poëmes, que lorsqu’ils sont destinez pour des Communautez Religieuses, et des Assemblées particulieres. Le theatre doit instruire et divertir le public, mais les instructions de pieté n’y doivent être ni frequentes ni affectées, il faut qu’elles soient regardées comme des sentiments qui sont attachez aux caracteres des Acteurs, et qui servent à l’action qui se passe sur la Scene.
Quand je propose des regles si severes et si sublimes, je n’ai pas la presomption de croire que je les ai entierement remplies dans Judith. Ce Poëme quelque succés qu’il ait eu n’est qu’un essay qui ne donne tout au plus qu’une foible idée de la perfection à laquelle des genies plus élevez que le mien pourroient à peine parvenir. La seule chose dont il m’est permis de m’applaudir, c’est d’avoir choisi un sujet dont la beauté a soutenu ma foiblesse. Je ne sçay par quel hazard il a échapé aux yeux de ceux qui m’ont precedé.
Toutes les Histoires peuvent-elles fournir rien de plus élevé et de plus propre pour la grande Tragedie que l’Histoire de Judith ? n’y voit-on pas le merveilleux et le patetique dans toute sa force ? On y voit une Veuve consacrée au Seigneur, devoüée à la cendre et au cilice, dans l’obscurité d’une vie humiliée et penitente, s’arracher subitement à sa retraite, se mettre à la tête d’Israël, commander les Anciens du Peuple, et entreprendre la defaite d’Holoferne, quelle gloire ! quelle grandeur ! quelle merveilleuse nouveauté ! On y voit une Veuve si sage et si reservée quitter ses modestes habits, ajoûter à sa beauté naturelle tout ce que l’artifice et l’orgueil mondain peut inventer de pompeux et de charmant pour surprendre et pour seduire, aller au Camp des ennemis avec cet équipage, exposer sa vertu à la brutalité d’un vainqueur barbare, l’attendrir par le langage le plus engageant, et le plus flatteur. Où peut-on trouver une plus violente opposition d’interêts et de devoirs, et un plus grand contraste de sentiments et de passions ? Quel plus digne sujet peut occuper l’Autheur tragique, s’il veut conserver la verité de l’Histoire sans blesser la sainteté de la matiere.
Qu’il seroit à souhaiter que de pareils sujets fussent quelquefois representez sur la Scene Françoise pour édifier et divertir en même temps. La Comedie se doit faire honneur à elle-même en faisant honneur à la Religion. Les Comediens ont-ils moyen plus seur et plus glorieux pour confondre ceux qui s’obstinent sans cesse à décrier leur profession ? Quel attrait plus puissant pour reconcilier avec le Theatre ceux qui en sont les ennemis declarez ? Comme toute sorte de gloire appartient au siecle de LOUIS LE GRAND, aprés y avoir vû les duels et les blasphémes abolis, l’heresie exterminée, l’ordre et la discipline par tout rétablis, il faut qu’on y voye la pieté florissante au milieu des plaisirs, les Spectacles consacrez, le Theatre sanctifié. Quand je parle si avantageusement des matieres saintes, je ne pretends pas exclure les Sujets profanes, quand ils sont traitez sagement et purgez de tout ce qui peut offenser la pudeur, et revolter le Spectateur raisonnable.
Si j’étois d’humeur de grossir cette Preface, je pourrois faire une dissertation de l’unité de la Scene qu’on ne trouve point dans ma Tragedie. J’avoüeray qu’à l’examiner dans toute la severité de la regle, la critique est raisonnable ; mais s’il falloit s’en tenir à cette parfaite unité qu’on me demande, on auroit à reprocher ce defaut presque à tous les ouvrages de Theatre. Si Monsieur de Corneille se fût imposé cette regle, que seroit devenüe cette belle Scene que Rodrigue fait avec Chimene quand il va la trouver chez elle ? Que s’il faut justifier mon Ouvrage en particulier, il me suffit du moins pour établir l’unité morale, que ce commerce qui est entre la Ville et le Camp pour l’execution de ce qui se passe sur la Scene, se puisse faire vray semblablement dans moins de tems qu’il n’en faut pour satisfaire à la regle des vingt-quatre heures ; et d’ailleurs cette unité de Scene se doit expliquer plus favorablement pour mon Ouvrage, puisque la proximité du Camp et de la Ville estoit absolument necessaire dans les Sieges du tems de Judith où l’on ne pouvoit battre les murailles de la Ville assiegée, qu’avec des machines.
Je ne diray rien de l’Episode de Misael, il a paru si naturel et a esté si heureux, que ce seroit me rendre indigne de l’approbation qu’il a eüe, si je voulois la justifier. Je ne répondray point aux objections qu’on m’a faites par un jugement precipité, qui n’a pas examiné ce qui precede, et ce qui suit les endroits qu’on a condamnés. Je répondray encore moins à la critique qui est fondée sur le goût et non pas sur la regle.
Mais je ne sçaurois me taire sur l’étrange critique qui s’est répandüe contre les pieces saintes. Ce bruit est devenu un scandale public, et semble nous faire entendre qu’il faudroit proscrire la pieté et la bannir du Theatre, comme si nous estions encore dans ce siecle barbare et ignorant, où les spectacles publics representoient nos plus sacrez mysteres d’une maniere qui rendoit ridicule ce qui devoit estre le sujet de l’attention la plus serieuse et de la plus profonde veneration. Veut-on consacrer le Theatre aux matieres profanes, aux évenemens les plus horribles, aux parricides, aux empoisonnemens, aux passions outrées, aux amours incestueuses. J’avouë que les sujets les plus extraordinaires peuvent instruire et divertir quand ils sont maniez par des mains sçavantes et heureuses ; mais peut-on douter que les matieres Saintes quand elles tombent en de pareilles mains, puissent recevoir un tour assez agreable pour plaire et mieux encore pour édifier le Spectateur Chrestien. Nous avons un illustre exemple dans Polieucte, et puisque Judith dont l’Histoire est si delicate et si difficile à traiter, n’a pas dépleu dans la forme que je luy ay donnée, que ne peut-on pas attendre de ceux qui avec une Muse plus forte que la mienne, voudront entreprendre de semblables ouvrages, et leur donner tous les ornemens de la Scene. Puissent-ils confondre l’envie, ou plûtôt s’attirer cette critique qui s’est déchaînée sur ce qui fait tant d’honneur à Judith.
ACTEURS.
- JUDITH,Veuve de Manassés.
- MISAEL,Betulien, Amoureux de Judith.
- OZIAS,Chef du Peuple.
- ACHIOR,Chef des Ammonites.
- ABRA,Suivante de Judith.
- CHOEUR DE BETULIENS.
- HOLOFERNE,Prince d’Assyrie, General des Assyriens.
- VAGAO,Un des Officiers de sa Chambre.
- CHOEUR D’ASSYRIENS.
ACTE PREMIER
JUDITH TRAGÉDIE
SCENE PREMIERE
OZIAS parlant au Choeur des Betuliens
UN BETULIEN
OZIAS
UN BETULIEN
OZIAS
UN BETULIEN
OZIAS
UN BETULIEN
OZIAS
SCENE II
OZIAS seul
Je brûle de sçavoirSCENE III
OZIAS
OZIAS
UN BETULIEN
SCENE IV
ACHIOR
OZIAS
ACHIOR
OZIAS
ACHIOR
OZIAS
ACHIOR
OZIAS
ACHIOR
OZIAS
ACHIOR
OZIAS
ACHIOR
OZIAS
ACHIOR
OZIAS
SCENE V
OZIAS
ACHIOR
JUDITH
ACHIOR
JUDITH
OZIAS
JUDITH
OZIAS
JUDITH
OZIAS
JUDITH
JUDITH
OZIAS
ACHIOR
JUDITH
SCENE VI
ACHIOR
OZIAS
ACHIOR
OZIAS
Fin du premier Acte
ACTE II
SCENE PREMIERE
ACHIOR
MISAEL
ACHIOR
MISAEL
ACHIOR
MISAEL
ACHIOR
SaACHIOR
MISAEL
ACHIOR
MISAEL
ACHIOR
MISAEL
SCENE II
ABRA
MISAEL
ABRA
ACHIOR
MISAEL
SCENE III
MISAEL
ABRA
MISAEL
ABRA
MISAEL
ABRA
MISAEL transporté de joie
ABRA
MISAEL
ABRA
MISAEL
ABRA
MISAEL
ABRA
MISAEL
SCENE IV
MISAEL continuë
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
Attendez,MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
SCENE V
JUDITH
ABRA
SCENE VI
JUDITH seule
SCENE VII
MISAEL
ACHIOR
JUDITH
SCENE VIII
ACHIOR
MISAEL
ACHIOR
MISAEL
Fin du deuxiéme Acte
ACTE III
SCENE PREMIERE
HOLOFERNE
VAGAO
HOLOFERNE
VAGAO
HOLOFERNE
SCENE II
OFFICIER
HOLOFERNE
SCENE III
UN OFFICIER ASSYRIEN
HOLOFERNE
SCENE IV
HOLOFERNE
MISAEL
Un desseinHOLOFERNE
MISAEL
HOLOFERNE
MISAEL
HOLOFERNE
SCENE V
L’OFFICIER ASSYRIEN
HOLOFERNE
L’OFFICIER
MISAEL
HOLOFERNE
MISAEL
SCENE VI
HOLOFERNE
JUDITH à part
HOLOFERNE
JUDITH
HOLOFERNE
JUDITH
MISAEL à part
HOLOFERNE à Misael
JUDITH
HOLOFERNE
MISAEL à Judith
JUDITH
MISAEL
HOLOFERNE
MISAEL à Judith
JUDITH à part
MISAEL
HOLOFERNE
JUDITH
HOLOFERNE
SCENE VII
JUDITH
HOLOFERNE
JUDITH
HOLOFERNE
SCENE VIII
ABRA
JUDITH
Fin du troisiéme Acte
ACTE IV
SCENE PREMIERE
HOLOFERNE
VAGAO
HOLOFERNE
VAGAO
HOLOFERNE
VAGAO
HOLOFERNE
SCENE II
HOLOFERNE
JUDITH
JUDITH bas
HOLOFERNE
JUDITH
HOLOFERNE
JUDITH
HOLOFERNE
JUDITH
HOLOFERNE
JUDITH
HOLOFERNE
JUDITH
HOLOFERNE
JUDITH
HOLOFERNE
JUDITH
HOLOFERNE
SCENE III
ABRA
JUDITH
ABRA
JUDITH
ABRA
JUDITH
ABRA
JUDITH
ABRA
JUDITH
ABRA
JUDITH
SCENE IV
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
SCENE V
VAGAO
JUDITH
SCENE VI
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
SCENE VII
MISAEL seul
Fin du quatriéme Acte
ACTE V
SCENE PREMIERE
UN BETULIEN
OZIAS
SCENE II
OZIAS continuë
ACHIOR
OZIAS
ACHIOR
OZIAS
ACHIOR
SCENE III
MISAEL
OZIAS
MISAEL
OZIAS
MISAEL
OZIAS
MISAEL
SCENE IV
MISAEL continuë
Quoy seule, et sans Judith ?ABRA
OZIAS
MISAEL
ABRA
MISAEL
ABRA
SCENE V
UN BETULIEN
MISAEL
ACHIOR
ABRA
OZIAS
OZIAS
MISAEL
SCENE VI
OZIAS
JUDITH
ACHIOR
SCENE DERNIERE
MISAEL
JUDITH
MISAEL
JUDITH
MISAEL
FIN
EXTRAIT DU PRIVILEGE du Roy.
PAR grace et Privilege du Roy donné à Paris le neuviéme jour d’Avril 1691. Signé par le Roy en son Conseil, BOUCHER : il est permis au sieur Claude Boyer de l’Académie Françoise, de faire imprimer plusieurs Pieces de Poësie de sa composition pendant le temps de huit années, avec défenses à tous autres d’imprimer ny contrefaire aucunes desdites Pieces sur les peines portées à l’original dudit Privilege.
Registré sur le Livre de la Communauté des Imprimeurs et Libraires de Paris, le 20. Decembre 1691.
Signé, P.AUBOUYN, Syndic.
Et ledit sieur Boyer a cedé ses droits de Privilege pour la Tragédie de Judith, à Jean Baptiste Coignard Imprimeur du Roi, et à Michel Brunet Libraire à Paris, suivant l’acord fait entr’eux.
Achevé d’imprimer pour la premiere fois le 23. Avril1695.