Le Soliman
Georges ForestierMarie-Pauline MartinÉdition critique établie par Marie-Pauline Martin dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier (2009-2010)Autres contributions
LE SOLIMAN
TRAGI-COMEDIE.
AU LECTEUR
Je n’ay pas voulu (LECTEUR) faire deux presens d’une mesme chose, ny redonner à un particulier ce que j’avois desja donné au public: Les Anciens n’ont point affecté de dédier leurs Comédies à personne, et c’est soubs l’authorité des Grands la liberté de nos sentimens, qui naturellement ne reconnoissent point d’autre juridiction que celle de la Raison ; Joint que cela me semble d’autant plus à éviter, qu’il peut estre mal interpreté, et qu’encore que d’ordinaire on n’ait dessein que de payer ce que l’on doibt au merite et à la vertu ; neanmoins par je ne sçay quel malheur qui fait que l’on pense bassement des personnes moindres, on se figure tousjours que celuy qui donne à un plus grand que soy, a plus d’envie de demander que de rendre : Delà vient qu’en de pareilles rencontres, on ne feint point de comparer quelques Poëtes à cét Erisicthon dont il est parlé dans leurs Fables, qui vendoit et revendoit sa fille pour subvenir à sa necessité ; Et quoy que j’aye trop bonne opinion de ceux du métier pour en croire cette lascheté, et que je n’ignore pas que Pegase est peint aislé, afin de nous apprendre qu’ils mesprisent la terre, et qu’avec cela c’est un animal noble et fougueux qui ne souffre personne sur son dos ; j’ay pourtant trouvé plus à propos de ne prendre pour protecteur de cet ouvrage, que le mesme peuple que j’avois choisi pour en estre le Juge ; Et certes avec raison, puisque comme il a les deux qualitez necessaires pour bien juger, qui sont de ne se servir point du jugement d’un seul, ny de n’estre pas prevenu d’aucune affection ou connoissance en particulier, qui fasse qu’aymant comme sien ce qu’il void, il se l’approche de trop près, et ne luy laisse pas la distance requise pour le discerner exactement ; aussi a-t’il d’autant plus de force en sa deffense qu’elle n’est appuyé que sur sa justice et sur l’équité mesme. Mais tout ainsi qu’il ne suffit pas d’avoir ouy simplement un fait, pour prononcer dessus, et qu’il faut encore estre instruit de toutes ses circonstances : De mesme je ne pense pas qu’on doive rien determiner absolument touchant de cette Tragi-Comedie sans avoir esté auparavant pleinement informé des raisons de chaque chose ; C’est à quoy j’ay dessein de travailler icy, tant pour fortifier l’advis de ceux qui l’ont approuvée, qu’afin de resoudre les doutes de ceux qui y auroient trouvé à redire. Que ces derniers seulement ne se rebutent pas de sa lecture, car outre que les fautes qui se comprennent simplement par nostre entendement, comme alors qu’on lit, ne nous offensent pas tant à beaucoup prés, que celles qui tombent soubs nos yeux, ainsi qu’il arrive dans une representation ; la veuë du corps estant en cela semblable à ces vapeurs espaisses qui font que les objets* apparoissent plus grossiers, j’espere encore les satisfaire si bien, qu’ils reviendront de mon costé, et qu’ils avoüeront qu’en ce qui regarde les jugemens particuliers, la fortune* regne quelquefois autant sur le succez des pieces de Theatre, que dans les evenemens mesmes qui nous y font representez. Toutesfois devant* que commencer, je priray ceux que sont generalement ennemis des Prefaces, qui les croyent toutes inutiles, et tousjours la mesme chose, et seulement propres à rencherir les livres, de ne point passer plus outre en la lecture de celle-cy, car je ne doute point qu’elle ne leur fust ennuyeuse ; et quant aux autres, je les suppliray de m’accorder la patience qu’il faut pour m’ouyr rendre raison de mon travail, et examiner tant ce qui a esté inventé que ce qui a esté changé dans l’histoire par nostre Autheur et par moy, et je leur promets de le faire le plus briesvement qu’il me sera possible.
La premiere chose qui s’offre à considerer, c’est cette fiction qui fait Mustapha fils de Roxolane, (ainsi s’appeloit la Sultane femme de Soliman) quoy que les histoires et le bruit commun l’ayent dit fils de Circasse. Surquoy l’on remarque, que pourveu que ces suppositions d’enfans et ces échanges soient vray-semblables et vray-semblablement introduits, le Poëte a satisfait à son devoir, et par consequent les a rendus assez croyables, bien que l’histoire et le bruit commun en parlent autrement ; d’autant que le Poëte n’est point obligé de raconter les choses comme elles sont effectivement arrivées, mais comme elles ont peu arriver, ou qu’il a esté vray-semblable ou absolument necessaire, suivant les paroles d’Aristote ; Et nostre Autheur n’a pas manqué d’exemples pour l’induire à cecy, car il rapporte qu’Euripide dans ses Troades nomme Ganymede fils de Laomedon, quoy qu’Homere et Sophocle le nomment fils de Trous ; que Lycophron fait Iphigenie mere de Neoptelemus, quoy qu’il fust tenu de chacun pour fils de Deiopée ; qu’Helene est ordinairement estimée fille de Leda, et qu’il y en a pourtant quelques-uns qui la disent fille de Nemesis : Enfin que c’est une chose si facile de s’abuser en ce point, que nous voyons tous les jours dans les causes civiles des Advocats qui soutiennent hautement que tel n’est pas fils de celuy qu’il pretend estre son pere ; De sorte que nostre Autheur a peu dire que Mustapha estoit fils de Roxolane, encore que quelques Historiens et la renommée l’ayent dit fils de Circasse, et pourveu qu’il ait sceu feindre cela probablement, il aura avec raison obtenu d’estre croyable, parce que ce qui rend une chose croyable, n’est pas de ce qu’elle est contenuë dans les Histoires, puisque les Histoires mesme sont sujettes à mentir, ainsi que nostre Autheur le prouve ; mais de ce qu’il a esté possible que la chose arrivast comme on la feint : En un mot le Poëte ne doit pas perdre à la verité le croyable pour le merveilleux, mais aussi ne doit-il pas mespriser le merveilleux pour le croyable, d’autant que les deux joints ensemble, forment le sujet de la Poësie, et que l’un ne peut estre sans l’autre dans un bon Poëme.
Il ne faudra donc point non plus condamner le personnage de Persine introduit par notre Autheur, et qui est la seconde chose qu’il a principalement inventée et changée en la verité du fait: tant pour les raisons que nous venons de dire, qu’à cause que sans doute il s’attache fort bien à l’histoire, et est un Episode conjoint à la Fable, de la mesme façon qu’Aristote nous enseigne que les Episodes doivent estre : Il n’est pas tout à fait esloigné de l’Histoire, puis qu’on y lit que quelques lettres furent suprises par le Bacha d’Amasie, dans lesquelles il y avoit je ne sçay quoy d’un mariage entre Mustapha, et la fille du Roy de Perse, et que ces lettres estant presentées par Roxolane à Soliman, elles firent l’effet* qu’elle desiroit : et de ce peu de semence historique notre Autheur a creu pouvoir avec raison faire élever cette plante fabuleuse pour ainsi parler, des amours et autres avantures de Persine, les entrant si bien sur le tronc du principal sujet, que le tout s’avance et finit en mesme temps.
Pour ce qui est d’avoir fait arriver en un jour vray-semblablement ce que l’Histoire dit estre arrivé en plusieurs mois et en plusieurs années, comme sont les mauvais offices* de Roxolane et de Rustan contre Mustapha, et les soupçons que s’insinüerent peu à peu dans l’esprit de Soliman ; Je dy que ça esté un aussi grand coup de maistre à nostre Autheur de l’avoir fait, comme il estoit necessaire qu’il le fist : car pour y parvenir il a falu qu’il se servist de bien nouvelles et de bien pressantes occasions, d’envie et de dépit dans Rustan, de haine et de crainte dans la Reyne, et afin que l’un et l’autre travaillassent à la ruine de Mustapha avec plus d’effet*, il luy a falu faire naistre dans l’ame de Soliman des horreurs subites et inconnuës, faire parler le Devin en termes equivoques pour disposer davantage l’esprit du Roy à la croyance d’une chose controuvée ; Il luy a falu avoir recours à de fausses lettres, faire prendre prisonniere la fille du Roy de Perse ; descouvrir les amours d’elle et de Mustapha pour convaincre entierement Soliman, qui ne pouvoit se resoudre à croire la felonnie dont son fils estoit accusé : Et nostre Autheur n’a pas jugé que ce raccourcissement de temps fust contre la vray-semblance, l’ayant veu pratiquer fort souvent par plusieurs grands personnages ; En tesmoignage dequoy il rapporte ce fameux exemple du fait d’Hercule avec les filles de Thespius : car Ephore dans ses Histoires, et Homere dans sa poësie racontent que ce Heros fit en une seule nuit, ce que Pausanias et d’autres affirment qu’il ne fit qu’en cinquante.
Quant à ce qui est de la Scene, c’est à dire, le lieu où tout s’est fait, qui est la quatriesme chose que nostre Autheur a changée, et qui selon la verité de l’histoire fut une campagne, et que nostre Autheur feint avoir esté la ville d’Alep ; quoy que pour deffendre cecy, il suffit de se ressouvenir des raisons que nous avons desja exposées*, et qui peuvent servir en general pour chaque changement : neantmoins nostre Autheur en adjoute encore une nouvelle, avec un exemple. La raison qui l’a obligé d’en user ainsi, ça a esté la bien-seance et la commodité, parce que les actions qu’il avoit à representer devoient beaucoup mieux succeder dans une ville, que non pas dans une campagne, au milieu de mille pavillons, et parmy la confusion d’une armée, et du bruit des instruments de guerre. Pour exemple, il rapporte le lieu de la sepulture de Tifée, qu’Homere dit estre en Syrie, Pindare entre Cumes et Sicile, et Virgile en Ischie.
Icy je quitte Bonarelli, quoy que nous ayons tous deux à parler d’une semblable chose, et quelquefois avec les mesmes raisons, car où il est en peine de se deffendre de la mort de Roxolane, il faut que je me justifie de celle de Rustan. Je dy donc que je ne pense pas qu’il importe beaucoup que l’histoire en parle, pourveu que la suitte des autres choses la puisse rendre coyable, et que j’ay esté obligé de le faire mourir tant pour ne pas laisser la faute impunie, ce qui me sembloit un grand defaut, qu’afin que le changement de fortune* de Mustapha en fust plus plein et plus admirable ; attendu que son bon-heur dependant de l’affection de son pere, de la possession de Persine, et de la perte de ses ennemis, la felicité estoit accomplie, quand il obtiendroit ces trois points. Car de faire une reconciliation de Rustan avec Mustapha, cela est bon pour les Comedies, où comme on n’y void que des personnes de basse condition qui se mettent mal ensemble pour peu de chose, aussi est-il fort aisé de les reünir ; J’ay donc mieux aymé qu’il se tüast dans la rage ordinaire à ceux de son païs, voyant ses desseins avortez, et qu’il n’y avoit plus de jour à son salut ; Et si sa mort n’a pas esté telle que je la feins, je ne merite pas pour cela de n’estre pas creu, parce qu’on ne sçait pas trop certainement comme il est mort ; Et puis je ne suis pas le premier qui ne m’accorde pas en de semblables rencontres avec ce que disent les Histoires et la renommée ; car Ciceron luy-mesme qui faisoit profession d’estre Orateur, et non pas Poëte, parlant de Coriolanus, veut qu’il se soit tué de sa main, et neantmoins tous les Historiens sont en ce point d’un advis contraire : dequoy s’apercevant bien, il adjoute apres, qu’il est permis aux Orateurs de mentir, afin de pouvoir dire quelque chose de plus beau, à plus forte raison donc le doit-il estre aux Poëtes, afin qu’ils puissent dire quelque chose de plus merveilleux et de plus capable d’exciter de l’horreur ou de la commiseration. Nous avons encore pour nous l’exemple d’Helene, qu’Homere dit estre morte en Sparte de mort naturelle, et les autres comme particulièrement l’interprète d’Euripide avoir esté lapidée par ceux de Rhodes ; Et de plus l’authorité des enfans de Medée, qu’on croit communément avoir esté tüez par leur mere, quoy que les autres veulent que ç’ait esté par les Corinthiens. Les mesmes raisons que nous dirons cy-apres pour deffendre la vie de Mustapha pourront servir encore à deffendre la mort de Rustan.
Ce n’a pas esté en ce point seulement que je n’ay pas suivy nostre Autheur, car outre que la necessité de ma conclusion qui ne devoit estre funeste qu’à la méchanceté, m’a fait retrancher ces longues et malheureuses prédictions que menaçoient Roxolane et Soliman, pour ne toucher qu’à la mort de Rustan en passant, j’ay aussi remis au dernier Acte afin de faire triompher plus avantageusement l’innocence de Mustapha, l’éclaircissement de quelques trahisons, dont notre Autheur informoit les spectateurs à mesure qu’elles se tramoient, à dessein d’en rendre la mort de Mustapha plus pitoyable ; Et puisque j’ay resolu de te rendre raison de tout, je te diray encore que j’ay changé la reconnoissance de Mustapha doublement, et en sa cause et en son effect* : car au lieu que notre Autheur la faisoit venir de certaines femmes qui suivoient incessamment Mustapha sans qu’il sçeut pourquoy, j’ay creu qu’il estoit plus seant qu’Ormene que je feignois son pere Nourrissier, et qui par cette consideration pouvoit ne l’abandonner jamais, se trouvast tout à propos pour donner jour à cette reconnoissance. Ce qui m’a paru d’autant mieux que par ce moyen on n’avoit point recours au dehors, mais à un personnage qui faisoit partie du sujet, et qui sembloit ordonné à quelque autre fin ; conditions essentielles à une bonne reconnoissance : Pour l’effet* que j’ay voulu que cette reconnoissance produisit, qui est que Mustapha ne mourust pas ; quand meme la Tragi-Comedie ne m’y auroit pas obligé, j’aurois tousjours eu raison de le faire. Car j’ay leu dans un grand Maistre, que cette conclusion-là des Tragedies est la plus approuvée, lors* qu’un homme juste est amené jusques sur le bord du precipice, et qu’il en est retiré par quelque moyen : Et Aristote mesme trouve cette fin là plus recommandable, quand quelqu’un par ignorance est sur le point de commettre une chose où il n’y auroit plus de remede si elle estoit faite, et qu’il s’en empesche par quelque reconnoissance qui survient ; C’est à dire quand au lieu d’une Tragedie pure, nous en faisons une meslée, que nous nommons Tragi-Comedie, (car les anciens n’y mettoient point de difference) ainsi je l’ay pratiqué en ramenant par une heureuse reconnoissance, Mustapha presque de la mort à la vie.
Et pourtant c’est ce que quelques uns peuvent moins souffrir, que j’aye fait en cela contre la verité de l’Histoire. Tu me permettras, Lecteur, de m’estendre un peu sur ce point, qui embrasse luy seul la deffense de tous les autres ; Car si je justifie ce changement contre l’histoire, à plus forte raison auray-je justifié ceux qui ne sont qu’outre l’histoire. Il faut donc remarquer qu’il y a deux sortes d’histoires, les unes sont anciennes, et les autres modernes ; lesquelles ont doit considerer encore en deux façons, ou comme arrivées en un païs esloigné, ou comme arrivées en un païs proche ; Or est-il qu’il est bien plus permis au Poëte de changer les histoires anciennes, que les modernes, et bien plus celles qui sont arrivées en un païs estrangé, que celles qui sont arrivées en quelque lieu voisin. Mais que le sujet de nostre Tragi-Comédie soit tiré d’un païs reculé, on n’en doutera point si l’on pense que c’est d’une chose arrivée en Alep, ville esloignée de nous de beaucoup plus de journées que n’est pas Constantinople, et dont les nouvelles ne viennent pas si aysément jusques à nos oreilles ; De cecy nous asseure ce que nostre Autheur remarque, que nous n’avons eu connoissance du fait de Mustapha que par une seule lettre, q ui depuis a esté inserée mot à mot dedans nos Histoires, si bien qu’outre la distance du païs, le defaut d’escrivains ne sert pas peu à nostre deffance. Maintenant il faut sçavoir quelles histoires ont droit de s’appeller anciennes ; Pour moy j’estime qu’un siecle ou environ suffit à leur acquerir ce titre, principalement en un lieu esloigné d’où elles sont arrivées, et que c’est assez au Poëte de n’avoir point de tesmoins oculaires qui le dementent ; Car de cette sorte le fait se pouvant probablement ignorer, et l’authorité du Poëte estant presque aussi forte que celle des Historiens de son pays, cela luy donne le moyen d’introduire ses inventions propres, et de le rendre veritablement Poëte. Joint qu’afin de mieux exciter il n’est pas besoin* qu’il attende trop long-temps, suivant l’advis de quelques uns qui veulent que l’avanture que l’on raconte ne soit pas si vieille, et qu’elle se passe comme devant nos yeux : Neantmoins à le prendre au pis, quand mesmes on n’adjoutera point de foy* à ce que l’on verra representer, l’ouvrage n’en perdra rien de sa gloire. L’histoire, ainsi que nous avons desja dit, est une narration selon la verité, d’actions humaines memorables et arrivées ; la Poësie est une narration selon la vray-semblance d’actions humaines memorables et qui pouvoient avenir ; la matiere de l’une doit estre pareille à celle de l’autre, je l’avouë, mais pareille et non pas la mesme ; Tout le devoir d’un bon Poëte c’est d’imiter les accidens de la vie ; c’est d’imaginer un combat de la fortune* contre nous :d’où vient qu’Aristote dit, qu’il ressemble davantage au Philosophe qu’à l’historien, parce qu’il s’attache plus à l’universel qu’au particulier : La Poësie ne s’oblige donc à la foy* de personne, il luy est permis de s’emporter et de vaguer où bon luy semble, pourveu qu’elle ne s’égare ny ne s’extravague pas ; qu’elle fasse des portraicts faux tant qu’il luy plaira, pourveu seulement qu’elle ne nous donne point de chimeres ; Les mediocres Peintres qui reconnoissent leur peu de suffisance, arrestent nos yeux par la verité de l’histoire, mais ceux qui sont excellens se contentent de peindre bien et naturellement ce qui leur vient en fantaisie : Et toutesfois il y a cette difference entre la Poësie et la peinture, qu’une chose connuë plaist beaucoup moins descripte en vers que representée en un tableau, et qu’aux ouvrages de celle-cy, la fiction n’est pas ce qu’on estime le plus : mais dans la Poësie, elle est à si haut prix, qu’Aristote la prefere à toutes les autres parties : Aussi qui a trouvé mauvais qu’Homere ait fait les Grecs victorieux de Troye, et la femme d’Ulisse si sage, quoy que Dion raconte le contraire ? ou que Virgile nous ait feint Didon amoureuse et impudique, elle qui fut si chaste qu’elle se tua pour conserver son honneur, et pour garder la foy*, mesme à son mary mort ? tant il est vray qu’il a tousjours esté permis aux Poëtes de contredire à l’histoire, dont ils n’empruntent bien souvent que ce qui leur en faut pour dorer leurs Fables, afin de les faire recevoir plus aysément à ceux, pour le plaisir ou pour l’utilité de qui ils les preparent ; Si bien que nous pouvons conclurre que de changer la verité des choses, ne fait pas perdre au Poëte la creance qui luy est necessaire, pourveu qu’il observe les conditions que nous avons dites, qu’il ne prenne pas un suject trop connu, ny d’un pays trop proche de celuy des spectateurs, et qu’il attende quelque temps pour mentir plus impunément, puisque mesme les Historiens attendent bien quelquefois pour dire la verité ; Que si l’histoire que j’ay changé n’estoit pas assez ancienne, et si en cela je n’ay pas bien imité Homere et Virgile, au moins est-ce une faute qui pourra s’amander avec l’age, de sorte que ce qui oste le prix presques à toutes choses, accroistra peu à peu celuy de mon Soliman. Mais je n’en demeure pas là, et ne me contente pas d’avoir monstré que les choses pour contredire à l’histoire, ne laissent pas d’estre croyables, je pretends monstrer encore que mesme estant connuës fausses, elles ne laissent pas d’exciter toutes les fois qu’elles sont croyables. Mais comment le faux connu pour tel peut estre croyable, c’est ce qui paroist avoir besoin* d’une forte preuve ; Neantmoins cette proposition est de celles qui d’abord font peur et semblent farouches, et qui se trouvent à les manier fort faciles et fort traitables. Et pour te le faire voir, je dis avec nostre Autheur que ce que chacun appelle croyable, est l’object qui a du rapport avec nostre croyance, et que cette croyance, comme aussi l’opinion et la science, ne sont rien autre chose qu’une certaine disposition ou habitude, pour parler ainsi, que nous acquerons à l’endroit* de ce qui nous est proposé ; d’autant que, où les conclusions sont prouvées par des causes necessaires, et lors* s’engendrent la science, ou bien par des moyens qui ne sont pas desmonstratifs, mais universels et probables seulement, et lors* naist l’opinion ; ou elle sont fondées sur des raisons particulières capables de persuader, et lors* se produit la croyance, qui a pour object, comme nous avons dit, ce qui est croyable, lequel object determine et specifie la Rhetorique et la Poësie, mais avec cette difference que la Rhetorique regarde ce qui est croyable, entant que croyable seulement, et la Poësie le considere entant que croyable et merveilleux, si bien que la fin de la Rhetorique c’est de dire des choses propres à persuader, et le but de la Poësie c’est d’en chercher qui puissent réveiller nostre admiration. Concluons donc ainsi, s’il suffit au Poëte d’estre croyable, si ce qui est croyable, est l’objet* de nostre creance, si nostre creance procede de choses particulieres capables de persuader ; tout autant de fois qu’on mettra en avant un fait capable de persuader, c’est à dire qu’il n’importe pas qu’il soit vray ou non, necessairement, il emportera nostre creance et avec elle nos passions. Pour confirmation dequoy l’on adjoute, que l’esmotion se peut considerer en deux façons, de l’une, elle est droite et absolüe, et de l’autre, indirecte et dependante ; La premiere, c’est quand nous nous sentons touchez d’une action que nous sçavons assurément estre arrivée comme on nous la represente, si bien que par cette raison nous sommes autant émeus pour celuy à qui elle est avenuë que pour l’amour de nous mesmes, lors* que nous pensons qu’une pareille chose nous pourroit arriver quelque jour ; La seconde sorte d’emotion que nous avons appellée indirecte, c’est quand le fait qui nous est representé comme faux, nous touche seulement à l’égard de nous mesmes, ou de quelqu’un des nostres, parce qu’encore que nous nous appercevions bien que l’action et les personnes qui passent devant nos yeux sont feintes ; neantmoins faisant une reflexion dans nous mesmes de cet accident, qui est si croyable, qu’il nous peut arriver, ou à quelqu’un de nos proches, nous nous en sentons extremement touchez. C’est pourquoy Aristote a dit dans sa Rhetorique que la commiseration estoit une douleur qui provenoit de la veuë d’un mal corrompant et sensiblement dommageable à quelqu’un qui en estoit indigne, et que nous croyions pouvoir aussi nous mesmes souffrir* ou bien quelqu’un des nostres, et le reste. Mais il semble necessaire de considerer icy un point de tres-grande importance en l’affaire que nous traictons. C’est la difference qu’il y a de la façon d’exciter les passions qui appartient à la Rhetorique, et celle dont a besoin* la Poësie, particulierement celle du Theatre, parce que la Rhetorique s’efforce le plus souvent de persuader quelque chose en faveur aussi d’une autre, ou d’une tierce personne qui n’est ny l’Orateur, ny simplement ceux qui escoutent ; là où la Poësie, et principalement celle de Theatre, a pour premier but de profiter tousjours à ses Auditeurs de sorte que toutes les fois que le Poëte composera son Poëme de telle façon, que par le moyen des mouvemens indirects et reflechis dont nous avons parlé, les spectateurs seront émeus à terreur et à compassion, il obtiendra entierement sa fin, pusique procurant par là notre utilité propre, il a tout ce qu’un bon Poëte doit avoir. C’est pourquoy encore que le suject de la Tragedie, nommée la fleur d’Agathon, fust faux et reconnu pour tel, il ne laissoit pas pourtant de toucher ; autrement il n’eust pas merité d’estre loüé par Aristote : Et voilà que je croy, la vraye raison de l’experience que nous faisons tous les jours en nous sentant émouvoir par tant de Comedies, Pastorales, Tragedies, et autres Poëmes, que nous n’ignorons pas avoir esté faites à plaisir, et qui neantmoins reveillent en nous de veritables passions ou de tristesse, ou de joye, car nostre raisonnement doit s’appliquer à l’un et à l’autre : Et s’il n’estoit ainsi, je me serois bien abusé moy-mesme, puisque outre le dessein que j’avois, faisant une Tragi-Comedie du Soliman, c’est à dire, punissant le coupable et sauvant l’innocent, la perte duquel selon Aristote excite nostre indignation contre le Ciel mesme, qui est une chose horrible, outre dis je le dessein que j’avois d’instruire aucunement à la vertu, et de retirer du vice par l’espoir de la recompense et par l’apprehension de la peine, les deux grands Maistres de nostre vie ; J’ay cru encore qu’apres qu’on se seroie senty offensé des malices de Rustan, et affligé des miseres de Mustapha, lors* qu’on apprendroit la mort de l’un, et qu’on verroit le bon heur de l’autre, on en recevroit une joye d’autant plus pure (quoy que pour des sujects faux) que ce second mouvement* nous estoit une nouvelle preuve, que nous sommes gens de bien et veritablement amateurs de la justice : Cette mesme consideration m’a fait adjouter aux autres felicitez de Mustapha la possession de Persine ; qui ne pouvant pas estre sans le consentement et contre le gré d’un pere et d’un ennemy ; on ne doit pas trouver hors de propos ce me semble, que je fasse survenir l’Ambassadeur du Roy de Perse, puis qu’il apporte la conclusion du mariage avec la fin de la guerre.
Voilà (Lecteur) nostre Tragi-Comedie examinee et defenduë ; Que si ce discours t’a paru ennuieux, considere, je te prie, que la matiere le demandoit, et que je n’ay pas esté long, mais que mon suject estoit ample ; J’ay pourtant obmis quelques autres raisons que tu pourras voir dans les deux lettres apologetiques que nostre Autheur addresse à Bruni, et dont je n’ay point fait de difficulté d’emprunter ce que j’ay trouvé de meilleur pour une seconde deffense de son Soliman ; car puisque j’avois pris ses vers, il me devoit bien estre permis de me servir de sa prose ; Maintenant il resteroit qu’apres t’avoir parlé de l’oeconomie entiere de la piece, je t’entretinsse de l’embon-point et de la beauté du teint de chaque partie, c’est à dire de la douceur et de la naïveté des pensées et des paroles ; Mais j’ay peur de les avoir tellement alterées, que tout ce que j’avancerois à la loüange de Bonarelli ne retournast à ma confusion ; Et puis je me suis desja tant de fois estendu en de pareilles rencontres, que si je ne repete les mesmes mots, au moins me sera-t’il mal-aisé d’éviter que je ne redie les mesmes choses ; Toutesfois parce qu’il n’est que trop croyable que ce que j’en ay escrit n’aura pas merité d’estre veu de toy, et que d’ailleurs il importe de détromper quelques esprits qui ne font cas que d’un stile enflé et corrompu, en faveur de celuy de nostre Autheur, je veux bien, quoy qu’à ma honte et imparfaitement, mais tousjours à propos de la Tragedie, exposer* encore icy mes sentimens sur cette matiere.
Je me suis cent fois estonné, Lecteur, de ce que dit Aristote touchant l’effect* de la Tragedie, que par l’horreur et par l’effroy elle nous purgeoit de l’un et de l’autre, car il me sembloit que sa principale fin estoit de nous en remplir ; Neantmoins considerant la chose de plus prés, j’ay trouvé qu’il avoit raison, puisqu’en effet* la veuë d’un acte terrible et espouvantable, tel qu’on les represente d’ordinaire dans les Tragedies, en imprime dans nos coeurs une si forte aversion, qu’elle est capable d’estouffer tout ce que nous pourrions jamais concevoir de semblable : Aussi, dit-il, que la Tragedie est une invention de personnes graves ; comme s’il vouloit nous faire entendre* par là, qu’elle n’a esté instituée que pour seconder la Philosophie à nous retirer du vice, et pour nous monstrer au doigt ce que les meditations de l’autre nous enseigneroient peut-estre inutilement ; De là vient qu’elle ne nous propose que de grands exemples, et le plus souvent de personnes meilleures que nous, afin de nous estonner davantage par cette comparaison. De là vient aussi que tant d’excellens hommes n’ont point estimé indigne d’eux, de nous laisser de gros volumes touchant ses regles, et bien souvent sans dire un seul mot de la Comedie ; En consideration dequoy tu me permettras de remarquer, qu’encore que la Comedie soit appellée le miroir de la vie, neantmoins elle ne nous propose pas tant nos diformitez, pour les corriger, que pour nous en faire rire ; au contraire cette vaine delectation qu’elle nous donne ne sert qu’à reveiller nos vices, de mesme que ces foibles medicamens qui émeuvent plutost les mauvaises humeurs qu’ils ne les arrachent ; Il n’en va pas ainsi de la Tragedie ; elle n’a pas pour but le plaisir, mais le remede ; ce n’est pas un amusement inutile de la veüe, mais une severe reformation de nos mœurs ; elle attendrit nos coeurs et fait fondre nos yeux en larmes, et si elle nous monstre nos taches, elle nous fournit en mesme temps dequoy les laver. Supposé donc que la Tragedie soit un instrument serieux de la Philosophie, qui croira qu’il la faille manier en se joüant ? qui croira que ces grands hommes qu’elle nous fait voir, ne soient pas plutost introduits pour nous instruire qu’afin de nous chatouïller seulement les oreilles ? Ces affeteries de langage sont comme le fard d’une femme desbauchée, laissons-les à la Comedie ; La Tragedie est belle et majestueuse de soy ; loin d’elle ces ornemens estrangers, et ces legeres subtilitez entierement ennemies du poids de ses evenemens. Qui ne sçait aussi que les personnages que la Tragedie nous represente estant tous occupez en de grandes passions, ne se possedent pas assez eux-mesmes pour discourir avec tant de gentillesses ? Qui ne sçait que
La douleur qui s’exprimeAvec tant soit peu d’art, pert son nom legitime,Deroge à sa naissance ?
Et que nous seulement la douleur, mais toute sorte de mouvemens violens ne demandent point de paroles ambitieuses, mais veritables, n’en veulent point qui soient nées sur les lévres, mais qui soient conceuës dans le coeur ? Combien y a t’il que ce judicieux Precepteur de l’Eloquence Latine, nous a crié, que trop de diligence empiroit bien souvent nostre stile, que les meilleures pensées estoient celles qui nous venoient le plus aysément, qui estoient les moins tirées de loin, qui approchoient le plus de la simplicité, et qui sembloient sortir de la chose mesme ? Que ces elocutions qui tesmoignoient trop de travail, et qui paroissoient composées avec artifice, n’avoient ny grace, ny vertu pour persuader, parce qu’elles portoient ombre au sens, et luy nuisoient de la mesme façon que des herbes trop fortes estouffent les bonnes semences ; Que par une certaine envie de parler nous allions à l’entour de ce qui se pouvoit dire sans tant biaiser ; que nous repetions ce que nous avions desja suffisamment touché ; que nous chargions de beaucoup de mots ce qu’un seul decouvroit, et qu’enfin nous faisions plus de cas de signifier, que d’exprimer beaucoup de choses ? Par là tu vois comme la dignité des pensées doit estre preferée à l’elegance des paroles, afin qu’on s’arreste plus à ce qui se dit, qu’à la façon dont on le dit : Aussi est il bien juste, que ce qui vaut mieux paroisse davantage et que l’éclat de la diction n’obscurcisse pas la lumiere des sentimens, puisque l’une n’a esté trouvée que pour servir à l’autre.
Ce qu’il faut particulierement observer dans les discours de Theatre qui passent viste, et qui, s’ils sont trop figurez, ne s’accomodent pas à l’intelligence de tous ceux qui esccoutent. C’est pourquoy un grand Maistre ordonne, que le stile du Poëte soit moins magnifique que celui de l’Orateur, et qu’il parle plutost en citoyen, que non pas en Historien ; Et le mesme remarque que les Anciens choisirent le vers lambique pour leurs Tragedies, parce qu’il tomboit sans y penser dans la bouche de ceux qui discouroient ensemble ; et non pas l’hexametre, qui n’estoit pas si familier et qui s’élevoit par trop ; Et quant à moy je croy qu’ils se seroient abstenus de toute sorte de vers, n’estoit qu’ils frappent plus agreablement l’oreille, et qu’ils servent aucunement à soulager la memoire des acteurs : Joint que de prononcer de la prose au ton qu’il faut pour le Theatre, n’a pas si bonne grace, et ressent sa personne furieuse, ou qui parle à des sourds ; là où le vers porte naturellement quant et soy* ce renforcement et ce rehaussement de voix sans qu’on encoure pas un de ces inconveniens. Ils estoient donc bien loin de mesler dans leurs Tragedies de ces Poësies difficiles et couppées que nous appellons Stances, et qu’on a introduites pour faire des plaintes avec plus d’artifice : Surquoy j’advertiray en passant, que si l’on s’en veut servir, au moins il faut qu’il paroisse que celuy qui les prononce ait eu le temps de les mediter ; car toute grande passion pouvant rendre Poëte, et les Stances tenant lieu de Vers parmy les autres, qui sont comme de la prose en comparaison, on les supportera beaucoup mieux de cette façon, que non pas si elles naissent à l’instant mesme, et de l’occasion qui se presente ; mais tousjours doivent elles estre extremement naïfves, sans qu’il soit besoin* d’y rechercher ces subtilitez si fort estudiées, ny d’armer la fin de chaque dernier vers d’une pointe. En effect* qu’elle apparence y a-t’il qu’un amant* bien affligé trouvast les pensées qu’on luy met d’ordinaire en la bouche, c’est à dire, qu’un miserable se joüast ainsi de sa misere ? Seroit-il possible que de l’esprit restast encore si vif, quand le coeur se meurt ? que l’un fust en paix quand l’autre est dans le trouble, et que l’abondance des pleurs, ainsi qu’une forte pluie ne fust pas capable d’effacer ou de faire languir toutes ces belles fleurs de Rhetorique ? Aussi ne les rencontreras tu pas dans nostre Autheur, et quand je t’invite à la lecture du Soliman, ce n’est pas à un Jardin, mais à une Scene Tragique que je t’invite. Tu n’y trouveras point, pour ainsi parler, ces riches canaux de cristal et de marbre qui ravalent le prix et l’éclat des eaux qu’ils reçoivent, mais bien des pensées qui coulent d’une veine naturelle. Tu n’y verras point briller d’un costé et d’autre ces petites estincelles d’esprit qui donnent dans la veuë ; mais tu y reconnnoistras par tout une grande splendeur et lumiere de jugement ; En un mot tu y seras comme en un jour clair et serain, illuminé d’un seul Soleil, mais qui vaut mieux que cent mille estoilles.
Car je ne croy pas (Lecteur) avoir esté si malheureux que ma version ait fait perdre à Bonarelli tout son lustre ; Je me suis approché le plus pres que j’ay pû de son stile et de ses pensées tant pour les raisons que je viens de declarer, que parce que j’estime qu’il faut estre aussi religieux et fidele à rendre l’autheur que nous traduisons, que les Peintres le sont à tirer les lineamens de nostre visage ; Mais comme bien souvent ils font des portraits plus petits que le naturel, qui ne laissent pas toutesfois d’estre bons ; aussi je t’avouë franchement qu’encore que j’aye resserré beaucoup de choses en nostre Autheur, et que je sois demeuré partout au dessous de sa naïveté, neantmoins j’ay tousjours imité sa façon, mesme quand je me suis escarté de luy, et qu’en fin il s’en faut peu que je ne te donne son entiere ressemblance : De sorte que si tu mesprises le Peintre et sa peinture, tu dois pour le moins faire cas du personnage qui t’est representé. Et de fait c’est tout ce que j’espere, que Bonarelli en l’estat mesme où je l’ay mis, retient encore de sa naissance assez de grace et de majesté pour gagner ta bienveillance et ton respect, et pour luy et pour moy. Car pour ce qui est des couleurs et de l’estoffe dont je l’ay revestu, je veux dire pour ce qui regarde les vers que je lui ay prestez, j’ay desja donné tant de preuves de mon peu de suffisance en ce métier, que ce seroit un miracle si j’y avois bien reüssy : Le feu qui fait le Poëte ressemble à ces herbes qui poussent d’elles mesme et de la seule vigueur du terroir, il ne vient point d’ailleurs ny par experience, ny par habitude, il faut que la nature nous le donne ; Mais cependant sa vertu est telle que s’il ne nous eschauffe, il nous esclaire, et que ceux mesmes qui n’ont point d’inclination ny d’ardeur* à la Poësie, ne sçauroient s’empescher d’avoir quelque amour et quelque lumiere pour elle. C’est ce vin des Demons, comme l’appelle un Pere, qui est tout plein de tentations, et qui contraint les plus sages de suivre quelque-fois ses semonces ; Et à ce propos, si je ne craignois que cela ne fust pas assez serieux, je te ferois part d’une pensée qui me vient de naistre sur le champ ; c’est que je m’imagine que non seulement les grands hommes, comme on a fort bien remarqué, mais ceux aussi qui ne sont que mediocres, peuvent estre sujets à de certains transports et desreglemens, sans lesquels on a dit qu’on heurtoit vainement à la porte des Muses, et dont on ne sçauroit pour l’ordinaire se bien guerir et remettre, que par l’exercice de la Poësie ; de sorte que cét art seroit à nostre esprit ce que nous disions tantost que la Tragedie estoit à nostre ame, l’un et l’autre en chassant ce que nous y avons de vicieux. C’est pourquoy Aristote a dit d’un certain Marcus, citoyen de Syracuse, que son jugement s’égarant il devenoit excellent Poëte, et qu’apres il estoit plus rassis, mais fort mauvais versificateur ; C’est pour cette raison là mesme que Platon, Ciceron et mille autres excellens personnages n’ont peu se retenir de vacquer quelquefois à la Poësie ; et c’est pour cela encore que Socrate le plus sage de tous les hommes, un peu devant* que de mourir, afin de purifier son ame, et de la rendre digne de la compagnie des Dieux, dit qu’il se sentoit solicité par son Genie de composer des Vers, à laquelle voix il obeït. Faisant un peu de Poësie D’un peu de fureur qu’il avoit.
Suivant cette doctrine, tout ainsi que je ne me dois non plus fascher de n’estre pas bon Poëte, que de n’estre pas sujet à de fortes maladies : aussi me dois-tu pardonner, Lecteur, si je retombe souvent en cette faute de versifier, puisque tu vois qu’il n’est pas tousjours absolument en nostre pouvoir de nous en deffendre ; Il suffit que je n’en fay pas profession, et que je prends seulement quelques heures de passe-temps avec la Poësie, apres avoir rendu mes soins* et mes assiduitez à quelque plus digne maistresse : Car pour en parler sainement la premiere n’a rien dequoy remplir nostre esprit, si elle ne l’emprunte d’ailleurs ; de soy, elle n’est qu’une chose vuide, un son, une cadance ; tout son travail est en l’air, j’ay pensé dire semblable à celuy d’un danceur de corde, puisqu’en l’un et en l’autre il faut tousjours prendre garde aux pieds. Ce discours n’est pas d’un homme qui se sente bien avec elle ; Aussi fay-je plus de cas de cette connoissance de moy-mesme où tant de personnes s’abusent, que de tous les lauriers du Parnasse ; Et quand je me suis diverty à la Poësie, ce n’a pas esté dans la creance ny dans l’esperance mesme de faire de beaux vers ; mon principal but a tousjours esté de profiter dans l’imitation des choses que je voyois, et de me former dans l’esprit une idée pareille à celle que je m’essayois de rendre ; Tu le peux reconnoistre à ce que je ne me suis jamais proposé que les plus grands exemples, où comme on est obligé de s’attacher davantage à l’original à cause de son excellence, aussi est-il plus difficile de bien reüssir dans le tour des vers qui demandent de marcher en pleine liberté. Mais y avoit-il aucune consideration de rithmes qui me peust exempter avec raison de suivre pas à pas un Aminte, la premiere et la plus achevée des Pastorales qui ait esté composée d’une action entiere, et avec toutes les parties requises à une piece de Theatre ? Devois-je m’esloigner le moins du monde des pensées pompeuses d’une Pompe Funebre qui ne dement point la reputation de son Autheur, ce divin Philosophe Caesar Cremonin ? Devois-je changer celle d’un Torrismon, dont Casoni le meilleur esprit de son temps a dit, qu’il relevoit la langue Italienne à l’égal de la Grecque et de la Latine ? Enfin ne devois-je pas imiter le plus que je pouvois un Soliman, dont j’espere pourtant qu’un plus habile que moy, te fera mieux voir l’un de ces jours les merites. Au moins entre beaucoup d’autres avantages, aura-t’il celuy-cy, qu’il ne s’écartera point du dessein de Bonarelli, et n’ira point chercher ailleurs une conclusion nouvelle ; Ce que j’ay creu pouvoir faire, tant pour la raison du bon exemple que j’ay desja dite, qu’à cause qu’il m’a semblé qu’apres la condamnation de Mustapha et de Persine au supplice, il ne restoit plus rien à souhaiter aux spectateurs qu’une Catastrophe et revolution entiere de fortune*. Autrement il m’estoit aisé de mettre apres la reconnoissance de Mustapha, qui selon nostre Autheur fust arrivée trop tard pour le sauver, le recit de la mort des deux Amants*, avec les regrets et le desespoir de Roxolane et de Soliman sur la perte de leur fils innocent ; deux endroits* ou nostre Bonarelli triomphe ; Mais j’ay mieux aymé faire comme j’ay fait, appuyé des raisons que je t’ay exposées* ; et au peril mesme que la fin de mon Soliman apres que tu l’aurois veuë ne te causast un desplaisir pareil à celuy que l’on ressent de la fausseté d’un joyau que l’on croyoit vray, laisser l’autre conclusion à une personne qui devoit faire éclatter la piece dans toutes ses beautez en des vers et plus doux et plus agreables. Il est bien vray pourtant que ceux que je te donne eussent aucunement esté plus accomplis, sans le malheur qui en a fait perdre l’exemplaire entre les mains de ceux qui l’avoient en garde ; On m’a voulu persuader que celuy dont je viens de parler pouvoit bien l’avoit fait soustraire, et que j’avois dit de luy par un esprit de prophetie, que la plume de l’Aigle devoreroit la mienne ; mais j’ay tousjours respondu à cela, qu’il n’estoit pas croyable que cét Aigle n’eust peu souffrir* le petit éclat que mon Soliman a rendu, et qu’encore qu’il conversast depuis quelque temps avec les Turcs, neantmoins il estoit trop bien nay pour imiter leur damnable coustume de faire mourir leurs feres afin de regner tout seuls ; Quoy que c’en soit je desirerois que cet inconvenient qui m’a fait haster l’impression de cette Tragi-Comedie servist en quelque façon d’excuse à mes fautes, si je n’avois desja renoncé à la gloire de faire de beaux vers, et principalement dans une version et aux despens d’autruy, où toute la loüange qu’on puisse acquerir, quand on auroit le mieux reüssi du monde, c’est celle qui se donne aux Acteurs qui representent bien une piece qu’un autre aura inventée. Aussi, pour me flatter un peu moy-mesme, quand je voudray affecter le nom de Poëte, je ne pense pas estre si pauvre que je ne trouve encore devers* moy quelques ouvrages de ma façon, qui me pourront legitimement faire prendre part à cet honneur ou à cette fumée ; Ce ne sont point des pieces de Theatre que j’entends* par là ; Je confesse franchement que j’ay un trop petit fonds d’esprit pour fournir un si vaste champ ; Et puis pour rendre ce témoignage à la verité, nous sommes en un temps où ce qui a tousjours deu faire peur à cause de l’eminence de l’art, doit espouvanter et sembler temeraire pour l’excellence de quelques uns qui s’en meslent, dont les chef-d’œuvres donnent bien de l’enuie, mais desesperent de les pouvoir imiter ; de sorte que ce qui reste maintenant de gloire à la plus-part des autres ouvrages de ce genre, c’est seulement d’avoir veu le jour soubs leur regne ; Et c’est pour le respect qui leur est deu que je dis à mon Soliman, que tout grand Seigneur qu’il soit, il ne se monstre pas aupres d’eux, et moins encore aupres de ce dernier miracle, qui porte comme lui, mais à meilleur tiltre, le nom de Seigneur et de Tragi Comedie,
Sed longè sequere, Et vestigia pronus adora.
Ce n’est donc point de ces longs et penibles ouvrages de Theatre que je me vante, mais d’autres qui ne demandent point de si grands efforts d’esprit, et dont la petitesse ainsi que des moindres figures ne donne pas tant de lieu pour remarquer la foiblesse et les defauts de leur Autheur, comme font les Sonnets, les Stances, et de semblables pieces Lyriques. Il y a desja long-temps que je t’en eusse donné une bonne partie, si tant que j’ay peu te faciliter la conversation de plus honnestes gens que moy, je n’avois tousjours beaucoup mieux aymé m’y employer ; De cecy font foy* les versions que j’ay citées, et quelques unes encore d’une autre espèce, qui sont par avanture plutost tombées entre tes mains, et que je passe soubs silence, de crainte que si je publiois icy toutes mes fautes, tu ne creusses avec raison que j’aurois entrepris de faire une confession generale ; Mais maintenant que je ne connais plus de subjects de Theatre qui meritent la peine de les traduire, ou que si j’en connois ils ressemblent à ces arbres qui ne peuvent estre transplantez, ils renviendroient fort mal à nostre langue : et que d’ailleurs, il ne m’est pas permis de mettre au jour quelques versions en Prose, qui pour la gravité des matieres ne seroient pas sans doute de peu d’utilité (quoy que d’aucuns estiment tout ce qui peut divertir assez profitable) ; J’espere qu’apres tant de Tragedies et de Comedies qui ont cours maintenant, le meslange ou l’essay Poëtique que je te veux desormais preparer, aura dequoy contenter la curiosité des plus diffciles. Je te declaire neantmoins que ces vers estant les premiers, et peut-estre les seuls que tu verras de mon invention, je n’ay pas envie de rien precipiter. Je tiens d’un grand Maistre que qui publie une chose qu’on ne lui demande pas, sans aucune necessité, publie aussi la confiance qu’il a en son jugement, et en la bonté de ce qu’il donne, laquelle chose si elle se trouve mauvaise, l’Autheur ne sçauroit éviter d’estre accusé de malice, ou d’impertinence, d’avoir voulu tromper autruy, ou de s’estre laissé tromper soy-mesme ; de façon qu’il vaut mieux pour moi que j’accroisse un peu ton attente par mon retardement, que si par une vaine ambition je ne mettois au hazard de haster ma propre honte. Je conclurray, Lecteur, ainsi que j’ay commencé, par une authorité des Anciens, lesquels respresentoient une tortuë aux pieds de l’image de Minerve, afin de nous apprendre, comme il est bien croyable, qu’en ce qui vient de nostre teste, nous ne pouvions jamais aller trop lentement, et que pour une bonne production de l’esprit, aussi bien que pour un heureux enfantement du corps, la rentenuë et la maturité sont également necessaires. Adieu.
Fautes survenuës en l’impression
Dans la Preface. Touche seulement à l’égal de nous mesmes, lisez à l’égard.
Page 87. Quel est cruel Destin aujourd’huy ton envie ? lisez. Quelle.
Page 101. Que la Reyne a formé par ce fils innocent.lisez, pour ce fils.
Page 105. Et seul à sa malice ay fourny de matiere. Lisez, l’ay seul, etc…
Privilege du Roy.
Louis par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, A nos amez et feaux les gens tenans nos Cours de Parlement, Baillifs, Seneschaux, Prevots, Juges, ou leurs Lieutenans, et à chacun d’eux en droict foy, Salut. Nostre cher et bien-amé le sieur Dalibray, nous a fait remonstrer, qu’il desireroit imprimer et mettre en lumiere une Tragi-Comédie, intitulée, Le Soliman, par lui composée: mais craignant que l’Impression ne luy soit dommageable si d’autres que luy s’ingeroient de le faire imprimer, il nous a requis nos Lettres sur ce necessaires. A ces causes, Nous avons permis, et octroyé, permetons et octroyons audit sieur Dalibray d’imprimer ou faire imprimer ladite Tragi-Comédie, par tels Libraires que bon luy semblera, et qui auront droit de luy, icelle vendre et exposer* durant sept années, pendant lequel temps nous avons fait et faisons tres-expresses inhibitions et deffenses à tous autres Libraires et Imprimeurs de la faire Imprimer, vendre, ny debiter, sur peine de perte des exemplaires, et de cinq cens livres d’amende, despens, dommage et interests: Et afin qu’ils n’en pretendent cause d’ignorance, Nous voulons qu’en faisant mettre en fin des exemplaires autant des presentes, elles soient tenues pour certifiées. A la charge toutesfois de mettre deux exemplaires de ladite Tragi-Comedie dans nostre Biblioteque des Cordeliers à Paris et un exemplaire d’icelle és mains de nostre amé et feal256 Chevalier Chancelier Garde des Seaux de France, le sieur Seguier Dautruy. Car tel est notre plaisir. Donné à Paris le vingt-septiesme jour de Fevrier l’an de grace, mil six cens trent-sept. Et de nostre regne le vingt-septiesme. Par le Roy en son Conseil*, PETIT. Et scellé du grand seau de cire jaune.
Achevé d’imprimer le 30. Juin 1637
Et ledit sieur Dalibray a cedé et transporté le present Privilège à Toussainct Quinet Marchand Libraire, pour jouyr du contenu porté par iceluy, ainsi qu’il a esté accordé entre-eux
LES ACTEURS
- SOLIMAN.Roy de Thrace.
- RUSTAN.Gendre de Soliman.
- ACMAT.Conseiller.
- OSMAN.Gentil-homme de Rustan.
- PERSINE.Fille du Roy de Perse deguisée en garçon, amoureuse de Mustapha.
- ALVANTE.Pere Nourricier de Persine.
- LA REYNE.Femme de Soliman.
- SELINE.Confidente de la Reyne.
- MUSTAPHA.Fils de Soliman.
- SOLDATS.De la garde de Soliman.
- ORMENE.Pere Nourricier de Mustapha.
- ADRASTE.Lieutenant de Mustapha.
- MESSAGER.
- DEVIN.
- GENTIL-HOMME DE SOLIMAN.
- L’AMBASSADEUR DE PERSE.
ACTE PREMIER
SCENE PREMIERE.
SOLIMAN.
ACMAT.
RUSTAN.
ACMAT.
RUSTAN.
SOLIMAN.
RUSTAN tout bas.
SOLIMAN.
SCENE DEUXIESME.
[p. 4]SOLIMAN.
OSMAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
OSMAN.
[p. 5]ACMAT.
SOLIMAN.
ACMAT.
SCENE TROISIEME.
[p. 7]PERSINE
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
SCENE QUATRIESME
LA REINE.
SELINE.
[p. 14]LA REYNE.
SELINE.
LA REYNE.
[p. 15]SELINE.
LA REYNE.
SELINE.
LA REINE
Fin du premier Acte.
ACTE II.
SCENE PREMIERE.
SOLIMAN.
MUSTAPHA.
[p. 18]SOLIMAN.
MUSTAPHA.
SOLIMAN.
RUSTAN.
SCENE DEUXIESME
RUSTAN.
RUSTAN.
OSMAN.
RUSTAN.
[p. 21]SCENE TROISIESME.
SELINE.
LA REINE.
RUSTAN.
[p. 22]LA REINE.
RUSTAN.
SELINE.
LA REINE.
RUSTAN.
LA REINE.
RUSTAN.
LA REINE.
RUSTAN.
LA REINE.
RUSTAN.
[p. 24]LA REINE.
RUSTAN.
LA REINE.
RUSTAN.
SCENE QUATRIESME.
LA REINE.
SOLDATS.
LA REINE.
SELINE.
LA REINE.
LA REINE.
SOLIMAN.
SELINE.
LA REINE.
RUSTAN.
SOLIMAN.
LA REINE.
SOLIMAN.
LA REINE.
SOLIMAN.
LA REINE.
RUSTAN.
SOLIMAN.
LA REINE.
SOLIMAN.
LA REINE.
SOLIMAN.
LA REINE.
RUSTAN.
SOLIMAN.
LA REINE.
SOLIMAN.
LA REINE.
[p. 32]RUSTAN.
LA REINE.
SOLIMAN.
LA REINE.
SOLIMAN.
RUSTAN tout bas à la Reyne.
SCENE CINQUIESME.
PERSINE.
ALVANTE tout bas ces deux vers seulement
PERSINE.
ALVANTE
[p. 37]PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
SCENE SIXIESME.
[p. 41, F]ALVANTE
OSMAN sans estre apperceu.
ALVANTE.
OSMAN.
ALVANTE.
OSMAN.
ALVANTE.
[p. 42]OSMAN.
Fin du second Acte.
ACTE III.
SCENE PREMIERE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
[p. 48]ALVANTE.
PERSINE.
SCENE DEUXIESME.
SOLIMAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
ACMAT.
[p. 52]SOLIMAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
SCENE TROISIESME.
[p. 53]RUSTAN.
SOLIMAN.
RUSTAN.
SOLIMAN lit.
[p. 54]RUSTAN.
SCENE QUATRIESME
MUSTAPHA.
ORMENE.
MUSTAPHA.
ORMENE.
MUSTAPHA.
ORMENE.
MUSTAPHA.
ORMENE.
MUSTAPHA.
ORMENE.
MUSTAPHA.
ORMENE.
MUSTAPHA.
ORMENE.
MUSTAPHA.
[p. 59]ORMENE.
SCENE CINQUIESME
ADRASTE.
MUSTAPHA.
ADRASTE.
MUSTAPHA.
[p. 60]ADRASTE.
ORMENE.
MUSTAPHA.
ADRASTE.
ORMENE.
ORMENE.
ADRASTE.
ORMENE.
MUSTAPHA.
ADRASTE.
MUSTAPHA.
ADRASTE.
MUSTAPHA.
ADRASTE.
MUSTAPHA.
ORMENE.
MUSTAPHA.
ORMENE.
SCENE SIXIESME.
MESSAGER.
MUSTAPHA.
ADRASTE.
ORMENE.
[p. 65]ADRASTE.
MUSTAPHA.
Fin du troisiesme Acte.
ACTE IIII.
SCENE PREMIERE.
SOLIMAN.
RUSTAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
[p. 67]ACMAT.
SOLIMAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
ACMAT.
ACMAT.
SOLIMAN.
RUSTAN.
ACMAT.
RUSTAN.
ACMAT.
RUSTAN.
[p. 70]SOLIMAN.
ACMAT.
RUSTAN.
ACMAT.
RUSTAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
ACMAT.
RUSTAN.
SCENE DEUXIESME.
SOLIMAN.
DEVIN.
RUSTAN.
DEVIN.
RUSTAN.
DEVIN.
SOLIMAN.
RUSTAN.
SOLIMAN.
DEVIN.
RUSTAN.
SOLIMAN.
DEVIN.
SOLIMAN.
DEVIN.
DEVIN.
SOLIMAN.
RUSTAN.
SCENE TROISIESME.
PERSINE.
SOLDATS.
SOLIMAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
SOLDATS.
SOLIMAN.
SCENE QUATRIESME
[p. 78]ALVANTE.
SOLIMAN.
PERSINE.
RUSTAN.
SOLIMAN.
PERSINE.
ALVANTE.
ALVANTE.
PERSINE.
RUSTAN.
ALVANTE.
SOLIMAN.
PERSINE.
ALVANTE.
ALVANTE.
SOLIMAN.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
ALVANTE.
SOLIMAN.
PERSINE.
ALVANTE.
PERSINE.
SOLIMAN.
Dieu que viens-je d’RUSTAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
ALVANTE.
SOLIMAN.
ALVANTE.
PERSINE.
SCENE CINQUIESME
[p. 83]SOLDAT.
PERSINE.
SOLDAT.
PERSINE.
SOLDAT.
PERSINE.
SCENE SIXIESME.
[p. 85]MUSTAPHA.
PERSINE.
MUSTAPHA.
PERSINE.
MUSTAPHA.
MUSTAPHA.
PERSINE.
MUSTAPHA.
PERSINE.
MUSTAPHA
PERSINE.
MUSTAPHA.
Fin du quatriesme Acte.
ACTE V.
SCENE PREMIERE.
MUSTAPHA
PERSINE.
[p. 90]MUSTAPHA.
PERSINE.
MUSTAPHA.
[p. 91]SCENE DEUXIESME.
LA REINE.
SELINE.
SELINE.
LA REINE.
SELINE.
LA REINE.
SCENE TROISIESME.
[p. 93]ORMENE.
LA REINE.
ORMENE.
LA REINE.
ORMENE.
LA REINE.
ORMENE.
SELINE.
LA REINE.
SCENE QUATRIESME
[p. 97]SOLIMAN.
ACMAT.
SCENE CINQUIESME.
[p. 98]RUSTAN.
LA REINE.
RUSTAN.
LA REINE.
RUSTAN s’enfuit.
LA REINE.
[p. 99]SOLIMAN.
LA REINE.
SOLIMAN.
[p. 100]ACMAT.
ORMENE.
SOLIMAN.
LA REINE.
SOLIMAN.
SCENE SIXIESME
[p. 101]SOLIMAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
ACMAT.
SOLIMAN.
ACMAT.
SCENE SEPTIESME.
[p. 103, O]LA REINE.
SCENE HUITIESME.
OSMAN survient.
SOLIMAN.
OSMAN.
SOLIMAN.
OSMAN.
SOLIMAN.
LA REINE.
SOLIMAN.
OSMAN.
ALVANTE.
MUSTAPHA.
PERSINE.
MUSTAPHA.
LA REINE.
SOLIMAN.
OSMAN.
SOLIMAN.
MUSTAPHA.
[p. 108]SCENE NEUFIESME.
GENTIL-HOMME.
SOLIMAN.
L’AMBASSADEUR DE PERSE.
[p. 109]SOLIMAN.
L’AMBASSADEUR DE PERSE.
ACMAT.
ALVANTE.
MUSTAPHA.
PERSINE.
SOLIMAN.
FIN.