L'Innocent malheureux ou La Mort de Crispe. Tragédie
Georges ForestierÉdition critique établie sous la direction de Georges Forestier.Autres contributions
L’INNOCENT MALHEUREUX,
OU LA MORT
DE CRISPE.
TRAGEDIE.
A MONSEIGNEUR,
MESSIRE JEAN VICOMTE DE POMPADOUR, BARON DE BRE’, TREIGNAC, Sainct Circ, la Gane, etc. Lieutenant General pour le Roy au Gouvernement du haut et bas Lymosin, et Capitaine d’une Compagnie au Regiment des Gardes de sa Majesté.
Monseigneur,
L’Innocent Malheureux trouve du bonheur dans son infortune, en ce qu’estant mort indignement, il resuscite glorieusement sous vôtre nom, et triomphe de la calomnie apres avoir rendu l’ame par son effort. Dans cette nouvelle vie qu’il reçoit, je ne pouvois luy choisir un plus noble Protecteur que celuy qui la luy donne, et qui n’ayant pas moins de perfections que Crispe, a d’ailleurs beaucoup plus de felicité, et peut par son honneur relever celuy de l’autre. La naissance, Monseigneur, vous a mis d’abord* dans une élevation, où la fortune ne peut mettre que de grands* hommes ; mais vous avez d’ailleurs obtenu des charges qui nous font douter si vous estes plus illustre de vous mesme, ou par la bienveillance du Roy. Mais nous sortons de ce doute, considerant qu’estant issu d’une des plus grandes maisons* de Guyenne, et aussi bien élevé qu’aucun Seigneur de tout le Royaume, vous ne pouviez manquer d’estre avantagé aupres de Louis le Juste, qui honore particulierement de ses faveurs ceux qu’il trouve desja grands* par bonheur et par merite.
Quand il n’y auroit que le souvenir de feu Monseigneur vôtre pere, vous seriez tousjours grandement considerable à cét Estat, comme estant successeur de celuy qui l’a tousjours servy avec autant de zele que de succés; et qui parmy les troubles n’a jamais eu que de bons mouvemens pour la Couronne. La charge qu’il a si long temps exercée avec une prudence égale à sa generosité, et le Collier de l’Ordre que ses vertus luy avoient fait donner, aussi bien que l’estime du plus grand* de tous les Princes, témoignent evidemment que la loüange particuliere que je luy donne, sera suivie d’un Panegyrique public. D’ailleurs, la consideration de Madame, que nôtre Cour regarde* comme un des plus beaux Soleils qu’elle ait produit, et qui est alliée de Monseigneur le Chancelier, monstre que la Justice mesme n’auroit plus de credit* dans le monde si vous n’y aviez de l’honneur et de l’employ. Outre cela, vos qualitez personnelles semblent capables de vous donner des avantages que les autres ne tirent ordinairement que de l’extraction, et nous font juger qu’estant si noble de deux costez, vous le serez encore autant de vous mesme. Cette force de jugement, qui en vôtre jeunesse vous fait imiter la sagesse des plus âgez, et qui vous fait gouverner une Province en un temps où les autres peuvent à peine se gouverner soy-mesmes, nous fait voir aisêment que la nature mesme vous a instruit, et que l’experience s’est d’elle-mesme offerte à vous, au lieu que les autres sont en peine de l’acquerir. Le soin* encore que vous avez eu de joindre les exercices de l’esprit avec ceux du corps, vous a mis dans une constitution ; qui fait que dans la paix et dans la guerre vous pouvez estre tousjours utile, et servir la France avec autant d’adresse que de valeur. Ce n’est pas mon seul sentiment qui vous donne ces loüanges, c’est l’opinion generale de tout le monde, qui espere tant de vous, Monseigneur, que personne n’ose dire ce que vous estes, sçachant que ce n’est qu’une partie de ce que vous devez estre. Cependant la cognoissance que j’ay de vos rares qualitez, jointe à l’inclination que j’ay à vous reverer, m’a fait croire que vous recevriez de bon œil l’offre que je vous fais de la Mort du fils du plus grand* Empereur de Rome, lequel dans toute sa grandeur vient rendre hommage à la vôtre. Outre ces raisons generales, j’en ay de particulieres de vous dedier cét ouvrage ; L’une est, que l’ayant conceu en un païs que vôtre Charge vous rend sujet, je crois estre obligé à vous rendre des fruits de vôtre Province, et vous faire voir que si vous travaillez* pour nôtre bien, nous travaillons* pour vôtre gloire. J’ay encore voulu par là, vous témoigner le respect que mon pere et tous ceux de sa maison* portent à la vôtre, et comme nous desirons vous estre doublement sujets, et par naissance, et par élection. Souffrez, Monseigneur, cette hardiesse, comme estant plustost un effet du zele que de la temerité de celuy qui est,
Monseigneur,
Vostre tres-humble, et tres-obeïssant serviteur,
Grenaille.
OUVERTURE GENERALE à toute la piece, avec un discours sur les Poëmes Dramatiques de ce temps.
Un Autheur du siecle passé, parlant de la Poësie se plaignoit avec raison, de ce que les Muses qui logeoient autrefois sur une double montagne, sembloient à peine ramper de son temps, et qu’au lieu d’animer les vers, elles estoient presque mortes. Nous pouvons dire que les Poëtes d’à present leur ont fait prendre un autre train, puis qu’ils les ont élevées sur le theatre où elles ont une veritable grandeur, au lieu que les monts ne leur en donnoient qu’une imaginaire. Tous les esprits qui ont un peu de genie l’employent d’abord à la Scene, les Odes et les Sonnets ne sont pas des pieces si communes que les Tragicomedies. Cela vient à mon avis du prix que la France donne aujourd’huy à cette sorte d’ouvrages, et de l’agréement de ce grand* Ministre, qui se deschargeant du poids des affaires, prend quelquefois de nobles divertissemens en des sujets heroïques. Ceux qui sont capables de concevoir quelque chose de grand, aiment mieux consacrer leurs veilles au contentement de ce grand* Heros, qu’aux loüanges de plusieurs autres personnes. On en peut encore apporter une autre raison, quoy qu’inferieure à celle-là, et c’est que les Acteurs qui representent les Poëmes Dramatiques, le font avec tant d’adresse et de splendeur, que chacun se persuade que c’est à eux qu’il appartient de donner la montre aux belles choses, et que ce qui les occupe une fois, passe tousjours pour relevé. Aussi voyons nous qu’une profession qui a tousjours eu de la vogue, semble estre maintenant toute Royale, estant sous la protection de sa Majesté.
Sa troupe est plus honorée de nôtre temps, que les anciens Comediens ne l’estoient sous les Empereurs, aussi répond elle par son action, et par le nombre des personnes qui la composent, à tout ce qu’on peut attendre d’elle pour le contentement des plus grands* Princes aussi bien que de tout le peuple.
Il faut avoüer neantmoins, que si tous les Autheurs ont les mesmes pretensions, ils n’ont pas tous les mesmes succés. C’est que plusieurs veulent d’abord* voler bien haut, sans avoir apris à marcher, d’où vient qu’ils s’abbaissent en s’élevant, et que pensant toucher le faiste*, ils tombent dans le precipice. Ils veulent faire un chef d’œuvre sans avoir fait aucun essay. Ils n’ont jamais sceu composer une Elegie, et ils croyent pouvoir hautement exprimer les regrets d’une Princesse malheureuse. Ils ne sçavent pas combien un Poëme a de parties, et ils songent aux cinq actes du plus difficile de tous. Ils n’ont pas d’enthouziasme pour faire deux vers hardis, et ils croyent en avoir pour une piece de longue haleine. Ainsi donc ils ne courent pas dans la lice, mais plustost ils y choppent à châque pas, ils n’ont pas de suffisance, mais ils ont de la vanité. Ils prennent de belles matieres, mais ils leur donnent une bien chetive forme. Un ancien disoit, qu’il valoit mieux estre blâmé de quelques gens, que d’estre loüé par d’autres; mais on peut dire qu’il y a de beaux sujets qui perdent leur Majesté, pource qu’ils sont traittez par de foibles plumes. Puis que je mets la mienne en ce nombre, sans parler d’aucune autre en particulier, on doit croire que je fais plustost ma censure, que celle de ceux que je reconnois pour mes Maistres. On doit loüer ma sincerité, et non pas m’accuser, ou d’orgueil, ou d’imprudence.
On peut dire encore, que la difficulté qui se rencontre à bien faire une piece de Theatre, vient aussi-tost de la nature de l’objet, que de l’insuffisance de l’Autheur. Il est certain, que comme une Tragedie a divers visages, qui n’ont pourtant qu’une vision, il faut estre bien clairvoyant pour luy donner toutes ses postures raisonnables. Ce beau corps comprend une infinité de beaux membres. Il embrasse le Politique pour faire tenir les conseils, et prendre de bonnes resolutions aux grands* Monarques. La Morale y est employée pour esmouvoir les passions, et dispenser bien à propos l’esperance et le desespoir, l’amour et la haine. L’eloquence y regne pour produire tous les sentimens du cœur, et faire voir son ame dans ses paroles. La Logique y est necessaire pour ne faire jamais de mauvais raisonnemens sur un bon sujet, et employer plustost les termes dans leur sens que dans la rime. La connoissance de l’art Militaire s’y méle, par les duels ou les combats qui sont souvent les tristes evenemens, et qui causent ces belles intrigues qui sont suivies d’un admirable desnouëment. La Musique mesme est requise à un ouvrage qui consiste tout en nombres, qui est aussi bien fait pour l’oreille que pour le cœur, et qui doit ravir l’ame par l’oüie. Je ne parle point icy de l’Histoire, car tout le monde voit que pour prendre de beaux sujets il faut sçavoir de belles choses, et bien remarquer la substance et l’accessoire d’une action, pour bien reconnoistre les veritez qu’il faut suivre, et ce qu’on peut feindre* dans un Poëme. Or pour donner tant de belles figures à un tableau, il faut qu’un Peintre soit bien expert, et qu’un Artisan ait ensemble du bon-heur* et du sçavoir pour achever cét ouvrage. Outre que la nature luy doit avoir donné ce Caracthere qui a fait dire que les Orateurs se font par art, mais que les Poëtes naissent habiles, il faut encore que l’industrie enrichisse la nature, et que la nature s’efforce de surpasser l’industrie.
Un homme donc qui se mesle de faire de ces rares productions, doit estre pourveu de toute sorte d’avantages. Il doit estre sçavant sans estre ny superficiel, ny aussi trop speculatif. La Sagesse luy doit apprendre des secrets dont la Cour et le commerce des hommes luy doivent fournir des exemples. Il doit avoir l’imagination bonne, mais elle doit ceder à la bonté de son jugement. Pour son esprit, devant tousjours feindre* en quelque façon il doit estre bien subtil et bien avisé; Au reste ses passions doivent estre si bien faites, qu’il les puisse émouvoir et appaiser à sa volonté, et sans changer de cœur les employer à divers usages. Il faut qu’il fasse le Roy et l’esclave, la Reyne et la suivante, le Juge et le criminel, l’accusateur et l’Apologiste, sans se troubler ou changer de personnage. De plus, il doit estre circonspect pour garder la justesse aussi bien aux circonstances, qu’au principal de toutes les choses. Il faut qu’il fasse taire à propos les Souverains pour laisser parler les sujets, qu’il donne du temps à l’aversion aussi bien qu’aux plus douces affections, et qu’il fasse disparoistre les Acteurs avec autant d’applaudissements qu’ils ont paru sur le Theatre. En un mot, il doit estre parfaict Courtisan, comme parfaict Orateur, et il nous faut croire que ce qui a fait dire que la Poësie a quelque chose de Divin, c’est qu’il faut avoir une faveur presque surnaturelle pour en acquerir la perfection, et sembler moins homme que demy-Dieu. Ces fameux enthousiasmes qu’on nomme divines fureurs monstrent assez que mon opinion est aussi bien fondée sur l’experience qu’appuyée sur la raison.
On peut recueillir de ce discours que plusieurs peuvent faire des Poëmes dramatiques, mais qu’il y a fort peu de gens qui les fassent dans la perfection qu’ils doivent avoir. Comme entre les Poëtes Latins nous n’avons qu’un Seneque qui ait reüssi en matiere de Tragedies, et que Sophocle et Euripide sont les seuls des Grecs qui y ayent heureusement travaillé, avoüons que la France n’est pas plus feconde aujourd’huy que l’Italie et la Grece. Tous ceux qui font des vers ne sont pas incomparables, et le nombre des Autheurs ne les rend pas tous excellents. Cette confusion ne mesle pas le merite et l’imperfection des uns et des autres. Nous en avons neantmoins quelques-uns qui ornent magnifiquement nôtre Theatre au lieu que les autres en prennent leur ornement. Tant d’illustre Morts qu’ils font resusciter avec admiration, seroient bien aises s’ils revenoient au monde, d’avoir eu jadis du malheur pour donner sujet aux ouvrages de tant de bons esprits qui le representent. On ne sçait qu’admirer plustost où l’argument de leurs pieces, ou la beauté qu’ils luy donnent. On peut dire seulement que leur art est encore plus admirable que la matiere, et qu’il n’y a point de riche sujet qui ne tire du prix de la façon qu’ils luy donnent. Je ne veux point, pour gagner les bonnes graces de quelqu’un faire des comparaisons odieuses, ny desobliger tous les Autheurs pour en loüer un en particulier. Je crois neantmoins que les autres seront tous de mon advis, quand je diray que Mr de la Calprenede, pour estre venu des derniers ne laisse pas de tenir le premier rang. Ce n’est pas l’amour du pays qui me fait parler, c’est la verité que j’aime plus que tout le reste. Je sçais bien que nôtre Guyenne l’avoüe pour son ornement, mais sa personne m’est plus considerable que sa naissance. Outre que parlant en faveur d’un homme que je n’ay jamais eu l’honneur de voir que dans ses écrits, on ne dira pas que je flatte celuy qui ne m’entend point estant maintenant bien éloigné de Paris, mais plustost que je donne au merite de ses œuvres ce que d’autres donneroient à la complaisance. Ce n’est pas que je n’honore la cause encore plus que l’effet, mais pour admirer l’effet à loisir, je veux un peu separer ses interests d’avecque ceux de sa cause.
Je diray encore par prevention, qu’on ne doit pas mettre toute la loüange de cét Autheur dans ses ouvrages, veu qu’ils en font la moindre partie. Ce qui fait la profession de plusieurs ne fait que ses divertissemens, et les chef-d’œuvres qui occupent toute leur vie se font lors qu’il se délasse. Sa naissance l’a trop eslevé pour luy permettre de tirer sa gloire d’un employ où les roturiers pretendent aussi bien que tous les Nobles. Pour estre Poëte comme les autres, il ne doit pas cesser d’estre par dessus le commun des hommes. Il est bien aise de nous ravir, mais non pas de quitter son rang. Il ne veut pas que sa plume soit si bonne que son épée, ny qu’une Couronne de laurier semble ennoblir un beau Tymbre. C’est pourtant un cas merveilleux que cette illustre negligence qu’il affecte produise tant de belles choses, et que ne voulant esgaler personne à faire des vers, il esgale tout le monde. Mais de ces reflexions generales venons maintenant aux particulieres, pour voir changer mon opinion en evidence. Nous avons veu diverses pieces de cét excellent Autheur, chacune desquelles nous sembleroit incomparable, si elle n’avoit sa semblable de mesme main. La mort de Mithridate qui fut l’essay d’un si bon esprit passe pour un chef-d’œuvre au jugement des habiles. L’Autheur a tort de luy vouloir ravir* ses ornemens par une modestie recherchée, on l’estime suivant ce qu’elle est, et non pas suivant le cas qu’il en fait. On ne defere pas à son opinion en ce qui le touche, pour ce qu’elle est injuste devant* que de luy estre tant soit peu desavantageuse. Il suffit de dire que si cette piece n’estoit excellente elle n’auroit pas une approbation generale, et qu’elle n’eust jamais causé de si grandes émotions dans les ames des spectateurs, si elle n’eust esté le fruit d’un puissant genie. La mort des enfans d’Herodes ne cede point à la Mariane, quoy qu’on l’en nomme la Suite ; l’Autheur trouve dans son art les beautez que l’autre a rencontrées dans la matiere aussi bien que dans ses divines inventions, et pour n’avoir pas tant de femmes la Scene n’en est pas moins agreable. C’est là qu’on voit ces belles diversitez que causent les passions d’un fils jaloux de son pere, et d’un pere qui est jaloux de ses enfans. La tyrannie et la pitié, l’indulgence et la cruauté y sont meslées avec un si doux temperamment qu’on se réjoüit en s’affligeant*, et on pleure dans sa joye. La Jeanne d’Angleterre est un sujet si meslé par les illustres occurrences, qu’on y remarque, que l’esprit en demeure perpetuellement surpris, bien qu’il prevoye d’abord* tout ce qui doit arriver. Mais principalement on y voit de grands* cœurs que les supplices rendent plus genereux, et qui ne sçavent non plus ceder au malheur qu’à la force des ennemis. D’autre part on voit une Princesse qui apprehende de regner, pource qu’il luy faut faire mourir une autre Reyne, et qu’estant son ennemie elle ne peut d’ailleurs resister aux mouvemens de l’affection que les merites de sa rivale luy donnent. J’ay oüy dire que l’Autheur fait un estat particulier de cette piece, aussi est-elle une image de sa generosité, mais il faut avoüer que son jugement en ce point est suivy de celuy de tous les autres.
Je ne parleray point des autres pieces anciennes de sa façon pour dire un mot des modernes, non pas que les premieres ayent perdu leur grace portant tousjours leur merite, mais c’est que les suivantes ajoustent la nouveauté aux autres attraits qu’elles ont. Le Comte d’Essex pour estre un sujet plus recent, ne laisse pas d’estre admirable. Sa grace neantmoins ne luy vient pas tant de sa nouveauté, comme des admirables intrigues qu’on voit dans toute cette Tragedie. Le pouvoir d’une Reyne s’y debat si bien contre son amour, que lors qu’elle est vaincuë, on la croit victorieuse. D’ailleurs les respects du Comte y couvrent si bien ses dédains, que ses fautes semblent estre vertueuses. Sa fin nous plaist toute tragique qu’elle est, pource qu’elle nous surprend aussi bien que luy, et qu’il meurt apres qu’on luy a donné la vie.
Quoy que tout ce que j’ay dit jusques icy, soit plustost fondé sur la verité que ma simple opinion, j’ajoûteray neantmoins que l’Edouard estant la derniere piece de cét Autheur me semble la plus achevée. Nôtre Theatre n’a jamais paru plus parfaitement Royal qu’à cette occasion, ny plus triste sans causer de sinistres evenemens. Pour bien juger de cét ouvrage, il ne faut que le regarder* en quatre faces, en son sujet et en sa disposition, en sa catastrophe et en sa representation. Je comprends sous ces quatre chefs limitez, des perfections veritablement infinies. Quand je ne dirois autre chose pour loüer la matiere de cette belle Tragedie, sinon qu’elle est prise de la vie d’un des plus grands* Monarques que l’Angleterre ait jamais porté, je croirois assez persuader qu’elle est toute magnifique. Mais si l’on considere qu’outre la Majesté du sujet, les evenemens y sont tous extraordinaires, nous jugerons que celuy qui l’a choisi n’a pas eu moins de bonheur que de jugement. Cette Histoire semble un charme qui nous ravit*, quand nous voyons un Roy qui devient esclave de sa sujette; un Pere qui confirme sa fille en ses bonnes resolutions en faisant semblant de l’en destourner; une Dame qui est soupçonnée d’estre cruelle envers son Roy, pource qu’elle est trop fidele à son honneur. En un mot, quand nous considerons un Prince doux et irrité, craintif et asseuré, qui menace de mort une femme à laquelle il se donne pur recompense. La disposition correspond à la beauté de l’invention, les passions ont de beaux commencemens, et de tres bonnes issuës. Un Roy consulte son honneur avant que de suivre son amour, le devoir est plustost regardé que l’inclination. On met des empeschemens à la passion pour mieux faire paroistre sa resistance. Les finesses sont subtilement tramées, mais elles sont bien découvertes*, les Acteurs sont en aussi grande suspension que les Spectateurs. Les parties de cét ouvrage sont si bien jointes l’une à l’autre, qu’elles font un divin accord, quoy qu’elles semblent estre contraires. Au reste, les personnages y parlent tousjours conformément à leur condition. Un Prince fait l’Amant* et le souverain, le fils et l’independant. Une Reine fait la jalouse et la condescendante, la sincere et la fine, la douce et la furieuse. Un homme d’Estat obeït au Roy sans offencer son sang qu’il attaque, il fait le Pere et le Politique, le Conseiller et celuy qui dissuade. Une femme sollicitée de son honneur, respecte la personne d’un Roy dont elle méprife les affections. Elle se resout à mourir à la Couronne pour ne vivre qu’à son devoir, et conserve son thresor en voulant perdre sa vie. Par tout le langage est masle sans estre rude, et où il est doux il n’est jamais effeminé. Les saillies neantmoins y surpassent les paroles, les mysteres ne se peuvent pas exprimer. La Catastrophe à mon avis, n’est pas moins agreable qu’elle est illustre. On y voit toutes les extremitez qu’ont les plus tragiques actions, et les plus doux démeslemens qu’on peut donner aux Comedies. Tant s’en faut qu’elle ensanglante le Theatre, qu’au contraire, il n’y a pas seulement un recit de sang ny de mort, et neantmoins on n’attend que quelque accident funeste*, lors qu’on n’en voit qu’un heureux. Un Roy fait condamner celle qu’il épouse apres, celle qu’il nommoit sa meurtriere et incontinent sa chere moitié. Il trouve de l’innocence où il soupçonnoit du crime, le poignard qui luy faisoit peur luy frappe doucement le cœur pour aimer plus ardemment une Chasteté invincible. Nous sortons donc de peine par cette agreable metamorphose, qui change les tourmens en plaisirs, et les aversions en nopces et en amour. Finissons ces reflexions par la decoration du Theatre, qui paroist d’autant plus beau dans cette piece qu’il n’est chargé que des personnages qui la composent. La substance mesme de l’action fait toutes les beautez de la Scene, et l’Autheur trouve en la forme de son ouvrage, ce que plusieurs autres cherchent en des idées estrangeres de Perspective. Tout est majestueux en ces apparitions Royales, les entrées et les sorties sont si regulieres, que nous n’estimerions pas la veuë d’un Prince s’il ne nous l’ostoit bien à propos, ny les beautez d’une Dame si elle ne nous les cachoit pour exciter nôtre desir par un si doux intervalle.
Je n’ay garde de toucher à ces unitéz qu’on affecte tant, pource que l’Autheur estant Maistre en cét art, n’a eu garde de faillir entre ce qu’il apprend aux autres par exemple et par precepte. L’unité d’action y est fort bien observée, puis que tout concourt à la fin des amours du Roy, qui d’illicites qu’elles estoient au commencement deviennent en fin legitimes. Il n’y a point là d’Episodes destachez, pour remplir un Theatre d’Acteurs inutiles, et qui ne paroissent une fois que pour ne paroistre plus. L’unité de lieu est bien estroitement gardée en un sujet dont l’Histoire se peut tout passer dans l’enceinte d’un Palais, et qui ne comprend en substance que des transports* de haine et d’amour. Il n’y a point icy de combats affectez ; on n’y combat que cœur à cœur, et on y cache plus les armes qu’on ne les monstre. La reigle des vingt et quatre heures ne peut pas estre choquée, où le jour naturel semble observé. Vous diriez que cette Histoire arrive toute à la fois en toutes ses circonstances, tant l’Autheur nous la represente agreablement sans nous lasser où nous faire trop attendre. Mais je ne veux pas discourir davantage sur un sujet si connu, les belles choses se produisent assez par le charactere de leur excellence. Ce que j’en ay dit est plustost un effet de mon zele que de ma temerité, et fait plustost voir mon admiration que les loüanges d’un autre. J’estime neantmoins que mon opinion sera approuvée, pource qu’elle est legitime, et que ceux qui y trouveront à redire ne me blasmeront que de n’avoir pas assez hautement parlé de ce qu’ils estiment autant que moy.
On s’estonnera sans doute de ce que pour donner ouverture à mon ouvrage, je louë ceux d’un autre Autheur, et mesle mes defauts avecque ses perfections. J’ay à respondre là dessus, que j’ay voulu mettre une belle teste à un chetif corps, et relever par la gloire d’autruy la bassesse de mon livre. Si faut-il neantmoins dire quelque chose en faveur de mon Poëme, afin de faire agréer mes vers par un peu de Prose, et couvrir en quelque façon mes fautes en les avoüant solemnellement. Crispe donc va paroistre dans la France apres tant d’illustres Morts que les vivans ont admirez ; son innocence est assez recommandable, mesme parmy les pechez de l’art qui la represente. Cette Tragedie cede à toutes les autres pour la beauté de la forme, mais elle en esgale plusieurs pour la Majesté du sujet ; La Chasteté n’est pas moins venerable que l’amour, et les combats qu’un homme fait pour resister aux caresses d’une femme, ne sont pas moins glorieux que ceux qui visent à fleschir sa cruauté. En un mot, la Vertu est tousjours plus prisable que le vice. Or devant que de parler plus avant de mon dessein*, il faut que j’estale mon sujet, et que je décrive briefvement l’Histoire qui luy sert de fonds pour mieux descouvrir ce que j’y ay adjousté de mon invention pour la rendre plus dramatique.
Un ancien disoit fort bien, que souvent un homme qui prend deux femmes se marie mal une fois, pource qu’il fait une marastre* aux premiers enfans s’il fait une mere aux autres. Constantin qui en vertu de ses heroïques actions fut surnommé Grand* par un éloge encor trop petit eu égard à ses merites, quoy qu’il semblast joüir de toutes les prosperitez, se ressentit neantmoins de ce malheur. Il se maria en premieres nopces à une Dame aussi habile que vertueuse, appellée Minervine, dont il eust deux jumeaux, Crispe et Helene, en qui la terre se pouvoit venter d’avoir produit deux Soleils, le Ciel n’en ayant qu’un seul. Les graces et les vertus sembloient croistre avec ces deux beaux rejettons du sang Imperial, et ils ne pouvoient apparemment recevoir aucun déchet que par trop de perfection. Minervine estant decedée, Helene mere de Constantin éleva ses enfans dans le Christianisme aussi bien que dans toute sorte de gentillesse, et l’Empereur qui n’avoit encore que des desseins* pour embrasser nôtre Religion, épousa une Payenne. C’estoit Fauste fille de Maximien, persecuteur de l’Eglise, dont l’autre devoit estre le protecteur. Femme à la verité aussi belle que la Venus qu’elle adoroit, mais d’ailleurs plus impudique. Elle aimoit bien au commencement Constantin comme son époux, mais elle commença de regarder* son fils Crispe de meilleur œil, et ne se contentant pas d’estre sa marastre*, elle desiroit estre son amante*. Neantmoins comme elle cachoit subtilement son feu* deshonneste sous la couleur d’une vraye affection de Mere, et que dans les divers transports* de son cœur, elle fut long temps à s’emporter jusques à l’impudence manifeste, toute la Cour estoit fort satisfaite de ses inclinations envers Crispe, et Constantin luy sçavoit gré sans y penser dans son infidelité. Ses mauvais desseins* passoient pour des effets d’un bon naturel, et Crispe mesme s’imaginant que les privautez de Fauste n’estoient pas dangereuses comme celles d’une estrangere, appelloit faveur des tesmoignages d’une fureur déreglée, et bienseance des exces de la deshonnesteté. Il changea bien d’avis quand Fauste changea de façons de faire, et que des poursuites d’amour qu’elle luy faisoit couvertemente elle vint aux evidentes. Ce Prince quoy qu’interdit des discours de cette megere*, trouve pourtant des paroles pour les blasmer, et de la force pour resister à ses violentes caresses. Elle le presse, il ne fleschit point, elle le prie, il la menace, elle l’adore, il la mesprise, elle enrage, il s’irrite, elle s’excuse pour l’accuser plus finement, il se retire de la Cour pour ne la pas rendre tout à fait inexcusable.
Cette retraite du fils donna de violens soupçons au pere, et comme les Grand* s’imaginent qu’ils vivent tousjours trop à l’opinion de leurs heritiers, il appelle d’abord* complot ce qui n’estoit que respect et zele pour son service. Là dessus Fauste qui n’avoit pû rendre Crispe coupable avec elle, vient l’accuser de tous ses mauvais desirs, et pource qu’elle n’avoit pû forcer la pudicité de ce Prince, elle le charge d’avoir voulu attenter violemment sur son honneur. Et comme elle estoit aussi dissimulée que malicieuse, joignant les pleurs à ses plaintes, et des suspensions à ses discours* ; elle persuade à ce pere trop credule, que l’innocence estoit attainte d’un tel crime, et que la malice estoit innocente. Constantin sans examiner davantage une affaire qui tournoit à son deshonneur comme à celuy de son fils, et qui alloit mettre sa maison* en desolation, et tout l’Empire en desordre, commande à son Confident de faire mourir celuy à qui il avoit donné la vie. Cét Agent fait tout ce qu’il peut pour n’avoir pas cette commission, ou en suspendre l’effet, mais il ne peut pas disposer à sa volonté des intentions de son Maistre, et comme il se voit menacé de perdre son credit* si Crispe ne perd le jour, il s’en va pour executer l’ordre de l’Empereur avec autant de regret que de promptitude. Crispe le voyant arriver luy fait des caresses sans songer au mal qu’il luy venoit faire, et dans un festin où ce Ministre l’invite, on luy sert des aprests de mort parmy la joye du banquet. Un venin fort penetrant fait en un moment éclipser ce beau Soleil, sans que les assistans sçachent la cause d’un si malheureux effet ; on peut voir neantmoins dans la douceur que ses yeux gardent mesme dans l’agonie, que Crispe mourant l’innocence meurt. Les nouvelles en estant portées en Cour, elle devient plus triste et muette qu’une sombre solitude, et quoy qu’on justifie cette action violente par la volonté et puissance de l’Empereur, on ne laisse pas de la juger punissable. Les deux Helenes n’ont plus de vie apres le decés de Crispe. Constantin mesme regrette celuy qu’il croit encore coupable, et voudroit mourir à l’instant pour pouvoir le resusciter ! Que l’innocence a de force dans la foiblesse ! on peut calomnier la vertu pour un temps, mais apres ses calomniateurs deviennent ses Panegyristes. La Cour estant dans cette rumeur, Fauste vient la tirer de peine en s’y mettant volontairement, et soit que la verité soit tousjours plus forte que l’artifice et le mensonge, ou qu’en fin quelque spectre l’effraye et l’oblige à descharger* l’innocent ; elle vient confesser son propre crime, et avoüer la vertu de Crispe. C’est là que l’Empereur blâme sa credulité, et qu’il la nomme folie. C’est maintenant qu’il se juge malheureux, voyant qu’ayant perdu son fils, il luy faut perdre sa femme. La peut-il excuser sans peché puis qu’elle est coupable, et qu’il n’a pas voulu garantir Crispe de la mort qu’il n’avoit pas meritée ? Il commande qu’on la noye dans le bain pour laver un si noir forfait*, et prenant le deüil pour le decés de son fils, toute sa Cour se resjoüit de celuy de Fauste. Voila en peu de mots la substance de cette tragique action, qui montre où peut aller le soupçon d’un pere mal informé, et la fureur d’une Marastre* desesperée.
On peut voir cette histoire plus au long dans les Autheurs qui ont escrit la vie de Constantin avec plus de sincerité que de complaisance. Ceux qui n’en ont osé parler de peur d’offencer la gloire du Protecteur de la foy*, n’ont pas consideré que l’Histoire est un miroir qui represente indifferemment les vices et les vertus, et que de couvrir les defauts pour mettre au jour les perfections, c’est plustost estre flatteur que tesmoin de l’antiquité. Outre qu’il faut considerer que Constantin n’avoit pas encore esté baptisé que par desir, quand il se laissa emporter à cette foiblesse, et apres tout, la justice et l’amour de la chasteté, semblent avoir part à sa faute aussi bien qu’une credulité un peu trop severe. Au reste, j’ay reduit cette suite d’evenemens dans les limites du Poëme Dramatique, et si on y trouve quelque occurrence nouvelle dont les Historiens ne fassent pas de mention, il faut regarder* que c’est un Poëte qui fait cette narration, et c’est à tort qu’il doit feindre* suivant son art, mesme dans les Tragedies, s’il les trouve toutes faites. Il suffit que ce qu’il ajoûte à la deposition des autres, ne les contredise point en la substance des choses, et soit plustost un enrichissement du fonds, qu’une Fable du tout hors d’œuvre. Quand il s’esloigne du vray, il doit suivre le vray semblable. Ainsi l’on trouvera dans cette piece quelques Episodes qui semblent d’abord* un peu destachez, mais qui neantmoins ont beaucoup de liaison avec tout le corps, et se rapportent au sujet, si ce n’est pas de droit fil, pour le moins indirectement, pour rendre la Scene plus agreable et plus honneste tout ensemble. Cette confidence entre Crispe et Procle est fort naturelle, puisque personne n’est sans amy ; et cette concurrence d’affections de Fauste et d’Adélaïde, causent de petits nœuds dont le desliement donne une peine au Lecteur, qu’il recherche en toutes les pieces de Theatre. Que si dans toute cette Tragedie j’ay meslé encore d’autres intrigues d’amour outre celles qui en font proprement le corps, ç’a esté pour adoucir la severité des evenemens funestes*, et resjoüir un peu ceux que je dois faire pleurer. Et puis Crispe pour estre innocent, et pour refuser les offres d’une affection illegitime, ne laisse pas de pouvoir estre amoureux raisonnablement ; comme il y a de vicieuses amours, il y a de vertueuses inclinations, et Dieu auroit fait grand tord à notre nature, de luy donner une passion qui la rendit tousjours criminelle.
J’ay fait parler Helene en saincte sur le Theatre, pource qu’elle l’estoit en effet, et que ce n’est pas un peché de rendre une Poësie plus Chrestienne que profane. Je sçay bien qu’il ne faut pas mesler temerairement la Religion avecque la Comedie ; mais j’estime d’ailleurs que les Poëtes ne sont pas dispensez de la probité, et que les vers qui ont autresfois servy à declarer les plus grands mysteres des Payens, ne doivent pas estre employez de nos jours, à travailler seulement pour l’idolatrie de nos amours. On remarquera que j’ay fait dire à Constantin le secret de son dessein* à son principal Ministre, quoy qu’on die communément qu’il le luy dissimula ; mais je l’ay fait à escient pour excuser la precipitation de ce jugement, qui estant un peu concerté semble estre plus raisonnable, et le subjet participant à la faute semble amoindrir celle du Maistre. Et puis tous les sages Princes ont eu des amis du cœur à qui ils proposoient leurs desseins* aussi franchement qu’à eux-mesme, et souvent pour avoir esté trop secrets en particulier, les Grands* se sont perdus en public. Si un bon Conseiller est necessaire à toute sorte de gens, il l’est bien davantage à ceux qui font les affaires de tout le monde, et qui ne sont eslevez par dessus les autres hommes que pour mieux pourvoir à leur bien. Pour quelques reigles particulieres qu’on suit aujourd’huy avec autant d’adresse que de raison, elles ne seront pas icy parfaitement observées, mais aussi ne les choqueray*-je pas manifestement. Le Theatre sur tout n’y est pas fort bien entendu, pource que j’ay plustost fait cette piece pour me donner du contentement, que pour luy donner des applaudissemens d’une representation magnifique. De sorte que si elle reçoit de l’approbation, c’est contre mon intention et mon esperance. Outre qu’ayant produit cét ouvrage à la campagne, où je ne voyois ny Poëtes ny Comedies, je ne pouvois pas faire un chef d’œuvre de Cour. L’unité de temps et de lieu semble icy plus reguliere, veu que toute l’Histoire se passe à Rome, et que la mort de Crispe arrivée prés de la Ville, est plustost racontée que mise en veuë ; d’ailleurs, il n’y a rien parmy tant d’incidens divers, qui sans contrainte et sans eslargissement, n’ait pû se passer en vingt-quatre heures. La bien-seance qui doit regner principalement en des Poëmes serieux, est suffisamment gardée presque en toutes les parties de celuy-cy; comme les douces passions n’y sont jamais molles ou dissoluës, les autres qui sont plus impetueuses ne sont jamais déreiglées que par mesure.
Pour les pensées, j’ay creu qu’elles seroient assez belles, si elles estoient plus naturelles que recherchées, et si les pointes venoient plustost de la promptitude que de la quintessence de mon esprit. Les paroles n’estant que les images de l’ame, tiendront moins de l’affetterie que de la naïveté, et comme parlant François, je ne voudrois pas estre barbare, je ne veux pas aussi espuiser tous les secrets des Grammairiens pour faire de mauvais Poëmes. Outre que je ne suis pas né dans ces heureuses Provinces, qui font succer à leurs nourrissons le bien parler avec le laict ; j’estime que de pointiller sur des mots, c’est vouloir dire un peu trop agreablement, ne pouvant dire de bonnes choses. Ce n’est pas qu’il ne faille infiniment estimer ceux qui pour obliger* la France, taschent de polir sa langue, mais je veux dire seulement que les Poëtes ne doivent pas moins regarder leur sujet que l’elocution. En fin j’avouë que cette piece venant de moy, ne peut pas estre sans une infinité de fautes, mais je défie le plus hardy Critique de l’art de m’y monstrer tant de défauts, que je n’en y reconoisse davantage. Ce n’est pas à dire que je croye pouvoir pecher impunément faisant des fautes par dessein*; mais c’est que la Poësie est si delicate, que j’estime qu’un bon Poëte est plus difficile à trouver qu’un bon Orateur, et neantmoins celuy qui a esté le vray exemplaire de l’Eloquence, dit, que jamais homme n’a pü reüssir excellemment en sa profession. J’ay encore à dire là dessus, que les commencemens ne peuvent pas estre parfaits, on n’arrive pas au bout de la lice si tost qu’on entre dans la carriere, on ne peut pas faire des coups de Maistre sans avoir fait aucun essay. Ces Messieurs qui font aujourd’huy les miracles en matiere de Poësie, ont autresfois fait des pieces qui n’estoient pas extraordinaires, s’ils se surpassent maintenant, ils demeuroient autresfois au dessous d’eux-mesmes ; ils avoüent* qu’ils ont esté jeunes devant que d’arriver à une parfaite maturité. Ils sont donc trop equitables pour exiger de nous, que nous volions d’abord sans avoir jamais perdu terre, et que nous les esgalions absolument, ayant assez de peine à les imiter. Nous ne pouvons pas faire les chef-d’œuvres pour voir seulement qu’ils en font, ny gagner en un mois des avantages qu’ils n’ont obtenus qu’apres des longues années. L’Honneste Fille encore qui voit le jour avec L’Innocent Malheureux, me peut servir d’excuse assez legitime, si j’ay eu plus de soin* de representer les beautez d’une fille que d’un homme. J’avouë que cette Princesse a tellement occupé tout mon esprit, qu’à peine ay-je pû songer à ce Prince, et le bon-heur* de celle-là, m’a esté plus considerable que le malheur de celuy-cy. En un mot, j’ay cru que Crispe ne seroit jamais mal venu estant en si bonne compagnie, et que son infortune l’avoit grandement obligé, de luy avoir fait changer la Cour de Rome à la nôtre. Et quand ce rencontre ne seroit pas un beau pretexte pour colorer mon dessein*, l’amour qu’à un pere pour ses enfans, quelques laids qu’ils soient, authorise tousjours le zele qu’il a de les faire voir en public. Cette Tragedie est une de mes premieres productions, je l’aime quoy que je ne l’estime pas, je la donne au Lecteur, non pas croyant avoir bien fait, mais pour luy promettre de faire mieux. Et certes, si l’approbation commune donne à mon ouvrage le merite qu’il n’a pas, j’espere donner à quelque autre la perfection qui manque à celuy-cy, et faire voir que ne pouvant esgaler personne, je puis me surpasser moy-mesme.
Je connois* bien que la longueur de cette Prose ennuyera les curieux autant que mes vers, mais puis que j’ay fait une faute pour me tesmoigner publiquement defectueux, j’en veux faire une autre pour declarer ma sincerité. J’averty donc le Lecteur, qu’un Italien nommé Stephonius, a travaillé en Latin sur le sujet que je manie en François, et que la curiosité qui dés mon bas âge m’a porté à voir les Livres modernes aussi bien que la plupart des anciens, m’a fait lire autresfois, et estimer son ouvrage. Je puis dire neantmoins, que les notions qui m’en restent dans l’esprit sont si confuses, que je n’ay pû m’en servir distinctement, et que si nous nous sommes rencontrez, ou dans l’invention, ou dans la conduite, ç’a esté plustost à l’aventure que par dessein*. Et par là je puis respondre à ceux qui diroient que le sujet que je traitte estant de mauvais exemple, n’est pas bon pour le Theatre, car outre que la punition y suit le crime, suivant les reigles ; cette Tragedie a esté representée devant plusieurs Cardinaux, et en un païs où les crimes enormes semblent estre aussi communs qu’ils semblent rares ailleurs. L’Hippolyte de Seneque est pareillement un chef-d’œuvre sur lequel on peut tirer l’idée de toute sorte de beaux ouvrages tragiques, et la conformité de son sujet avec le mien, peut avoir produit en plusieurs endroits de la ressemblance en la forme. Quoy qu’il en soit, je ne l’ay pas voulu lire de nouveau en composant cette piece, et s’il y a quelques traits pareils, je suis bien aise d’estre disciple d’un si grand* Maistre, et de suivre au moins de loin celuy que je voudrois approcher.En fin puis qu’il n’y a rien sous le Soleil que le monde n’ait jadis veu, il n’est pas defendu de dire de vieilles choses, de travailler de mesme façon sur mesme matiere, et de chercher quelque thresor dans les mines que d’autres nous ont descouvertes. Tant s’en faut que je me rebutte d’estre imitateur des grands* hommes des autres siecles ; qu’au contraire, je suy volontiers l’exemple des modernes s’il est bon, et comme je mesprise le dire des ignorans, je feray tousjours estat de la censure des Doctes. Je finis cette Preface par le tiltre de mon Livre, et dis, que si j’appelle Crispe, L’innocent malheureux, ce n’est pas que je croye que ce soit estre malheureux que d’estre innocent, veu qu’il n’y a point de vray bonheur que dans l’innocence. Mais je veux dire seulement, que comme nous croyons que les bons sont bien souvent malheureux en cette vie pource que Dieu les y laisse souffrir pour leur donner ailleurs le comble des contentemens ; ainsi Crispe a du malheur en ce monde, veu qu’au lieu d’y recevoir les recompences de la vertu, il n’y reçoit apparemment que les châtimens du vice. Je prie le Lecteur de supporter la faute que je viens de faire en l’ennuyant par cette ouverture, et de se representer qu’il estoit autresfois permis aux mauvais Peintres, de monstrer par escrit leur dessein quand il ne pouvoit pas paroistre dans leur tableau. Ils disoient qu’ils avoient peint un homme quand on ne le sçavoit pas distinguer d’avec un bœuf ; On ne peut justement refuser à la peinture Parlante, un droit qu’on donnoit à la Muette.
Preface
A MONSIEUR DE GRENAILLE, Sur le sujet de son Innocent Malheureux, ou la mort de Crispe.
SONNET.
P.L.P
Au mesme.
Sur le tiltre de son Innocent Malheureux.
De la Tour.
Au mesme.
P.L.P.
Au mesme.
Pisieux.
Au mesme.
Sur sa Tragedie dediée à Monseigneur le vicomte de Pompadour.
STANCES.
A Uzerche ce I. Septembre 1639 .
Grenaille, frere de l’Autheur.
Au mesme.
Son intime, de Vaudrichard.
LES ACTEURS.
- CONSTANTIN,Empereur.
- FAUSTE,seconde femme de l’Empereur, Marastre* de Crispe .
- HELENE,mere de l’Empereur.
- CHRISPE,fils de l’Empereur et de Minervine sa premiere femme.
- HELENE,sœur jumelle de Crispe.
- PROCLE,Prince de l’Empire, amy de Crispe, et amoureux de la jeune Helene.
- ADELAÏDE,Princesse, confidente de l’Imperatrice, et amoureuse de Crispe.
- ARTABAN,premier Ministre de l’Empereur.
- EMILE,Gentilhomme Romain.
- FLAVIE,suivante.
- HYCARIE,suivante.
Argument du premier Acte
Scene premiere
Constantin se réjoüit de l’heureuse fin de toutes ses entreprises, qui doit neantmoins estre un commencement de malheur pour sa maison*; la paix du dehors va causer la guerre audedans.
Scene II
Emile vient donner avis à l’Empereur, qu’un Prince de ses sujets s’est revolté contre luy. Il prend resolution de rompre ce qui ne veut pas plier.
Scene III
Helene mere de Constantin, sçachant bien le pouvoir qu’a Crispe sur l’Esprit de l’Imperatrice, avertit ce Prince de complaire* en tout à Fauste, afin de luy faire agréer les bons desseins* que son espoux a conceus pour la Religion.
Scene IV
L’imperatrice sous pretexte d’aider les amours de Procle, s’informe de celles de Crispe, et charge ce confident de disposer son amy à correspondre aux affections de la plus grande Dame de l’Empire.
Scene V
Elle avouë en secret ce qu’elle cachoit en public, et se veut persuader qu’un amour illegitime est raisonnable.
Scene VI
La jeune Helene la vient avertir du dessein* qu’on a pris d’éloigner Crispe par une Charge specieuse ; elles en prennent un autre d’empescher l’execution.
Scene VII
Adelaïde s’informe du sujet de l’éloignement de Crispe, et maudit en suite son esperance qui ne l’a flattée que pour l’affliger*.
L’INNOCENT MALHEUREUX,
OU LA MORT DE CRISPE.
ACTE I
Scene premiere
constantin
artaban
Constantin
Scene II
constantin
emile
constantin
artaban
constantin
Scene III
helene
crispe
helene
crispe
helene
Scene IV
fauste
procle
fauste
procle
fauste
procle
fauste
procle
fauste
fauste
procle
procle
fauste
procle
fauste
Scene V
fauste seule.
Scene VI
helene
fauste
fauste
helene
fauste
helene
Scene VII
adelaïde
artaban
adelaïde
artaban
adelaïde
artaban
adelaïde
artaban
adelaïde
artaban
adelaïde
artaban
adelaïde
artaban
adelaïde
artaban
adelaïde
artaban
adelaïde seule.
Fin du premier Acte.
Argument du second Acte
Scene premiere
Constantin donne l’épée de General d’Armée à son fils, avec ordre de mourir ou de vaincre ; Crispe la prend, et témoigne que ses resolutions ont prevenu les desirs de son pere.
Scene II
Fauste se plaint à Constantin de ce qu’éloignant Crispe de la Cour il esbranle l’appuy de l’Empire, et empesche ce jeune Prince d’aller aux occasions d’honneur, pour avoir plus de loisir de l’aimer.
Scene III
Crispe croyant estre sur son depart, afflige* autant sa grand’mere Helene en luy disant Adieu, qu’il se réjoüit de sa nouvelle charge.
Scene IV
Ils changent tous deux de ressentiment*, lors qu’Artaban vient arrester Crispe au poinct qu’il avoit ordre de marcher. Crispe s’en irrite sans pecher contre le respect.
Scene V
La jeune Helene et la Princesse Adelaïde, se conjouïssent sur cet arrest, qu’elles estiment heureux, et qui sera la cause des infortunes de Crispe.
Scene VI
Fauste aprend de Procle que Crispe n’aime que les armes, et ne haït que les plaisirs.
Scene VII
Adelaïde vient implorer le secours de Fauste pour gagner le cœur de Crispe, ne prenant pas garde qu’elle prie sa Rivale de luy ceder.
Scene VIII.
Crispe avoüe en fin qu’il cede à l’amour ce qu’il avoit dissimulé, et que de Conquerant il devient serviteur d’une Princesse.
ACTE II
Scene premiere
constantin
crispe
Scene II
fauste
constantin
fauste
constantin
Pour aimer lesfauste
Constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
fauste seule à costé.
Scene III.
helene
crispe
helene
Scene IV
artaban
crispe
artaban
crispe
artaban
crispe
artaban
crispe
artaban
crispe
helene
crispe
helene
crispe
artaban
crispe
crispe
Scene V
helene
adelaïde
helene
adelaïde
helene
adelaïde
helene
adelaïde seule.
Scene VI.
fauste
procle
fauste
procle
fauste
procle
Scene VII
adelaïde
fauste
adelaïde
fauste
adelaïde
fauste
adelaïde
Ses qualitez vous le font bien sçavoir,fauste
fauste
adelaïde
fauste
adelaïde
fauste
adelaïde
fauste
adelaïde
fauste
adelaïde
fauste
Scene VIII
crispe
procle
crispe
procle
Argument du troisiesme Acte
Scene premiere
Fauste fait appeller Crispe pour luy declarer un dessein* qu’elle veut et ne peut cacher : Adelaïde sert à ce Ministere, et s’interesse pour Fauste, croyant que Fauste ne s’interesse que pour elle.
Scene II
Fauste ouvre son cœur à Crispe par des termes couverts*, et puis dans une impudence manifeste, ses poursuites neantmoins ne reçoivent que des rebuts, enfin elle s’excuse pour accuser l’innocent.
Scene III
Fauste voyant son amour desesperé le convertit tout en haine, et se resout à perdre* dans la paix ce foudre de guerre qu’elle avoit fait retenir.
Scene IV
Crispe resout avec Procle sa retraite de la Cour sans en donner de cause apparente que sa manifeste melancolie, il y joint le bien de l’Estat et de la maison* de son Pere.
Scene V
Constantin se rejoüit avec Artaban de la nouvelle qu’il a receuë de la cessation des troubles, et des sousmissions des rebelles.
Scene VI
Procle rendant raison de la retraite de Crispe, l’Empereur entre en soupçon quand l’autre l’en veut delivrer.
Scene VII
Fauste accuse en effet Crispe du crime qu’elle seule a voulu commettre, et fait semblant d’appaiser l’Empereur afin de l’aigrir davantage contre son fils.
ACTE III
Scene premiere
fauste
Scene II
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
crispe
fauste
crispe
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste
crispe
fauste à genoux.
Scene III
fauste seule.
Scene IV
procle
procle
crispe
procle
crispe
procle
crispe
procle
crispe
procle
crispe
procle
crispe
procle
crispe
Scene V
constantin
artaban
constantin
Scene VI
procle
constantin
procle
constantin
constantin
procle
constantin
procle
constantin
procle
constantin
procle
constantin
procle
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
Scene VII
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
Fin du troisième Acte.
Argument du quatriesme Acte
Scene premiere
Artaban tâche de détourner Constantin de la resolution qu’il a prise de vanger l’honneur de sa femme par la mort de son fils, mais en fin la jalousie l’emporte sur l’amour de pere.
Scene II
Artaban déplore le credit* qu’il a, puis qu’il n’est dans la faveur que pour estre dans le crime. Il aime neantmoins mieux quitter la vertu que la Cour.
Scene III
Fauste continuë à rendre odieux celuy qu’elle n’a pû faire consentir à son amour detestable, et asseure Adelaïde que Crispe ne paye son feu* que de mine et de froideur.
Scene IV.
Helene mere de Constantin, vient excuser Crispe envers Fauste sur la promptitude de son depart, et la prie d’adoucir le pere pour sauver le fils, elle promet de s’y employer pour mieux tromper les uns et les autres. [p. 68]
Scene V.
Emile vient sonder si l’Empereur a changé de resolution, et n’en rapporte que la premiere réponse.
Scene VI.
Helene fille de l’Empereur, luy vient raconter une forme de vision qu’elle a euë sur la mort de son frere ; Constantin luy dissimule ce qui en est, avec autant de regret que de constance.
Scene VII.
Il a de la haïne et de l’amour pour son fils innocent, qu’il croit neantmoins coupable.
Scene VIII.
Fauste vient interceder pour Crispe, avec Helene mere de l’Empereur, et en defendant l’innocence couvre mieux sa malice.
Scene IX.
Procle ayant veu mourir son amy, se resout de ne plus vivre, que pour en porter les nouvelles à sa Maistresse, et vanger une si injuste mort.
Scene X.
Il annonce cette funeste* avanture par un silence affecté.
ACTE IV.
Scene premiere
constantin
artaban
constantin
artaban
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
Pour le moins je le pense.constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
Scene II
Artaban seul.
Scene III
fauste
adelaïde
fauste
adelaïde
fauste
fauste
Scene IV
helene
fauste
helene
fauste
fauste
helene
fauste
helene
Scene V
constantin
emile
constantin
Scene VI
helene
constantin
helene
constantin
helene
constantin
helene
constantin
helene
constantin
Scene VII
Constantin seul.
Scene VIII
fauste
helene
fauste
constantin
fauste
Scene IX
Procle seul, estant de retour du lieu où Crispe est mort.
Scene X
helene
procle
helene
procle
helene
procle
helene
procle
helene
procle
helene
crispe
helene
procle
helene
procle
helene
procle
helene
procle
helene
procle
hycarie
procle
helene
procle
helene
procle
helene
procle
helene
procle
helene
procle
helene
procle
hycarie
procle
hycarie
helene se relevant.
procle
helene
procle
Par l’effet du poison.helene
Fin du quatriesme Acte.
Argument du cinquiesme Acte
Scene premiere.
Fauste semble s’affliger* avec Helene mere de son mary, sur le sujet de la mort de Crispe, et neantmoins s’en réjoüit en effet.
Scene II.
La conscience pourtant l’oblige à regretter celuy qu’elle haïssoit, et à le justifier en s’accusant elle mesme.
Scene III.
Elle dissimule cependant à sa confidente, le vray sujet de ses transports*.
Scene IV.
Artaban rendant conte de sa commission, semble s’en repentir quand son maistre en est bien content. [p. 96]
Scene V.
Helene mere de l’Empereur, vient se plaindre à luy d’une mort dont il est le seul autheur ; il accuse son fils au lieu de s’en affliger*.
Scene VI.
Il suspend son jugement entre l’incertitude et la verité, ne pouvant croire ce qu’il voit quand Fauste vient descharger* Crispe, en se chargeant* volontairement du crime qu’elle luy avoit imposé.
Scene VII.
Helene sa fille augmente sa colere contre sa femme, demandant le corps de son frere, et la vengeance de sa mort, ce qu’il ne peut refuser, c’est pourquoy il condamne la criminelle qui avoit fait condamner l’innocent.
Scene VIII.
Procle cause presque trois morts differentes, en racontant la mort de Crispe aux Princesses Helene et Adelaïde.
Scene IX.
Helene mere de l’Empereur, qui suivant la raison demandoit vengeance contre Fauste, suivant la pitié vient requerir sa grace. Mais on porte la nouvelle de la mort de cette Megere*, quand l’autre demandoit la vie pour elle.
ACTE V
Scene premiere
fauste
fauste
helene
fauste
helene
fauste
helene
fauste
helene
fauste
helene
helene
fauste
helene
Scene II
Fauste seule.
Scene III
adelaïde
fauste
adelaïde
fauste
adelaïde
fauste
adelaïde
fauste
Scene V
constantin
artaban
constantin
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
Scene V
helene
constantin
helene
constantin
helene
constantin
helene
helene
constantin
helene
constantin
helene
constantin
helene
constantin
helene
helene
constantin
helene
constantin
helene
constantin
helene
constantin
helene
Scene VI
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
fauste
constantin
constantin
fauste
constantin
artaban
fauste
constantin
fauste
constantin
artaban
constantin
artaban
constantin
helene mere.
fauste
Scene VII
helene fille.
helene mere de l’Empereur.
constantin
constantin
artaban
fauste
constantin
fauste
Scene VIII
helene
procle
helene
procle
adelaïde
procle
adelaïde
procle
helene
adelaïde
Scene IX, et derniere.
constantin
emile
artaban
helene mere.
constantin
helene mere.
constantin
helene mere.
constantin
helene à costé.
constantin
artaban
constantin
procle
constantin
FIN.
PRIVILEGE DU ROY.
LOUIS PAR LA GRACE DE DIEU Roy de France et de Navarre, A nos amez et feaux Conseillers, les Genstenans nos Cours de Parlement de Paris, Tholoze, Bordeaux, Roüen, Grenoble, Dijon, Aix, Rennes, Preuost de Paris, Baillifs, Senerchaux, et autres nos Justiciers et Officiers qu’il appartientdra, Salut. Nostre bien amé François de Grenaille, nous a tres-humblement fait remonstrer qu’il desireroit donner au public un liure qu’il a composé, intitulé l’Innocent Malheureux, ou la Mort de Crispe et iceluy faire imprimer, s’il nous plaisoit luy octroyer nos Lettres à ce necessaires. A ces causes, desirant fauoriser l’exposant, Nous luy auons permis et octroyé, et de nostre grace speciale, permettons et octroyons par ces presentes, de faire imprimer ledit livre en tels characteres, et en tels volumes, et par tel Imprimeur que bon luy femblera, durant le temps et espace de cinq ans, à compter du jour et datte que ledit Livre sera achevé d’imprimer. Luy donnons en outre pouvoir de ceder et transporter le present Privilège à qui il advisera. Faisant tres-expresses inhibitions et defenses à tous Imprimeurs et Libraires de ce Royaume, et autres personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, autre que celuy qui aura droict dudit Exposant de faire imprimer ledit Livre en aucun lieu de nostre obeïsance durant ledit temps sans le consentement dudit de Grenaille, ou de celuy qui aura droict de luy, sous pretexte d’augmentation, correction, ou changement, en quelque sorte et maniere que ce soit, ny mesme d’en extraire aucunes pieces, ou d’en contrefaire le tiltre et frontispice, à peine de quinze cens livre d’amende, et de confiscation des Exemplaires contrefaits, et de tous despens, dommages et interests. Voulons en outre qu’en faisant mettre au commencement ou à la fin du Livre ces presentes, ou un bref extraict d’icelles, qu’elles soient tenuës pour deuëment signifiées, et que foy y soit adjoustée, à la charge de mettre deux Exemplaires dudit Livre en nostre Bibliotheque publique, et un dans celle de nostre tres-cher et feal le sieur Seguier Chevalier, Chancelier de France. Si vous mandons, et tres expressement enjoignons faire joüir dudit Privilege ledit Exposant, ou celuy qui aura droict de luy, cessant ou faisant cesser tous troubles et empeschemens au contraire : Car tel est nostre plaisir. Donne’ à Paris le trentiesme jour de Septembre, l’an de grace mil six cens trente-neuf, et de nostre Regne le trentiesme.
Par le Roy en son Conseil,
De Gyves.
Ledit sieur de Grenaille a cedé et transporté tous les droicts à luy accordez par sa Majesté dans ce present Privilege, à Jean Paslé Imprimeur et Libraire en l’Université de Paris, pour en joüir par ledit Paslé durant le temps porté par iceluy, et ce suivant la convention faite entr’eux.
Achevé d’imprimer pour la premiere fois, le 22.Novembre 1639.