[CHANGEMENT DE THEATRE. Vergers de Pomone.]
Pomone.
Passons nos jours
Dans ces vergers,
40 Loin des amours
Et des Bergers ?
Passons nos jours,
Pomone, Venilie, Juturne (à 3)
Passons nos jours,passons nos jours
Loin des Bergers et des amours.
Ritornelle pour des Flutes, ou des Violons.
Pomone.
Qui voudra s’engage
45 Sous les loix d’amour,
Qui voudra s’engage,
Et fasse la cour
A ce Dieu volage ;
Qui voudra l’adore,
50 Pour moy je l’abhorre,
Le flot de la mer
Est moins infidele,
La fleur en est belle,
Mais le fruit amer.
Pomone, Venilie
55 La fleur en est belle,
Mais le fruit amer.
Ritornelle pour des Flutes.
Venilie.
Qui croit ce Cajolleur,
N’a que peine et douleur.
Juturne.
Dans l’empire amoureux
60 Le sort le plus heureux,
Est le plus dangereux ;
Venilie
Le flot de la mer est moins infidele,
Juturne
La fleur en est belle,
Mais le fruit amer.
Ensemble
65 La fleur en est belle,
Mais le fruit amer.
[Ritorn.] Flutes.
Venilie.
Le doux plaisir d’amourette,
Est une tendre fleurette,
Qui ne dure qu’un matin,
70 Il a le destin
Des plus belles choses,
Il naist, il fleurit, il passe en un jour,
Les chaisnes d’amour
Sont chaisnes de roses, (bis)
Venilie, Juturne.
75 Les chaisnes d’amour
Sont chaisnes de roses,
Les chaisnes d’amour
Sont chaisnes
Cadence.
de roses.
Pomone.
Passons nos jours
80 Dans ces vergers,
Loin des amours
Et des Bergers ?
Passons nos jours,
à 4.
Passons nos jours,
Lentement
85 Loin des Bergers et des amours.
[Ritorn.]
Flore.
Ah ! ma Sœur, à quoy penses-tu,
Veux tu bannir de ton empire,
Ce Dieu puissant dont la vertu
Anime tout ce qui respire,
90 Et dont les fecondes chaleurs,
Font naistre tes fruits et mes fleurs.
Pomone.
Je consens que ses flames
Bruslent tout l’Univers ;
Pourveu que dans nos ames,
95 Il trouve incessamment la glace et les hyvers ?
Flore.
Lentement.
Ah ! si tu connoissois comme moy ses delices ?
Beroé.
Ah ! si tu connoissois comme moy ses malices.
Flore.
De combien de douceurs il flate nos desirs.
Beroé.
Combien il cause de soûpirs,
Beroé
Que ses fersQue ses loix
Flore
Que ses fers Que ses loixsont doux ,
Béroé
Que ses fers Que ses loix sont doux ,sont inhumaines,
Béroé
Qu’il est beauQu’il est dur
Ensemble
de vivre dans ses chaisnes.
Pomone.
Il a ses biens, il a ses peines,
Et je ne veux que des plaisirs.
Faune.
115 C’est bien à toy, Dieu miserable,
De pretendre à tes maux quelque soulagement ;
Dieu des Jardins.
C’est bien à toy, Monstre effroyable,
De servir un objet si rare et si charmant ?
Viste.
Faune.
Elle a beau resister et faire la mutine ?
120 C’est à moy,
Dieu des jardins
C’est à moy,C’est à moy,
Faune.
C’est à moy, C’est à moy,C’est à moy,
Dieu des jardins
C’est à moy, C’est à moy, C’est à moy,C’est à moy,
Ensemble
C’est à moy, C’est à moy que le Ciel la destine :
Tres-viste.
Dieu des jardins
Tout cede,
Faune
Tout cede,Tout se rend,
Dieu des jardins
Tout cede, Tout se rend,Tout cede,
Faune
Tout cede, Tout se rend, Tout cede,Tout se rend,
Ensemble.
Tout cede, tout se rend à mon pouvoir divin:/ ?
Flore.
Vous le dites en vain,
125 On vo° connoist tous deux,
Mais éprouvons les vostres?
Faites danser les uns, faites chanter les autres:
[Le Dieu fait avancer sa troupe.] (Trois jardiniers.)
Second Jardinier.
Vive le Dieu des Jardiniers, il est toûjours prest à bien faire;
(à 3)
Vive le Dieu des Jardiniers, il est toûjours prest à bien faire;/?/;
Second Jardinier
130 Bergeres portez vos paniers, il a dequoy vous satisfaire,
(à 3)
Bergeres, portez vos paniers, il a dequoy vous satisfaire:
Premier Jardinier
Sans luy les Jeux, les Passe temps Ont une douceur imparfaite,
Viste.
Et s’il n’est de la Feste,
L’on ne rit pas longtemps, (bis)
(à 3)
135 Et s’il n’est de la Feste,
L’on ne rit pas longtemps. (bis)
Premier Jardinier.
Rien n’est si doux que sa fureur,
Ny si plaisant que sa folie,
Elle bannit de nostre cœur
140 La plus noire melancholie?
Sans luy les Jeux, les Passe temps,
N’ont qu’une douceur imparfaite,
Et s’il n’est de la Feste,
L’on ne rit pas longtemps. (bis)
(à 3)
145 Et s’il n’est de la Feste, l’on ne rit pas longtemps. (bis)
Dieu des jardiniers.
He bien: dans tes buissons,
Tes Oyseaux, chantent-ils de pareilles Chansons :
FAUNE.
Il est vray que jamais Rossignols d’Arcadie,
N’ont fait, N’ont fait plus douce melodie.
Dieu des Jardiniers
[Aux Bouviers]
150 A vous Bouviers, illustre bande,
Touchez, Touchez n’importe Menestriers,
Passepied, Menüet, Gavote ou Sarabande.
Entrée des Bouviers.
[La troupe s’écarte pour faire place aux Danseurs, puis se rassemble, la danse finie.]
Gravement.
Reprise.
Dieu des Jardiniers
Couronnez il est temps, couronnez le vainqueur:
Faune.
Donnez-lui vostre main.
Dieu des jardins
155 Donnez-luy,
Dieu des jardins
Donnez-luy,
Ensemble
Donnez-luy vostre cœur.
Pomone.
[à ses Nymphes]
Cueillez Nymphes dans ces prairies,
160 Cueillez pour eux des guirlandes fleuries,
[Pomone fait signe à ses Nymphes de joüer ses Amans, elles feignent d’aller cueillir des fleurs]
[à Flore]
Et vous ma sœur couronnez le vainqueur.
[Elle fait un pareil signe à Flore, et se retirant, elle se cache pour les observer et pour en rire.]
[Faune, le Dieu des Jardins, à Pomone, à deux]
Dieu des jardins.
Donnez-luy vostre main,
Faune.
Donnez-luy vostre main,Donnez-luy vostre cœur,
Dieu des jardins
Donnez-luy,
Dieu des jardins
165 Donnez-luy,
Ensemble
Donnez-luy,Donnez-luy vostre cœur.
[Les Nymphes rapportent à Flore une corbeille, dans laquelle est une couronne d’épines, et une autre de chardons.]
Flore
Venez voir couronner vos tendres amourettes,
Et recevoir le premier de ses dons?
[Elle tire les deux couronnes de la corbeille, et faisant l’étonnée, leur dit en se moquant]
Ah! pour un plus heureux on garde les fleurettes,
Pour vous l’Epine et les chardons?
Flore, Venilie
Pour vous l’Epine et les chardons?Ah!
Flore, Venilie, Juturne
170 Ah ! Pour un plus heureux on garde, on garde les fleurettes,
Pour vous, Pour vous l’Epine et les chardons.
[La Déesse donne au Dieu des Jardins la couronne d’épine, à Faune celle de chardons.]
Faune.
[Montrant au dieu et à sa troupe la couronne d’épine qui leur a esté donnée]
Voila le prix de vos Musiques,
Et ce que meritent vos Chans?
Voila le prix, Voila le prix de vos Musiques.
SECONDE ENTRÉE DES BOUVIERS.
[Ritornele, pendant laquelle les bouviers dansent en se moquant]
Dieu des Jardins.
[Montrant à Faune et à sa troupe la couronne de chardons.]
175 Voila le fruit du Dieu des Champs,
Et dequoy paistre ses bourriques. (bis)
Trois Jardiniers:
Voicy le fruit du Dieu des Champs,
Et dequoy paistre, paistre ses bourriques.
Voicy le fruit du Dieu des Champs,
180 Et dequoy paistre ses bourriques. (bis)
Ritornelle tandis que Vertumne entre sur le Theatre.
Vertumne.
Helas ! Que me sert-il de changer tous les jours
De forme et de figure,
Et de me déguiser à toute la nature,
Si je ne puis changer l’objet de mes amours :
185 J’ayme une insensible Maistresse,
Une ingrate et fiere Déesse,
Qui se rit du tourment,
Et des soins d’un Amant:
Que ferons-nous mon cœur
Lentement
Que ferons-nous mon cœuren des peines si dures?
190 Ah! Puisque vainement je dirois mes langeurs,
Viste
Il faut nous transformer, et sous d’autres figures,
Tacher de vaincre ses rigueurs:
Vous que le Ciel soûmet à mon obeïssance?
Hola!folets venez, volez, suivez mes pas;
[Une troupe de Follets vole de tous les costez du Theatre.]
195 Mais ne vous montrez pas,
A mes loix seulement rendez obeïssance.
[Ils disparoissent.]
Fin du premier Acte.
Entr’acte. [INTERMEDE I. Symphonie.]