(1914) Rotsoge « Rotsoge »
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(1914) Rotsoge « Rotsoge »

Rotsoge

Au peintre Chagall
Ton visage écarlate ton biplan transformable en hydroplan
Ta maison ronde où il nage un hareng saur
Il me faut la clef des paupières
Heureusement que nous avons vu M. Panado
Et nous sommes tranquilles de ce côté là
Qu’est-ce que tu veux mon vieux M. D.
90 ou 324 un homme en l’air un veau qui regarde à travers le ventre de sa mère
J’ai cherché longtemps sur les routes
Tant d’yeux sont clos au bord des routes
Le vent fait pleurer les saussaies
Ouvre ouvre ouvre ouvre ouvre
Regarde mais regarde donc
Le vieux se lave les pieds dans la cuvette
Una volta ho inteso dire Ach du lieber Jott
Et je me pris à pleurer en me souvenant de nos enfances
Et toi tu me montres un violet épouvantable
Ce petit tableau où il y a une voiture m’a rappelé le jour
Un jour fait de morceaux mauves jaunes bleus verts et rouges
Où je m’en allais à la campagne avec une charmante cheminée tenant sa chienne en laisse
J’avais un mirliton que je n’aurais pas échangé contre un bâton de maréchal de France
Il n’y en a plus je n’ai plus mon petit mirliton
La cheminée fume loin de moi des cigarettes russes
La chienne aboie contre les lilas
Et la veilleuse consumée
Sur la robe ont chu des pétales
Deux anneaux d’or près des sandales
Au soleil se sont allumés
Tandis que tes cheveux sont comme le trolley
A travers l’Europe vêtue de petits feux multicolores
Guillaume Apollinaire