(1902) La Fuite « La Fuite »
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(1902) La Fuite « La Fuite »

La Fuite

C’est la barque ou s’enfuit une amoureuse reine
Le vieux roi magnifique est venu près des flots ;
Son manteau merveilleux à chaque pas égrène
Quelque bijou tintant au rythme des sanglots.
La chanson des rameurs sur les vagues se traîne,
La reine et son amant l’écoutent les yeux clos,
Sans crainte d’un récif ni d’un chant de sirène
Qui s’incantent peut-être au chœur des matelots.
Horreur ! Horreur de nous des joyaux, des squelettes
Coulés au fond des mers où surnagèrent tant
De fleurs, de cheveux roux et de rames flottant
Parmi les troupes de méduses violettes.
L’heur des fuites est sombre et violet d’effroi.
Tant de gemmes tombaient du manteau du vieux roi.
Guillaume Apollinaire.