Yokohama (Hôpital général). Monsieur, Voulez-vous permettre à un jeune Français de vous exprimer tout le plaisir que lui a causé Outamaro, mieux placé que tout autre pour le comprendre puisque je suis au milieu des Japonais… J’avais quinze ans quand j’ai lu Sœur Philomène et j’ai voulu être interne, et je suis médecin… La Maison d’un Artiste m’a fait venir au Japon. En un mot, comme cette étoile qui guide le marin, ignorante elle-même des destins qu’elle mène, vous avez eu une influence dominatrice sur toute ma vie. Je vous le dis, pourquoi ne vous l’ai-je pas dit plus tôt, — cette timidité bête qui fait qu’on est muet devant la femme qu’on aime, fait aussi qu’on renferme en soi ses amours littéraires ; — c’est peut-être la raison qui fait que je n’ai jamais osé aller vous rendre une seule visite quand j’étais à Paris. ……………………………………………………………………… Permettez-moi de me mettre à votre disposition. Je suis au Japon, j’aime le Japon, je parle le japonais et, comme on dit dans les vieux drames : « Profitez, usez de moi… » Docteur Michaut.Cette lettre me faisait demander au docteur, sans grand espoir de réussite, la traduction de la biographie d’Hokousaï tirée du livre manuscrit : Oukiyoyé Rouikô, par Kiôdén, complété successivement par Samba, Moumeiô, Guekkin, Kiôsan, Tanéhiko, traduction que je n’avais pu obtenir des Japonais habitant Paris, et je la reçois aujourd’hui, cette traduction, de l’aimable docteur, en collaboration avec le Japonais Ourakami. Cette traduction, j’ai le projet de la faire entrer dans l’étude annoncée en un volume sur Hokousaï, mais, à mon âge, on n’est jamais sûr du lendemain, et je veux que cette étude biographique des Vasari japonais sur le grand artiste qui préoccupe si vivement le monde de l’art européen, — et qui n’a encore été ni imprimée, ni traduite en français, paraisse dans l’Écho de Paris pour la première fois.
Hokousaï. Né à Yédo, Hokousaï est, dit-on, le fils d’un fabricant de miroirs de la cour de Tokougawa. Son nom d’enfance est Tokitaro ; plus tard, il le changea contre celui de Tétsoujiro. Il entre d’abord comme élève chez Katsoukawa Shunshô et, pour nom d’artiste, il prend le nom de Katsoukawa Shunrô. Là, il peint des acteurs et des scènes de théâtre dans le style de Tsoutzoumi Tô-rin et produit beaucoup de dessins sur des feuilles volantes, appelés Kiôka Sourimono. Chassé de la maison de son maître pour des raisons restées inconnues, il va prendre la succession du peintre Tawaraya-Sôri, et se fait reconnaître pour le successeur de ce peintre. Depuis, il change son style, en crée un tout nouveau, qui lui est personnel. Alors il repasse son nom de Sôri à son élève Sôji, et rend à la famille Tawaraya la signature qu’il avait reçue d’elle. C’est seulement à la dixième année de l’ère Kwanseï (1789) que le public, pour la première fois, lit, au bas des impressions du maître, le nom d’Hokousaï (Hokousaï, Tokimasa Taïto) nom qu’il prit, dit-on, à cause de sa profonde vénération pour le dieu Hokoushin-Miôkén. Quant au nom de Taïto, il l’abandonna plus tard à son gendre Shighénobou. Le style appelé Hokousaï-riou est le style de la vraie peinture Oukiyoyé, la peinture naturiste, et Hokousaï est le vrai et le seul fondateur d’une peinture qui, prenant ses assises dans la peinture chinoise, est la peinture de l’école japonaise moderne. Et son œuvre, lorsqu’il a paru, a eu la bonne fortune, non seulement d’exciter l’admiration de ses confrères les peintres, mais encore de séduire le gros public, tant il était une nouveauté particulière. Durant les années de l’ère Kwanseï (1789-1800) Hokousaï écrit de nombreux contes et romans pour la lecture des femmes et des enfants : romans dans lesquels il fit lui-même des illustrations, romans où il signe comme écrivain Tokitaro-Kakô, et comme peintre Gwakiôjin-Hokousaï. Et ce fut grâce à ses pinceaux spirituels et précis que les contes populaires et les romans commencèrent à se répandre dans le public. Il fut aussi un excellent poète dans la poésie Haï-Kai (poésie populaire). Dans ce temps, il habita Asakousa où de nombreux élèves-peintres de Kiôto et d’Ohsaka vinrent le trouver et entrèrent dans son atelier, et, dans ce temps où il y avait bien des peintres dans les villes de Nagoya, de Kiôto, d’Ohsaka, aucun ne put le surpasser. C’est alors que sortent, de dessous ses pinceaux, des livres ou modèles de gravures, et des impressions, et des dessins innombrables. Bientôt (c’est l’habitude là-bas, pour les peintres, de changer perpétuellement de noms), le maître léguait sa signature d’Hokousaï à un de ses élèves qui tenait un restaurant dans le Yoshiwara, le quartier des maisons publiques, et qui peignait dans son établissement des peintures de 16 ken (32 mètres) chaque fois que Hokousaï faisait l’ouverture de réunions d’artistes pour l’adoption de nouvelles signatures. À partir de ce temps, il signa ses impressions Sakino Hokousaï, Taïto (ancien Hokousaï Taïto). Il changea encore une fois son nom propre et s’appela Tamé Kazou ou I-itsou. N’ayant pas eu assez de temps pour donner les modèles de la peinture à ses élèves, il en fit graver des volumes qui, plus tard, obtinrent beaucoup de succès. Il fut encore très habile dans la peinture dite Kiokou yé, peinture de fantaisie, faite avec des objets ou des services de table trempés dans l’encre de Chine, tels qu’une boîte servant de mesure de capacité, des œufs, des bouteilles 1 . Il peignait encore admirablement bien avec sa main gauche, ou bien de bas en haut. Et sa peinture faite au moyen des ongles de ses doigts était tout à fait étonnante et, quant à ce fait particulier, il fallait être témoin soi-même du travail de l’artiste, sans quoi on eût pris ses peintures à l’ongle pour des peintures faites avec des pinceaux.« Après avoir étudié, dit-il quelque part, pendant de longues années, la peinture des diverses écoles, j’ai pénétré leurs secrets et j’en ai recueilli tout ce qu’il y a de meilleur. Rien n’est inconnu pour moi en peinture. J’ai essayé mon pinceau sur tout, et je suis parvenu à réussir tout. »En effet, Hokousaï a peint depuis les images les plus vulgaires, nommées Kamban 2, c’est-à-dire les images-réclames pour les théâtres ambulants, jusqu’aux compositions les plus élevées. Ses productions furent même très recherchées par les étrangers, et il y eut une année où l’on exporta ses dessins et ses gravures par centaines, mais presque aussitôt cette exportation fut défendue par le gouvernement de Tokougawa. Durant les années de l’ère Témpô (1830-1843), Hokousaï publia, en nombre immense, des nishikiyé, impressions en couleur, et des dessins d’amour ou images obscènes, dites shungwa, d’une coloration admirable, qu’il signait toujours du pseudonyme de Goummatei. Le plus grand honneur que cet artiste obtint, durant sa vie, fut que sa célébrité parvint jusqu’à la cour de Tokougawa, et qu’il put étaler son talent sans rival devant le grand prince. Une fois, pendant que le shôgoun faisait sa promenade dans la ville de Yédo, Hokousaï fut invité par le prince à peindre devant lui. Et, sur une immense feuille de papier, avec une brosse à colle, il commença d’abord à tracer des pattes de coq, puis, transformant soudainement le dessin par une couleur d’indigo mis sur les pattes, il en faisait un paysage du fleuve Tatsouta qu’il présentait au prince étonné 3 . Hokousaï avait la manie de changer perpétuellement d’habitation et ne demeura jamais plus d’un ou de deux mois dans le même endroit. Hokousaï mourut le 13 avril de la deuxième année de Kayei (1849)4, à l’âge de 90 ans. Il fut enterré au cimetière du Temple Seikiôji, dans le quartier de Hatchikendera-matchi à Asakousa, où se lit encore son épitaphe. La poésie de la dernière heure, qu’il laissa en mourant, fut celle-ci, presque intraduisible en français :« Oh ! la liberté, la belle liberté, quand on va aux champs d’été pour y laisser son corps périssable »5 ! Hokousaï eut trois filles, dont la plus jeune devint un peintre très habile. Elle épousa Minamisawa, mais divorça. Des nombreux élèves qu’eut Hokousaï, ceux dont les noms furent inscrits dans les chronologies, et connus du public, montent à seize ou dix-sept. En 1860, j’ai découvert, et publié d’après le manuscrit des Séances de l’Académie Royale de Peinture, provenant de la bibliothèque d’un portier, ramassée sur les quais, la biographie inédite de Watteau par le comte de Caylus : biographie qu’on croyait perdue et qui manque aux Mémoires inédits sur les membres de cette académie, éditée en 1854. Aujourd’hui je donne pour la première fois, dans une langue de l’Europe, la biographie inconnue d’Hokousaï, le plus grand artiste de l’Extrême-Orient. Pour la biographie de ce grand peintre de l’Extrême-Orient, complètement inconnue en Europe, cette brève notice était quelque chose, mais ce n’était vraiment pas assez. C’est alors que, dans la patrie d’Hokousaï, se publiait par le Japonais I-ijima Hanjûrô : Katsoushika Hokousaï dén, une biographie du peintre, illustrée de dessins et de portraits, contenant des renseignements du plus haut et du plus intime intérêt. Or, la traduction de cette biographie japonaise, était-ce suffisant encore pour faire connaître l’Homme et son Œuvre ? Non ! Il fallait tenir entre ses mains cette œuvre presque complète, — et, soit au Japon soit en Europe, il n’existe cette œuvre, je crois, que chez Hayashi qui, depuis nombre d’années, collectionne son peintre favori. C’est donc sur cette œuvre, contenant les impressions les plus belles, les petits livres les plus rarissimes, les illustrations des romans, en 90 volumes, les plus complètes, les dessins les plus authentiques, que j’ai pu écrire cette biographie, aidé de l’érudition de ce compagnon de travail qui s’est mis obligeamment à ma disposition et qui, dans de longues et laborieuses séances où j’ai eu l’idée de lui faire traduire les préfaces que Hokousaï a jetées en tête de ses albums, m’a fourni toute la documentation ne se trouvant pas dans le Katsoushika Hokousaï dén, ou dans le Oukiyôyé Rouikô 6 de Kiôdén.
« Malgré la grande chaleur, j’espère que vous êtes en bonne santé, et je viens vous informer que mon nom est changé, grâce à mon succès près du public, et que, pour célébrer l’inauguration de mon nouveau nom, le quatrième jour du mois prochain, j’organise un concert chez Kiôya de Riôgokou, avec le concours de tous mes élèves, un concert de dix heures du matin jusqu’à quatre heures du soir, et qu’il fasse beau ou pluie, je compte sur l’honneur de votre visite. »« Tokiwazou Mozitayu. » 1794 En 1794, on connaît de Hokousaï quelques petites feuilles pour le Jour de l’An, de la grandeur de nos cartes à jouer. 1795 En 1795, des sourimonos de femmes mêlés à des sourimonos d’objets intimes, comme celui-ci, où se voient accrochés à une grille une serviette brodée, un sac de son, un parapluie, objets indiquant, que la maîtresse de la maison vient de prendre un bain. Ces sourimonos sont signés Hishikawa Sôri, ou simplement Sôri. 1796 En 1796, un assez grand nombre de sourimonos dont les plus remarquables, deux longues bandes, sont une réunion d’hommes et de femmes sur ces tables-lits aux pieds plongeant dans la rivière, et sur lesquelles on prend le frais, le soir. 1797 En 1797, des sourimonos tirés de la reproduction d’objets de la vie familière, comme des enveloppes de paquets de parfums avec une branche fleurie de prunier ; des sourimonos où il y a une femme riant du kami Fokorokou auquel elle a mis une cocotte en papier sur le crâne ; ce sourimono où se voit un bateau dans lequel il y a un montreur de singe ; et toute une série de sourimonos d’ironies contre les dieux de là-bas, sur papier jaune, avec coloration des sujets en violet et en vert. En cette année qui, dans l’almanach japonais, est une année sous le signe du serpent, un joli petit sourimono représentant une femme que la vue d’un serpent a fait tomber sur le dos, une jambe en l’air. Puis des bandes de grands sourimonos où se voient des promenades de femmes dans la campagne. 1798 En 1798, de nombreux sourimonos où, particularité curieuse, le cheval revenant avec l’élément de la terre dans le calendrier japonais, beaucoup des sourimonos représentent un cheval, et cette représentation du cheval va dans les sourimonos jusqu’à la figuration d’une tête de cheval faite par les doigts d’un enfant à travers un châssis. Ce sont : un vendeur d’un joujou marchant sur une natte et que regardent des Japonais ; deux enfants dont l’un fait danser, par-dessus un paravent, un pantin que l’autre accroupi à terre contemple, les deux mains sous le menton ; un marchand de thé devant le temple d’Ouyéno à Yédo, avec un groupe de femmes et d’enfants ; des hommes et des femmes se déguisant en dieux et en déesses de l’Olympe japonais ; une course de chevaux ; un grand paysage au bord de la Soumida, avec de tous petits personnages. Puis des sourimonos de femmes : la cérémonie du thé Tchanoyu entre femmes ; deux femmes lisant couchées à terre, l’une la tête penchée sur le papier, l’autre lisant avec un joli mouvement de tête de côté, deux femmes roulées l’une sur l’autre sur le plancher, s’arrachant une lettre. Et, dans ces grands sourimonos de femmes de cette année et des années qui vont suivre, Hokousaï échappe à la grâce mignarde, poupine, conventionnelle de ses premières années ; il arrive dans des créatures plus amples, plus en vraie chair, à la véritable grâce féminine donnée par l’étude d’après la nature. 1799 En 1798 est apparu pour la première fois le nom d’« Hokousaï » joint à celui de Sôri. Mais ce n’est qu’au jour de l’an 1799 qu’il annonce officiellement son changement de nom, Sôri, changé de nom en Hokousaï. Il a cédé son nom de Sôri à son élève Sôji et, avec le nom d’Hokousaï, il prend le prénom de Tokimasa. Et l’année suivante, en 1800, il signe dans les premiers mois « Hokousaï précédemment Sôri » et, dans les derniers mois, « Hokousaï fou de dessin, en japonais, gwa-kiojin Hokousaï. L’année 1799 est une année où le mouton du zodiaque est revenu dans le calendrier japonais et où nombre de sourimonos ont, dans quelque coin de la composition, cet animal. Un de ces sourimonos même représente un Japonais tenant en ses bras un mouton, et c’est peut-être une allusion à ceci. Le Japonais d’autrefois, me disait le docteur Michaut, étonné de voir les Hollandais faire la traversée du Japon sans femmes, s’était persuadé que les moutons qu’ils avaient à bord les remplaçaient, et se l’était si bien persuadé qu’à l’heure présente les Japonaises qui ont commerce avec les étrangers sont appelées par leurs compatriotes moutons. Des sourimonos curieux d’industries : la marchande de poudre dentifrice en train de façonner un bout de bois de camphrier noir pour en faire une brosse à dents ; la fabricante de perruques et de nattes ; la rouleuse de la soie et sa fabrication à la campagne. Une série de femmes en buste. Une série de petites femmes, à la grâce tortillarde : une femme qui balaie la neige ; une femme qui debout plie une étoffe de sa hauteur avec une retraite du corps du plus joli contournement. Un sourimono représentant le plus pustuleux de tous les crapauds. Un grand sourimono d’une facture surprenante : un store à moitié relevé sur une branche en fleur dont une partie se voit obombrée à travers le tissage du store. 1800 Une série de quinze sourimonos : L’Enfance des personnages historiques. Une série de sept sourimonos : Les Sages des bambous, de vieux sages représentés par des femmes modernes. Une série de vingt-quatre sourimonos intitulée : Piété filiale, parmi lesquels un charmant dessin d’une femme lavant, le haut du corps nu, et dont le torse est tout étoilé des pétales d’un prunier en fleurs secoué par le vent au-dessus de la laveuse. Une série des douze mois de l’année, représentés par des femmes, où est un gracieux dessin de fillette japonaise frottant un plancher et que regarde paresseusement sa maîtresse. Trois musiques représentées par trois musiciennes. Une série intitulée : Huit Chambres, qui sont huit figurations de petites femmes dont l’une, le torse nu, fait sa toilette devant un singe sur lequel elle a jeté sa robe ; le singe étant cette année le dénominateur de l’année et revenant dans un certain nombre de planches. Une jolie petite impression représentant un miroitier repassant sur une pierre un miroir de métal, à côté d’une femme dont le visage est reflété dans le miroir qu’elle tient à la main. Une série un peu caricaturale de sourimonos, dans le genre des Otsouyé : cette imagerie industrielle d’Épinal du Japon se fabriquant à Otsou près de Kiôto. Parmi les grandes pièces, qui sont en général des bandes ayant une hauteur de 19 centimètres sur une largeur de 51 : Tortues en marche avec leurs petits sur la carapace. Une enceinte de lutteurs, formée de sacs de sable dans des enveloppes historiées, avec, au milieu, sur une petite table, deux bouteilles de saké destinées à être offertes aux génies du Japon, aux Kami, dans une cérémonie religieuse précédant la lutte. L’entrée du temple Hatiman Foukagawa. La récolte du thé dans un jardin. La visite chez un horticulteur. Des femmes regardant du pont Yeitaï, l’île Tsoukouda. Trois femmes dont l’une, à l’occasion du Jour de l’An, écrit sur un paravent une pensée, dont l’autre peint un éventail, dont une troisième illustre une poésie. Trois femmes en train de plier et de repasser une robe en plumes de paon, avec le fer japonais qui ressemble à une petite bassinoire dans laquelle est un charbon incandescent. 1801 Une série de douze petites pièces en hauteur intitulée : Une Paire de paravents. Une série de petites femmes modernes ayant à leurs pieds des vieillards historiques d’autres siècles. Quelques planches représentant des femmes faisant jouer des marionnettes sur un petit théâtre. Parmi les pièces séparées, des acteurs et des scènes théâtrales, dont l’une représente Daïkokou faisant pleuvoir des pièces d’or sur une femme puisant de l’eau. Cette année, commencent à paraître des sourimonos de natures mortes qui vont fournir à Hokousaï de si originales compositions et de si admirables impressions. Ce sont, dans les petites pièces, un canard mort et un bol de porcelaine sur un plateau de laque ; une cage où est un oiseau et un vase de fleurs. Dans les grandes planches : L’arrivée des manzaï dans un palais où éclate la joie d’un groupe d’enfants qui les acclament et où, derrière des stores, s’aperçoivent les ombres chinoises des princesses prises de curiosité mais ne se montrant pas. Des femmes dans un jardin, l’une s’éventant avec un écran, l’autre poursuivant des papillons avec un filet. Des femmes donnant la liberté à des grues, le jour de l’anniversaire d’une mort qui leur a été à cœur. Et, parmi ces grandes pièces, deux très beaux sourimonos : Une énorme et noueuse branche d’un de ces vieux pruniers appelés là-bas : dragon couché, toute fleurie de rose et de blanc. Un chapeau de femme en paille, au fond de crêpe rouge, laissé au milieu d’une allée de jardin et dans lequel sont tombées de feuilles d’arbres. 1802 Une petite série de trois planches représentant un jeu japonais par gestes, où il y a un juge, un chasseur, un renard et où, dans une des planches, la femme fait le renard avec ses mains rapprochées de sa figure et recourbées devant elle. Une série de douze planches donnant un simulacre des scènes des rônins par des femmes et des enfants. Une série en l’honneur de la Lune représentée par des femmes, et dans laquelle rien de plus gracieux que cette petite femme, la tête renversée en arrière et d’une main retenant sur sa gorge un fichu-fanchon de crêpe noir, un bôshi, tout envolé autour d’elle et, de l’autre main, tenant contre son côté un parasol fermé. Une série sur Yédo, représentée par des industries et de petits paysages. Une série intitulée : Les Douze Animaux du zodiaque, qui y figurent en général sous la forme de jouets entre des mains d’élégantes petites femmes. Parmi les grandes planches : Une promenade de femmes près d’un cours d’eau où sont entrés des enfants dont l’un élève en l’air une petite tortue qu’il vient de prendre. Une grande langouste à la teinte rougeâtre, du savant dessin d’un naturaliste, un sourimono fait pour le Jour de l’An aux frais d’une société de vingt personnes. Des passants dans la brume : des hommes porteurs d’instruments de travail, des femmes, des enfants. 1803 Une série de trente-six planches : Les Trente-six Occupations de la vie. Parmi ces compositions, une charmante impression : un petit Japonais qui apprend à écrire et dont la mère guide la main armée du pinceau. Une autre série de cinq planches : Les Cinq Forces, figurées par des femmes. Une autre série de dix planches : Les Cinq Chevaliers élégants : les cinq chevaliers élégants toujours représentés par des femmes. Une série de sept planches : Les Sept Komati, les sept périodes de la vie de la poétesse. Cette poétesse à la vie accidentée et si populaire au Japon, eut un moment l’ambition de devenir la maîtresse de l’Empereur, en même temps qu’un sentiment tendre pour un seigneur lettré de la cour, nommé Foukakousa-no-Shôshô, avec lequel on raconte qu’elle fit le pacte suivant : Il viendrait causer avec elle amour et poésie quatre-vingt-dix-neuf nuits, et, à la centième nuit, elle lui appartiendrait. L’amoureux remplit les conditions imposées par la poétesse mais, à sa sortie de chez elle, la quatre-vingt-dix-neuvième nuit, — c’était par un hiver très froid, — il fut gelé. Au Japon une femme et un homme ont la réputation d’être morts vierges : la femme c’est Komati, l’homme c’est Bénkéi. Parmi les grandes planches : La danse d’une jeune fille avec un double parasol dans un palais où, derrière un store, est l’orchestre et derrière un autre store sont les princesses. Des scènes de théâtre, entre autres Kintoki et sa mère. Quelques sourimonos dans la facture un peu brutale des sourimonos de Kiôto, parmi lesquels une cantine en laque sur son tapis rouge, surmontée d’une branche de cerisier en fleurs. 1804 Une série intitulée : Les Douze Mois de l’année. Rappelons une fois pour toutes que, sous tous ces titres, ce sont toujours de petits dessins de femmes. Une série sans titre, et sans doute de dix, représentant les femmes de différentes classes : la femme de la noblesse, la grande courtisane, la yotaka, l’oiseau de nuit, raccrochant autour des chantiers et des entrepôts. Une série d’une dizaine de planches : Contemplation des belles vues de Yédo. Une série de dix planches ayant pour titre : Les Dix Éléments. Dans les planches parues séparément, un jeu de jeune fille où l’on prononce des noms d’animaux et où l’on pince le dessus de la main de celle qui se trompe, — et des branches d’arbustes fleuris sur un papier ressemblant à notre basin, — et une curieuse nature morte rappelant un peu la simplicité des sujets traités par Chardin : sur des feuilles de bambou une tranche de saumon et une tranche de katsouô, un autre poisson très estimé des Japonais. Parmi les grandes planches : La cour du temple Ohji, avec son concours de monde. La maison de thé d’été, provisoirement établie sur une route, où la mousmé remplit la tasse de thé d’un voyageur sur un banc ; à la porte, une femme à cheval et un garçonnet se rafraîchissant. La coulisse d’une représentation dans un palais : l’ouverture du manuscrit de la pièce, les apprêts de la toilette des acteurs, les essais des instruments. Cette année, étant sous le signe zodiacal du rat, un sourimono du Jour de l’An représente un énorme rat en neige, auquel un peintre peint l’oeil dans un attroupement d’hommes et de femmes. L’année 1804 est l’année où Hokousaï a publié un nombre de sourimonos tel que Hayashi dit que personne ne pourrait en publier le catalogue complet. À ce catalogue de sourimonos, qui me sont presque entièrement fournis par la collection de Hayashi, et un rien par la mienne, je voudrais joindre quelques-uns des plus beaux, des plus originaux parmi les grands, parmi ceux qui mesurent comme largeur 50 centimètres sur 18 de hauteur, et qui se trouvent dans les autres collections. Et, tout d’abord, je citerai parmi ceux de la collection Manzi, qui sont en grandissime nombre, et tous hors ligne, comme beauté d’épreuves : Un vol de sept grues sur le rouge d’un soleil couchant. Un prunier en fleurs, au pied duquel sont deux faisans, et dont les rameaux s’étendant sur une rivière laissent voir sous la verdure fleurie la perspective de deux bateaux. Trois femmes agenouillées au bord d’une baie, le regard à la mer, pendant qu’une servante souffle avec le vent d’un écran le feu d’un réchaud sur lequel chauffe le saké. Au-dessus de la neige d’un cerisier tout fleuri, le vol de deux hirondelles au col rouge. Rien ne peut donner une idée de la douceur de cette planche et, dans le nuage de l’impression, le charme effacé de ces fleurs, où presque un imperceptible gaufrage détache les pistils. Je citerai parmi les sourimonos de la collection de M. Gonse : Un bouquet d’arbres sur une rivière, et la devanture d’un intérieur de maison où deux hommes travaillent à la fabrication de poupées. Ce serait l’habitation de Toyokouni, le voisin d’Hokousaï, dans le Katsoushika, en le temps où Toyokouni n’était pas encore peintre, mais fabricateur de poupées. Un paysage tout blanc, tout rose, qui par la floraison des arbres fruitiers est comme le jaillissement du printemps dans un paysage d’hiver. Je citerai parmi les sourimonos de M. Vever : La promenade, dans un temple, de Japonais et de Japonaises examinant les tableaux accrochés au mur, et où est représenté un groupe de deux Japonais arrêtés devant un kakémono, dont l’un regarde la peinture et l’autre regarde les femmes. Un Japonais dans une « Maison Verte » en train de fumer. Sa maîtresse, à côté de lui, fait essayer, pour l’amusement de son amant, un pas de danse à sa kamouro, à sa fillette de service, dont un maître de danse, agenouillé devant elle, guide les mouvements. Je citerai, dans le format moyen, parmi les sourimonos de M. Haviland : Un dieu du tonnerre se précipitant au milieu des éclairs dans le bain d’une femme à moitié déshabillée ; un lutteur ou un kami, dont une femme remplit de saké la coupe, une coupe grande comme un plat, tandis que deux autres femmes accroupies à ses pieds rient de sa grosse bedaine poilue, prenant l’air. Dans les grandes bandes : Une vue de la Soumida couverte de bateaux. Des tisseuses de soie, au métier établi en pleine campagne, et dont l’une se voit à travers les fils d’un compartiment du métier. De petits Japonais jouant auprès d’un pont. Impression signée : « Gwakiôjin Hokousaï, en état d’ivresse ». Citons en dernier lieu, dans la collection de M. Chialiva : Un sourimono unique, le plus grand sourimono qu’on connaisse (L. 100) et qui représente un pont dans le genre du grand pont de la Soumida d’Outamaro et où, dans un personnage de profil, au petit bonnet noir, à la robe bleuâtre, on croit reconnaître Hokousaï. C’est, sur ce pont, des promeneurs et des promeneuses dans une halte de repos et de contemplation. Il y a un groupe de trois femmes dont la tête penchée de l’une en dehors de la balustrade, regarde dans la rivière ; un autre groupe d’hommes est en train de disserter ; un Japonais, qui a accroché à une traverse une branche d’arbuste fleuri, est à demi couché sur la barrière tandis qu’au bout du pont une femme cause avec une amie, les deux mains appuyées contre la rampe dans une attitude charmante de vérité. Ce sourimono qui est la réunion de deux grands sourimonos est signé : « Hokousaï Sôri ».
« J’ai préféré la misère à un piétinement (humiliation). »Le capitaine, mis au fait du procédé du médecin, envoyait son interprète avec l’argent et faisait prendre les deux rouleaux commandés par le médecin. Maintenant, sont-ils arrivés en Europe ces quatre rouleaux ? Le capitaine Isbert Hemmel mourait en 1798, dans la traversée de Yédo à Nagasaki. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils ne sont pas au musée de la Haye, dont M. Gonse a fait une étude. Hokousaï continua de vendre un certain nombre de dessins aux Hollandais, jusqu’au jour, où il lui fut interdit de livrer aux étrangers les détails de la vie intime des Japonais.
« Je vous envoie trois feuilles et demie des Poésies de l’époque des Thang. Sur 42 mommés (le mommé vaut 10 sous), que j’ai à toucher, retranchez un mommé et demi que je vous dois ; et veuillez remettre le reste, 40 mommés et demi, au porteur de la lettre. »D’après cette lettre, ça mettrait le payement des dessins d’Hokousaï de six à huit francs. Et il se conserverait au Japon des billets où Hokousaï empruntait de misérables sommes pour le payement des choses de la vie journalière, près des fruitiers, des marchands de poissons, et c’est ainsi que j’entendais conter à M. Bing que, parmi les documents qu’il avait réunis sur Hokousaï, il existait la demande par le peintre à un éditeur d’un emprunt d’un riô (25 francs), le priant de lui payer ces 25 francs dans la plus petite monnaie possible, afin de solder ses infimes dettes criardes près des fournisseurs de son quartier. Oui, ainsi que le témoigne une autre lettre, où Hokousaï se plaint de n’avoir qu’une robe pour défendre son vieux corps de 76 ans contre le froid d’un hiver rigoureux, l’artiste a vécu, toute sa vie, dans une misère noire, par suite des bas prix payés au Japon par les éditeurs aux artistes, et l’effet d’une indépendance d’esprit qui lui faisait accepter seulement le travail qui lui plaisait, et aussi à l’occasion des dettes qu’il eut à payer pour son fils Tominosouké et son petit-fils, né de sa fille Omiyo, — du reste tirant une espèce de vanité de cette pauvreté.
Yénoshima. Deux planches d’hommes et de femmes, la marée retirée, pêchant avec des paniers le poisson resté dans les anfractuosités de la plage. Une planche représentant la réunion des six poètes sur une terrasse. La plantation du riz. La cueillette du thé. Une charmante impression est une impression où un amoureux joue de la flûte à la porte d’une habitation, et où l’on voit une servante, envoyée par sa maîtresse qui l’entend de son balcon, traverser le jardin et lui ouvrir la porte.
Je viens de faire un travail maladroit, si cependant, après examen, ça faisait votre affaire ? Et comme je ne suis pas habitué à écrire, pour les passages non réussis, faites-les retoucher par le maître Bakin. Or, si j’ai la chance d’avoir le moindre succès cette année, je travaillerai mieux l’année prochaine.Maintenant si l’on veut avoir une idée de la littérature du peintre, voici un bout de traduction du livre jaune :
Dans une lointaine province de l’Ouest, il y avait un grand seigneur, nommé « le grand cœur », ayant un revenu d’un million de tonnes de riz. On le surnomma Dadara Daïjin, le Seigneur Désordonné, comme grand amateur de voluptés et fort buveur de saké. Et, non content du plaisir de la chasse dans les montagnes, de la pêche dans la mer, il s’amusait à faire nager les gens avec de lourdes pierres attachées à leurs corps, ou à les faire courir, pieds nus, sur la glace ; et le monde de son entourage, il voulait qu’il fût habillé de chaude ouate, en été, et de toile claire, en hiver. Enfin il aurait fallu, pour la distraction de ce seigneur, que les poules chantassent et les roues tournassent de côté. C’est dire que l’argent et l’or étaient entre ses mains, comme l’eau de la rivière. Or, il se trouvait dans la province voisine un autre seigneur appelé « l’Eau de riz », habitant le château des Créanciers…Mais ici, le traducteur s’est arrêté, déclarant que le texte, se composant, d’un bout à l’autre, de jeux de mots et d’allusions seulement compréhensibles pour des Japonais, est intraduisible en français.
Cette année, vous avez bien voulu me commander un livre, mais vous savez bien que je ne suis pas habile, et ça n’a pas marché, d’autant plus que vous m’avez pressé. J’ai commencé par le dessin et, seulement après, j’ai écrit le texte, ce qui pourrait bien avoir amené du décousu dans certaines parties du livre. Toutefois, si vous trouvez l’ouvrage présentable au public, je vous serais obligé de le faire graver.Le volume est curieux, parce qu’il traite d’une manière fantaisiste des choses de la cuisine : Du riz. — Des soupes. — Des sakés. — Du thé et des gâteaux. — Des légumes frais. — Des légumes secs. — Des crustacés. — Des œufs. — Des plats au vinaigre. — Des rôtis. — Des bouillis. — Des poissons grillés. — Des sarasin, macaroni, vermicelle. Il est aussi question de choses qu’on ne mange pas en France, de pommes de caladium, de sésame brûlé, d’aubergine salée, d’ignames, de pieuvre, de bêche de mer, d’algues, de pousses de bambou, de racines de lotus. Et voilà le morceau humoristique jeté par Hokousaï en tête du chapitre du saké :
S’il y a le moraliste qui dit qu’à la première coupe c’est l’homme qui boit le saké, qu’à la seconde coupe c’est le saké qui boit le saké, qu’à la troisième coupe c’est le saké qui boit l’homme, il en est d’autres moins sévères qui déclarent qu’il n’y a pas de limite pour boire du saké tant que ça n’amène pas du désordre. C’est ainsi que nous avons les gens qui avalent une grande quantité de saké pour se vanter de leur capacité, aussi bien que nous avons les gens qui se retiennent, pour vanter leur modération et proclamer qu’une petite quantité de saké est le meilleur des médicaments. Et nous avons les gens qui succombent tout de suite, et les gens qui se grisent indéfiniment. Au fond, la limite est le mal de cœur, aussi bien pour les grands buveurs que pour les apôtres de la modération. L’équilibre du buveur qui tient debout, le ventre vide de saké n’est-ce pas l’inverse de l’équilibre de la bouteille toute droite quand elle est pleine, et qui chute à terre quand elle est vide ?Puis Hokousaï décrit les différentes qualités des boissons fermentées, depuis l’esprit d’alcool qui brûle, jusqu’au mirin qui est doux comme du muscat. La même année Hokousaï publie sous la signature de Tokitarô Kakô L’Inventaire des mensonges, Mouna-zanyô Ousono Tana-oroshi , un livre ironique où le texte et l’illustration, qui sont tous deux encore du peintre, semblent se moquer des affirmations mathématiques et qui pourraient bien être exagérées et aller au-delà de la vérité, dans l’arpentage d’un champ, le mesurage d’un arbre, le pesage d’un éléphant. Et cela sous une forme blagueuse dont voici un échantillon, à propos d’une planche toute noire de rats : « Il est établi qu’un ménage de rats met au monde douze rats dans un mois, et au bout du douzième mois, chaque couple produisant 12 rats, il en existe 908, et la naissance continuant dans la même proportion, on arrive à la fin de la seconde année, au chiffre colossal de 27.682.574.402. Enfin, la même année, Hokousaï illustre encore Ada-déhon Tsoushin-mouda, Allusion à la pièce des 47 ronins . Deux volumes contenant de petits bois sans importance.
« Ceux qui ont rendu la beauté de ces paysages en peinture ou en poésie sont le dessinateur Hokousaï et le poète Taïguéntei. »La première planche du premier volume représente la colline du temple Hatiman d’Ityaga, et l’on y voit deux femmes avec un enfant porteur d’un cerf-volant sur son dos, au moment de passer sous un tori-ï : une de ces portes à jour à l’entrée d’un temple sinthoïste. La seconde planche est une vue du quartier Horino-outi, que traverse une femme portée dans un kago sur le toit duquel est une branche d’arbuste en fleurs ; puis c’est à Ohji, devant une maison de thé, des hommes en train de laver des plateaux à une fontaine ; puis à Asouka, c’est un porteur d’un barillet de saké en compagnie d’un camarade, dont la titubation d’ivrognes fait sourire deux femmes ; puis à Hongo, c’est un balayeur grotesque balayant le chemin que prennent deux promeneuses. Et c’est sur la colline de Takata, d’où l’on voit le Fouzi-yama, trois femmes de la société, reconnaissables au rouleau de soie qui entoure leur chevelure, faisant collation auprès d’un arbre dans l’entre-deux des branches duquel est posé un télescope dirigé vers la montagne ; et c’est dans la chute d’eau de Dondo, nommé ainsi à cause du bruit, des gens pêchant avec des charpagnes. Et c’est à Yédogawa, endroit célèbre par sa fraîcheur et d’où vient dans un conduit l’eau excellente baptisée eau pour le thé, des pêcheurs dans leurs barques. Le second volume nous montre dans une planche des hommes et des femmes que surprend une pluie d’orage à Ohkido, contre l’enceinte de la fortification du shôgoun, et leurs attitudes comiques ou gracieuses pour s’en défendre ; dans une autre planche, des jeunes femmes sur une terrasse d’Atago, en contemplation du vert paysage qu’elles ont sous leurs pieds ; dans une autre planche à Shinjikou, un homme, le jour de la fête des Étoiles, attachant des lanternes et des papiers de couleur à un bambou ; dans une autre planche à Foukagawa, une femme qui achète, à un marchand d’oiseaux et de poissons vivants, un oiseau qu’elle emporte dans une cage. Nous trouvons dans le troisième volume une vue de la statue en pierre de Niô et l’entrée du temple à Zôshigaya ; une vue de la terrasse du temple à Akasaka où sont des femmes et des enfants ; une vue d’un paysage où un homme souffle devant des promeneurs des caramels pour les enfants, en forme d’oiseaux, de théières ; une vue en pleine neige de Koudan, où une Japonaise est si joliment encapuchonnée de noir ; une vue d’Asouka, où un Japonais est en train de tirer, sur une feuille de papier étendue sur l’inscription d’un monument commémoratif d’un artiste ou d’un lettré (sékihi), une épreuve de cette inscription dont une autre épreuve est tenue, séchant devant elle, par une femme. La femme qui peuple les promenades de ces trois livres, c’est la femme très reconnaissable que dessine l’artiste vers ses quarante ans, la gracieuse petite femme longuette, au haut échafaudage de la chevelure traversée d’épingles, aux traits mignons rendus par trois points pour les yeux et la bouche et trois petites lignes pour le nez et les sourcils, à l’ampleur des manches et de la ceinture, au placage contre le ventre et les cuisses de la jupe étroite, s’évasant et se répandant en vagues à ses pieds : un type de femme élégant, fluet, gentillet, mais un peu mièvre. La même année Hokousaï illustre encore Misoka Tsouzoura, Le Panier à papier , un petit album de la plus grande rareté, contenant des pensées, des réflexions de Hokousaï. Une jolie planche, dans ces colorations délavées des impressions de ce temps, est une planche où se voient deux jeunes Japonaises jouant avec une souris blanche.
Ne manquez pas, si l’on vous demande comment est mon atelier, de dire qu’il est très beau ! très propre14 !»
Sonobé Yoritsouné et de la princesse Ousouyuki. Cette illustration, supérieure à l’illustration des autres romans publiés cette année, pourrait faire supposer que les dessins d’Hokousaï, qui ont été gravés en 1807, sont, quelques-uns, de plusieurs années antérieurs à cette année et que ces dessins attendaient un éditeur. L’illustration d’Hokousaï débute par la représentation d’animaux fantastiques et d’animaux réels, mais d’une grandeur, d’une puissance, d’une force qui les fait un rien surnaturels. C’est une araignée gigantesque, une araignée à la tête d’une pieuvre, au corps pustuleux d’un crapaud, ayant un chapelet de crânes d’hommes autour d’elle, une araignée montrée à la lueur de la torche de Yoritsouné qui a pénétré dans sa caverne ; c’est une carpe du format d’un cachalot, soulevée au-dessus des flots ; c’est un tigre chevelu, aux poils en forme de flamme, enchevêtré dans les replis d’un dragon interminable ; c’est un ours aux griffes terribles dans des emmanchements de mastodonte ; c’est un aigle, en le vigoureux et tressautant déploiement de ses ailes, avant de monter dans les airs : — des animaux qui ont des solidités de sculptures de bronze. À côté de ces bêtes sorties d’une réalité imaginative, des dessins de femmes, tantôt d’une délicatesse de rêve, comme cette longue femme dans sa robe blanche, avec le flottement autour d’elle de sa noire chevelure, tantôt d’une originalité gracieuse, comme ces deux femmes dans un coup de vent qui les courbe presque à terre, avec l’envolée derrière elles de leurs cheveux et de leurs robes. Une planche curieuse est un cimetière japonais avec ses tombes en pierre et ses longues et hautes planchettes portant écrites des prières : cimetière où la princesse et sa suivante sont cachées sous une tente de papier et qu’envahit une troupe d’hommes armés. Et la dernière planche représente le traître écartelé par des bœufs, auxquels sont attachées ses deux jambes. Hokousaï publie encore, en 1807, l’illustration de Thinsétsou Yumihari Zouki, Le Croissant de la lune ou le conte du camélia , roman de Bakin, en six parties, dont la première et la seconde partie paraissent en 1807, la troisième vers 1808, la quatrième, la cinquième et la sixième en 1811 : ces six séries forment vingt-huit volumes. Ce roman est l’histoire de Tamétomo, un héros du xie siècle, prenant parti pour un empereur dépossédé à la suite d’une révolte, et qui tente de reprendre le pouvoir. Au fond, ce roman est, comme une série de contes des Mille et une Nuits, une suite de voyages fabuleux dans l’île de Lieou-Khieou, Formose, les Pescadores, et autres îles de la mer du Japon, par ce Tamétomo, à l’arc irrésistible et où la topographie des endroits est entremêlée de toutes les croyances des localités et de toutes les légendes merveilleuses de ces îles dont quelques-unes passaient pour être habitées seulement par des femmes, et dont l’imagination de l’artiste a peut-être donné une habitante dans cette voluptueuse femme montée sur un bœuf, jouant d’une flûte où est posé un oiseau. Et Tamétomo terrorise et dompte ces populations sauvages, — représentées par Hokousaï assez semblables aux Aïnos couverts de poils, — par la puissance de son arc, avec lequel il coule un navire, fait sauter un quartier de rocher, et qu’aucun des hommes des contrées qu’il traverse ne peut tendre. Le roman n’a peur d’aucune invraisemblance : le fils de Tamétomo tombe malade, le père fait fabriquer un immense cerf-volant pour le transporter au Japon, tandis que l’empereur dépossédé, devenu dans un coup de foudre un Téngou, — un de ces génies du bien et du mal, si accrédités au Japon, un de ces génies au nez en vrille, — et qu’on voit tenir un conseil de guerre avec des généraux qui sont tous des Téngous, sauve par leur entremise Tamétomo d’un naufrage ; et l’on voit à la fin Tamétomo dans une apothéose, entouré de flammes sur son cheval qui prend feu. Et ce roman fabuleux, où se trouve un méli-mélo de géographie exacte et de récits impossibles, et de planches dignes d’une icthyologie sérieuse à côté de sirènes, finit par une interminable généalogie de Tamétomo dont les rois de l’île de Lieou-Khieou seraient des descendants. Toujours en cette année 1807, Hokousaï publie l’illustration des cinq premières séries du Shimpèn Souikuo Gwadén, Nouveau commentaire illustré de Souiko : un roman historique chinois, écrit sous la dynastie des Song par Sétaï-an, et présenté au public japonais dans une traduction arrangée par Bakin et Ranzan, publiée en neuf suites de dix volumes, dont la sixième, la septième, la huitième n’ont vu le jour, après un intervalle de trente ans, qu’en 1838 et années suivantes ; — ces neuf séries composant un roman de quatre-vingt-dix volumes dont Ranzan a écrit quatre-vingts volumes. L’illustration de ce roman célébrant les exploits guerriers de cent huit héros chinois, qui meurent tous l’un après l’autre, et qui n’est qu’une suite de duels mortels, de combats, de batailles, débute par la portraiture effrayante de neuf de ces héros, portraiture suivie du renversement d’un monument sacré d’où sortent, comme d’une éruption de volcan, toutes les dissensions et les guerres de ces années. En même temps que le roman est une glorification de ces cent huit héros, c’est déjà un pamphlet contre la corruption gouvernementale de la Chine de ce temps, et un prêtre, qui revient dans toutes les pages, une barre de fer à la main comme bâton, apparaît comme le grand justicier de cette épopée. Une des planches de l’illustration qui a une réputation au Japon, et dont les artistes s’entretiennent comme d’un tour de force, est la composition où l’artiste représente ce prêtre poursuivant un fonctionnaire prévaricateur qui s’est jeté sur un cheval que, dans sa terreur de la barre de fer, il n’a pas vu attaché, et dont l’effort impuissant pour prendre le galop a fourni le Géricault le plus mouvementé qui soit. C’est aussi, dans cette pile de livres, un étonnement, même pour les Chinois de trouver une Chine si exactement rendue avec ses costumes, ses types, ses habitations, ses paysages, chez un artiste qui ne l’a pas vue et qui a eu à sa disposition d’assez pauvres éléments de reconstitution du pays. Et tout le temps, dans ces trois premières séries de puissants dessins, comme le dessin du guerrier Boushô étranglant un tigre, d’une grandeur telle qu’on le voit porté par plus de vingt hommes dans une autre planche ; le dessin du même guerrier jetant par-dessus sa tête un colosse à terre, dont la chute forme la courbe d’un corps brisé, déjà mort ; le dessin du même guerrier, deux têtes coupées à côté de lui, et écrivant sur un mur, avec le sang de ces têtes, que c’est lui qui a tué ces malfaiteurs. Un dessin, d’un caractère indicible, montre un assassin, vu de dos, une main tenant son sabre prêt à frapper derrière lui, son autre main serrant à la gorge sa victime, un dessin où il n’y a d’ombré que ses cheveux et où le reste de l’assassin est dans la lumière d’un croquis esquissé seulement avec des traits. Un autre dessin, d’une grâce douloureuse, est une scène de torture représentant une femme suspendue en l’air, les bras attachés derrière le dos, sa tête tombée de côté contre une de ses hanches, ses pieds dans le vide cherchant la terre. Dans ces séries, Hokousaï tente — et je crois là seulement, — de tirer un parti pittoresque, dans ces compositions, de l’escalier, de l’escalier extérieur des habitations chinoises et japonaises, tente de représenter des scènes d’intérieur coupées par la montée ou la descente au premier plan d’un homme ou d’une femme dans un de ces escaliers aériens, — et c’est vraiment d’un très joli effet. Dans la quatrième série, après un dessin représentant un médecin pansant la blessure faite dans le corps du guerrier Liô par une flèche qu’il vient de retirer et qu’il tient dans sa bouche, c’est une suite de violents, de colères, d’homicides dessins. Ici c’est un guerrier qui tombe avec son cheval dans un précipice, le cheval cabré dans le vide du trou noir sans fond, un dessin où il y a la furia d’un croquis de Doré réussi ; là c’est l’herculéenne cavalière Itijôsei faisant un prisonnier qu’elle immobilise emprisonné dans son lasso ; plus loin, un homme qu’un guerrier décapite d’un coup de sabre, et dont le tronc s’affaisse, pendant que sa tête, projetée en l’air, retombe d’un côté, son chapeau de l’autre. L’amusant, chez Hokousaï, c’est la variété des sujets. Au milieu de ces féroces épisodes de la guerre, voici tout à coup, dans la sixième série, un palais féerique au haut d’un rocher auquel on arrive par des ponts, des escaliers, une montée d’un pittoresque charmant : palais né dans l’imagination du peintre au fond de son atelier. Et, à côté de cette architecture poétique, des dessins d’un naturel, comme cet homme qui dort la tête sur une table, visité par un rêve paradisiaque ; comme cette société sur un pic de montagne, saluant le lever du soleil, les robes et les cheveux flottants et soulevés derrière eux par l’air du matin. Et, jusqu’au bout, jusqu’à la fin de la neuvième série, toujours des images différentes ne se répétant pas. C’est la danse d’une femme au moment où, après s’être inclinée, elle se relève avec cette flexibilité des reins qu’Hokousaï sait si bien rendre, les bras étendus, la tête amoureusement renversée en arrière ; c’est la vue d’un vaisseau de guerre japonais avec son architecture de pagode ; c’est l’incendie d’un convoi militaire de vivres ; c’est enfin une des dernières planches où, dans une nuit éclairée par une lune qui rend les vagues toutes blanchissantes, sur une barque que fait avancer un marinier, penché sur un long bambou, Roshûn, un des cent huit victorieux, boit une coupe de saké que lui verse une élégante femme, et la légende de la gravure est celle-ci : Roshûn buvant sous la belle lune dans la rivière de Waï. L’illustration de ce roman en quatre-vingt-dix volumes est en général de trois images doubles par volume, ce qui fait avec les frontispices, pour l’ouvrage entier, près de trois cents estampes. Une autre publication a été faite d’estampes se rapportant à l’illustration de Souiko par Hokousaï, mais d’estampes différentes de celles du roman, éditées en 1829 sous le titre : Yèhon Souikodèn, Illustration des personnages de Souikodén . Nous y retrouvons le prêtre à la barre de fer, Rotishin, le tueur de tigre, Boushô, et Itijôsei la femme forte, à côté de Kiumonirô Shishin, l’homme au corps entièrement tatoué de dragons, et de Rosénsho, ce mortel qui avait le pouvoir de produire des orages pour terrifier l’ennemi ; — tous deux faisant partie des cent huit héros de l’épopée chinoise. En 1808, Hokousaï illustre Yûriakou Onna Kiôkoun, L’Éducation d’une femme héroïque , un roman écrit par Ikkou sur une légende du xve siècle, racontant ce qui s’est passé, dans le temps, au château du daïmiô Kitabataké, où l’une des planches vous montre une femme s’exerçant au maniement du sabre. La même année 1808 Hokousaï illustre Kataki-onti Miyorino Miôgô, La Gloire d’une vengeance . Un roman du romancier Bakin, un roman en six volumes très chargé d’incidents, où il est question d’une méchante femme représentée dans un beau dessin, un sabre dans les dents, des malheurs d’un garçon de marchand de saké, d’une femme possédée par un esprit, d’un papier volé à un samouraï assassiné, d’une fille sauvée par le fils de l’assassin des mains de la méchante femme, de tueries nombreuses, de la retrouvaille du papier rapporté au prince, et du mariage du jeune homme avec la jeune fille qu’il a délivrée. En 1808 Hokousaï publie l’illustration de Shimoyo-no-Hoshi, Les Étoiles d’une nuit, où il gèle , un roman de Tanéhiko en cinq volumes. La jalousie de la femme est un des sujets le plus souvent traités par le roman japonais, et il s’agit encore — comme dans le roman de la Conversion de l’esprit de Kasané, de Bakin, — de la jalousie d’une femme contre une rivale et de son assassinat par son mari. La préface de Tanéhiko est gravée sur un éventail blanc jeté sur une page noire : l’imagination de Hokousaï trouvant à tout un ingénieux motif d’ornementation et, dans un autre roman, mettant la table des matières contre un cadre attaché sur un treillage de bambous tout garnis de feuillages et de fleurs. C’est donc, comme première planche, Osawa, la femme jalouse, qui se regarde dans un miroir, en un mouvement de retraite du corps en arrière, les cheveux envolés d’où tombent son peigne et ses épingles, et sa ceinture aux fleurs de glycine se tordant autour d’elle comme la vraie image d’un serpent, — qui se regarde, effrayée de la laideur future que la jalousie va apporter à sa figure et qu’elle voit d’avance. Puis une autre figuration de la jalousie de cette femme, sous la forme d’un monstre échevelé, un enfant attaché la tête en bas sur son dos, dont les deux pieds passant dans ses cheveux ébouriffés lui font deux cornes de diablesse, tandis que ses paroles de colère, à la sortie de sa bouche, se changent en une légion de rats et de souris qui se jettent à la gorge de son mari Itoyé. Alors une autre planche, où le mari a mis à la torture sa femme qu’on voit battre des pieds dans sa souffrance et qui est après jetée à l’eau. Cet assassinat est l’occasion d’une composition curieuse où l’on voit, dans le courant d’une rivière, une planche arrêtée sur laquelle est un fourneau allumé et un coq, d’après une croyance du Japon, qui veut que la planche, ainsi chargée, s’immobilise là où il y a un cadavre sous l’eau. Et l’esprit vengeur de la femme assassinée pénètre sous la forme d’un serpent dans la chambre nuptiale où se trouve Itoyé avec sa nouvelle et charmante femme Ohana. Mais bientôt, dans un état de fureur étrange, il tirera son sabre, que cherche à rabattre Ohana, — elle, n’apercevant pas l’effrayante vision que voit seul son mari. Oh ! une terrible vision ! une tête de toute la grandeur de la page, où sont les traits reconnaissables de la morte, apparaît dans une broussaille de cheveux mêlés de terre, avec d’inquiétants yeux de gnome, un nez qui n’est plus qu’un trou nasal, des dents noires aux gencives rongées par les vers. En 1808 Hokousaï publie l’illustration de Kana-déhon Gonitino Bounshô, Histoire des fidèles vassaux après la vengeance , un roman en cinq volumes, dont le texte est dû à Tanshûrô Yémba. Un roman dont l’intérêt artistique est tout entier dans la première composition, représentant les quarante-sept rônins qui déposent la tête de Kira sur le tombeau d’Asano. Le reste du roman a l’air de se rapporter à des incidents de la vie d’Amanoya Rihei, le marchand qui a fourni les armes et les équipements militaires pour l’attaque du château fortifié de Kira. Tout au plus, dans l’illustration, une gravure amusante vous donnant, je ne sais à quel propos, la vue très détaillée de la cuisine d’une « Maison Verte », — tout comme dans les Étoiles d’une nuit où il gèle se rencontre également le jardin d’une « Maison Verte », dans lequel se profile sur le fond une longue galerie au travers de laquelle les femmes de l’intérieur se voient reflétées, sur les châssis de papier, en de caractéristiques ombres chinoises. En 1808 Hokousaï publie l’illustration d’Onna-moji Nouyé Monogatari, L’Histoire de Nouyé écrite en lettres de femmes (en langue vulgaire), roman dont le texte est de Shakou yakoutei et forme cinq volumes. Un roman écrit d’après une légende du xie siècle et où l’empereur Toba prend sur une de ses femmes un petit sabre avec lequel il croit qu’elle va l’assassiner. Alors des scènes de torture et la mort. Mais la femme est innocente et le sabre a été mis dans ses vêtements par une rivale, jalouse d’elle. Le juge qui a prononcé sa condamnation, on le voit se réveiller d’un cauchemar où il a été visité par l’esprit de la morte dans une peau de tigre. Est-ce avec la morte une résurrection du nouyé, cet animal fantastique qui a la tête d’un tigre, le corps d’un taureau, la queue d’un serpent, et qui est tué dans une image par Yozimasa ? La même année 1808 Hokousaï publie Yuriwaka Nozouyé no Taka, Le Faucon de Yuriwaka , un roman en un volume dont le texte est de Mantei-Sôsa. Un roman dans lequel le prince Yuriwaka, un prince du xiie siècle, met à mort Beppou, l’ennemi de sa famille, un roman où se trouve un puissant dessin du faucon qui a donné son nom au roman, et un caractéristique dessin de Beppou qui, tombé à terre, se tient la tête, se bouche les oreilles sous le sifflement d’une flèche qui passe au-dessus de lui. Dans ce roman il y a d’élégantes planches d’amour entre le prince Yuriwaka et la belle Nadéshiko dans leurs robes fleuries, pour l’homme de fleurs de cerisier, pour la femme de fleurs d’iris, et la gravure, qui traduit dans ce livre les dessins d’Hokousaï, différente, plus précieuse que les autres, a sur le bois des fonds ressemblant à l’aquatinte obtenue sur le cuivre et l’acier. En 1808 Hokousaï publie l’illustration de Raïgô Ajari Kwaïso Dén, Le Rat monstre du prêtre raigo ; un roman de Bakin se passant au xiie siècle, et où il a introduit la légende des rats du prêtre Raïgô dans l’histoire de la tentative de vengeance du prince Minamoto Yoshitaka contre Yoritomo : un roman édité en huit volumes. Ce sont d’abord deux figurations en pied de ce prêtre Raïgô, qui est représenté dans l’une élevant en l’air un rouleau magique, avec des mains qui ressemblent, ainsi que ses pieds, à des pattes griffeuses de rats ; dans l’autre, en train d’exercer son pouvoir sur ces animaux destructeurs, entouré de millions, de milliards de rats passant et repassant autour de l’estrade où il fait ses invocations, agite une sonnette : une planche extraordinaire par le rendu de l’infinie et grouillante multitude, en sa presque effrayante perspective à la cantonade. Et d’autres compositions nous montrent le prince Minamoto Yoshitaka, dans un pèlerinage, faisant la rencontre de Raïgô, et le prêtre lui communiquant son pouvoir surnaturel, si bien qu’un jour le prince, poursuivi par un ennemi, fait un appel aux rats dont le flot montant entre eux deux empêche de l’atteindre. Et une planche vous montre le roi de ces rats, le rat monstre du prêtre Raïgô, un rat qui, comparé à l’homme monté sur lui, est de la grandeur d’un éléphant. Mais il se trouve que l’homme protégé par les rats a un adversaire protégé par les chats, un homme dans la famille duquel on a trouvé, en creusant la terre, un chat en or. Des voleurs ont dérobé le chat en or, et la recherche de ce chat porte-bonheur par les anciens possesseurs, tombés dans la misère et la détresse, recherche mêlée à l’action d’une femme méchante nommée Karaïto, mêlée à l’organisation d’un complot et à quelques tueries, met mille incidents, mille complications dans ce roman où apparaît, çà et là l’élégante figure de Masago, la maîtresse de Yoritomo. Au dénouement, sur l’ouverture d’un panier où se retrouve le chat d’or, tous les rats prennent la fuite, et le prêtre Raïgô, qui s’était engagé à tuer Yoritomo, se contente d’un assassinat allégorique, en perçant de son sabre le manteau du prince qui l’a gracié ; et dans ces circonstances l’homme du chat, réduit à ne pouvoir mettre à mort l’homme des rats, perce également de son sabre le casque de ce dernier. En 1808 Hokousaï publie l’illustration de Foutatsou Tchôtcho Shiraïto Zôshi, Les Deux Papillons ou les deux lutteurs , roman dont le texte est de Shakouyakoutei, édité en cinq volumes. C’est l’histoire de deux lutteurs, Nourégami et Hanarégoma, en une illustration très coloriste dans le noir. L’une des planches représente Hanarégoma déracinant des rochers à la force de ses bras tirant une corde. Puis l’on voit les deux lutteurs mesurer leurs forces et, à quelques planches de là, se constituer volontairement prisonniers et comparaître devant un tribunal qui les déclare innocents d’un crime commis par d’autres. Pourquoi ce titre : Les Deux Papillons ? L’explication n’en est guère donnée que par un jardin où l’on voit de nombreux papillons, parmi lesquels est un papillon mort, tombé à terre. En 1808 et 1811, Hokousaï publie l’illustration de Sanshiti Zéndén Nanka no Yumé, Le Rêve du camphrier du sud, un roman en dix-sept volumes, divisé en deux parties, et dont le texte est de Bakin. Un roman contenant l’histoire de trois générations, commencée avec l’histoire du ménage Sankatou et Hanshiti, et finissant à Onono Otzou, la célèbre femme de lettres du xvie siècle, qui a écrit au Japon la première pièce de théâtre sous une forme moderne. L’illustration du roman commence par l’abatage d’un très vieux camphrier poussé sur la montagne de Yonédani-Yama, l’abatage d’un camphrier sacré, où les bûcherons, dans leur œuvre sacrilège, se blessent en tombant des branches. Et la chute des bûcherons amène l’image d’un vendeur de pommade pour les blessures, qu’on voit accroupi sur une peau d’ours, à côté d’un grand pot où, après s’être fait une entaille à la peau, il puise de la graisse d’ours et montre aux assistants que l’application de cette graisse arrête le sang. Hanshiti, auquel est apparu l’esprit du camphrier, un jour qu’il dormait sous son ombre amie, n’éprouve plus que des malheurs depuis l’abatage de l’arbre. Sa femme Sankatsou est obligée de se faire chanteuse de la rue, à jouer du kokiû, espèce de violon-guitare, sur les places publiques, et ils tombent dans une telle misère, lui, sa femme et sa fille, la femme de lettres future, déjà grandelette, que le malheureux est au moment de se suicider, quand l’inspiration lui arrive de fabriquer des chignons pour femmes, — les Japonaises portant de faux cheveux tout comme les Européennes, — et nous voyons le ménage installé dans une boutique où commence pour ces pauvres gens la bonne fortune. Mais ils sont accusés de vilaines actions, et obligés de quitter la province où les vrais coupables, après leur départ, avouent leurs méfaits en se suicidant dans un cimetière. Au fond, Hanshiti est d’origine noble, mais descendu à l’état de rônin en sa détresse ; seulement, s’il retrouve un sabre dont il était le détenteur, il redeviendra noble, et la seconde partie du roman se passe à la recherche de ce sabre, au milieu de toutes sortes d’aventures dans le genre de celle-ci : dans une attaque de malfaiteurs, la jeune fille a perdu une de ses chaussures en bois, un malfaiteur la lui rapporte et, enflammé par sa beauté, veut la violenter : — elle le tue. En ce roman, qui commence par la description du camphrier, qui passe à la fabrication des chignons de femmes, se termine par une pièce de vers pour arrêter la sécheresse d’un été caniculaire, et la retrouvaille du sabre de Hanshiti, qui rentre dans la classe des guerriers, — toutes ces péripéties diverses du roman amenant à la fin, on ne sait trop comment, le salut de la princesse Yénju. En 1810, Hokousaï publie l’illustration de On-yô Imoséyama, Les Fiancés isolés sur deux montagnes en face , roman dont le texte est de Shinrotei, édité en six volumes. Un roman où deux familles, séparées par des dissensions politiques, habitent deux montagnes voisines, et où le fils d’une de ces familles devient amoureux de la fille de l’autre famille et, plus heureux que Roméo, arrive à se la faire accorder : roman dans lequel l’intérêt amoureux est associé à l’intérêt dramatique d’une conspiration du prince Irouka contre l’empereur régnant. Des planches représentant les palais des deux familles vous apprennent, par des cordes reliant les toitures et sur lesquelles glissent des cerfs-volants, les ingénieux moyens de communication qu’ont trouvés les amoureux. Une autre planche, où Hokousaï donne un curieux échantillon de son imagination fantomatique, est la gravure de la salle où a lieu la conspiration, salle ayant la réputation d’être hantée par les mauvais esprits et qu’a choisie exprès Irouka pour n’être pas dérangé dans ses conciliabules. Une salle éclairée par une lampe faite par l’assemblage de fémurs au haut desquels une tête coupée crache de la flamme ; une salle qu’escaladent du dehors les branches d’un arbre à l’apparence d’ailes de chauve-souris. Là, court à quatre pattes un squelette d’enfant, au milieu de femmes qui ont des mufles de bouledogues, deux ou trois dents leur saillant hors la bouche, toutes avec les deux petites mouches au front des femmes de la noblesse ; et cela sur des fonds de toile d’araignée derrière lesquelles s’entrevoient vaguement des visions d’êtres surnaturels. En 1812 Hokousaï publie l’illustration de Matsouwô Monogatari, Histoire de Matsouwô , roman dont le texte est de Koyéda Shiguérou, édité en six volumes. Un roman qui est une suite d’apparitions, parmi lesquelles l’apparition de la jeune morte Yokobouyé, apparaissant, dans un éclair, au pied du lit de son amoureux Tokiyori, est d’un effet saisissant. En 1812, Hokousaï publie l’illustration de Aoto Foujitsouna Moriô-an, Les Desseins du juge Aoto (ancien juge célèbre du xiiie siècle), un roman dont le texte est de Bakin, édité en dix volumes. Une des premières planches représente le juge sur un pont, assistant à la recherche, dans une rivière, de quelques pièces de monnaie par des plongeurs. Et, comme on se moque de lui, et qu’on lui dit que cette recherche de l’argent dans l’eau coûte beaucoup plus cher que l’argent perdu, il répond que l’argent dans la rivière ne profite à personne, tandis que l’argent donné pour le retrouver profite à des gens. Et ce sont de beaux dessins du juge lisant un papier, du juge jugeant dans son tribunal des criminels attachés les mains derrière le dos par une corde que tient un garde, et dont on voit les têtes dans une autre planche fixées sur les cornes des taureaux que ces animaux promènent. Une idée ingénieuse : sur une des planches, ce que lit un homme, c’est la légende de la gravure. Une planche caractéristique représente le terrible Shôki, le tueur des diables, venant rechercher chez eux un pauvre petit enfant qui pleure au milieu d’un paysage où, dans le fond, les loups mangent des cadavres. Une planche singulière représente un chat monstre, en robe, tenant par le cou un médecin. Une planche curieuse montre à gauche une chambre où se passe une scène de roman, et à droite une grande galerie vide, dessinée d’après les lois de la perspective la plus rigoureuse, et qui fait tomber absolument l’allégation que la peinture japonaise n’a pas le sentiment de la perspective. Enfin, comme dénouement de l’histoire du juge Aoto, on voit une place d’exécution où un bourreau se dispose à trancher la tête à un homme attaché à deux pièces de bois croisées, liées par le haut, quand apparaît providentiellement, dans le fond, le juge auquel une femme parle et innocente le condamné, qui va avoir sa grâce. En 1813 Hokousaï publie l’illustration de Ogouri Gwaïdén, La Légende sur le prince Ogouri , roman de Koyéda Shighérou, dont l’action se passe sous Ashikaga Yoshimitsou, au xive siècle, roman paru en deux séries de cinq volumes, la première publiée en 1813, la seconde en 1828. Le prince Soukéshighé, l’héritier de la famille Ogouri, a pour fiancée la princesse Térouté. Une intrigue politique fait perdre au père du héros du roman ses dignités et sa fortune, tandis que la même aventure arrive à la famille de la princesse, et les deux fiancés se perdent de vue. Dans sa ruine le prince Ogouri épouse Hanako, la fille d’un richissime Japonais, où la princesse Térouté est servante, chargée du service du bain. Les deux anciens fiancés sont repris d’un sentiment amoureux. Et une planche représente Hanako se regardant dans un miroir où se reflète la jalousie qui la dévore. Oui, la jalousie au Japon est signifiée, chez la femme, par des cornes au front. Térouté, battue dans la maison d’Hanako, s’est sauvée, et, au moment où elle erre désolée dans une forêt, la déesse Kwannon lui apparaît sous la figure d’un petit flûteur monté sur un bœuf, et la console. Alors, Ogouri la rencontre, lui donne un rendez-vous la nuit, mais Hanako avertie la précède et prend sa place. Sur ces entrefaites, et sans doute sur les ordres d’Hanako, Térouté est enlevée et vendue à une « Maison Verte » ; mais un ancien sujet de sa famille, qui lui est resté fidèle, apporte une lettre au prince Ogouri, qui lui enseigne où est Térouté qu’il aime, insensible à l’amour de Hanako. Et une des dernières planches montre Kotarô, le sujet dévoué de Térouté, précipitant à l’eau le maître de la « Maison Verte », tandis que Hanako vient s’y jeter. En 1815 Hokousaï illustre Beibei Kiôdan, Conte villageois des assiettes , histoire de deux jeunes filles portant des noms d’assiettes, dont le texte est de Bakin, roman publié en huit volumes et auquel l’artiste japonais a donné peut-être ses dessins les plus rembranesques. La première composition représente un dignitaire japonais tendant à une femme qui pleure, et qui a un enfant sous elle, une tige de magnolia, tendant à une autre femme qui sourit, et qui a un enfant sous elle, une branche de prunier en fleurs. Ce dignitaire est un Chinois qui, sous la dynastie des Ming, à la suite d’une conspiration avortée, s’est sauvé au Japon, laissant en Chine, avec un enfant, la femme qui pleure, puis est devenu, grâce à sa science de lettré, un homme d’État au Japon, a épousé la Japonaise souriante, dont il a eu un fils, s’est laissé envoyer comme ambassadeur en Chine où, dans les recherches de sa première femme et de son fils, il a été reconnu comme l’ancien conspirateur, et exécuté. Ceci n’est que le préambule du roman, qui est l’histoire du fils que l’ambassadeur chinois a eu de la femme japonaise, — roman où il y a, chez Bakin, la tentative de montrer que cet enfant, au sang mêlé de deux races, n’a pas l’énergie du caractère japonais. La femme japonaise est morte à la nouvelle de l’exécution de son mari en Chine, et l’enfant est resté orphelin et sans ressources ; mais un daïmio du Shôgounat des Ashikaga a pitié de l’enfant, le prend sous sa protection, et l’enfant, devenu un jeune homme, épouse une Japonaise, en a deux filles, l’aînée appelée Karakousa (le Rinceau), la cadette appelée Bénizara (l’Assiette rose). En ce temps, le daïmio qui l’avait pris sous sa protection entre en guerre avec un autre daïmio, est battu et se fait exterminer, lui et tous les siens, ainsi que cela se pratiquait dans les guerres entre les Taïra et les Minamoto. Quant au jeune protégé, très légèrement blessé, et rappelé à la vie par un prêtre que tue aussitôt une flèche, il ne songe pas à mourir et se met à la recherche de sa femme et de ses deux filles, en cette contrée pour le moment pleine de combats, du matin au soir et du soir au matin. Traversant à toute heure de petits champs de bataille, une nuit il entend un cri d’enfant, va à ce cri, aperçoit un guerrier blessé tenant une petite fille dans ses bras, achève le blessé, s’empare de l’enfant, n’a pas le temps de le reconnaître devant le bruit d’une troupe de guerriers qu’il croit à sa poursuite, se met à se sauver à toutes jambes jusqu’à l’instant où, épuisé de fatigue, il se laisse tomber sur un tronc d’arbre. C’est alors que l’officier de la troupe s’approche de lui et le remercie d’avoir sauvé la princesse, la fille de son maître.
« Mais c’est mon enfant ! s’écrie le fils du Chinois. — Votre enfant ? regardez-la bien ! » Et le père de « l’Assiette rose »s’aperçoit que, quoique du même âge et lui ressemblant, ce n’est pas sa fille. L’officier met ses soldats à sa disposition pour rechercher sa femme et ses filles, recherche inutile et qui lui donne la croyance qu’elles ont été égorgées dans la mêlée. Et il est amené par l’officier, qui l’a pris en amitié, au père de la princesse qui en fait son vassal. Quelques années se passent, au bout desquelles, après de nouvelles recherches infructueuses, il se décide à se remarier à une seconde femme et a une fille qui sera « l’Assiette cassée ». Alors qu’il vivait tranquillement dans son ménage, il a la mission de détruire un repaire de diables (brigands) près d’un temple au milieu d’une forêt, mais il est battu, ses soldats tués, et le sabre que lui avait donné le prince pour couper la tête du chef des brigands est pris. Le prince veut le disgracier, mais l’officier qui le protège, devenu premier ministre, fait observer au prince que c’est lui qui l’a choisi, ce qui serait un aveu public qu’il s’est trompé sur sa capacité. Et, sur le conseil du ministre, le voilà parti à la recherche de sa femme et de ses enfants, recherche qui dure trois ans. Une seconde expédition avait été envoyée contre le chef des brigands du temple bouddhique, et avait eu l’insuccès de la première : ce chef de brigands ayant une force invincible, et voici à quoi il la devait. Il avait joué avec Niô, la statue colossale de l’entrée du temple, il avait joué une partie par laquelle, s’il perdait, il serait privé de la chance de tout gain au jeu pendant trois ans ; mais, si Niô perdait, il lui donnerait sa force physique pendant trois ans. Et Niô a perdu. Et l’image d’Hokousaï représentant Niô en pierre, ayant quitté son piédestal et accroupi sur la table de go, à côté de son partner en chair et en os, évoque, dans votre souvenir, la scène de don Juan et de la statue du Commandeur. Dans l’espace de ces trois ans, le joueur a rencontré dans ses voyages le fils du Chinois, n’a pas été reconnu par lui, est entré même en relations intimes avec celui-ci, qui lui a donné une lettre pour annoncer son retour à sa femme. Or les trois ans sont expirés, il est au bout du bail de sa force mystérieuse, et poussé à cette visite par l’influence occulte de la statue qui veut se venger. Et le jour où il arrive, la femme du Chinois a rêvé que son mari a été assassiné par un malfaiteur et que ce malfaiteur lui apportera une lettre dans la journée. Un serviteur fidèle a fait le même rêve. Donc, si un homme vient, un homme semblable à l’homme du rêve, ce sera bien l’assassin du mari. Le brigand apporte la lettre. Aucun doute. Et la femme et le serviteur se jettent sur lui et le tuent avec l’aide invisible de la statue de Niô, qui lui tord le cou. Au moment même où le malfaiteur vient d’être tué, le mari rentre chez lui et s’indigne de ce que sa femme et son serviteur ont égorgé un ami qu’il leur avait envoyé, et le serviteur et la femme, reconnaissant qu’ils ont été victimes d’un rêve, ne trouvent pas autre chose, pour désarmer l’indignation du mari, — le serviteur que de s’ouvrir le ventre, la femme que de s’ouvrir la gorge. Mais ne voilà-t-il pas qu’au milieu de ce carnage entre dans la maison le ministre qui, dans une tournée, vient de faire arrêter deux brigands, qui dans le mort reconnaissent leur chef ! Alors le ministre, prenant la tête du brigand et le sabre retrouvé, rassure le mari en lui disant qu’il racontera au prince que c’est lui qui a tué le brigand, après qu’il avait assassiné sa femme et son serviteur. À peine le ministre a-t-il passé la porte, — les incidents se précipitent dans le roman japonais, — qu’il rencontre une femme et deux jeunes filles demandant aux allants et venants s’ils connaissent un Japonais dont personne ne sait le nom. Le ministre leur apprend qu’il a changé de nom, leur donne son nouveau nom indiquant de la main une maison où il y a un grand arbre. Ce sont la première femme et les filles du descendant chinois, renseignées sur l’existence de leur mari et père par les fiches qu’il a laissées, pendant ses trois ans de pèlerinage, dans tous les temples bouddhiques, et, de temple en temple, ces femmes ont été amenées au temple de Niô où la fiche déposée dans les autres temples, manquant, elles ont supposé qu’il habitait dans le voisinage. Et la première parole de la femme au mari, est :
« Tu es remarié, tu as une fille, il faut mettre ta seconde femme à la porte. »Il lui montre le cadavre de cette seconde femme. Cette vue la radoucit, et elle consent à ce qu’il garde près de lui « l’Assiette cassée ». Mais presque aussitôt il se fait chez cette femme, jusque-là très bonne, très excellente, une révolution morale surnaturelle qui la transforme en une très méchante créature, hantée qu’elle est par l’esprit de la femme chinoise du père de son mari, venant se venger de son abandon, et de sa mort, sur la famille japonaise. Et cette méchanceté s’exerce à l’endroit de la fille de la seconde femme, qui était jolie, intelligente, et qui s’appelait Kahédé (Feuille d’érable) et qu’elle baptise du nom d’« Assiette cassée », par opposition au nom de sa fille « l’Assiette rose », lui répétant à tout moment :
« Tu n’es que l’Assiette cassée ! »Mal nourrie, mal vêtue, reléguée dans un bâtiment de ferme, condamnée aux tâches les plus fatigantes, occupée, jour et nuit, à coudre les robes de soie de ses sœurs, elle a la vie la plus triste, la plus humiliante, une vie de Cendrillon, où jamais elle n’obtient l’assistance de son père manquant de tout caractère. En ces temps, il venait l’idée à la mère de « l’Assiette rose » de la marier au fils du ministre, mais il se trouvait qu’il était amoureux de « l’Assiette cassée » et qu’une correspondance existait entre eux sans qu’on le sût. A la fin, la mère se doute de cet amour et charge un mauvais prêtre d’enlever « l’Assiette cassée » et de la noyer. Et, s’en croyant débarrassée, elle persiste dans l’idée du mariage de « l’Assiette rose » avec le fils du ministre, et cherche à mettre dans ses intérêts un ami du jeune homme et qui passait pour avoir une grande influence sur son esprit. Malheureusement pour elle, cet ami était amoureux d’une jeune fille qui vivait avec « l’Assiette cassée », et était tout dévoué à l’amie de son amoureuse. Que fait-il ? Il représente à la mère que le fils du ministre est d’une grande famille, que son mari n’est rien, que le mariage est bien disproportionné, qu’il n’y a qu’un moyen de réussir : c’est que sa fille ait une entrevue qui permette de croire à des rapports secrets entre eux, et que, dans ces conditions, le père ne voudra pas s’opposer au mariage. Il est donc convenu que la mère laissera la porte du jardin ouverte, la nuit ; et, dans l’ambition de ce puissant mariage, elle arrive à décider sa fille, qui n’aime pas du tout ce jeune homme, à le recevoir. Mais l’homme reçu, la nuit, par « l’Assiette rose », n’est pas le fils du ministre. C’est, dans le dessin d’Hokousaï, le plus laid des hommes, le plus camus des Japonais. Et quand la mère a vu l’homme à la lueur de sa lanterne, et qu’elle s’étonne, c’est l’homme qui lui fait une scène, affirmant qu’on lui a assuré que sa fille était amoureuse de lui, qu’on lui a tendu un piège, qu’il va être ridiculisé s’il n’obtient la main de la jeune fille. À quelques mois de là la nouvelle court le pays que le fils du ministre se marie, et le père et la mère de « l’Assiette rose » sont invités aux fêtes du mariage. Désespérée, la mère se rend sur la route pour savoir quelle est cette mariée et la voit arriver en norimon, mais elle est tellement troublée que, voulant la saluer, elle fait un faux pas, la couvre de boue et se sauve sans la connaître. Le lendemain elle est en retard avec sa fille pour le service religieux qui a lieu exceptionnellement, pour ce mariage, dans un temple bouddhique, et ce n’est que le service fini qu’elle se trouve en présence de la mariée, qui est « l’Assiette cassée ». Et « l’Assiette cassée » pardonne à la première femme de son père ses mauvais traitements, sa méchanceté attribuée à la hantise de la mère chinoise. Or le service religieux n’a été commandé que pour débarrasser la famille de cette hantise, la cause de toutes les vicissitudes de la famille, par une bénédiction sur tous les défunts de cette histoire, — dont Hokousaï montre les têtes fantômatiques au bas de cette dernière gravure ; — mariage qui condamne « l’Assiette rose » à se marier avec le Japonais camus. En 1845, après des années d’interruption dans l’illustration des livres, Hokousaï publie l’illustration de Kan-So-Goundan, La Guerre des deux royaumes de Kan et de So , roman historique en trente volumes formant trois séries, dont la première et la deuxième ont paru en 1815, et la troisième à une époque inconnue. Ce roman chinois, traduit en japonais par Shôriô Sadakata, est l’histoire de la chute de l’empereur Shikô, l’empereur qui fit construire la grande muraille de la Chine, et de l’avènement de l’empereur Kôso, de la dynastie des Hang, 202 ans avant Jésus-Christ. C’est, tout d’abord, la planche où se voit ce sujet si souvent représenté sur les gardes de sabre, ce vieillard mystérieux rencontré sur un pont, qui, pour éprouver la patience d’un jeune homme, se fait trois fois repêcher sa sandale, — au bout de quoi il lui donne un rouleau dont les instructions lui servent à faire le nouvel empereur de Chine. Et, dans ce roman racontant la lutte pour l’Empire, de Kôso et de Kô-ou qui se perdit par ses cruautés, une terrible planche est celle où il a commandé la mort de cinq mille paysans fidèles à l’ancien empereur, et où défilent des gens pliant sous des filets remplis de têtes humaines. Enfin, en 1846, trois ans avant sa mort, Hokousaï publie Guénji Ittôshi, La Possession du pouvoir par la famille de Minamoto , roman historique dont le texte est de Shôtei Kinsoui et dont on ne connaît qu’une partie, éditée en cinq volumes. La planche capitale est celle où l’on voit Minamoto dormant en l’état d’inquiétude où il est chaque nuit par le kokori, la hantise dans son sommeil de cette terrible araignée, grande comme une pieuvre, filant une toile qui tient tout le fond de la chambre, et que son sabre de chevet, sortant de sa gaine, — un sabre miraculeux, — va tuer.
« Hokousaï, le peintre d’un talent si extraordinaire, dit Hanshû, après avoir voyagé dans l’Ouest, s’est arrêté dans notre ville (à Nagoya), et là il a fait connaissance avec notre ami Bokousén, s’est amusé à s’entretenir du dessin avec lui et, dans ces conversations, a dessiné plus de trois cents compositions. Or, nous avons voulu que ces leçons profitassent à tous ceux qui apprennent le dessin et il a été décidé d’imprimer ces dessins en un volume, et quand nous avons demandé à Hokousaï quel titre il fallait donner au volume, il a dit tout simplement : Mangwa, que nous avons couronné de son nom, Hokousaï Mangwa, dont la traduction littérale est Man : au gré de l’idée ; gwa, dessin, et la traduction serait peut-être : « le dessin tel qu’il vient spontanément. »La Mangwa, cette profusion d’images, cette avalanche de dessins, cette débauche de crayonnages, ces quinze cahiers où les croquis se pressent sur les feuillets, comme les œufs de la ponte des vers à soie sur une feuille de papier, une œuvre qui n’a pas de pareille chez aucun peintre de l’Occident ! La Mangwa, ces milliers de reproductions fiévreuses de ce qui est sur la terre, dans le ciel, sous l’eau, ces magiques instantanés de l’action, du mouvement, de la vie remuante de l’humanité et de l’animalité, enfin, cette espèce de délire sur le papier du grand « fou de dessin » de là-bas ! Alors tout de suite, le premier volume entr’ouvert, dans ces libres croquis où un peu de rose fait la chair, un peu de gris les demi-teintes sur le papier crème, des enfants, des enfants, des enfants, dans tous leurs jeux, leurs amusements, leurs poses, leurs gamineries, leurs gaietés ; puis les dieux, les génies, les prêtres bouddhistes et sinthoïstes, moqués en mille petites caricatures rieuses ; puis tous les métiers, toutes les professions dans le travail, et l’exercice de la profession ; puis le monde des faiseurs de tours de force en l’effort de l’adresse et de la force ; et encore des Japonaises dans les gracieux accroupissements de leur vie à quatre pattes, dans les coquetteries de leur toilette, dans les anatomies de leurs sveltes personnes aux bains ; et encore le Japonais dormant, réfléchissant, priant, lisant, jouant, pérorant, s’éventant, cuisinant, se grisant, se promenant, cavalcadant, pêchant à la ligne, se battant, en un rendu de tous ces actes de la vie, spirituel, joliment ironique ; et encore tous les animaux, même ceux que ne possède pas le Japon, comme l’éléphant et le tigre, et tous les oiseaux, et tous les poissons, et tous les insectes, et toutes les plantes : voici ce qui remplit les cinquante feuilles de ce premier volume dont la première planche représente le couple Takasago, le type du vieux ménage parfait au Japon, la femme portant un balai pour balayer les aiguilles des pins, l’homme une fourche pour les ramasser. À la fin de ce premier volume paru en 1812, Hokoutei Bokousén (l’artiste à la conversation qui a fait naître la Mangwa) et Hokou-oun (qui deviendra le professeur d’architecture du Maître), dont la collaboration a consisté tout simplement à fac-similer les dessins réduits d’Hokousaï, se déclarent les élèves du Maître. Le second volume de la Mangwa paraît seulement en 1814, deux ans après la publication du premier volume, avec une préface de Rokoujuyén, et la collaboration pour le fac-similé des dessins de Toyenrô Bokousén et de Todoya Hokkeï, qui deviendra le meilleur élève et approchera le plus du talent de Hokousaï. Dans la multiplicité des motifs, c’est toujours la même variété, une page de métiers à côté de supplices de l’Enfer bouddhique ; une page entière d’attitudes de femmes en face d’une page d’attitudes d’hommes ; une page de masques en face d’une page d’ustensiles de ménage ; enfin une page de morceaux de rochers pour décors du jardinage, en ce pays de jardins pittoresques où les morceaux de rochers se payent plus cher qu’en aucun lieu de la terre, en face d’une page d’animaux fantastiques qui mangent les mauvais rêves. Le troisième volume paraît l’année suivante, en 1815, avec une préface de Shokousan qui jette carrément à l’eau la vieille école et déclare que les anciens artistes, qui ont illustré les manuscrits de Quénji, doivent céder la place aux artistes des images rouges (les dessins de l’École vulgaire). Plusieurs planches de ce volume représentent les durs et laborieux travaux de l’industrie minière. Viennent après deux amusantes doubles planches : l’une consacrée à la lutte, vous faisant assister à ces empoignements colères, à ces musculeux corps à corps, à ces broiements de torses, à ces brusques déracinements du sol, à ces culs sur tête d’un vaincu jeté à bas ; l’autre vous montrant des danseurs dans toute l’épilepsie d’entrechats d’une danse endiablée. Suivent les portraits préhistoriques des deux premiers rois de la Chine, une bande de nègres drôlatiques, à l’aspect d’ombres chinoises, trouvés dans l’imagination d’Hokousaï ; et en face l’un de l’autre, la figuration du dieu du Tonnerre figuré dans un nimbe formé de tambourins, et du dieu du Vent, tenant fermées de ses deux mains, sous son menton, les deux ouvertures de l’outre des vents qu’il a sur le dos. Le titre de ce volume, toujours gravé en ces belles grosses lettres ornementales de la Chine qui ont l’air de morceaux de jade sculpté, et dans un cadre que soutiennent sur leurs cous deux petits Japonais à la figure rieuse sous les houppes de leur front et de leurs tempes, et c’est un charmant frontispice. Le quatrième volume paraît l’année suivante, en 1816, avec une préface d’Hôzan. Ce volume est tout plein de sujets de l’histoire mythologique et préhistorique. On y voit Kintoki chassant un diable ; on y voit le dragon à neuf têtes venant boire aux neuf coupes où il trouvera la mort ; on y voit un sennin chevauchant une carpe monstrueuse, etc., et au milieu de cela des planches de légumes, des planches d’herbes, des planches de branches d’arbustes en leurs tons roses et gris, d’une douceur d’impression inexprimable. Deux feuilles curieuses sont deux feuilles d’hommes et de femmes barbotant joyeusement, se soutenant dans l’eau avec des appareils natatoires, nageant, plongeant, détachant des plantes marines, prenant des poissons à la main. La dernière planche représente un homme et une femme, gras à lard, aux bajoues tombantes, au ventre redondant, qui ont sur la figure le gaudissement canaille de ce qu’ils vont trouver à manger dans une marmite dont le mari soulève le couvercle ; c’est le bon ménage aux joies crapuleuses de la basse classe, le bon ménage Wagôjin, le ménage en opposition avec le ménage Takasago, le ménage de l’homme à la fourche, de la femme au balai. Le cinquième volume paraît, l’été de cette même année 1816, avec une préface de Rokoujuyén. Un volume qui est presque un cours d’architecture, et qui débute par les portraits en costume officiel, et la planchette de leur nomination à la main, de Tatihoo-no-mikoto et de Amano-hikosati-no-mikoto, les deux premiers architectes qui ont appris aux Japonais l’art de construire des temples, des châteaux, des habitations, et c’est suivi de tori-i, d’une tour à la grosse cloche, de la bibliothèque hexagonale et tournante inventée par le prêtre Foudaï, de l’entrée du bâtiment où sont enfermés les livres bouddhiques, de toits ornementés de bonzeries. Parmi ces planches, une composition curieuse est une demande faite au ciel par un homme tout au haut du pic d’une montagne, les deux mains réunies dans un geste de prière autour d’un bâton au bout duquel est sa demande sur une bande de papier que le vent soulève dans l’air. Et le volume se termine par la représentation de personnages mythiques et historiques, comme la déesse Ousoumé, comme Saroudashiko, le dieu qui a rendu la lumière à la terre, comme le guerrier chinois Kwan-on qui est en adoration en Chine et dont l’image se rencontre dans les plus pauvres intérieurs. En la même année 1816 paraît encore le sixième volume qui a pour frontispice un arc symbolique sur lequel la flèche est tendue par deux dragons. Ici les exercices du corps, dans un prestigieux rendu du déploiement de la force et de l’adresse. Ce sont d’abord les tireurs d’arc, et le tirage de l’arc à la hauteur de l’oreille au-dessus de la tête, en bas de la ceinture, avec une dernière planche donnant les détails de l’arc, du gant de cuir, du canard en bois servant de cible. Après les lutteurs, les cavaliers, et le trot, et l’amble, et le galop, et le mors aux dents de ces petits chevaux chevelus, à l’aspect de larves, sous le cavalier en selle, et toujours avec une dernière planche donnant la selle ornée, les guides, les lourds étriers. Mais la merveille de ce volume, comme figuration d’un corps humain en mouvement, c’est l’étude de l’escrime pour la lance ou le sabre, où soixante-douze petits croquis d’homuncules, et une vingtaine de plus grands vous mettent, comme sous les yeux, les avances, les retraites, les torsions de corps, la volte des pieds, les parades, les ripostes de ce simulacre de la guerre. Une planche, tout entière de bras et de mains, indique la manière de s’empoigner dans une lutte à main plate. Enfin, des planches reproduisent le maniement des lourds mousquets introduits par les Hollandais, et même Hokousaï, dans une note, précise la date de leur introduction au Japon, qui est de l’année 1542. En 1816, paraît encore le septième volume de la Mangwa. Un volume pour ainsi dire entièrement rempli de paysages, par le soleil, le brouillard, l’orage. Toujours en 1816 paraît le huitième volume, avec un titre fait à l’imitation d’un morceau d’étoffe brodée. En tête, la figuration de Waka-mousoubi-no-Kami, la femme qui a inventé les tissus faits avec les fibres du bois, et près d’elle la princesse Seiriô, la femme du roi, qui a eu l’idée de l’élevage de vers à soie, 2614 ans avant l’ère chrétienne et, à sa suite, des métiers à tisser, qui ont tout l’air d’être dessinés par un ingénieur. Et soudain l’album saute à des gymnastes faisant du trapèze autour d’un bambou, à des acrobates jonglant avec un sabre, portant sur le front, au bout d’un long bâton, un vase plein d’eau en équilibre, ôtant debout leur chapeau avec un pied, buvant à la renverse une tasse de thé placée à terre derrière eux. Deux planches de têtes d’aveugles sont de la plus frappante vérité. Et en dernier lieu, des études sur les gras et les maigres d’une fantaisie et d’un drôlatique à mourir de rire. Il faut voir ces massives Japonaises en leurs lourdes promenades, les voir en l’avachissement de leurs charmes, dans le sommeil ou dans le bain, il faut voir leurs pléthoriques compatriotes dans l’essoufflement de la marche, dans l’épongement de la sueur, dans l’effondrement et l’anéantissement de leur repos sur leurs pesantes fesses. Et, la page des gras retournée, vous êtes en présence de ces torses que percent les côtes, de ces dos où se comptent les nœuds de la colonne vertébrale, de ces cous décharnés, de ces bras étiques, de ces jambes de phtisiques, de ces anatomies ridicules qui vous rappellent à la fois les macabres et comiques écoles de natation de Daumier. Il y a un intervalle de trois ans entre la publication du huitième et du neuvième volume, qui paraît seulement en 1819. Ce volume est plein d’anecdotes relatives à la vie intime de Kiyomori. Cette voyageuse qui marche rapide à travers la campagne, se dirigeant vers deux femmes à la porte d’une habitation, au loin, au loin, c’est Hotoké, la maîtresse de Kiyomori, la plus belle et la meilleure danseuse de son temps. Deux sœurs ont sollicité de danser devant Kiyomori et, par bienveillance pour leur jeunesse et leur grâce, elle a fait accueillir leur demande par son amant. Mais le prince s’est épris d’elles et a voulu en faire ses maîtresses. Elles ont refusé et, pour se soustraire à sa toute-puissance, elles se sont faites religieuses, et Hotoké, reconnaissante de cette délicate conduite à son égard, va les rejoindre dans leur couvent. Plus loin encore, c’est le sensuel Kiyomori, en présence de la femme de Minamoto, une main sous la joue, tristement réfléchissante dans une pose d’accablement. Kiyomori a vaincu Minamoto et veut exterminer sa famille dont il s’est emparé dans sa fuite et qui est composée de sa femme et de ses trois enfants. Mais, au moment d’ordonner leur mort, il a la curiosité de voir la femme de Minamoto et, soudainement séduit par sa beauté, il lui demande de lui appartenir, ce à quoi elle se résigne sur la promesse qui lui est faite que ses enfants seront épargnés. C’est ce marché qui fait le sujet de l’estampe. Or, un jour, ces trois enfants vengeront leur père, anéantiront la famille Taïra, et l’aîné des trois enfants sera Yoritomo, le premier shôgoun de Kamakoura. Une autre composition : c’est Okané, femme, à la réputation d’une force herculéenne, qu’un musculeux guerrier a cru pouvoir arrêter dans sa marche et qui, d’un bras tenant un barillet sur sa tête, continue à s’avancer tranquillement, entraînant, de l’autre bras, l’homme aux deux sabres. Et ce sont encore des représentations de musiciennes japonaises ; d’une année de bonne récolte, avec la joie et l’engraissement subit des paysans ; et, on ne sait pourquoi, le portrait d’un astronome hollandais. La même année 1819 paraît le dixième volume avec une préface vantant la persévérance dépensée par Hokousaï pour arriver à la publication de ces dix volumes. Des saltimbanques, des faiseurs de tours, des prestidigitateurs, des équilibristes, des avaleurs de sabres, des vomisseurs d’essaims d’abeilles, des thaumaturges se rendant la tête invisible. Mais je ne veux décrire dans ce volume que deux compositions, deux compositions d’un fantastique macabre dépassant tout ce que l’Europe a imaginé en ce genre, et méritant bien à Hokousaï l’appellation de maître dessinateur des fantômes. Ce sont deux apparitions de femmes mortes. L’une, c’est Kasané, la femme laide, assassinée par son mari, qu’il représente avec son front de foetus hydrocéphale, sous la broussaille de ses cheveux, un oeil fermé et l’autre grand ouvert, où est une prunelle de poisson cuit, le cartilage dénudé de son nez, ses mâchoires sans gencives, entr’ouvertes dans un hiatus allant jusqu’aux oreilles, ses deux mains de squelette rapprochées de sa tête dans le tressautement de la danse idiote d’un naturel de la Terre-de-Feu. Une apparition à faire peur, regardée le soir à la lueur d’une lampe. L’autre apparition a l’apparence, dans le ciel ténébreux, d’une longue et courbe et molle larve blanche enveloppée d’une chevelure ; c’est l’âme de la petite servante Okikou. Elle était dans une maison où il y avait dix précieuses assiettes, et elle eut le malheur d’en casser une. Et le propriétaire des assiettes adressa des reproches si durs à la fillette qu’elle se jeta dans un puits. Or, depuis ce jour, elle revient toutes les nuits au-dessus du puits et, de la maison où est le puits et des maisons voisines, on l’entend dire, l’une après l’autre, les légendes des assiettes, puis, arrivée à la dixième, à celle qu’elle a cassée, on l’entend, cette fois, pousser un sanglot si déchirant, si déchirant que le voisinage a dû charger un prêtre de la faire monter au ciel par ses prières. La Mangwa semble terminée en 1819 avec le dixième volume, et quinze ans se passent sans qu’il y soit donné une suite, quand, en 1834, il paraît un onzième volume avec une préface dans laquelle Tanehiko dit : « que la Mangwa a été terminée au dixième volume, mais que les éditeurs avides ont tellement pressé notre vieillard qu’il a consenti à reprendre son pinceau, qu’il vient de dessiner ce volume qu’il se propose un jour d’arriver au vingtième volume. » Dans ce onzième volume, toujours la variété des premiers. Des poses, des attitudes de la vie intime, des croquetons de gens assis ou en marche, de gens dans la flâne ou l’effort du travail, de gens dans le calme des passions ou les fièvres de la colère, des planches, des planches de gras lutteurs, et des petits coins de paysages, et des modèles de canons et de pistolets, et deux peintres peignant la jambe d’un Niô sculpté, d’une dimension telle qu’elle semble le tronc d’un vieux chêne, et une Japonaise disant la bonne aventure à un guerrier en laissant, selon la méthode de là-bas, tomber son peigne à terre. En la même année 1834 paraît le douzième volume. Un volume très poussé à la caricature, où l’Olympe japonais est ridiculisé à outrance, un volume de chutes ridicules, de nez interminables de Téngous, sur lesquels se fait de la prestidigitation ; de silhouettes, en ombres chinoises, d’épouvantables vieilles ; de figures de femmes devenues monstrueuses, à travers une loupe posée sur leurs visages ; d’allongements de cous pendant le sommeil, qui, selon une superstition du Japon et des îles Philippines, permettent aux têtes de ces possesseurs de cous d’aller visiter des contrées et des planètes étrangères ; de corps de naturels d’un pays où les hommes ne sont possesseurs que d’un bras et d’une jambe, et où ils sont accotés deux par deux. Et même, pour aider à l’antithèse des sujets qu’il offre au public, il arrive à Hokousaï de recourir parfois à la scatologie. Ainsi, dans le onzième volume, nous voyons une Japonaise, retroussée jusqu’à la ceinture, jeter à terre un de ses compatriotes par la violence d’un pet, et dans ce douzième volume apparaît par la lucarne d’un étroit privé, le profil péniblement contracté d’un samouraï entre ses deux sabres remontés au-dessus de sa tête, et au dehors trois Japonais se bouchant le nez avec leurs doigts et leurs robes. Le treizième volume paraît seulement en automne 1849, après la mort d’Hokousaï, arrivée au printemps de cette année. Dans le treizième volume : deux beaux dessins, la divinité Kwannon sur une de ces carpes monumentales comme seul Hokousaï sait les dessiner, et un tigre traversant une cascade au milieu de dessins représentant, dans la montagneuse province de Hida, la passe au panier : un pont fait d’une corde, le long de laquelle on se fait glisser à la force des bras ; de dessins représentant des modèles d’habitations rustiques ; de dessins représentant la préparation de ce melon qu’on dessèche et dont on fait des soupes ; de dessins représentant le décorticage du riz. Le quatorzième volume, tout moderne, paraît seulement en 1875, et est fabriqué avec des dessins laissés par Hokousaï après sa mort. En dehors de quelques dessins divers, il ne contient pour ainsi dire que des animaux, des animaux réels et des animaux fantastiques ; c’est un chat mangeant une souris, un chien aboyant à la lune, un renard dans la pluie, des lions de mer, des chèvres, un écureuil mâtiné de chauve-souris, un sanglier traversant une rivière, un ours dans la neige, des ânes, des chevaux, un lion de Corée, un conciliabule de rats. Le quinzième et dernier volume paraît en 1878 avec un avertissement où l’éditeur dit que « propriétaire de tous les bois de la Mangwa, il a été convenu avec Hokousaï, avant sa mort, qu’on poursuivrait jusqu’au quinzième volume, et qu’il a fait graver les dessins destinés à la publication, qui ne l’étaient pas ». Mais l’éditeur ment, car la plupart des dessins qui ont une valeur sont repris au volume intitulé : Hokousaï Gwakiô, Miroir des dessins d’Hokousaï. Les dix premiers volumes, en leurs tirages primitifs, et lorsque les bois sont à Yédo, ont pour éditeurs trois éditeurs de cette ville et un éditeur de Nagoya ; à partir du dixième volume les bois sont cédés à l’éditeur Yeirakouya de Nagoya. Un seul volume, le douzième, porte le nom du graveur, et ce graveur est Yégawa Tomékiti.
Si dans l’exécution des mouvements et des mesures il y a des erreurs, veuillez m’excuser. J’ai dessiné ainsi que j’ai rêvé, et comme le rêve d’un spectateur ne peut pas exactement tout donner, si vous voulez bien danser, apprenez-le près d’un maître. Or, si mon rêve ne peut pas faire un vrai danseur, ça fait tout de même un album. Mais, au fond, ce que je vous recommande quand vous voudrez danser, c’est de mettre en sûreté le tabako-bon (fumoir) et les bols à thé, car, même en les sauvant, vous aurez toujours dans vos nattes un dégât bien suffisant.» Et Hokousaï signe : Katsoushika Oyaji (papa Hokousaï). En 1817, dans un album édité par Yeirakouya Tôshiro d’Owari et intitulé Yéhon Riôshitzu, Album de dessins par deux pinceaux , Hokousaï collabore avec Rikkosaï de Osaka, — lui se chargeant des personnages, animaux, oiseaux, et Rikkosaï dessinant les paysages et les arbres. Un album où les personnages disparaissent dans le paysage, mais où peut-être Hokousaï s’est représenté léchant son pinceau dans la dernière planche.
Les anciens ont dit que pour faire un grand peintre, il fallait trois conditions :
L’élévation de l’esprit ;
La liberté du pinceau (l’exécution) ;
La conception des choses.
Et généralement il est difficile de trouver un artiste qui possède une de ces conditions. Eh ! bien, il y a un homme de Yédo, appelé Hokousaï, adonné depuis de longues années à la peinture, et qui remplit ces trois conditions.» Et la préface n’exagère pas. D’abord le titre dans un bel encadrement michelangesque, représentant des oni, des mauvais génies : — un encadrement qui a l’air de la première page d’un de nos beaux livres du xvie siècle. Alors une série d’images du plus puissant dessin anatomique, où tous les muscles sont indiqués dans la chair comme par une calligraphie savante où se voit, dans le carré de leur forme, le rondissement des mollets, où dans les pieds, dans les mains, transperce l’ossature du squelette : du nu qui a quelque chose d’un Mantegna animé par une fièvre de la vie. Et défilent, sous vos yeux, ces anatomies bossuées et ressautantes de Bénkéi, le représentant de la force, montant une cloche au haut de la montagne Ishiyama ; tuant à coups de hache un ours ; de Momotaro écrasant sous lui un diable ; de ces deux aveugles se battant à coups de bâton, etc., etc. Et le mouvement et la trépidation des muscles chez Hokousaï s’étend aux vêtements, ainsi que dans cette aérienne apparition d’un Darma au haut d’un rouleau de papier et chez lequel, de la courbe de son corps sous sa tête rejetée en arrière, sous ses pieds en retraite, l’envolée derrière lui de sa robe ressemble à des lanières de fouet. Et à côté de ces représentations de la force, en sa tourmente musculaire, les jolies images de la grâce des enfants, de la gentillesse éveillée de ces petits Japonais aux figures rondelettes, aux trois houppes de cheveux sur le front et les tempes. Il y a une charmante planche d’enfants faisant de la musique, une autre délicieuse planche d’enfants jouant à une espèce de jeu de dames ; mais la planche qui est tout à fait un chef-d’œuvre est la réunion de quatre gamins japonais faisant du trapèze après les traverses d’une barrière et dont l’un, la tête en bas, a son petit derrière à l’air : un dessin qui est le vrai dessin de la grâce gymnastique. Une autre composition intéressante est un gras Hôteï renversé sur le dos et riant aux larmes, et qui fait danser au haut de ses pieds levés, ainsi que dans la Gimblette de Fragonard, un petit Japonais. Au milieu de ces dessins de l’humanité petite ou grande, des croquis d’animaux, comme ces deux grues penchées sur l’eau, comme ce groupe d’une poule et d’un coq, où le croquis n’a jamais été plus loin, par cette connaissance qu’a maintenant Hokousaï de ce qu’on doit mettre et de ce qu’on doit omettre dans un dessin, pour que ce dessin ait tout son effet. Et encore des planches de poissons de toutes les formes, au milieu desquels un cuisinier est renversé, cul sur tête, par la décharge d’un poisson électrique. Et la grandeur et la puissance du dessin du maître, conservées dans des riens, comme une tige d’iris.
« Pendant l’automne dernier, j’étais tristement rêveur, et soudain j’ai imaginé de me promener dans un paysage pittoresque, en passant un nombre innombrable de ponts, et je me suis trouvé tellement heureux de ma longue promenade dans ce paysage que j’ai pris de suite mon pinceau et l’ai dessiné, ce paysage, avant qu’il ne se perdît dans mon imagination. »
Souguita Kiûsouké. En 1834 Hokousaï illustre le Yéhon Kàkiô, La Piété filiale , un ancien traité de morale chinoise entré dans l’éducation japonaise : un traité publié en deux volumes, avec texte chinois et japonais. La première planche portraiture Confucius, la seconde son disciple bien-aimé Sôshi. Une planche curieuse, c’est la figuration des quatre classes du Japon représentées par un membre de la première classe, un guerrier en train de lire un livre posé sur un pupitre ; — un membre de la seconde classe, un paysan, en train de lire un livre attaché à sa bêche ; — un membre de la troisième classe, un ouvrier, un graveur, faisant sauter à coups de maillet des morceaux de bois d’une planche qu’il entaille ; — un membre de la quatrième classe, un marchand, un libraire faisant ses comptes. Puis, un peu à la diable à travers l’illustration, ce sont des tireurs, des jongleurs, des danseuses, au milieu desquelles se trouve, comme dernière planche, une composition tout à fait amusante : une grande lettre ayant l’air d’un monument de pierre et en forme d’une croix à double branche sur laquelle sont montés, grimpés, accrochés, un tas de petits bonshommes qui, dans toutes les attitudes, la nettoient, la grattent, la brossent, l’inondent de l’eau d’une pompe. Cette grande lettre, c’est le caractère signifiant la piété, et ce nettoyage veut dire qu’on doit nettoyer sa piété, ainsi que nous disons chez nous qu’il faut garder sa conscience pure.
Étant en voyage, je n’ai pas le temps de vous écrire séparément, et vous adresse à vous trois cette seule lettre que je vous prierai de lire tour à tour. Je ne doute pas que vous voudrez bien accorder au vieillard les demandes qu’il vous adresse, et j’espère que dans vos familles vous vous portez tous bien. Quant à votre vieillard, il est toujours le même, la force de son pinceau continue à augmenter et à faire, plus que jamais, diligence. Quand il aura cent ans, il entrera dans le nombre des vrais dessinateurs.Alors le vieux peintre signe longuement : l’ancien Hokousaï, le vieillard fou de dessin, le prêtre mendiant, et sa lettre est pour ainsi dire tout entière dans ce post-scriptum :
Pour le livre des Guerriers (sans doute le Yéhon Sakigaké, imprimé et gravé par Yégawa), je vous prie, vous trois, de le donner à Yégawa Tomékiti. Quant au prix, vous vous arrangerez directement avec lui. La raison pour laquelle je tiens absolument que la gravure soit de Yégawa, c’est que, soit la Mangwa, soit les Poésies, certes les deux ouvrages sont bien gravés, mais ils sont loin d’avoir la perfection des trois volumes du Fouzi-Yama, gravés par lui. Or, si mon dessin est gravé par un bon graveur, ça m’encourage à travailler et, si le livre est réussi, c’est aussi à votre avantage, parce qu’il vous rapporte plus de bénéfices. De ce que je vous recommande si chaudement Yégawa, n’allez pas croire que c’est pour toucher une commission : ce que je recherche, c’est la netteté de l’exécution, et ce serait une satisfaction que vous donneriez au pauvre vieillard qui n’a plus bien loin à aller. (Ici le peintre se dessine, sous l’aspect d’un vieillard marchant appuyé sur deux pinceaux au lieu de béquilles.) Quant à l’Histoire de Çakyamouni (publiée en 1839), Souzanbô m’a promis de la faire graver par Yéyawa, et j’ai dessiné en me basant sur ce choix : le tournant des cheveux chez les Indiens étant très difficile à graver, et même la forme des corps, et il n’y a absolument que Yégawa qui puisse exécuter ce travail. Hanabousa, lors de sa visite, il y a déjà quelque temps, m’a dit, en me commandant les Guerriers, qu’il ne me laisserait plus dans l’inoccupation, et je lui rappelle sa bonne parole. Vous avez commandé à ma fille une illustration des Cent poètes, mais j’aime mieux dessiner ce livre, que j’entreprendrai moi-même après avoir fini les Guerriers. Pour le prix, nous nous entendrons, tant par poète, mais n’est-ce pas ? il est convenu d’avance que ce sera Yegawa qui gravera le livre.Et la lettre se termine par un croqueton où il salue ses éditeurs. Une autre lettre d’Hokousaï, adressée à l’éditeur Kobayashi, et qui serait datée du dixième mois de l’année 1835 :
Je suis resté sans vous demander de vos nouvelles, mais je suis heureux de savoir que vous êtes en bonne santé. Quant à moi, j’ai vu le délinquant, l’incorrigible qui va retomber sur moi. Et depuis il m’a fallu réunir des conseils d’amis et de famille ; enfin j’ai trouvé un répondant (quelqu’un qui a pris la responsabilité de le surveiller). Nous allons lui faire tenir une boutique de poissons, et nous lui avons aussi trouvé une femme qui va arriver ici dans deux ou trois jours. Mais tout cela est toujours à mes frais. C’est par ces empêchements que je suis en retard, pour dessiner le Souïkodén et Tôshisén (les poésies des Thang), dont j’ai commencé seulement les esquisses ; je vous enverrai cependant, quelques dessins, et dans ce cas-là je compte sur… Ici, le peintre dessine une main tenant une pièce d’argent.Une autre lettre sans date, adressée à l’éditeur Kobayashi :
Dans les tons clairs de l’encre de Chine, je supprime toutes les dégradations. Car, si ça va tout seul au bout du pinceau, pour le peintre, l’ouvrier tireur des planches peut à peine faire deux cents exemplaires dégradés : au-delà de ce nombre c’est impossible sur le même bois. Et pour ce ton de l’encre claire, faites-le le plus clair possible : la tendance au foncé rendant le tirage désagréable à l’oeil. Dites à l’ouvrier que le ton de l’encre claire doit être de même que la soupe aux coquilles c’est-à-dire claire comme tout. Maintenant, pour le ton de l’encre demi-foncée, si on tire trop clair, ça ôte de la puissance à la teinte et c’est le cas de dire à l’ouvrier tireur que la teinte demi-foncée doit avoir une tendance épaisse, un peu semblable à la soupe aux haricots. En tout cas, j’examinerai les essais mais, dès à présent je recommande ces détails parce que je veux arriver à avoir une bonne cuisine de mes dessins.Une dernière lettre d’Hokousaï, écrite au commencement de l’année 1836, et adressée à l’éditeur Kobayashi d’Ouraga. Cette lettre, écrite à propos du Jour de l’An, a en tête un croqueton où le peintre en costume officiel, entre deux branches de sapin, fait une grande révérence.
Il y a plusieurs portes où je dois exprimer mes souhaits du Jour de l’An, donc je reviendrai un autre jour, et au revoir, au revoir… Mais, en attendant, pour ce qui regarde les dessins à graver, adressez-vous pour les détails à Yégawa, toutefois vous trouverez plus loin une recommandation pour les autres graveurs. Je vous remercie de vos prêts fréquents. Je pense qu’au commencement du second mois de l’année je serai épuisé de papier, de couleurs, de pinceaux, et que je serai forcé d’aller à Yédo, en personne, alors je vous rendrai visite en cachette et je vous donnerai, de vive voix, tous les détails dont vous pouvez avoir besoin. Par cette rude saison, surtout dans mes voyages, que de choses dures, et entre autres, passer ce grand froid avec une seule robe, à mon âge de 76 ans. Je vous prie donc de songer aux tristes conditions dans lesquelles je me trouve ; mais mon bras (ici un croqueton de ce bras) n’a nullement faibli, et je travaille avec acharnement. Mon seul plaisir c’est de devenir un habile artiste.Ici, sa lettre finie, il la date du dix-septième mois, et se représente, dans un croquis microscopique, saluant humblement entre son chapeau et son dessin posés à terre. Mais Hokousaï aime les post-scriptum, et la lettre continue :
Je recommande au graveur de ne pas ajouter la paupière en dessous quand je ne la dessine pas ; pour les nez, ces deux nez sont miens (ici le dessin d’un nez de profil et de face) et ceux qu’on a l’habitude de graver sont des nez d’Outagawa que je n’aime pas du tout, et qui sont contraires aux règles du dessin. Il est aussi de mode de dessiner les yeux ainsi (et ce sont des dessins d’yeux avec un point noir au milieu), mais je n’aime pas plus ces yeux que les nez.Hokousaï termine sa lettre par cette phrase :
Comme ma vie, dans ce moment, n’est pas au grand jour, je ne vous écris pas ici mon adresse.Enfin une lettre de 1842, adressée aux éditeurs Hanabousa Heikiti et Hanabouza Bounzô, après son retour à Yédo où il continue à se tenir caché :
Je vous remercie mille fois de votre dernière visite amicale, et aussi de ne pas abandonner le vieillard, et encore de vos bonnes étrennes. Depuis le printemps dernier, mon débauché de petit-fils a eu une conduite déplorable, et j’ai dû, tous les jours, m’occuper à nettoyer les suites de sa sale vie, et j’étais au moment de le mettre à la porte. Mais il s’est trouvé, comme toujours, des personnages bien trop indulgents qui m’ont fait patienter jusqu’au jour d’une dernière et plus grosse faute. Toutefois, au commencement de cette année, j’ai dû le faire prendre par son père Yanagawa Shighenobou et conduire dans la province de Montzou (une province du Nord) mais il est bien capable de s’être échappé en route. En attendant, ça me donne à respirer un peu. Voici les raisons qui m’ont empêché d’aller vous remercier du livre de Soga Monogatari (livre ancien prêté). Ce nouvel an, je n’ai ni sou ni vêtement, et j’arrive seulement à me nourrir tant bien que mal, ne voyant mon vrai nouvel an de cette année qu’au milieu de son second mois. Au deuxième mois de l’année dernière, quand Yeiboun est venu me voir, j’avais déjà deux volumes terminés du Souiko (roman en 90 volumes commencé en 1807), mais je n’ai pu avancer davantage. En somme, j’ai perdu une année tout entière grâce à mon coquin de petit-fils, et je regrette cette précieuse année perdue. Je garde longtemps votre Soga Monogatari, mais je vous prierai de me laisser jusqu’au second mois, où je vous rendrai visite. Autre recommandation. Envoyez-moi, le plus tôt possible, la soie pour peindre la déesse Daghinitén (la déesse représentée montée sur un renard) car le temps passe rapide comme la flèche, et vous m’avez demandé que cette peinture vous soit livrée dans le second mois. Si le texte de Gwadén est prêt, envoyez-le-moi, et quand vous m’enverrez la soie, joignez-y le prix de l’illustration des deux volumes de Gwadén. Quand vous viendrez, ne demandez pas Hokousaï, on ne saurait pas vous répondre, demandez le prêtre qui dessine et qui est emménagé récemment dans le bâtiment au propriétaire Gorobei, dans la cour du Temple Mei-ô-in, au milieu du buisson (petit bois d’Asakousa).
« C’était un homme très bien fait ; il avait 5 pieds 8 pouces de haut, sa poitrine était large de 1 pied 2 pouces. Il avait les yeux comme un faucon et la barbe couleur d’or. Quand il était en colère, il effrayait les oiseaux et les animaux par ses regards ; mais, lorsqu’il badinait, les enfants et les femmes riaient avec lui. »Oui, Hokousaï voulut dessiner des albums montrant uniquement ces guerriers armés de sabres au dire des légendes coupant des bœufs en deux, sous des masques de métal, dans des cuirasses, des épaulières, des brassards, des gantelets, des jambières, comme fabriqués sur le moulage du corps et que l’acier le plus souple uni à la soie la plus résistante — et plus tard les pièces articulées, sortant de l’atelier de la famille Miôtchin, — enfermaient dans un vêtement de fer laissant aux membres toute la liberté des mouvements que jamais ne donna l’armure moyenageuse de l’Europe. Donc en 1835 Hokousaï publia un premier album, bientôt suivi de deux autres, où la mythologie guerrière se mêle à l’histoire batailleuse des premières dynasties de la Chine et du Japon. Ce premier album a pour titre : Wakan Homaré, Les Gloires de la Chine et du Japon , et devrait avoir en tête la curieuse préface que Hokousaï a écrite pour l’Illustration des personnages de Souikodén, et que voici :
« Je trouve que dans toutes les représentations japonaises ou chinoises de la guerre, il manque la force, le mouvement, qui sont les caractères essentiels de ces représentations. Attristé de cette imperfection je me suis brûlé à y remédier et à y apporter ce qui manquait… Il y a indubitablement dans mes dessins des défauts, des excès, mais tout de même mes élèves veulent s’en servir comme modèles. »Sur la première page des Gloires de la Chine et du Japon est un Mars bouddhique, aux cheveux droits sur la tête, aux sourcils et aux moustaches coléreusement retroussés, se détachant d’un grand nimbe dans son armure ornementale. Puis se succèdent les gravures d’Isanaghi, le premier homme de la terre du Japon tuant Kagoutsouti, le mauvais génie de la contrée ; de Foumeitchôja, mettant en fuite le renard à neuf queues ; du soldat Sadayo, tout percé de flèches et mourant en enfonçant des deux mains son sabre dans le corps d’un ennemi étendu sous lui ; du Dieu du tonnerre s’humiliant devant la hache monstrueuse de Kintoki ; de Yorimitsou, qui vient de trancher la tête du géant de la montagne de Ohyéyama : tête qui est en train de retomber et d’aller se ficher sur les cornes du casque du jeune guerrier ; de l’intrépide explorateur qui entra le premier dans la grotte du Fouzi-yama et que l’on voit la parcourir la torche à la main ; du cavalier Ogouri Hangwan, faisant assembler les quatre pieds de son cheval sur la tablette d’un étroit jeu de go ; du général Yoshisada demandant au génie de l’Océan, dans la logette faite par la courbe d’une vague, demandant de retirer la marée pour laisser passer son armée. Sur la dernière page se voit un peintre qui élève en l’air, d’une seule main, une masse ficelée de rouleaux de sapèques au bout desquels est fiché son pinceau — une allusion d’Hokousaï, je crois bien, à la force qu’il dépense dans ses dessins.
L’année suivante, en 1836, un jour de printemps… mais écoutez Hokousaï lui-même :Le livre pour lequel Hokousaï ramasse sa vieille énergie s’appelle Yéhon Sakigaké, Les Héros . Et tour à tour défilent l’Hercule mythologique Tatikarao-no-mikoto, portant un rocher sur sa tête ; le premier Empereur du Japon regardant son héritier dormant entouré d’un énorme dragon ; le ministre Moriya, battant un prêtre bouddhique, après avoir jeté à terre la table et les écrits religieux qu’elle portait ; le guerrier Hiraï-no-Hôshô tuant l’araignée monstre ressemblant à une énorme pieuvre ; le guerrier Shôki en train d’étrangler un diable ; le mangeur d’enfants Mashukoubô, tenant par les pieds un enfant dont il ouvre le ventre au-dessus d’une marmite qui recueille le sang ; le guerrier Bénkei portant une cloche au haut de la montagne Ishiyama ; la divinité bouddhique Foudô, symbolisant la fermeté de la conviction que ne peuvent ébranler ni le feu ni l’eau où son corps est à la fois plongé ; la guerrière Hangakou qui écrase un guerrier sous un tronc d’arbre. Une suite des Héros paraît, la même année, 1836, sous le titre de : Yéhon Mousashi Aboumi ; Les Étriers du soldat, une suite où l’effort d’Hokousaï est d’étudier l’armure sur le corps du guerrier et de montrer la vie, le mouvement, communiqués à cet habit de fer par l’attaque et la défense de la vie : conquête que se vantait d’avoir faite Hokousaï dans le dessin. Et rien, dans les Étriers du soldat, que des hommes et des femmes sous l’armure. C’est l’impératrice Jingô, une tête coupée à ses pieds, en train de tendre son formidable arc ; c’est le prince Yamatodaké qui vient de tuer le chef ennemi sous un déguisement de femme ; c’est un général japonais blessé par une flèche qui est à ses pieds, et qui envoie dans le camp ennemi, à celui qui l’a blessé, un colossal taï et une cruche monumentale de saké : un acte de courtoisie militaire très commune en ces temps ; et ce sont des combats où, sous le harnachement de fer des cavaliers, se cabrent des chevaux hirsutes et échevelés, aux yeux de feu, à la robe toute noire, pareils à des coursiers de l’Érèbe. À ces planches consacrées à la guerre il faudrait encore ajouter cinq feuilles de guerrier sur fond bleu, avec des verts, des rouges, des jaunes un peu criards, sur les armures. Kamakoura Gongoro tuant Torino-oumi Yasabrô. Watanabé-no-Tsouna tuant Yénokouma aïyemon. Kousounoki Tamomarou se battant avec Yaono Bettô. Ohtomono Soukouné arrêtant Ohtomono Mahtori. Onikojima Yatarô disputant une cloche avec Saïhô-in.« Pendant que je profitais d’un beau jour de printemps, dans cette année de tranquillité, pour me chauffer au soleil, j’eus la visite de Souzambo (son éditeur), qui venait me demander de faire quelque chose pour lui. Alors j’ai pensé qu’il ne fallait pas oublier la gloire des armes, surtout quand on vivait en paix et, malgré mon âge qui a dépassé soixante-dix ans, j’ai ramassé du courage pour dessiner les anciens héros qui ont été des modèles de gloire. »
Depuis l’antiquité, l’homme a copié la forme des choses : ainsi dans le ciel il a pris le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre les montagnes, les arbres, les poissons, et puis les maisons, les champs ; et ces images simplifiées, modifiées, dénaturées, sont devenues les caractères de l’écriture. Mais celui qui se fait appeler un dessinateur doit respecter la forme originale des choses, et, ce dessinateur, quand il dessine les maisons, les palais, les temples, il est de toute nécessité qu’il sache comment les charpentes sont agencées. Il existait un ouvrage fait par un architecte, sous ce titre : Les Modèles de l’architecture, mon éditeur m’a demandé de dessiner le second volume. Le premier a été fait par un homme du métier, avec des données techniques. Moi, ce que j’ai fait dans ce volume est plutôt du domaine de l’art ; toutefois si, grâce à mon enseignement, les jeunes dessinateurs arrivent à ne pas faire un chat à la place d’un tigre, un tombi à la place d’un faucon, quoique mon travail ne soit qu’un caillou à côté d’une montagne, je serai glorieux de ce résultat devant la postérité.Et, à l’appui de la préface, après la représentation du fil à plomb, ce sont des modèles de constructions en bois à la légère et élégante menuiserie ; ce sont des terrasses aux balcons complètement ajourés, aux escaliers aériens ; ce sont des toits aux souplesses courbes d’une toile de tente, avec de jolis auvents de bambous ; ce sont des modèles de cloches pour bonzeries, au bronze sillonné de dragons fantastiques de la mer ; ce sont de riches frontons formés de deux énormes taï et affrontés ; ce sont des ponts de cordage passant au-dessus des arbres ; ce sont des lanternes de jardin faites de la pyramide de trois enfants japonais montés l’un sur l’autre ; ce sont les développements d’un temple bouddhique dans toute sa hauteur : — dessins précédés de la figuration, en son riche et nobiliaire costume, de l’architecte officiel du palais impérial et des charpentiers travaillant sous ses ordres. Le volume gravé par Yégawa, l’habile graveur des Cent vues du Fouzi-Yama, eut une seconde édition, faite postérieurement et teintée de rose. A la fin de l’édition en noir l’éditeur annonçait la publication de trois volumes qui devaient suivre et qui n’ont pas paru. Détail curieux, le professeur d’architecture d’Hokousaï fut un des élèves de son atelier, nommé Hokou-oun, qui s’assimila tellement la manière de son maître qu’il publia une Mangwa où des pages de croquis seraient données par les plus fins connaisseurs à Hokousaï. Mais ce n’a pas été seulement de la forme et du contour de l’habitation qu’a été préoccupée la pensée artistique d’Hokousaï, il a donné des heures de son pinceau à la décoration des objets de la vie intime de son temps, cherchant à faire, ainsi que cela a été dans notre société du moyen âge, un objet d’art de tout objet servant à la vie usuelle, et sur la pipe et le peigne, ces deux choses où les Japonais ont dépensé les plus jolies imaginations et associé à leur ornementation les plus belles et délicates matières, il a laissé deux merveilleux petits livres sous le titre : Imayô Koushi Kisérou Hinagata, Modèles des peignes et des pipes à la mode d’aujourd’hui. Trois volumes, dont deux consacrés aux peignes, avaient paru en 1822, et dont le troisième, consacré aux pipes, paraissait en 1823. Le volume des peignes, qui a pour frontispice une Japonaise en train de polir des peignes sur une meule, contient les plus variés et les plus divers motifs d’ornementation de ce joli objet de toilette où la laque, l’ivoire, la nacre, l’écaille, les pierres dures, se mêlent et se marient pour le décor. Et le goût dépensé sur ces peignes ! Ici, ce semis de pétales de fleurs, là, cette jonchée d’iris, là, cet enguirlandement par un volubilis, là, ce couronnement par une fleur de nénuphar. Et des envolées à tire d’aile de grues, et des nages de canards mandarins, et des batailles de moineaux. Et encore, en leur petitesse minuscule, des coins de village, des plages, des aspects du Fouzi-yama, des vues panoramiques aux grands horizons. Et enfin des choses qu’aucun peuple n’a fait servir à la décoration des objets usuels et familiers, comme les cassures du charbon de terre, le treillis d’une vannerie, le fouillis enchevêtré de clous, les crêtes des vagues, les rayures de la pluie. À la suite de la préface, Hokousaï écrit ces quelques lignes.
La fabrication des objets change selon le temps. Des objets qui étaient carrés, on les fait ronds et le monde trouve cela plus beau : ça s’appelle la mode. Tous les objets sont soumis à cette modification, à plus forte raison les peignes et autres objets de toilette servant aux femmes dont les caprices se plaisent au changement. Si je ne dessinais que pour la mode présente, mes dessins ne seraient d’aucune utilité pour les fabricants de l’avenir ; donc les dessins de ce petit volume ont été faits avec l’idée de créer un décor pouvant s’appliquer à des formes variables. Ainsi, si la mode exige que les peignes soient épais, les artistes devront augmenter le dessin pour couvrir l’épaisseur. Dans le cas contraire, ils n’ont, ce qui leur sera plus facile, qu’à simplifier le dessin. Donc j’ai tâché de prévoir, autant que possible, ces variations.Et il signe : Précédemment Hokousaï Katsoushika I-itsou. Le volume des pipes a, pour frontispice, un Coréen qui fume une pipe interminable ; et commence une suite de petits carrés où se trouve le motif dessiné de la ciselure entre un fourneau et un tuyau de pipe : motif en général exécuté sur une pipe toute en argent, ou sur une pipe en bambou avec des revêtements partiels en argent, ou sur une pipe en bronze avec des parties en ivoire. Et les motifs représentent tout un monde : un tigre, un ascète, une cascade, un enfant enlevant un cerf-volant, un Hotei, des chauves-souris, le porteur du bâton aux morceaux de bambous pour battre le thé, une biche, une branche de sapin, un acrobate, un Darma, une assemblée de renards au clair de la lune, une grenouille, une mouche, des flammes, des bulles de savon. De ces volumes sur l’architecture, sur les peignes et les pipes, on pourrait rapprocher le Shingata Komon-tchô, Album de petits dessins pour nouveautés , publié en 1824. Une série de planches où l’ingénieuse combinaison de l’enlacement, de l’entre-croisement, de l’enchevêtrement de carrés, de ronds, de losanges, fait le décor de robes, et qui devait être suivi d’un autre volume consacré aux broderies qui n’a pas paru. En tête de ce volume, la préface de Tanéhiko dit : « Les artistes qui dessinent librement sont d’ordinaire maladroits avec le compas et la règle, et ceux qui font des dessins géométriques ne savent pas dessiner librement. Hokousaï, lui, fait tout bien, et il arrive à faire avec sa règle et son compas, non pas seulement des dessins artistiques, mais encore des dessins d’une invention infinie. »
N’est-ce pas vous qui êtes à l’envers ? Moi, quand la rivière est trouble, je me lave les pieds dedans et, quand elle est claire, je la bois !» Les gravures de cette publication ont été republiées plus tard en couleur, en mauvaise couleur, sous le titre de Hokousaï Gwayén, Le Jardin des dessins d’Hokousaï . En 1847, deux ans avant la mort de l’artiste, paraît Rétsoujo Hiakouninshû, Cent pensées de cent fidèles femmes , dont les cent figures sont de Toyokouni, mais dont les dix premières pages sont d’Hokousaï. Il semble qu’alors l’artiste, qui a 87 ans, redoute la responsabilité de l’illustration d’un livre tout entier, et il se contente d’une espèce d’introduction dessinée, faite par de petits croquis jetés dans un trait, mais des plus spirituels. En 1848, c’est Shûga hiakounin shû, Les Cent Poètes , publication due à la collaboration de Kouniyoshi, Shighénobou, Yeisén, mais dont les dix premières pages sont d’Hokousaï. Une planche d’un beau sentiment : un Empereur exilé, regardant mélancoliquement du bord de la mer une volée d’oiseaux se dirigeant vers son pays. Cette même année 1848, Hokousaï donne une grande planche en largeur, représentant une opération topographique faite avec nos instruments d’arpentage et qui a presque le caractère d’un dessin européen. Elle est signée : Manji rôjin à l’âge de 89 ans. Au printemps de 1849, l’année de la mort d’Hokousaï, c’est Yokou yeiyû hiakounin shû, Cent poésies de héros , illustration due à plusieurs artistes, et où Hokousaï a encore dix feuilles de dessins dont la première est une planche de détails d’armures.
L’ignorant Hatiyémon dit : J’ai fait ce petit volume pour apprendre aux enfants qui aiment à dessiner la manière facile de colorier… publiant ce petit volume à bon marché, dans l’espoir que tout le monde pourra l’acheter et donner à la jeunesse l’expérience de mes quatre-vingt-huit ans. Dès l’âge de six ans, j’ai commencé à dessiner, et pendant quatre-vingt-quatre ans j’ai travaillé dans l’indépendance des écoles, ma pensée, tout le temps, tournée vers le dessin. Or donc, comme il m’est impossible de tout exprimer en un si petit espace, je voudrais seulement apprendre que le vermillon n’est pas la laque carminée, que l’indigo n’est pas le vert, et aussi apprendre, d’une façon générale, le maniement du rond, du carré, et des lignes droites ou courbes ; et si j’arrive, un jour, à donner une suite à ce volume, je mettrai les enfants en état de rendre la violence de l’Océan, la fuite des rapides, la tranquillité des étangs, et chez les vivants de la terre, leur état de faiblesse ou de force. En effet, il y a des oiseaux qui ne volent pas très haut, des arbres à fleurs qui ne produisent pas de fruits, et toutes ces conditions de la vie autour de nous méritent d’être étudiées à fond, et si j’arrive à persuader les artistes de cette vérité, j’aurai le premier traîné ma canne sur le chemin20.Puis, c’est un tableau d’une cinquantaine de couleurs employées par le maître, et à la page suivante, au-dessus de deux mains qui tiennent un pinceau penché, délayant de la couleur dans une soucoupe, ces recommandations :
Les couleurs ne doivent être ni trop épaisses, ni trop claires, et le pinceau doit se tenir couché ; autrement il produit des malpropretés ; — l’eau du coloriage plutôt claire que foncée, parce qu’elle durcirait le ton ; — le contour jamais trop net, mais très dégradé ; — n’employer la couleur que lorsqu’elle a reposé et qu’on a rejeté la poussière montée à la surface ; — la couleur fondue avec le doigt, et jamais avec le pinceau ; ne passer la couleur que sur les lignes noires de l’ombre, où seulement la couleur peut se superposer.Et ce sont les couleurs spéciales qu’il faut employer pour colorier les animaux et les plantes, représentés en noir dans les planches qui se succèdent, — pour colorier le hoho, le coq, l’aigle, les canards, les poissons. Le noir lui fait dire :
Il y a le noir antique et le noir frais, le noir brillant et le noir mat, le noir à la lumière et le noir dans l’ombre. Pour le noir antique, il faut y mêler du rouge ; pour le noir frais, c’est du bleu ; pour le noir mat, c’est du blanc ; pour le noir brillant, c’est une adjonction de colle ; pour le noir dans la lumière, il faut le refléter de gris.À propos de fleurs, Hokousaï nous révèle un curieux ton de l’aquarelle de là-bas : c’est le ton du sourire. Mais écoutez le vieux maître :
Ce ton appelé le ton du sourire, Waraï-gouma, est employé sur la figure des femmes pour leur donner l’incarnat de la vie, et aussi employé pour le coloriage des fleurs. Pour le fabriquer ce ton, voici le moyen : il faut prendre du rouge minéral, shôyén-ji, fondre ce rouge dans de l’eau bouillante, et laisser reposer la dissolution : c’est un secret que les peintres ne communiquent pas.Hokousaï ajoute :
Pour les fleurs, on mêle généralement de l’alun à cette dissolution : mais ce mélange brunit le ton. Moi, j’emploie bien aussi l’alun, mais d’une manière différente, due à mon expérience. Je le bats longtemps dans un godet et le tourne sur un feu très doux jusqu’à ce que le liquide soit desséché complètement. Cette matière ainsi obtenue, on la conserve à sec, pour s’en servir, en la mélangeant avec du blanc. Et pour obtenir ce blanc teinté d’un soupçon de rouge, j’étends le blanc d’abord, et ensuite en délayant le shôyén-ji dans beaucoup d’eau, et le laissant précipiter au fond de cette eau à peine teintée, passée sur la gouache, j’obtiens la coloration voulue.Ce qu’il y a de curieux dans le professorat d’art d’Hokousaï, c’est l’indépendance que prêche à ses élèves le maître indépendant, leur déclarant qu’ils n’aient pas à croire qu’il faut se soumettre servilement aux règles indiquées, et que chacun, dans son travail, doit s’en tirer selon son inspiration. La même année, il publie un second volume portant le même titre, où il dit :
Dans le premier volume, j’ai indiqué les couleurs à l’état général, dans celui-ci, je m’occupe des couleurs à l’état liquide ; et ce sont des procédés, comme dans l’autre volume, pour peindre un lion de Corée, un sanglier, des lapins.Dans le premier volume, un moment, il nous entretient du procédé hollandais de la peinture à l’huile de l’Europe, disant :
Dans la peinture japonaise, on rend la forme et la couleur, sans chercher le relief, mais dans le procédé européen on recherche le relief et le trompe-l’oeil, et Hokousaï conclut, sans parti-pris, qu’on peut admettre les deux procédés.Dans ce second volume, faisant sans doute allusion à des planches de Rembrandt qu’un critique américain l’accusera d’avoir transportées dans le vieux sacro-saint dessin japonais, Hokousaï parle du procédé hollandais de l’eau-forte, du procédé qui consiste à dessiner sur le cuivre recouvert d’un vernis, et annonce qu’il dévoilera ce procédé dans le volume suivant. Mais ce second volume du Traité du coloris devait être la dernière publication du peintre. Un second livre, où Hokousaï professe longuement, est le Riakougwa-haya shinan, Leçon rapide de dessin abrégé , ouvrage paru en trois volumes, le premier en 1812, le second en 1814, le troisième sans date. Dans le premier volume, aux croquis assez brutaux, il y a une chose curieuse : que chaque dessin soit un Darma, soit un scolopendre, il est reproduit dans les contours de sa forme par les lignes courbes de moitiés de circonférences, de quarts de circonférences, et de temps en temps par un carré. Dans la préface21, Hokousaï blaguant les anciens, s’exprime ainsi :
Les anciens ont déclaré que la montagne se fait avec la hauteur de dix pieds, les arbres avec la hauteur d’un pied, le cheval avec la hauteur d’un pouce, l’homme avec la grosseur d’un haricot, et ils ont proclamé que c’est la loi de la proportion dans le dessin. Non, les lignes du dessin, ça consiste en des ronds et des carrés… Maintenant notre vieil Hokousaï, lui, a pris une règle et un compas, et c’est avec cela qu’il a dessiné toutes les choses pour en bien déterminer la forme : un procédé qui ressemble un peu à ce vieux moyen de tâtonner avec le pinceau-charbon (morceau de bois brûlé, du fusain). Or, celui qui apprendra à bien manœuvrer la règle et le compas, il pourra arriver à exécuter les dessins les plus fins et les plus délicats.Et à la fin du volume, ces lignes sont encore d’Hokousaï :
Ce livre apprend la manière de dessiner au moyen du compas et de la règle, et celui qui travaillera à l’aide de ce moyen apprendra par lui-même la proportion des choses.Dans le second volume, Hokousaï se représente peignant avec la bouche, les mains, les pieds, dessin que nous trouvons répété en 1848 dans le Traité du coloris, et c’est une série de dessins assez semblables aux dessins géométriques du premier volume, mais qui seraient inspirés par la contexture des mots de la langue japonaise. Dans ce volume en une langue impossible, aux localités invraisemblables, et sous des noms imaginaires, moquant le style de rivaux et de concurrents, Hokousaï plaisante ainsi :
En aimant le style prétentieux de Hé-ma-mousho-Niûdô, le peintre Yama mizou Téngou, de Noshi-Koshi yama, s’est approprié l’art incompréhensible de ses dessins. Or, moi qui ai étudié ce style près de cent ans, sans y rien comprendre plus que lui, il m’est cependant arrivé ceci de curieux, c’est que je m’aperçois que mes personnages, mes animaux, mes insectes, mes poissons ont l’air de se sauver du papier. Cela n’est-il pas vraiment extraordinaire ? Et un éditeur, qui a été informé de ce fait, a demandé ces dessins de telle façon que je n’ai pu lui refuser. Heureusement que le graveur Koizoumi, très habile coupeur de bois, s’est chargé, avec son couteau si bien aiguisé, de couper les veines et les nerfs des êtres que j’ai dessinés et a pu les priver de la liberté de se sauver. Ce petit volume, je l’affirme, sera un bijoux précieux pour la postérité, et les personnes entre les mains desquelles il se trouvera, doivent l’étudier avec toute confiance.Et il signe : Yamamizou Téngou Téngoudo Nettétsou (fer chaud). Dans le troisième volume, qui est toujours une suite de dessins cherchés d’après la forme des mots, et où en haut des pages il y a la figuration de ces mots au-dessus des sujets dessinés, la première image représente le peintre qui a signé la préface du second volume Téngou Téngoudo, présentant un dessin à un Téngou, à un de ces génies aux cheveux en poils de bête, au nez en vrille22, et Hokousaï met en tête de ce volume :
Ce livre apprend le dessin sans maître. On a emprunté les lettres, les caractères de la calligraphie pour faire l’étude plus facile à l’élève. Dans chaque dessin, la marche du pinceau est indiquée par le numérotage, afin que les enfants puissent retenir l’ordre de la marche. Mais ce livre n’est pas pour l’enfant seulement ; les grandes personnes, les poètes par exemple, qui veulent exécuter un dessin rapide dans une société, seront aidées par ce livre. C’est donc les préliminaires du dessin cursif.À la fin du volume, Hokousaï ajoute :
L’idée qui m’a fait faire ce volume vient de ce que, un soir, chez moi, Yû-yû Kiwan nom fantaisiste m’a demandé : Comment peut-on apprendre à faire un dessin d’une manière rapide et facile ? Je lui ai répondu que le meilleur moyen était un jeu qui consistait de chercher à former les dessins d’après les lettres, et j’ai pris mon pinceau, et lui ai montré comment on peut facilement dessiner. Quand j’ai eu exécuté deux ou trois dessins l’éditeur Kôshodô, qui était là, n’a pas voulu laisser perdre ces dessins, et il m’a fait dessiner tout un volume, qu’on doit regarder, au fond, comme une distraction, comme un amusement pour rire.Autour de ces deux traités techniques écrits par Hokousaï, il n’est peut-être pas sans intérêt de grouper les albums d’Hokousaï traitant spécialement du dessin et du coloris, dont les préfaciers ont été sans doute inspirés dans leurs préfaces par les théories, les idées, les ironies d’Hokousaï. Ainsi dans l’album intitulé Hokousaï Sogwa, Dessins grossiers d’Hokousaï , publié en 1806, et dont la première planche représente le génie fantastique de l’encre de Chine, le préfacier Sakaudô, se faisant l’interprète des conversations du peintre, s’exprime dans ces termes : « Il n’est pas difficile de dessiner des monstres, des revenants, mais, ce qu’il y a de difficile, c’est de dessiner un chien, un cheval, car ce n’est qu’à force d’observer, d’étudier les choses et les êtres qui vous entourent, qu’un peintre représente un oiseau qui a l’air de voler, un homme qui a l’air de parler. Or, le talent extraordinaire du vieillard Taïtô (Hokousaï) n’est que le résultat de ce travail, de cette observation dans laquelle il a apporté cette attention infatigable que j’ai toujours admirée et qui a fait de lui le grand artiste indépendant et le maître unique. » Ainsi l’album Shosin Yédéhon, Modèles de dessin pour les commençants , sans date (deux volumes dont le second est en couleur), où la succession des coups de pinceau à donner est indiquée par un numérotage venant d’Hokousaï, et où, pour une étude de tête de profil, la marche du pinceau est ainsi indiquée : 1, le front ; 2, la ligne du nez ; 3, la narine ; 4, le dessus de la bouche en partie cachée par la robe ; 5, l’oeil ; 6, le sourcil ; 7, l’intérieur de l’oreille ; 8, le contour, et les cheveux de 9 à 16. Ainsi le Répertoire rapide de dessin, sous le titre de Yéhon hayabiki, qui a suivi la Leçon rapide de dessin abrégé, et qui a paru en deux volumes publiés en 1817 et 1819. Ces albums, qui contiennent par page 50 ou 60 silhouettes humaines de la grosseur d’un insecte, sont une sorte d’inventaire et de catalogue de tous les motifs de dessin classés sous la première lettre de leurs noms : le premier volume commençant à la lettre i et le second finissant à la lettre sou, la quarante-septième et dernière lettre de l’alphabet japonais. Dans ce recueil, la tête est presque toujours indiquée seulement par le contour de l’ovale. Et ce mode de dessin, adopté par Hokousaï, vient à la suite d’une discussion avec un ami du peintre, qui soutenait que la physionomie d’un être humain ne pouvait être reproduite qu’avec le dessin de ses yeux et de sa bouche : discussion dans laquelle Hokousaï se fit fort de rendre l’expression, la vie d’un visage, en ne les y dessinant pas23. Ainsi, dans l’album d’Ippitzou gwafou, Le Dessin a un coup de pinceau , album publié en 1823, et où un seul coup de pinceau donne si curieusement la silhouette d’oiseaux qui volent, de tortues qui nagent, de lapins qui digèrent, et de Japonais et de Japonaises dans toutes les actions de leur vie. Ici, le préfacier avoue que ce mode de dessin n’a pas été inventé par Hokousaï, qu’il est de l’invention de Foukouzénsaï de Nagoya, et que, dans un séjour dans cette ville, Hokousaï a été intéressé par ce procédé de dessin et, craignant qu’il ne se perdît, il a dessiné différents sujets de la même façon, pour que, plus répandu, il soit connu par la postérité24. Ainsi l’album intitulé Santaï gwafou, Album de trois différentes sortes de dessins, imprimé en 1815, où Hokousaï signe Taïto, et dans lequel le préfacier Shokousan-jïn, traduisant la pensée du peintre, dit : « Dans la calligraphie il y a trois formes, et ce n’est pas seulement dans la calligraphie que ces trois formes existent, c’est dans tout ce que l’oeil de l’homme observe. Ainsi, lorsqu’une fleur commence à s’épanouir, sa forme est, pour ainsi dire, une forme rigide ; lorsqu’elle est défleurie, sa forme est comme négligée ; lorsqu’elle tombe à terre, sa forme est comme abandonnée, désordonnée. » Et au milieu de différentes images, une planche d’orchidée, trois fois répétée, est comme la confirmation de l’idée un peu paradoxale du peintre. Ainsi l’album Hokousaï Gwashiki, Méthode de dessin d’Hokousaï , publié avec la collaboration de ses élèves, d’Ohsaka, Sénkwakou-teï, Hokouyô, Sekkwatei, Hokoujû, Shunyôtéi, Hokkei, et où le préfacier fait ainsi l’éloge d’Hokousaï : «
La peinture est un monde à part et celui qui veut y réussir doit connaître par cœur les diversités des quatre saisons et avoir au bout des doigts l’habileté du créateur. Le Katsoushika Hokousaï de Yédo aima cet art dès l’enfance, eut pour unique maître la nature, et il a pénétré le mystère de l’art ; enfin c’est l’unique grand peintre de la peinture ancienne et de la peinture moderne. Depuis des années il a donné des albums pour servir aux élèves, mais des albums insuffisants aux demandes. Et aujourd’hui l’éditeur Sôyeidô a demandé au maître un nouvel et plus complet album qui servira de méthode pour la jeunesse.» Et à la fin de toutes ces révélations sur l’art du maître, qu’elles émanent de ses amis ou de lui-même, donnons la plus curieuse de toutes, que Hokousaï, en 1835, jeta en tête des Cent Vues de Fouzi-Yama :
Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner la forme des objets. Vers l’âge de cinquante ans, j’avais publié une infinité de dessins, mais tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans ne vaut pas la peine d’être compté. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la structure de la nature vraie, des animaux, des herbes, des arbres, des oiseaux, des poissons et des insectes. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait encore plus de progrès ; à quatre-vingt-dix ans je pénétrerai le mystère des choses ; à cent ans je serai décidément parvenu à un degré de merveille, et quand j’aurai cent dix ans, chez moi, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant ; Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens ma parole.
Écrit à l’âge de soixante-quinze ans par moi, autrefois Hokousaï, aujourd’hui Gwakiô
Rôjin, le vieillard fou de dessin25.
« Avant que vingt-quatre heures japonaises (48 heures) se soient écoulées depuis l’attaque, prenez un citron, découpez-le en petits morceaux, avec un couteau de bambou et non pas de fer ou de cuivre. Mettez le citron, ainsi découpé, dans une marmite de terre. Ajoutez-y un go (un quart de litre) de saké extra bon, et laissez cuire au petit feu jusqu’à ce que le mélange devienne épais. « Alors il faut avaler, en deux fois, la pâtée de citron dont on a retiré les pépins, dans de l’eau chaude ; et l’effet médical se produit au bout de vingt-quatre ou trente heures. »Ce remède avait complètement guéri Hokousaï et semble l’avoir mené bien portant jusqu’en 1849 où il tombait malade de ses 90 ans, dans une maison d’Asakousa, le quatre-vingt-treizième logis de cette existence vagabondante d’une habitation à l’autre. C’est alors, sans doute, qu’il écrivit à son vieil ami Takaghi cette lettre ironiquement allusive :
Le roi Yemma26 est bien vieux et s’apprête à se retirer des affaires. Il s’est fait construire, dans ce but, une jolie maison à la campagne et il me demande d’aller lui peindre un kakémono. Je suis donc obligé de partir et, quand je partirai, je prendrai mes dessins avec moi. J’irai louer un appartement au coin de la rue d’Enfer, où je serai heureux de vous recevoir, quand vous aurez occasion de passer par là.Hokousaï. En cette dernière maladie où Hokousaï eut les soins de sa fille Oyei, qui avait divorcé avec son mari et habitait avec son père, et où il fut entouré de l’affection filiale de ses élèves, la pensée du mourant fou de dessin, toujours toute à l’ajournement que le peintre sollicitait de la Mort pour le perfectionnement de son talent, lui faisait répéter d’une voix qui n’était plus qu’un soupir : Si le ciel me donnait encore dix ans… Là, Hokousaï s’interrompait, et après un silence :
« Si le ciel me donnait seulement encore cinq ans de vie… je pourrais devenir un vrai grand peintre27. »Hokousaï mourait à l’âge de 90 ans, le dix-huitième jour du quatrième mois de la deuxième année de Kayéï (le 10 mai 1849). Un tombeau lui a été élevé, par sa fille Shiraï Tati dans le jardin du Temple Seikiôji d’Asakousa, à côté de la pierre tombale de son père, Kawamoura Itiroyémon. On lit sur la face de la grande pierre tombale : Gwakiôjin Manjino Haka (Tombeau de Manji, vieillard fou de dessin). Sur la base : Kawamoura Ouji (Famille Kawamoura). Sur le côté gauche de la pierre tombale, en hauteur, trois noms religieux : 1ºNansô-in kiyo Hokousaï shinji (Le chevalier de la foi, Hokousaï à la gloire pittoresque), Nansô (religieux du sud de Sô)28 ; 2ºSeizen-in Hö-okou Miôju shin-nio, un nom de femme morte en 1828, qui pourrait être sa seconde femme ; 3ºJô-oun Miôshin Shin-nio, un autre nom de femme morte en 1821, qui serait celui d’une de ses filles.
Quel plaisir de voir ces pauvres gens partager mon inspiration poétique ! Cela me rappelle la célèbre ligne ancienne qui dit : « Dans ce bois chauffant le saké, en brûlant les rouges feuilles d’érable…» Et les balayeurs furent pardonnés. Généralement le sujet est représenté avec les trois balayeurs habillés en blanc et coiffés de chapeaux noirs. Mais ici Hokousaï supprime les personnages. Le tanzakou, placé au milieu, porte : «
Le plaisir de la vie est d’admirer les vues des quatre saisons, avec la lune, la neige, les fleurs, la montagne verte, le bois à feuilles rouges, dont une partie tapisse la terre.» Signé : Sajimoti. Le papier en large, placé en tête du kakémono, est une lettre d’Hokousaï qui recommande un élève au docteur Sanghino, lettre signée : Le paysan Hatiyémon, habitant en face de la pharmacie Jôsaï. Datée le 12e jour du 7e mois (probablement de la même année 1843). H. 78. — L. 23. Collection Haviland. Oiseaux sur un baquet renversé, près d’un oeillet et de marguerites : les marguerites gouachées de blanc avec un tel art qu’elles semblent brodées. Signé : Katsouskika Hokousaï. H. 25. — L. 32. Collection Haviland. À demi abritée par un paravent, une femme en train de se coiffer, les deux mains élevées au-dessus de sa tête, et soulevant par derrière sa natte à l’aide d’une grosse épingle à cheveux. Accroupie dans un mouvement plein de grâce, son miroir, qu’on ne voit pas, est posé sur le genou d’une jambe remontée ; dans ce mouvement, un sein sort de sa robe et, sous la robe, s’entrevoit un rien du dessous de la cuisse et du pied de la jambe qui porte le miroir. En ce kakémono, certainement un des plus soignés, et des plus parfaits du maître, Hokousaï a cherché une opposition entre la finesse de la linéature, pour ainsi dire graphique, faisant le contour des mains, du visage, du sein, de la cuisse, du pied, et le ton neutre et le lavage un peu brutal de la robe. Signé : Gwakiôjin Hokousaï. H. 97. — L. 32. Collection Haviland. Au-dessus d’une cascade, au milieu de fleurs de cerisier, un aigle, le corps ramassé, la tête tendue et projetée en bas comme s’il s’apprêtait à fondre sur une proie. Peinture au cruel dessin de la tête, au solide noir et au beau fauve de la plume hérissée, et comme soulevée par l’instinct carnassier. C’est la même étude mais, je crois, plus poussée que celle de l’aigle pris à Sounamoura, en 1848, et qui est dans la collection de M. Hayashi. H. 106. — L. 54. Collection Manzi. Sous la pleine lune, une courtisane en marche vers la droite ; elle est dans une robe de dessous jaunâtre étoilée de fleurs rouges, sur laquelle est rabattue une robe de dessus bleuâtre décorée de glycines blanches. Signé : Gwakiôjin Hokousaï (1801-1805). H. 115. — L. 30. Collection de Goncourt. Une courtisane, vue de trois-quarts dans une robe décorée de branchettes de sapin lavées d’encre de Chine, sur lesquelles se détachent des grues volantes, gouachées de blanc. En haut est jetée cette poésie, signée Méjiro Sanjin :
« Le Bouddha exploita la loi religieuse. Le premier prêtre exploita le Bouddha, les prêtres de la postérité continuent à exploiter leur ancien maître, et toi tu exploites ton corps. Ton commerce consiste à calmer la fièvre des passions. Au fond la réalité c’est le néant, et le néant c’est la réalité. Le feuillage offre sa verdure et la fleur sa couleur. La lune se baigne dans le lac, mais ce n’est là que son image. »Kakémono signé : Gwakiôjin Hokousaï (1801-1805). H. 115. — L. 30. Collection de Goncourt. En Hollande, au musée ethnographique de Leyde, M. Gonse cite trois kakémonos représentant des courtisanes, kakémonos non signés mais dignes de lui être attribués. En Angleterre, au British Museum, venant de la collection Anderson, un kakémono en couleur sur soie (Sise 21-5/8 x 32-3/8) représentant : « Tamétomo et les diables dans l’île des diables. » Le héros est assis sur un rocher, près de trois diables qui essayent avec de grands efforts son arc. M. Anderson dit dans son catalogue que c’est une peinture d’une grande vigueur et très expressive dans les figures : peinture exécutée dans l’année où Hokousaï illustrait la sixième partie du Croissant de l’arc, roman qui est l’histoire fabuleuse de Tamétomo. Il est signé : Katsoushika Hokousaï. Ce dessin, en haut duquel est une poésie de Bakin, l’auteur du roman, est datée : Une nuit d’hiver de 1811. La boîte du kakémono porte une inscription du petit-fils de Bakin, disant que cette peinture, conservée dans sa famille, avait été exécutée au moment où Bakin écrivait son roman. Dans la collection de M. Ernest Hart, à Londres, se trouvent cinq kakémonos : 1º Des oies sauvages : kakémono signé Manji à 88 ans. 2º Okamé lapidant un diable avec des haricots. Aquarelle cursive, légèrement colorée en rose et bleu. Ce kakémono, où l’opposition est charmante entre la grâce d’Okamé et la hideur du diable épouvanté, est une des plus remarquables peintures du maître en Angleterre. Il est signé Manji, et provient de l’ancienne collection Wakai. 3º Trois chiens jouant. Signé : I-itsou. 4º Guerrier chinois. Signé : Gwakiô-rôjin Hokousaï. 5º Une Japonaise. Signé : Hokousaï Taïtô. Dans la collection de M. S. M. Samuel, un kakémono, que le propriétaire considère comme un chef-d’œuvre. Une femme debout s’habillant et se regardant dans un miroir : Signé : Hokousaï. En Amérique, dans la collection de M. Morse de Boston, dit M. Gonse dans son Art japonais, est conservé un kakémono (H. 17 pouces) représentant un guerrier japonais au milieu d’un passage montagneux, qui serait d’une harmonie exquise dans les rouges, les verts, les gris. De nombreux kakémonos existeraient encore chez M. Fenellosa. Enfin, voici plusieurs kakémonos d’Hokousaï qui font partie de la riche collection du Japonais Homma Kôsô, à Sakata, et dont les reproductions photographiques ont été publiées dans le Magazine of Art Japanese, paraissant en japonais et en anglais, à Tôkiô. Le premier est un grand arbre penché sur les rapides d’une rivière, au milieu duquel est assis un petit berger qui, de là, regarde le Fouzi-yama. Le second est une courtisane entre ses deux petites accompagnatrices, appelées Kamourô. Les autres, au nombre de douze, et formant les panneaux d’un paravent, ont pour titre : Les Peintures des six tamagawa (des six rivières du même nom, dans six provinces différentes). 1º Une cascade. 2º Un bûcheron qui se repose sur son fagot. 3º Le poète Nô-in-hôsshi s’inspirant de la nature. 4º Une envolée de pluviers au-dessus d’un bord de rivière tout couvert de neige. 5º Un village de la province de Mousashi au bord de l’eau. 6º Des femmes blanchissant du linge. 7º Le cours d’une rivière de la province d’Ohmi, coupé par le feuillage des arbres de la rive. 8º Un poète ancien en contemplation devant la lune. 9º Une carpe, traversée dans l’eau de la rivière de la province de Ki-i, par des rayons lumineux. 10º Un coin de jardinet de la province de Settsu, au milieu duquel est du linge à laver. 11º [La description n’est pas donnée par l’auteur] 12º La princesse-poétesse Sagami composant une poésie. Au Japon, Wakai posséderait encore une dizaine de kakémonos et une collection d’esquisses et d’études, parmi lesquelles un fragment d’un dessin à moitié brûlé, peut-être arraché à l’incendie de son atelier en 1839. Ce dessin exécuté au trait d’encre de Chine, à un seul coup de pinceau, sur plusieurs morceaux de papier assemblés, serait la première pensée du « Bain » et l’enfant tenu par sa mère aurait presque un tiers de sa grandeur naturelle. Wakai cite dans une lettre, comme collectionneurs d’Hokousaï au Japon, MM. Houki, Kaivasaki, Masouda ; mais le Japonais n’aime pas la publicité autour de ce qu’il possède, et le catalogue de l’œuvre d’un peintre est très difficile à établir en ce pays artistique.
Croquis dans le faire du maître, vers 1840. Chez M. Ernest Hart. Deux dessins inédits de la série des Cent poètes racontés par la nourrice, dessins destinés à être gravés ; quatorze dessins de la même illustration, venant de la vente de l’ancienne collection Hart, sont chez M. Samuel, et un certain nombre encore chez M. Tomkinson32. En Allemagne, le Musée de Berlin, d’après M. Gonse, posséderait deux feuilles d’albums provenant de la collection Gierke. Ces dessins à l’aquarelle représenteraient comiquement un moine mendiant volant des pêches, puis surpris par le propriétaire au moment où il les cache dans ses manches. En outre le Cabinet des estampes de Berlin se serait enrichi de trois ou quatre études à l’encre de Chine, rapportées par le prince Albert de Prusse de son voyage au Japon. En Amérique la collection de M. Morse de Boston, renfermerait, indépendamment du kakémono déjà cité, une feuille de croquis pleins de mouvement, d’après la reproduction qu’en a fait L’Art japonais.
Éventails, écrans, paravents, peintures de pardessus
à M. Hayashi, qui en possède d’autres, comme : Un marchand d’écumoirs de thé en bambou. Signé : Hokousaï Taïto. Un chrysanthème, large dessin, un peu lavé de rose sur l’encre de Chine.
Signé : I-itsou ! Hokousaï changé de nom. Deux moineaux. Signé : Hokousaï. Des maigres se grisant de saké. Dessin caricatural. Signé : Taïto. M. Bing possède également une série importante de dessins d’éventails : Un oiseau et une araignée. Une tige de nénuphar. Un Japonais qui lit, couché à terre. Des crevettes. Une tortue et un poisson rouge dans un vase de cristal à la transparence presque invisible. Sur un papier crépon fait particulièrement pour les éventails, un hochequeue sur une pierre où, d’un côté est une fleurette bleue, et de l’autre côté une tige de plante couverte de neige. Éventail signé : Gwakiô rôjin Manji (Manji, vieillard fou de dessin), 1839-1840. Cet éventail fait partie de ma collection. Dans la collection Haviland se trouve un éventail représentant un coq qui s’enlève de la manière la plus heureuse sur une poule blanche. La collection Odon de Mussy contiendrait un certain nombre d’éventails. Dans la collection de M. Ernest Hart, à Londres, le possesseur me signale un éventail sur lequel est peint à la sépia un faisan, de la facture la plus artistique. Il est aussi passé, entre les mains de MM. Hayashi et Bing, un certain nombre de dessins d’écrans, aujourd’hui dispersés et passés dans des collections inconnues. Je citerai cependant chez M. Gillot un écran où se voit le Fouzi-yama derrière un saule pleureur, et coupé par les mailles de filets de pêche mis à sécher. Parmi les paravents, je n’en citerai qu’un, qui est de la plus belle qualité, et formé de deux panneaux (H. 170. — L. 80). Il représente, sur le panneau de droite, la déesse Béntén planant au milieu des nuages ; un dessin très légèrement lavé d’aquarelle ; sur le panneau de gauche, un dragon largement enlevé à l’encre de Chine. Ce paravent aux panneaux sur papier fait partie de la collection Blasini, qui contiendrait des kakémonos et des makimonos intéressants. Enfin, comme destination originale, le dessin d’une courtisane en train d’arracher les cheveux blancs d’un Darma dont la tête fumante est recouverte d’un mouchoir mouillé. Kakémono ironique, enlevé par les rapides coups d’un pinceau chargé d’encre de Chine, avec quelques tons de chair dans la tête du Darma. Signé Katsoushika Hokousaï Taïto (vers 1817). H. 39. — L. 68. Sait-on d’où vient cette curieuse pochade ? De l’entre-deux d’épaules, enlevé d’un pardessus appelé haori au Japon, où l’on aime à avoir la peinture d’un homme célèbre dans le dos, et qui se voit seulement au moment où on le donne aux servantes pour l’accrocher ? Ce dessin, monté en kakémono, est possédé par M. Hayashi.
Albums des premières pensées d’Hokousaï
Les grandes collections de sourimonos et d’estampes en noir et en couleur de Hokousaï
Jacquin, Blondeau, Raphaël Collin, Gélis Didot, Gallimard, Grasset,
Houdard, Migeon, Isaac, Vian, Paul Schmidt. Et, parmi les collections publiques, la collection Guimet, et la collection commencée du Louvre, avec les dons des collectionneurs. À l’étranger : Les collections, en Belgique, de Mmes Michotte, de Pachtère et de M. Van den Brock, de Bruxelles ; en Allemagne, de Mme Meyer de Presburg, de M. Oeder de Dusseldorf, du Dr Brinckmann, directeur du Musée de Hambourg ; en Espagne, de MM. Mausana de Barcelone, et Aspeztenia de Cuba ; en Amérique, de MM. Havemeyer, Dana, Laffin, Baumgarten, Weir, Herter, Wason, Lafarge, tous collectionneurs de New-York et de MM. Nickerson et de Gonkin de Chicago. En outre, le musée de Chicago, indépendamment de peintures originales, renferme une nombreuse réunion de livres et d’estampes provenant de la collection faite par M. Gavard au Japon.
Arigataï Tsouno Itiji, Grâce à un mot galant.
— Texte de Koréwasaï (pseudonyme de Hokousaï). 2 vol. 1781.
Kamakoura Tsoushindén, Les Courriers de
Kamakoura. —
Texte de Guioboutsou (pseudonyme de Hokousaï) et
dessins de Shunrô (ancien nom de Hokousaï). 2 vol., 1782.
Shiténnô Daïtsou-jitaté, Les Quatre Héros anciens
(comparés aux rois des points cardinaux) habillés à la dernière mode. Texte de
Koréwasaï et dessins de Shunrô. 2 vol., 1782.
Nitirén Itidaïki, La Vie de Nitiren. — Texte de
Mariko et dessins de Katsoukawa Shunrô. 2 vol., 1782.
Kaï-oun Ohghino Hanaka, Parfums des fleurs de
l’éventail. — Dessins de Shunrô. 2 vol., 1784.
Nozoki-Karakouri Yoshitsouné Yama-iri, Expédition dans la montagne de Yoshitsouné
vue dans une boîte à spectacle. — Texte d’Ikoujimonaï (pseudonyme probable de
Hokousaï) et dessin de Katsoukawa Shunrô. 2 vol., 1784.
Onnén Oujino Hotaroubi, La Haine transformée en feu
les lucioles d’Ouji. — Dessins de Shunrô. 3 vol., 1785.
Oyayuzouri Hanano Kômyô, La Gloire du nez venant de
l’héritage d’un parent. — Dessin de Goummatei, Shunrô changé de nom. 3 vol.,
1785.
Ni-iti ténsakou Nisshinno isshin, La Division de
l’arithmétique. — Texte de Tsoushô et dessins de Shunrô. 3 vol., 1786.
Zénzén Taïheiki, Histoire antérieure à l’histoire de
la paix. (La paix qui a suivi la lutte des Taira et Minamoto.) — Texte
d’Ounoboré-Sanjin et dessins de Shunrô. 4 vol., 1786.
Waga-iyé rakouno Kamakoura-Yama, Mon Insouciance à ma
maison de campagne de Kamakoura. — Texte de Goummatei. 2 vol., 1786.
Jiwara-mompino Nakanotchô, La Rue du milieu aux jours
de grandes toilettes. — Texte de Hakousek et dessins de Goummatei. 3 vol.,
1786.
Jhinkôki Nihiki Moutsouzouki, Les Deux Rats dans le
premier mois d’après l’arithmétique populaire, le jhinkôki. — Texte de Tsoushô
et dessins de Goummatei, nombre de volumes inconnu, 1788.
Foukou kitarou Warô Kadomatson, Le Pin à la porte
du
visage souriant où arrive le bonheur. — Texte
de Tsoushô et dessins de Shunrô, 2 vol., 1789.
Kousakimo Nabikou shirikourabé, L’Odeur alléchante du
concours des fesses. — Texte de Kéntô et dessins de Shunrô. 2 vol.,
1789.
Rekkasén Kiojitson Ténzan, Le Calcul des vérités et
des mensonges des six poètes. — Dessins de Shunrô. 3 vol., 1789.
Rûgou séndakou Banashi, Conte d’une blanchisseuse du
palais des dragons. — Dessins de Shunrô, 2 vol., 1791.
Mibouri kawaïro Nadaïno Fourisodé, L’Imitation de la
voix et des gestes d’un célèbre acteur en sa belle robe. — Texte de Shinkô et
dessins de Shunrô. 2 vol., 1791.
Nouyé Yorimasa Meikano Shiba, La Popularité de la
poésie sur la légende du guerrier Yorimasa et du monstre nouyé. — Dessins de
Shunrô. 3 vol., 1792.
Moukashi-moukashi Momotaro Banashi, L’Origine du
conte de momotaro. — Texte de Kiôdén et dessins de Shunrô. 3 vol., 1792.
Himpoukou Foutamata Dôtchû-no Ki, Conte du voyage des
deux routes de la pauvreté et de la richesse. — Texte de Kiôdén et dessins de
Shunrô, 3 vol., 1793.
Ti-yé shidaï Hakoné-zoumé, Avec l’intelligence on
surmonte les difficultés de la passe de Hakoné. — Texte de Haroumitino Kousaki
et dessins de Shunrô. Nombre de volumes inconnu, 1793.
Azouma Daïboutsou Momiji Meisho, La Célébrité de
l’érable et du grand Bouddha de Yédo. — Texte et dessins de Hakousanjin Kakô
(pseudonyme et autre nom de Hokousaï)… vol., 1793.
Foukouju-Kaï Mouriôno Shinadama, Une Étoile de
l’océan du bonheur et de la longévité sans limite. — Texte de Bakin et dessins
de Shunrô. 3 vol., 1794.
Nozokimi Tatoyéno Foushi-ana, Les Proverbes vus à
travers un trou de mur. — Texte de Tsoubohira et dessin de Shunrô. 2 vol.,
1794.
Mousouméno Tomozouna, Le Cordon d’une
fille. — Texte de Kiorori et dessins de Tokitarô Kakô (Tokitarô, prénom de
jeunesse de Hokousaï). 2 vol., 1794.
Asahina Ohighéno-tiri, La Poussière de la barbe
d’Ahahina. — Texte de Jihinari et dessins de Hokousaï… vol., 1796.
Bakémono Yamito Honzô, Histoire naturelle des
monstres du Japon. — Texte de Kiôdén et dessins de Kakô. 3 vol., 1798.
Kamado Shôgoun Kanriakou no-maki. La Tactique du
général Fourneau. — Texte et dessins de Tokitarô Kakô. 3 vol., 1800.
Guékaïno baka Hanano-ouyé Oiti-Téngou, Téngou tombé
du haut de son nez dans le monde bête d’ici-bas. — Texte de Jakousei et dessins
de Goummatei, Shunrô changé de nom. 3 vol., 1801.
Tigo Monju Osana-kiôkoum, L’Éducation des enfants
d’après l’enfance de Bodhi-Sattawa Monju. — Textes et dessins de Kakô. 3 vol.,
1801.
Mouna zannyô Ousono Tana-oroshi, L’Inventaire des
mensonges dressé par le cœur. — Texte et dessins de Tokitarô Kakô. 3 vol.,
1803.
Boutchôhô Sokouséki riôri, La Cuisine au hasard.
— Texte et dessins de Tokitarô Kakô. 3 vol., 1803.
Sangokou Wakaran Zatsouwa, la conversation
incompréhensible en trois langues (japonais, chinois et hollandais). — Texte de
Onitaké et dessins de Kakô. 2 vol., 1803.
Ahah Shinkirô, Le Palais du mirage ou les
vicissitudes humaines. — Texte et dessins de Kakô. 3 vol., 1803.
On-aï Sarouno Ada-outi, La Vengeance d’un singe
affectionné. — 2 vol., dont le premier dessiné par Toyokouni et le second par
Kakô ; texte de Kiorori, 1804.
Ouwaki-zôshi. Le Roman des caprices amoureux.
— Texte de Ran-i et dessins de Hokousaï. 3 vol., 1806.
Yûkoun misao Rénrino Motibana, La Fleur
de fidélité d’une courtisane envers son amant. — Texte de Bakin et dessins de
Hokousaï. 2 vol., 1807.
Kataki-outi Migawari Miôgô, La Vengeance achevée
grâce à une protection mystérieuse. — Texte de Bakin et dessins de Hokousaï. 6
vol., 1808.
Yûriakou Onna Kiôkoun, L’Éducation de la femme dans
l’héroïsme. — Texte de Ikkou et dessins de Hokousaï. 5 vol., 1808.
Kataki-outi Moukouhino Aoyaghi, Le Saule pleureur
dans une histoire de vengeance. — Auteur inconnu et dessins de Hokousaï. 6
vol., 1808.
Shimpén Tsoukino Koumasaka Banashi, Nouveau conte sur
Koumasaka, brigand de la lune. — Texte et dessins de Tokitarô Kakô… vol.,
1811.
Tamakoushighé Ishidômarou Monogatari, Conte sur
Ishidô-Marou ou la boite au peigne de jade. — Texte de Bakin et dessins de
Hokousaï. 3 vol., sans date.
Tokoyémou (nom d’un personnage de ce roman, dont le titre, le
nombre de volumes et la date sont inconnus). — Texte de Tsoushô et dessins de
Shunrô.
Romans illustrés.
Le format de 23 centimètres de hauteur sur 16 centimètres de largeur. Chaque
volume contient de 30 à 40 pages, et de 3 à 5 dessins en planches doubles, sauf le
1er volume toujours embelli de 4 ou 5 planches extra, tirées
avec soin sur papier de luxe.
Yéhon Azouma foutaba nishiki, Le Brocart des deux
pousses d’une plante de l’est. — Texte de Kobéda Shighérou et dessins de
« Hokousaï, fou de dessin », 5 vol., 1805.
Shimpén Souiko Gwadén, La Nouvelle Traduction
de
Souiko-dén avec illustrations. — Ouvrage en 90
vol., paru dans l’ordre suivant :
1re section, 10 vol. traduits par Kiokoutei Bakin et
illustrés par Katsoushika Hokousaï, 5 vol. en 1805 et 5 autres en 1807.
2e section, 10 vol. traduits par Takaï Ranzan et illustrés
par Hokousaï, parus seulement en 1829.
3e à 9e sections ; sections également
traduites par Takaï Ranzan et illustrées par Hokousaï, parues successivement par
série de 10 vol. la section, mais nous n’avons pas les dates.
Tamano Otiho, L’Épi de perles tombé. — Texte de
Hohéda Shighérou et dessins de Hokousaï. 10 vol. dont 5 parus en 1806, et 5 en
1808.
Kataki-outi Ourami Kouzounoha, La Vengeance d’une
renarde haineuse ou la légende de Kouzounoha. — Texte de Bakin et dessins de
Hokousaï. 5 vol., 1807.
Soumidagawa Baïrû Shinsho, Le Prunier et le saule
pleureur de la rivière Soumida. — Texte de Bakin et dessins de Hokousaï. 6
vol., 1807.
Tchinsétsou Yamihari Zouki, Le Croissant de la lune
ou le conte du camélia. — Texte de Bakin et dessins de Hokousaï. 28 volumes en
5 sections dont la 1re, 6 vol, en 1807 ; les 2e et 3e, 6 vol. de
chaque, en 1808 ; les 4e et 5e, 5 vol. de chaque, en 1811.
Shin Kasané Guédatsou Monogatari, La Conversion de
l’esprit de Kasané. — Texte de Bakin et dessins de Hokousaï. 5 vol.,
1807.
Sanshiti Zéndén Nankano Yumé, Le Rêve du camphrier du
sud ou l’histoire de sankatsou et hanshiti. — Texte de Bakin et dessins de
Hokousaï. 16 volumes en 3 sections : la 1re, 6 vol., 1808 ; les
2e et 3e, 10 vol. ont paru en 1811, sous le
nouveau titre de Nanka Kôki, Le Conte
supplémentaire du rêve du camphrier du sud.
Raîgô-Ajari Kwaïso-dén, Le Rat monstre du prêtre
Raïgo. — Texte de Bakin et dessins de Hokousaï. 8 vol. en 2 sections.
1808.
Yuriwaka Nozouyèno Taka, Le Faucon de Yuriwaha.
— Texte de Mantei Sôba et dessins de Hokousaï. 5 vol., 1808.
Shimoyono Hoshi. Les Étoiles d’une nuit où il
gèle. — Texte de Tanéhiko et dessins de Hokousaï. 5 vol., 1808.
Ounamoji Nouyé Monogatari, Le Conte sur Nouyé,
écrit en lettres de femme. — Texte de Shakouyakoutei et dessins de Hokousaï. 5 vol.,
1808.
Kanadéhon Gonitino Bounshô, L’Histoire des fidèles
vassaux après la vengeance. — Texte de Tatékawa Yémba et dessins de Hokousaï. 5
vol., 1808.
Hidano Takoumi Monogatari, L’Histoire de l’architecte
de Hida. — Texte de Rokoujuyén et dessins de Hokousaï. 6 vol., 1808.
Foutatsou Tchôtcho Shiraïto Zôshi, Les Deux Papillons
et la soie blanche ou les deux lutteurs. Texte de Shakouyakoutei et dessins de
Hokousaï Tokimasa (un des prénoms de Hokousaï). 5 vol., 1809.
Nouréghinou Zôshi, Le Roman d’une robe mouillée.
— Texte de Shakou-yakoutei et dessins de Hokousaï. — Le nombre de volumes et la date
inconnus.
Kohino Oukihashi, Le Pont imaginaire de l’amour.
— Texte de Rakou-rakou-an Tôyei et dessins de Hokousaï, 1re
section, 3 vol., 1809.
On-yô Imos-yama, Les Fiancés isolés sur deux
montagnes en face. — Texte de Shinrotei et dessins de Hokousaï. 6 vol.,
1810.
Tiyosaki-himé Shitihénghé Monogatari, Les Sept Transfigurations de la princesse Tiyosaki. — Texte de Shinrotei et
dessins de Hokousaï. 5 vol., sans date.
Sétano-Hashi Riûjo Hondji, La Femme-dragon du pont de
séta ou Tawara tóda Rôkoden, Le Vieux Renard du
guerrierTawara Tôda. — Texte de Rûtei Tanéhiko et dessins de Hokousaï. 3 vol.,
1811.
Hokou-itsou Kidan, Les Légendes fantastiques de la
province de Yétigo. — Texte et dessins de Tatibana Shighéyo, augmenté des
dessins de Hokousaï Raïshin (un des noms portés par Hokousaï), 6 vol., 1811.
Matsouwô Monogatari, L’Histoire de Matsouwô.
— Texte de Kohéda Shigérou et dessins de Hokousaï. 6 vol., 1812.
Aoto Foujitsouna Moriô-an, Les Dessins du juge
Aoto. — Texte de Bakin et dessins de Hokousaï Raïshin. 10 vol., en 2 sections,
1812.
Ogouri Gwaïdén, La Légende sur le prince Ogouri.
— Texte de Kohéda Shighérou et dessins de Hokousaï. 5 vol., 1814.
Beibei Kiôdan, Le Conte villagrois des deux
assiettes. — Texte de Bakin et dessins de « Taïto, précédemment Hokousaï ». 8
vol., 1815.
Tâkó Tchôrai Foushi, La Moralité des chansonnettes
itako-boushi. — Texte de Yémba et dessins de Hokousaï. 5 vol., 1817.
Shakouson Itidaïki Zouyé, La vie de Çakiamouni.
— Texte de Yamada Isaï et dessins de Hokousaï. 6 vol., 1839. Cet ouvrage est d’un
format de 18 centimètres de largeur sur 25 centimètres de hauteur.
Yéhon Kan-So Goundan, La Guerre des deux royaumes de
Kan et de So. — Texte de Shôriô Sadataka et dessins de Katsoushika I-itsou
Manjirôjin (Le vieillard Manji ou Katsoushika I-itsou noms divers de Hokousaï). 20
vol., en 2 sections. 1845.
Guénji Ittôshi, La Possession du pouvoir par la
famille de
Minamoto. — Texte de Shôtei Kinsoui et
dessins du vieillard « Hatiyémon, Hokousaï I-itsou ». 5 vol., 1846.
Les Yéhon, littérairement livres de dessins, ainsi
appelés à cause de la reliure semblable aux livres ordinaires, et par opposition aux
Jô, albums faits avec du beau papier replié dans une couverture de
luxe.
Il y a 3 formats dans les livres de dessins :
1º Le grand ou Oh-hon, 26 centimètres de haut sur 18
de large.
2º Le moyen ou Tchûhon, 23 centimètres de haut sur
16 de large.
3º Le petit ou Kohon, 18 centimètres de haut sur 13
de large.
Yéhon Riôhitsou, Le Livre de dessins aux deux
pinceaux. — Les paysages et les plantes par Rikkosaï de Ohsaka, les personnages
et animaux par Hokousaï Taïto de Yédo. 1 vol., 1817.
Riôhitsou Gwafou, Le Recueil de dessins aux deux
pinceaux. — Le titre donné aux seconds tirages de l’ouvrage ci-dessus.
Hokousaï Gwakiô, Le miroir du dessin de Hokousaï
— 1 vol., 1818, signé : « Katsoushika Taïto ».
Dénshin Gwakiô. La Transmission de l’esprit du dessin
qui est le reflet du cœur. — Signé : « Katsoushika Taïto, autrefois Hokousaï ».
Titre du second tirage, dans la même année, de l’ouvrage ci-dessus.
Shûywa Itiran, Un Coup d’œil sur les
dessins remarquables. — Titre que porte le tirage en couleurs, du Hokousaï
Gwakiô, tirage très postérieur dans lequel on supprima 4 folios (18 à 21).
Hokousaï Gwashiki, La Méthode du dessin du
Hokousaï. — Signé : « Katsoushika Taïto, ci-devant Hokousaï ». 1 vol.,
1819.
Hokousaï Sogwa, Les Dessins grossiers de
Hokousaï. — Signé : « Katsoushika Taïto ». 1 vol., 1820.
Hokousaï Mangwa. Les Études libérales de
Hokousaï — 15 vol., parus dans l’ordre suivant :
1er vol., 1812 ; 2e vol., 1814 ; 3e vol., 1815 ; 4e vol., 1816 ; 5e vol., 1816 ; 6e vol., 1817 ; 7e
vol., 1817 ; 8e vol., 1818 ; 9e vol., 1819 ;
10e vol., 1819 ; 11e vol., 1834 ; 12e vol., 1834 ; 13e vol., 1849 ; 14e vol., 1875 ;
15e vol., 1879.
Odori Hitori Keiko, La Leçon de danse par
soi-même. — Invention et dessins par Katsoushika Hokousaï, et revus et corrigés
par Foujima Shinzabro, maître de danse. 1 vol., 1815. Il y a le tirage de 1835 en 2
vol.
Santaï Gwafou, Les Trois Formes de dessin.
— Signé : « Taïtô, Hokousaï changé de nom ». 1 vol., 1816.
Ippitsou Gwafou, Le Recueil de dessins à un seul coup
de pinceau. — Invention de Foukouzénsaï et l’idée continuée par Hokousaï Taïto,
1 vol., 1823.
T’chûgki souikodén Yéhon, Les Personnages de
Souikoden. — Signé : « I-itsou, autrefois Hokousaï ». 1 vol., 1829.
Dôtchû Gwafou, Le Recueil des dessins du voyage
(de Yédo à Kiôto). — Signé : « I-itsou, autrefois, Hokousaï ». 1 vol., 1830.
Feugakou Hiakkei, Les Cent Vues de Fouzi-Yama.
— Signé : « Manji, vieillard fou de dessin. » 3 vol., la 1re,
1834 ; la 2e. 1835, et la 3e, sans date.
Shin Hinagata, Le Nouveau Modèle pour
les ouvriers. — Signé : « Manji, vieillard fou de dessin, autrefois Hokousaï ».
1 vol., 1836.
Yéhon Sakigaké, Les Héros de la Chine et du
Japon. — Signé : « Manji, vieillard fou de dessin, autrefois Hokousaï ». 1
vol., 1836.
Yéhon Mousashi Aboumi, Les Étriers du soldat ou
le 2e
volume de Sakigaké. — Signé : « Manji, vieillard fou de dessin,
autrefois Hokousaï ». 1 vol., 1836.
Yéhon Wakan Homaré, Les Gloires de la Chine et du Japon.
— Signé : Manji, vieillard fou de dessin, autrefois Hokousaï ». 1 vol., 1850.
Manjiwô Sôhitson Gwafou, Le Recueil des dessins
cursifs du vieillard Manji. — Signé : « Le vieillard Manji, autrefois
Hokousaï ». 1 vol., 1843. Ce volume a été dessiné en 1833, et porte une préface de
1834 ; mais on ne connaît que l’édition de 1843.
Shoshin Gwakan, Les Modèles de dessins pour les
commençants. — 1 vol. Le titre qui porte le retirage du Sôhitsou
Gwafou ci-dessus avec huit dessins de moins.
Hokousaï Mangwa Sohitsouno-bou, La Partie dit pinceau
cursif de la Mangwa de Hokousaï. — Le titre que porte un autre retirage très
postérieur de Sôhitsou Gwafou. Les sept dessins y manquent également.
Le tirage est colorié médiocrement.
Hokousaï Gwafou, Le Recueil des dessins de Hokousaï.
— 3 vol., 1849.
Cet ouvrage n’est qu’une réimpression, en format réduit, de Hokousaï
Gwashiki et de Hokousaï Sogwa, avec un dessin de moins, et
quatorze de plus.
Hokousaï Gwayén, Le Jardin des dessins de
Hokousaï. — 3 vol.
Ces 3 volumes ne sont qu’une réimpression tout à fait moderne de diverses pages
des livres de Hokousaï, de Hokkei, de Hokou-oun, de Hiroshighé, de Keisaï-Yoisen,
etc.
Imayô Kouishi Kisérou Hinagata, Modèles de peignes et
de pipes à la mode. — Signé : Katsoushika, I-itsou, autrefois « Hokousaï ». 3
vol. dont 2 de peignes, 1822 et 1 de pipes, 1823. Ces volumes sont en largeur.
Riakougwa Haya Shinan, Leçon rapide du dessin
cursif. — Signé : « Katsoushika Taïto, précédemment Hokousaï ». 2 vol., 1812 et
1814.
Gwadô Hitori Keiho, Leçon de dessin par
soi-même. — 1 vol. 1815. Ce volume fait le 3e du Haya
Shinan.
Yéhon Hayabiki, Répertoire rapide de dessin.
— Signé : « Taïto, autrefois Hokousaï. 2 vol., 1816 et 1819. Ces deux volumes
constituent les 4e et 5e vol. deHayashinan.
Nagashira Moushabouroui, Répertoire des sujets
guerriers. — Signé « I-itsou autrefois Hokousaï ». 1 vol., 1841. Ce vol. fait
le 3e vol. de Hayabiki et 6e vol. de Hayashinan.
Hokousaï Mangwa Hayashinan, Leçon rapide du dessin
arbitraire de Hokousaï. — Titre que porte un retirage d’un certain nombre de
pages des 3 premiers volumes de Hayashinan. 1 vol.
Shingata Komantchô, Nouveaux dessins pour les
impressions d’étoffe. — Signé : « Hatsoushika I-itsou ». 1 vol., 1824.
Hokousaï Moyô Gwafou, Recueil des dessins d’étoffe de
Hokousaï. — Titre porté par un retirage moderne de l’ouvrage ci-dessus.
Yéhon Saïshiki-tsou, Traité du coloris.
— Signé : « Manji, vieillard fou de dessin ». 2 vol., 1848.
Soshin Yédéhon, Modèles de dessin pour les tout commençants. — Non signé et sans
date. 1 vol.
Ce petit volume est en forme d’album, et imprimé en couleur. D’après le style, il
paraît avoir été fait en 1812, comme supplément du 1er volume de
Hayashinan.
Adadéhon Tsoushin Mouda, Allusion à l’épisode des 47
rônins. — Texte de Kogané Atsoumarou et dessins de Hokousaï. 1 vol. (format
petit), 1803. Le second volume de cet ouvrage annoncé n’a pas paru.
Jôdan Foutsouka Yehi, Ivresse des deux sœurs.
— Texte de Jippénsha Ikkou. 2 vol., petit format : le premier illustré par Hokousou et
le deuxième par Hokousaï, 1811.
Jôrouri Zekkou, Principaux sujets des drames.
— Auteur inconnu et dessins de Hokousaï, avec collaboration de Bokousén. 1 vol.,
format moyen, 1815.
Yéhon Teikin Ohraï, L’Éducation dans la famille sous
forme de correspondance. — Ouvrage ancien, aux dessins signés : « I-itsou,
autrefois Hokousaï ». 3 vol., format moyen, le premier 1828, le deuxième 1848, et le
troisième sans date.
Tôshisen Yéhon, Les poésies des Thang illustrés.
— Commentaire par Takaï Ranzan. 10 vol. en deux sections : les premiers 5
vol. signés : « I-itsou autrefois Hokousaï », format moyen, 1833 ; les deuxièmes 5
vol. signés : « Man-ô, le vieillard fou de dessin », 1836.
Yéhon Tôshisen Gogon-zékkou, Illustration des poésies
des Thang, partie de cinq caractères par ligne. — 2 vol., format moyen, signé :
« I-itsou, autrefois Hokousaï » (signature de 1883), publié en 1880.
Yéhon Koboun Kôkiô, La Pitié filiale illustrée.
— Texte en chinois ancien et dessins du « vieillard Manji, autrefois Hokousaï », 2
vol., format moyen, 1835.
Yékon Tchûkiô, Illustration de la fidélité envers le
maître. — Ouvrage chinois, 1 vol., format moyen, 1834. Dessins « de Manji,
autrefois Hokousaï ».
Yéhon Sénjimon, Le Poème en mille caractères
différents. — Ouvrage chinois illustré par « Katsoushika I-itsou autrefois
Hokousaï ». 1 vol., format moyen, 1834.
Wakan Inshitsoudén, Exemples chinois et
japonais des conséquences des bonnes ou mauvaises actions inaperçues. — Texte
de Fouji-i Raïsaï et dessins de « Manji le vieillard fou de dessin ». 1 vol., format
moyen, 1840.
Yéhon Onna Imagawa, L’Illustration de « imagawa »
pour l’usage des femmes. — Exemplaire où la signature et la date manquent. 1
vol., format moyen (1844 ?).
Hitori Bokkou, Recueil d’autographes et de
dessins. — Une planche de « Hokousaï, fou de dessin » dans le second volume. 2
vol., grand format, 1801.
Katsoushika Zoushi Tégouri-bouné, Le Pays de
Katsoushika. — Un dessin de Hokousaï. — 1 vol., format moyen, 1813.
Hwankon Shiriô, Papiers jetés. — Texte de
Tanéhiko avec quelques dessins et fac-similé de I-itsou. 2 vol., grand format,
1826.
Bongwa Hitori Keiko, Leçon du dessin au sable.
— Texte de Mme Tsouskihana Yei, avec un dessin de I-itsou. 1 vol., petit format en
largeur, 1828.
Nikkô Sanshi, Description de la montagne de
Nikkô. — Au quatrième vol. 2 planches de cascades par « Manji, vieillard, fou
de dessin ». 5 vol., grand format, 1837.
Rétsoujo Hiakounin Isshu, Cent poétesses.
— Portraits par Toyokouni et petits dessins par « le vieillard Manji de Katsoushika ».
1 vol., petit format, 1847.
Shûga Hiakounin Isshu, Cent poètes artistes.
— Les dix premiers folios par « Manji le vieillard de 88 ans ». 1 vol. petit format,
1848.
Zokou Yeigu Hiakounin Isshu, Cent poètes
guerriers. — Les quinze premiers folios par « le vieillard Manji autrefois
Hokousaï ». 1 vol., petit format, 1849.
Guirétsou Hiakounin Isshu, Cent poètes
héros. — 15 dessins du vieillard Manji. 1 vol. petit format, 1850.
Kwatchò Fougaétsow, Recueil des poésies Kiôka sur les
fleurs, les oiseaux, l’air et la lune. — Ouvrage illustré par Hokousén avec
quelques dessins de Hokousaï. 1 vol., format moyen, 1824.
Ressén Gwazôshú, Poètes comparés aux hermites.
— Recueil des poésies Kiôka, avec dessins de « I-itsou, autrefois Hokousaï » 3 vol.,
format moyen, 1829.
Tôto Meisho Itiran, Coup d’oeil sur les vues célèbres
de Yédo, par Hokousaï Tokimasa. 2 vol., grand format, 1808.
Tôto Shôkei Itiran, Coup d’oeil sur les belles vues
de Yédo, titre que portent les seconds tirages de l’ouvrage ci-dessus. 2 vol.,
grand format, avec la même date.
Yéhon Azouma Asobi, Promenade de Yédo.
— Hokousaï. 2 vol., grand format, 1802.
Cet ouvrage n’est autre que le tirage en couleur des dessins seuls du
Azouma Asobi, imprimé en noir, en 1800, avec beaucoup de poésies, et
formant un seul volume.
Yama Mata Yama, Montagnes et montagnes.
— Hokousaï. 3 vol. grand format, 1804.
Soumidagawa Riôgan Itiran, Coup d’oeil des deux rives
de la Soumida. — 3 vol. grand format, 1806.
Isosouzou-gawa Kiôka gourouma, Cinquante poètes de
Kiôka, par Hokousaï Tokimasa. — 1 vol. grand format, 1802.
Shûgwa Itiran, Collection de beaux dessins,
titre que porte le tirage en couleur et postérieur de Hokousaï Gwakiô,
avec 8 pages de moins.
Itakouboushi ou Tchôraï-zekkou, Chansonnettes sur
l’air du batelier. — 2 vol. petit format, 1801.
Yéhon Tchûshin goura, Magasin des
vassaux fidèles, par Hokousaï Tokimasa. — 2 vol. moyen format, 1802.
Misoka Kouzoukago, Panier à papier, au 30 du
mois. — Recueil de poésies et de dessins, dont 4 par Hokousaï, fou de dessin ».
1 petit vol. mince, 1804.
Kiôka Mouma Zoukoushi, Poésies populaires sur les
chevaux. — Recueil de Kiôka, avec un dessin de « I-itsou, le vieillard fou de
la lune ». 1 petit vol. mince, 1822.
Onna Itidaï Yeigwashû, Agréments de la vie des
femmes. — Recueil de poésies, avec deux planches de « I-itsou, autrefois
Hokousaï, et âgé de 72 ans ». 1 vol. format moyen, 1831.
Shunkiôjo, Distractions du printemps, 2 vol.,
1791 et 1798. — Un dessin par volume signé : « Sôri et Hokousaï Sôri. »
Hatsou Wakana, Le Premier Légume vert. — 1
vol. Une planche de « Hokousaï, Sôri changé de nom », 1798.
Sandara Kasoumi, Brume de Sandara. — 1 planche
de Hokousaï Sôri. 1 vol., 1797.
Yanaghino Ito, Cordelettes de saule pleureur.
— 1 planche de Hokousaï Sôri. 1 vol., 1797.
Dantôka, Chant de danse d’homme. — 1 planche de
Hokousaï Sôri. 1 vol., 1798.
Haïkaï Shijikou zôshi, Cahier des quatre
saisons. — 1 planche de « Hokousaï Tokimasa, Sôri changé de nom ». 1 vol.,
1798.
Hananoyé, L’aînée des fleurs. — 2 planches
signées : « Hokousaï, Sôri changé et Hokousaï Tokimasa ». 1 vol., 1798.
Onna Sanjû Rokkasén, Trente-six Poétesses, par
Yeishi, et une composition par « Hokousaï, fou de dessin ». 1 vol., 1801.
Harouno Fouji, Fouzi-Yama au
printemps. — Recueil de Kiôka, dont le titre est perdu, mais paraît, selon le
texte, porter ce nom. 2 dessins de « Hokousaï, fou de dessin ». 1 vol. 1803.
Hokousaï Shashin Gwafou, Album des études d’après
nature de Hokousaï. — 15 planches en largeur. 1 vol. grand format, 1814.
Nikoushitsou Gwajô, Album de dessins originaux ou
Zén Hokousaï Manji-ô Nikoushitsou Gwajô
Album de dessins originaux du vieillard Manji, autrefois Hokousaï.
— Signé : « Manji, le vieillard fou de dessin, âgé de 80 ans. » Format en largeur. 29
centimètres de largeur sur 19 1 2 de hauteur, 1 vol. renfermant 12 dessins cursifs,
coloris léger, 1839.
Cet ouvrage a été inventé, exécuté et vendu par Hokousaï, à la suite des années de
famine.
Kinohéno Komatsou, Jeunes pousses de pins.
— Livres en couleur de format moyen, 3 vol.
Tsouma Kasané, Double occupation. — Livres en
format moyen, 3 vol.
Foukoutokou Wagôjin, Les Deux Dieux d’union et de
bonheur. — Livres en couleur du format moyen, 3 vol.
Sans titre. — Album à couverture aux planches de bois laqué noir et dessin or. 12
grandes feuilles en largeur, pliées en deux, grands dessins tirés sur un fond micacé
et coloriés à la main, 1 vol.
nota. — Les autres albums ou livres érotiques attribués à Hokousaï,
sont de ses élèves.
Gwatsétsou, Esthétique du dessin, 1 vol.
Hokousaï Ringwa, Le Calque, 1 vol.
Hokousaï Zankô, La Composition et le dessin, 1
vol.
Hokousaï Gwakau, Modèles de dessins de Hokousaï.
3 vol.
I-tsou gwafou, Album de dessins
d’I-Itsou.
Shônin Kagami, Encyclopédie des commençants. 3
vol.
Meizan Shokei Shinzou, Paysages vrais des montagnes
célèbres. 1 vol.
Yédou Hakkei Shinzou, Vrais dessins des huit vues de
Yédo. 1 vol.
Mitino Shiori, Indicateur du chemin des beaux
paysages. 1 vol.
Azouma Hiakounin Isshu Tamazousa, Lettres des cent
poètes de Yédo. 1 vol.
Mandaï Hiakounin Isshu Misao Bounshô, Explication des cent poésies. 1 vol.
Taïsei Hiakounin Tiyékagami, L’Esprit de cent
personnes. 1 vol.
Riôsandô Itiran, Coup d’oeil sur les deux routes des
montagnes. 3 vol.
Tchûshingoura Jûnidan, Les Douze Tableaux des scènes
des rônins. 1 vol.
Yéhon Katsoushika-bouri, Le Faire des dessins de
Katsoushika.
Kiôgwa Katsoushika-bouri, Dessins comiques a la
manière de Katsoushika.
Yéhon Nakouté Nanakousé, Les Sept Manies de la
personne qui n’en a pas.
Riakougwa Mousha Kagami, Dessins cursifs des
guerriers.
Noui-moyô Tébikino Ito, Dessins de
broderie.
Yéhon Tokibano Matsou, Le Pin toujours
vert.
Yéhon Tiyéno Ita, Le Jeu des planches
géométriques.
Yéhon Irohagoura, Magasin de l’alphabet.
Yéhon Hitori Annaï, Guide pour soi-même.
Iitsou Sensei Keirokou Gwafou, Album de dessins du
maître I-Itsou.
Fougakou Hattaï, Huit états du
Fouzi-Yama.
Gwato Fou-ou Sessôhén, Dessins du vent, de la pluie, de la
gelée et de la neige.
Yéhon Oyakogousa, Mères et enfants.
Katsoushika Gwariôbaï, La Structure du
dessin.
Yéhon Kounizoukoushi, Géographie des
provinces.
Yéhon Hana-shikishi, Fleurs des quatre
saisons.
Yésô Hiakkwasén, Cent fleurs d’herbes.
Hiakka Hijitsou, Art pittoresque des cent
maîtres.
Kiôgwa Sôshitsou Hiakouyan, Dessins
comiques et cursifs de cent yeux.
Hiakouju Hiakoufoukou, Cent longévités et cent
bonheurs.
Onsén Hiakkei, Cent vues thermales.
Ippiakou Jinén-zouyé, Cent dessins venus tout
seuls.
Hiakouba Hiakouguiou, Cent chevaux et cent
bœufs.
Hiakkin Hikoujû, Cent animaux et cent
oiseaux.
Guioka Hiakkei, Cent vues des villages de
pêcheurs.
Yéhon Katsoushika Bounko, La Malle de papiers de
Katsoushika.
Yéhon Gwaïdén, Les Traditions.
Hanékomi Ousou-zaïshiki, Le Coloris
clair.
Gokou Soshitsou, Dessin extrêmement
cursif.
Jinboutsou Dompitsou, Dessin négligé des
personnages.
Par Léon Hennique
« Qu’on me permette un mot sur ce fameux Hok’saï, le peintre japonais « fou de dessin » dont M. de Goncourt est le panégyriste enthousiaste et au char de triomphe duquel il espère atteler le public amateur des grandes cocasseries artistiques. »Ouf !… Récitons :
« J’aurais sans doute mauvaise grâce, moi qui ai dit plus d’une fois, comme saint François Xavier, que les Japonais étaient les délices de mon cœur, de médire sur n’importe lequel de leurs artistes et surtout sur ce brave Hok’saï dont j’ai le premier fait une courte mention dans la biographie générale de Firmin Didot, il y a une vingtaine d’années… »Oh ! si courte, si incomplète, la mention, M. de Rosny ! Poursuivons :
« Hok’saï est, à coup sûr, caricaturiste drôle par moments, bizarre presque toujours. Ses nombreuses charges à outrance amusent un instant. On s’arrête quelques minutes avec plaisir sur les premiers cahiers de la Mangwa, on parcourt les autres un peu plus vite, on examine les derniers avec le pouce… »On, c’est M. de Rosny. Poursuivons encore :
« Je n’ignore pas qu’une telle déclaration est de nature à arracher des cris d’horreur à certains bibliophiles, et, pour cause, à un bon nombre de marchands de curiosités. Aussi bien qu’eux tous, j’apprécie parfois l’ancien art japonais, mais je juge qu’on a beaucoup surfait, chez nous, quelques-uns de ses choryphées… Mais, en feuilletant les œuvres d’Hok’saï, on a parfois la velléité de dire qu’il a réalisé l’idéal du grotesque. Hok’saï, d’ailleurs, n’est devenu un artiste hors ligne aux yeux de ses compatriotes que depuis le jour où nous nous sommes avisés de rire un peu, pas bien longtemps, de ses croquis fantaisistes et ensuite de les admirer par genre, sans mesure et à tort et à travers. »Halte ! Brisons-là cette mauvaise humeur, l’épilogue ne nous apprendrait rien de neuf. On a lu et on a déjà haussé les épaules. De quel côté sont l’ignorance et la niaiserie ? Du côté des Japonisants ou du côté de l’ethnographe ?… Je me demande, pour ma part, si, lorsqu’il voulut écrire son étude, M. de Rosny, traducteur d’un traité sur l’éducation des vers à soie, connaissait à fond Katsushika Hokousaï. Et je me hâte de répondre : non, puisqu’il ne s’occupa que du moindre aspect de ce Protée, du caricaturiste qui le faisait rire un peu, pas bien longtemps. Ce bon M. de Rosny n’a donc pas l’air de se douter que le brave Hokousaï est l’inventeur d’une œuvre immense, qu’il a tout essayé et tout réussi sous des appellations diverses : Shiunrô, Tokitaro, Tokimasa, Seshin, Taïto, Katsushikano, Iitsou et Manrôdjin, le vieillard fou de dessin. Il n’a pas l’air de savoir davantage que nos impressionnistes ont enrichi leur technique de celle que nous apportèrent les artistes nippons, à commencer par Hokousaï. Je n’ai pas l’intention de narrer l’existence de ce grand homme ; maints critiques l’ont racontée avec ferveur, avec talent. Edmond de Goncourt les précéda, fut disert et renseigné autant qu’il pouvait l’être en 1896. Mentionnons néanmoins qu’Hokousaï, noué à un labeur formidable jusqu’au terme de sa très longue carrière, fut une sorte de nomade archiméconnu par les plus titrés, les plus magnifiques de ses contemporains, regardé par les autres comme un maître sans doute, mais comme un maître adonné à un petit art, à l’art vulgaire, indigne de l’art noble et de l’Histoire, ce jardin où s’étaient épanouis les rosiers de Tosa et de Kano. Grave injustice à l’égard d’un semblable historien, d’un peintre aussi parfaitement distingué de la femme, de l’oiseau, de la fleur et du paysage ! C’est elle qu’avait enfourchée M. de Rosny lorqu’il s’avisa de vilipender Hokousaï. Au nom de qui, au nom de quoi osa-t-il être plus Japonais que les Japonais d’à présent ? Eux, ont oublié les préventions de naguère, de l’époque où leur archipel était clos de fils barbelés, et ils admirent comme nous Français, Anglais, Hollandais. Hokousaï illustra seul plus de cent vingt ouvrages, dont l’un, le Souiko-Gwaden, compte quatre-vingt-dix tomes ; il a collaboré à une trentaine de volumes. Le tas se forme avec les livres jaunes, livres populaires ; le tas grossit avec des promenades orientales et occidentales, des coups d’oeil aux lieux célèbres, des manuels pratiques pour décorateurs et artisans, une vie de Çakiamouni, une conquête de la Corée, des contes, des légendes, des romans, des biographies de héros, d’héroïnes, des trente-six et des cent poètes, avec des recueils de chansons ; et le faîte se couronne par de multiples albums d’oiseaux, de plantes, de patrons à la mode nouvelle, par des livres d’éducation, de morale, d’anecdotes, de croquis fantaisistes ou d’après nature, etc… etc… Hokousaï a tout abordé, tout réussi, je le répète. Il fut abondant, varié, génial, n’en déplaise à M. de Rosny ; il accumula dessins sur dessins, estampes sur estampes, nous y enseigna ses compatriotes, leurs travaux et leurs plaisirs, le peuple de la rue, celui des champs et de la mer. Il nous mena des brillantes courtisanes, soies et broderies, à large nœud de ceinture étalé contre la poitrine et le ventre, au loqueteux sordide, estropié ; puis vers des apparitions, des imaginations fantastiques, les plus terribles et les plus émouvantes que je sache. Le meilleur, selon moi, des Tchou-Chin-Goura, série de planches où l’on assiste à la vengeance et au triomphe des quarante-sept fidèles Ronins, est de lui. Quel pieux hommage il rendit à la montagne sacrée du Japon, au Fuji, par le moyen du livre et de la gravure ! J’ai vu d’Hokousaï quantité de sourimonos charmants, gaufrés, rehaussés d’ors et d’argentures, nombre d’éventails fragiles et délicieux, de kakémonos pleins de grâce ou d’une puissance inattaquable. L’un d’eux nous présentait Yama-Uba, mère de Kentoki, l’enfant rouge, une Yama-Uba échevelée, bleue et verte, rayon de soleil, joie du regard et de l’esprit. L’autre, chez Octave Mirbeau, figurait un aigle robuste, fauve, l’oeil implacable. Debout sur un pic, la bête avait mine d’empereur, inspectait l’horizon ; elle attendait ; elle était prête à jaillir, à déchirer et à dévorer toute proie. Je me souviens en outre d’avoir vu, du même Hokousaï, encadrées d’une étoffe rosâtre, deux têtes fraîchement coupées. La première, celle d’un barbon, gisait blafarde, ruisselante de sang, et la deuxième était celle d’un jeune homme, les paupières fermées, la mâchoire à peine tachée de pourpre, une mâchoire sur laquelle un petit lézard avait élu domicile, se complaisait à la dernière tiédeur du mort. Je jure aux mânes de M. de Rosny que ces trois pièces ne sentaient point la caricature, le grotesque, ne dilataient aucune rate, pas plus que les précédentes. Pour comprendre d’ailleurs, l’art d’un peuple lointain, très particulier, il ne suffit guère d’apprendre plus ou moins bien la langue de ce peuple : il faut avoir pénétré son âme, son goût ; il faut s’être fait l’écolier docile de cette âme et de ce goût. Quelques privilégiés, par hasard, don naturel, ont eu la chance d’éviter l’école, mais ils sont rares. Aux gens que hante le Japon et qui le recherchent, je conseillerai, s’ils veulent aller vite, de lire d’abord les œuvres de Lafcadio Hearn, ce professeur anglais échoué, un matin, aux rivages du Soleil Levant, ce vigoureux observateur qui, frappé d’admiration pour la force et le vouloir japonais, devint Japonais, puis épousa une indigène. La lecture terminée, — nul ne s’y morfondra une seconde, — on peut fréquenter les artistes du précieux empire, les anciens à l’aveuglette et les quasi-modernes avec prudence. On y constatera qu’ils abandonnèrent tout à coup leurs initiateurs, les Chinois. La raison de cette volte-face ?… L’amour, l’extase profonde qu’ils ressentirent à exprimer la patrie. Ils l’ont aimée passionnément ; ils ont chéri sa beauté, sa clarté, ils se sont ingéniés à « reproduire sa vie par le cœur » — l’expression est de Toriyama Sekiyen, au sujet des Insectes d’Outamaro ; — ils ont peint leur Japon quand il pleut, quand il vente, quand il neige, lorsqu’il s’éveille dès l’aube, ou s’agite ivre de lumière, ou dort gavé de nuit noire et au clair de lune. Les cerisiers y dressent perpétuellement leurs bouquets radieux, les pins et les bambous y foisonnent sous la brise ou dans la tempête. Affection heureuse, travail incessant ! Hokousaï est le résumé d’une foule. On me désignera des peintres plus élégants, plus coloristes : il n’en est pas un de plus mâle, ayant mieux accompli ce qu’il jugea utile de nous offrir. Pour quel but, avec, derrière eux, de tels guides, certains Japonais modernes s’acharnent-ils à nous imiter, à copier notre manière et notre plastique ?… Artistes nés au pays de Kôrin et de Sharakou, gardez-vous ferme de vos cosmopolites : ils en sont à fabriquer des portraits de jolies mondaines et de messieurs tout-le-monde ; ils suivent d’un pas léger les moindres de nos fabricants habituels. Ne les cultivez point : vous perdriez le contact des ancêtres, vous ne seriez plus qu’une filiation bâtarde. Visitez-nous, parbleu ! continuez à nous visiter ! Nonobstant, la visite bâclée, dépêchez-vous de regagner le Japon ; persistez, en vue de l’effet, à ne vous servir que du trait nécessaire, à ne flanquer d’ombres ni vos personnages, ni vos maisons, ni vos arbres. Ils n’en ont pas plus besoin aujourd’hui qu’hier : absurde est le progrès qui dépouille les êtres de leurs origines. Appréciez plutôt, appréciez comme se conduisent actuellement beaucoup de vos nationaux, malgré leurs marins, leurs soldats à l’européenne, malgré leurs nouveaux riches, leurs automobiles. Le soir tombé, rentrés au logis, en famille, à la lueur des douces lanternes de chez vous, des lanternes polychromes, ne reprennent-ils point les traditions, les mœurs et les costumes d’antan ?… Demeurer soi, ne demeurer que soi, pas d’idéal supérieur à cet idéal. Artistes japonais, je vous souhaite de rester vous-mêmes. Et c’est encore, je pense, la grâce que vous souhaiterait Edmond de Goncourt, s’il devait revivre, Edmond de Goncourt, un de vos plus indubitables, de vos plus vieux amis, en France.