(1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Notice historique sur M. Raynouard,
par M. Walckenaer.

Cette Notice, lue dans la dernière séance publique de l’Académie des inscriptions, a ramené l’attention sur un homme respectable et excellent, original de mœurs et de caractère, bon de nature, fin pourtant, rude et brusque d’accent et de ton, qui a eu, au début de l’Empire, le plus grand succès tragique d’alors (Les Templiers), qui, depuis, a créé toute une érudition (l’étude du provençal classique et de ce qui en dépend), l’a établie et organisée d’une manière féconde, et s’est véritablement illustré par ce vaste et sagace labeur. Quoique M. Raynouard ait été jusqu’ici dignement apprécié par des panégyristes et des biographes éminents, par M. Mignet, son successeur à l’Académie française, par M. Walckenaer hier encore, par un jeune érudit mort trop tôt et bien regrettable, M. Charles Labitte, qui, le premier, lui a consacré une notice littéraire développée ; quoique ses travaux et son système philologiques aient été l’objet de plusieurs leçons de M. Villemain, et qu’ils aient prêté à des discussions approfondies de la part de MM. Guillaume de Schlegel, Fauriel et Ampère, on peut dire toutefois que l’ensemble de son œuvre et de son influence n’a pas été encore exposé, discuté et jugé régulièrement et au complet. Un érudit qui se fait honneur de se proclamer de ses élèves, mais qui l’est avec indépendance, M. Guessard, semble promettre un tel travail qui exige des qualités et des études toutes spéciales, les seules qui confèrent à un jugement du poids et de l’autorité. Pour nous, qui sommes incompétent sur le fond de ces doctes matières, nous nous bornerons ici à ce qui est de notre portée et de notre coup d’œil, et aussi à ce que nous demandent nos lecteurs, je veux dire à tâcher de saisir et de marquer la forme de l’esprit de M. Raynouard, quelques-uns des traits essentiels de sa personne, et à faire sentir, s’il se peut, le grain de son originalité.

François-Just-Marie Raynouard qui, dans ses premiers essais, se désignait Raynouard (du Var), était à Brignoles le 8 septembre 1761. Il était de Brignoles, n’oublions jamais cela en le jugeant. Nul homme distingué ne garda plus que Raynouard le cachet primitif de sa province, de son endroit. Il était avant tout de son pays par l’accent. Massillon, Fléchier, Sieyès, qui étaient aussi du Midi, avaient en prononçant l’esprit doux, comme disaient les Grecs ; Raynouard, plus agreste, avait l’esprit rude, quelque chose de fort et de mordant dans la prononciation. Mais il était de son pays autrement encore que par l’accent ; il en était par le cœur, par le patriotisme, par les idées. La première empreinte locale se retrouve en lui jusque dans ses travaux d’érudit et de publiciste. Si, par exemple, il accordait tant à la constitution municipale des vieilles cités, s’il croyait à la perpétuité de cette constitution depuis les Romains et à travers les diverses conquêtes, s’il en faisait le pivot de sa théorie politique, c’est que cela s’était passé ainsi à Brignoles et aux environs, dans la Provence ; il transportait involontairement au reste de la France cette forme permanente et latente de constitution dont la tradition locale avait tout d’abord frappé son esprit, l’avait imbu et comme affecté d’un premier amour. Ainsi en toutes choses : il fera du Midi, de son Midi à lui, le centre de son érudition et de sa conquête ; il voudra que la vieille langue du Midi ait été primitivement la dominante et l’unique pour toute la France, même pour celle d’outre-Loire. Il sera disposé à croire que, pour avoir la véritable clef de cette érudition, il faut être du Midi. Un jour qu’il cherchait un mot, une acception pour son Lexique roman, un de ses jeunes travailleurs, qui était d’Abbeville, entra, et, entendant de quoi il était question, trouva le sens aussitôt.  « Ah ! le Picard ! il l’a cependant trouvé », s’écria le digne érudit avec une expression de physionomie singulière qui marquait l’étonnement ; son sourcil gris brillait d’un éclair de malice narquoise et de raillerie ; il y avait, même dans ce mot d’éloge qui lui échappait, le dédain du Provençal pour le Picard. « Il l’a cependant trouvé ! » toute la passion et la prévention de M. Raynouard érudit perce dans ce seul mot cependant.

Il était de son pays aussi par la gaieté, par le trait, par le petit mot pour rire. Rabelais avait fait l’un de ses contes les plus plaisants sur une religieuse de Brignoles ; tout en réfutant le conte dans sa Notice sur Brignoles, Raynouard se souvient que Rabelais a passé par sa ville natale. Il avait dans la liberté du tête-à-tête un grain de cette vieille gaieté gauloise, relevée ici d’une pointe d’ail à la provençale. Il y avait beaucoup de l’érudit du xvie  siècle en Raynouard. On cite de lui de petites épigrammes à la Martial, comme s’en permettait Maynard ou La Monnoye. Jeune, dans les intervalles de son métier d’homme de loi, il faisait en français des vers un peu comme en faisait en latin le chancelier de L’Hôpital (lesquels vers, en général, ne sont pas trop bons ni très poétiques) ; et, à propos de L’Hôpital, il n’avait garde d’oublier le passage où l’illustre chancelier, dans le récit de son voyage à Nice, a célébré le territoire de Brignoles et surtout les excellentes prunes « dont la renommée est répandue dans le monde entier ». M. Raynouard n’était jamais plus content que lorsqu’il faisait manger à ses amis de Paris des prunes de Brignoles.

Après avoir fait avec succès ses études au petit séminaire d’Aix et pris ses grades à l’école de droit de cette ville, Raynouard vint à Paris vers 1784 ; il ne fit que tâter le terrain et n’y resta pas. Il n’avait rien de ce qui pouvait l’introduire d’abord dans cette société brillante, élégante et adoucie. Probe et fin, il sentit qu’il n’y avait là rien à faire ; amoureux des lettres, mais amoureux à l’antique, il résolut, pour se mettre en état de les cultiver un jour avec indépendance, de retourner dans son pays pour y être avocat et homme d’affaires. Jacob servit sept ans, suivis de sept autres années, afin d’obtenir Rachel, la femme selon son cœur. Raynouard se sentait pour les lettres un de ces amours de patriarche, de ces amours vivaces et robustes, et qui résistent au temps : il alla donc plaider et donner des consultations pendant sept ans à Draguignan ; puis, après une interruption forcée, il y retournera cinq ou six autres années encore.

Un esprit sérieux et solide comme le sien, aidé d’un cœur chaud et ardent, ne pouvait rester indifférent au mouvement de 89 : il en embrassa les espérances, n’en répudia que les excès, et en conserva toujours les principes essentiels qu’il se plaisait depuis à confondre, dans son érudition un peu particulière, avec l’héritage des vieilles libertés municipales léguées par les Romains.

S’il est vrai que Raynouard, comme on l’a dit, ait laissé des mémoires, on doit inviter ceux qui en sont possesseurs à les publier pour éclairer cette première moitié de sa vie, dont quelques points seulement sont connus. Nommé en 1791 député suppléant à l’Assemblée législative, Raynouard fut alors ramené à Paris par ses devoirs publics, et il avait l’œil en même temps à ce qui pouvait aider son arrière-pensée secrète de faire son chemin dans les lettres. Mais le moment était peu opportun. Raynouard, jeune, honnête et généreux, mérita d’être enveloppé à son heure dans la tempête universelle. Il était retourné dans sa province après la chute des Girondins. Il en fut ramené comme captif sur une charrette et jeté dans la prison de l’Abbaye. C’est là, ou tout au sortir de, que, profitant des loisirs forcés que lui avait faits la Terreur, il composa son Caton d’Utique, sa première tragédie, qu’on dit tirée à très peu d’exemplaires.

J’en ai un sous les yeux qui porte la date de l’an deuxième (1794), et, pour épigraphe, le mot de Sénèque : « Inter ruinas publicas erectum ». Le sujet de Caton est tout indiqué pour un sujet d’opposition. Il y a longtemps, que, sous Domitien, un avocat nommé Matemus faisait à Rome des lectures très applaudies de sa tragédie de Caton, dont bien des traits choquaient les puissances. Raynouard, en prenant Caton pour thème, n’y cherchait également qu’une occasion de protester contre les tyrans du jour, et d’appliquer, mais pour lui seul, quelques leçons de stoïcisme. Sa pièce, en trois actes, sans amour, sans rôle de femme, n’est qu’une déclamation assez ferme, sentencieuse. On y distingue dans la première scène du premier acte un morceau assez beau et sensé dans la bouche de Brutus, qui montre les Romains déchus de la liberté par leurs mœurs et méritant désormais la servitude. Hors de, la pièce est dans ce genre roide, rude, tendu et emphatique, qui rappelle parfois le ton et le tic, mais non le génie de Corneille.

Le moment pour Raynouard de faire son entrée en littérature n’était pas venu ; il retourna courageusement dans son pays reprendre l’exercice de sa profession d’avocat, et réparer les brèches que cette interruption avait faites à sa petite fortune. Il ne la voulait que strictement nécessaire pour l’indépendance : mille écus de rentes, rien de plus. « Je suis un philosophe, disait-il (et quand je cite ses paroles, figurez-vous-les toujours relevées et comme redoublées par l’accent) ; un philosophe n’a besoin que de la besace et du manteau ; mais encore faut-il que la besace soit pleine et que le manteau soit propre. »

Dès qu’il eut acquis ce nécessaire, il revint à Paris sous le Consulat, et, cette fois, bien résolu à ne plus lâcher pied. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que ce long et inégal partage entre les affaires et les lettres n’avait nullement refroidi son ardeur pour celles-ci. À quarante ans passés, Raynouard allait y débuter avec le feu d’un jeune homme, et, de plus, avec la solidité d’un vétéran. L’Institut, qui était en retard sur les événements publics, avait proposé pour sujet du prix de poésie (1803) ce mot de Montesquieu : « La vertu est la base des Républiques. » Raynouard se présenta et remporta le prix avec un petit poème (Socrate dans le temple d’Aglaure) qui transformait et mettait en action cette espèce d’aphorisme. Il n’y a de poétique que l’idée d’avoir mis en scène ce sujet abstrait et d’en avoir attribué le développement à un personnage historique. Rien n’était plus prosaïque d’ailleurs et plus banal que l’exécution. Socrate y débite des maximes de Pibrac. Bernardin de Saint-Pierre prêtait étrangement du sien à l’auteur, lorsque, le recevant quelques années après à l’Académie, il disait de ce Socrate dans le temple d’Aglaure : « C’est un tableau ordonné comme ceux du Poussin ! » On n’a jamais plus abusé des mots.

Mais le grand et incomparable succès de Raynouard fut au Théâtre-Français, quand on donna, le 14 mai 1805, sa tragédie des Templiers. En relisant aujourd’hui cette pièce, on se demande à quoi a tenu un tel succès, et on sent le besoin de se l’expliquer. Le goût du théâtre était très vif à cette époque ; on était las des Grecs et des Romains, et, depuis plusieurs années, aucune nouveauté n’avait réussi. « Il y avait, disait Geoffroy, un sort jeté depuis cinq ans sur les tragédies et les poètes tragiques : M. Raynouard vient de détruire le maléfice. » Il l’avait détruit à l’aide de quelques qualités très mêlées de défauts, mais venant à point et frappant à propos. Raynouard n’était pas si loin de l’à-propos qu’on le croirait quand on l’a vu un peu agreste et rustique de forme, venant tard, de loin, marchant un peu lourdement et avec des souliers un peu gros. Il a, trois fois dans sa vie, en trois circonstances mémorables, saisi le moment et l’occasion.

La première fois, dans Les Templiers. Il n’inventa rien, mais il rompit cette ennuyeuse lignée des tragédies antiques et mythologiques, et il eut l’air, comme de Belloy, d’ouvrir une veine et de créer un genre, le genre historique national. Cela n’aboutit pas, mais le début fut brillant, et l’on crut voir se lever un étendard.

Une seconde fois, ce fut en politique. Raynouard saisit l’occasion, ou du moins ne la manqua pas. En décembre 1813, nommé membre de la commission du Corps législatif pour prononcer sur l’état des négociations entamées auprès des puissances, il osa, avec MM. Lainé, Gallois, Flaugergues et Maine de Biran, faire entendre hautement, en face de l’Empereur, une parole de liberté et de plainte. Cette parole d’un seul jour, venue la première après un si long et si rigoureux silence, a suffi pour porter son nom comme citoyen et pour l’inscrire dans l’histoire1.

Enfin, en 1816, par la publication de son premier volume sur les troubadours, il prit date et position avant tout autre, avant Fauriel, avant Guillaume de Schlegel, qui auraient pu le devancer ; il planta son drapeau à temps pour que tout l’honneur lui revînt et suivît le labeur. Mais, cette dernière fois, ce ne fut pas un acte passager, ce fut une prise de possession et une conquête. Il avait trouvé sa province et il y régna.

Je reviens aux Templiers. On en peut lire deux critiques très judicieuses, l’une dans les feuilletons de Geoffroy, l’autre dans les conversations de Napoléon (Mémoires de M. de Bausset)2 :

Cette pièce, en général, m’a paru très froide, disait Napoléon, parce que rien ne vient du cœur et n’y va. L’auteur, oubliant que le véritable objet d’une tragédie était d’émouvoir et de toucher, s’est trop occupé d’avoir une opinion sur un fait qui sera toujours enveloppé de ténèbres parce qu’il est impossible d’y apporter aucune lumière. Comment serait-il possible, à cinq cents ans de distance, de prononcer que les Templiers étaient innocents ou coupables, lorsque les auteurs contemporains sont eux-mêmes partagés, ou plutôt sont en contradiction formelle les uns avec les autres ? Tout ce que l’on peut dire, c’est que ce fut une affaire monstrueuse et inexplicable. L’entière innocence des Templiers et l’entière perversité des Templiers est également incroyable. Serait-il donc si pénible de rester dans le doute lorsqu’il est bien évident que toutes les recherches ne pourraient arranger un résultat satisfaisant ?

Cette observation préalable sur le sujet, et sur la manière dont Raynouard l’a envisagé, est très juste et le paraîtra à tous ceux qui reliront la tragédie et les preuves historiques qui y font cortège. Rien n’est moins convaincant que toute cette plaidoirie de l’auteur en faveur des Templiers : il veut tout rejeter sur les accusateurs, sur l’esprit d’un siècle ignorant, et il ne nous peint en rien ni ce siècle même, ni cet ordre orgueilleux et scandaleux, qui devait en tenir par plus d’une grossièreté et d’un abus ; il n’aborde en rien la réalité des accusations, il s’en prend toujours à la manière injuste, illégale et cruelle dont on s’est servi pour arracher aux membres certains aveux. Il plaide en un mot pour les Templiers comme un avocat, qui veut obtenir qu’on casse une sentence, plaiderait devant la Cour de cassation. Napoléon (on n’a pas tous les jours des feuilletonistes de ce calibre-là), entrant dans l’analyse de la pièce, remarque qu’en restant dans les données de l’histoire et de la tradition, l’auteur aurait pu imprimer à sa tragédie une force et une couleur dramatique qui lui manquent entièrement :

Le caractère de Philippe le Bel, pense-t-il, prince violent, impétueux, emporté dans toutes ses passions, absolu dans toutes ses volontés, implacable dans ses ressentiments et jaloux jusqu’à l’excès de son autorité, pouvait être théâtral, et ce caractère eût été conforme à l’histoire. Au lieu de cela, M. Raynouard, auteur d’ailleurs fort estimable et d’un grand talent, nous le représente comme un homme froid, impassible ami de la justice, qui n’a aucune raison d’aimer ou de haïr les Templiers, qui tremble devant un inquisiteur et qui ne semble demander que pour la forme aux Templiers un acte de soumission et de respect.

Napoléon, qui se connaissait en héros et qui savait l’étoffe dont ils sont faits, insiste sur ce point que le héros d’une tragédie ne doit pas l’être de pied en cap, qu’il doit, pour intéresser, rester un homme ; et ici, sans s’en douter et en croyait n’être que classique, Napoléon se rapproche du point de vue de Shakespeare, chez qui il y a des hommes toujours, et point de héros :

L’auteur, dit-il, paraît surtout avoir oublié une maxime classique, établie sur une véritable connaissance du cœur humain : c’est que le héros d’une tragédie, pour intéresser, ne doit être ni tout à fait coupable ni tout à fait innocent. Il aurait pu, sans s’écarter de la vérité historique, faire l’application de ce principe au grand maître des Templiers ; mais il a voulu le représenter comme un modèle de perfection idéale, et cette perfection idéale sur le théâtre est toujours froide et sans intérêt. Il n’avait, au lieu de cela, qu’à dire, ce qui est très vrai, que le grand maître avait eu la faiblesse de faire des aveux, soit par crainte, soit par l’espoir de sauver son ordre, et nous le représenter ensuite rendu au sentiment de l’honneur, par un retour heureux de courage et de vertu, et rétractant ses premiers aveux à l’aspect même du bûcher qui l’attend. Toutes les faiblesses, toutes les contradictions sont malheureusement dans le cœur des hommes et peuvent offrir des couleurs éminemment tragiques

Puis il critique le jeune Marigni, amoureux sans qu’on connaisse l’objet de son amour et qu’on puisse s’y intéresser, voulant toujours mourir, et un hors-d’œuvre tout à fait inutile à l’action. Pourtant ce fut, avec le grand maître, le rôle intéressant, l’un théâtral et grandiose, et l’autre pathétique sous les traits de Talma.

Geoffroy a critiqué avec esprit et bon sens quelques-uns des mots de la pièce les plus applaudis, tels que le fameux hémistiche : « Sire, ils étaient trois mille ». En effet, le jeune Marigni, pour exalter les Templiers et faire admirer leur vertu, raconte devant le roi que, dans les murs d’une ville assiégée, une troupe de Templiers, ne pouvant résister à des forces supérieures, se rendit aux musulmans ; le vainqueur veut les faire abjurer, il les insulte, il les menace, rien n’y fait :

Tous marchent à la mort d’un pas ferme et tranquille ;
On les égorgea tous : Sire, ils étaient trois mille.

Ici les applaudissements éclatent. Mais un moment de réflexion fait apercevoir que, si dans ce cas le nombre des Templiers ajoute à l’idée qu’on peut prendre de leur croyance et de leur foi, puisque sur ce grand nombre pas un seul ne fut infidèle à son Dieu, ce même chiffre diminue beaucoup de l’idée de leur bravoure, puisqu’il ne les a pas empêchés de se rendre. L’hémistiche tant applaudi est pour le moins autant une épigramme contre les trois mille qui se rendirent, qu’un éloge pour ces mêmes trois mille qui n’abjurèrent pas.

Tout cela dit, et quand on a ajouté que la trame de ce style est sans véritable éclat et sans nouveauté, composée à satiété de tous les mots vagues, communs, déclamatoires (ignominie, vertu, gloire, victoire, des proscrits vertueux, etc. « Quel trouble impétueux s’élève dans mes sens ! » etc., etc.) ; quand on s’est bien convaincu que cet auteur n’a pas relu Villehardouin avant de faire parler ses chevaliers, il faut saluer et applaudir avec le parterre quelques beaux vers qui redoublent d’effet en situation, cinq ou six hémistiches qui rendent quelque écho du sublime de Corneille, un cri d’innocence qui s’élève des dernières scènes, et le très beau récit final du supplice.

« Les chants avaient cessé ! » sont un des mots mémorables du théâtre. Meyerbeer, ce grand dramatiste, et qui songe à tout, n’a eu garde d’omettre un effet qui rentre si pleinement dans le domaine musical, et, M. Scribe le lui rappelant, il s’en est fait un motif admirable dans le dernier acte des Huguenots, quand Valentine, écoutant le chant qui sort du temple, en note avec angoisse toutes les alternatives :

…… Ils chantent encor !…
Ils ne chantent plus !

Je ne sais s’il y eut beaucoup de calcul ou encore plus de bonheur dans cette première tragédie représentée de Raynouard, mais il est impossible de prodiguer moins qu’il ne l’a fait les moyens nouveaux, et de tirer un plus heureux parti des quatre ou cinq mots ou hémistiches qui décidèrent du triomphe de sa pièce. Il avait été économe de sublime, mais, du peu qu’il y avait mis, rien n’avait été perdu. Aussi, plus tard, ne cessa-t-il d’ajouter une grande importance en toutes choses à ce qu’il appelait la mise en scène. Il savait à quel point elle lui avait servi.

Le petit nombre d’odes ou de pièces lyriques qu’on a de lui sont très prosaïques, très communes. Un jour, quelqu’un se permettait de lui représenter que « peut-être ces deux ou trois vers d’une strophe étaient un peu faibles ».  « Eh ! mon ami, répondit-il, si je les faisais plus forts, le dernier vers ne paraîtrait pas si beau. » C’était ce système d’économie poétique qui lui avait réussi dans Les Templiers, mais qui ne lui réussit pas deux fois.

Un autre jour encore, un écrivain distingué venait de lui lire une tragédie.  « C’est très bien, dit-il après l’avoir entendu, c’est très bien, mais il n’y a pas le coup de fouet. Moi, j’ai le coup de fouet. » Il disait que Corneille avait le coup de fouet. C’est là un mot spirituel qui manque au traité de rhétorique pour définir le « Moi ! » de Médée, le « Qu’il mourût » des Horaces, le « Sire, ils étaient trois mille ! » des Templiers. Prenez note de l’expression, et ajoutez-la, si vous le voulez, en marge au Traité du sublime de Longin.

Le fameux vers que la reine Jeanne dit au roi pour infirmer la gravité des aveux arrachés aux Templiers :

ce vers était venu à Raynouard à l’occasion d’une suppression exigée par la censure. Il en était fort content, et aimait à raconter comment il l’avait trouvé : « Eh ! qu’on dise après cela, répétait-il avec son tour d’ironie, que la censure n’est pas bonne à quelque chose ! »

Après le succès des Templiers, Raynouard crut avoir trouvé un genre, et n’avoir plus qu’à en diversifier les exemples et les applications. Dans son discours de réception à l’Académie française (24 novembre 1807), on le voit essayer sa théorie. Il traita de la tragédie considérée dans son influence sur l’esprit national : il se plut à montrer dans la tragédie des anciens, dans celle des Grecs, une institution politique. À Athènes, dès l’origine, il en fut ainsi ; à Rome, la tragédie, importée tard, et toute de cabinet, n’eut aucune influence sur l’esprit national. En France, ce fut Corneille, Corneille seul, qui releva, comme disait Raynouard, le temple de Melpomène ; de telles locutions, sans propriété et sans goût, dérogeaient à la théorie même qu’on prétendait introniser. Pourtant, dans ce style, tantôt commun, tantôt abrupt, et à coup sûr inélégant, on distingue un passage assez éloquent dans lequel l’orateur déclare sa prédilection pour Corneille. Supposant un concours solennel entre les poètes de toutes les nations, chaque nation n’ayant droit qu’à nommer un seul représentant :

Les Grecs, s’écrie Raynouard, nommeraient Homère ; les Latins, Virgile ; les Italiens, le Tasse ou l’Arioste (il serait, je crois, plus juste de mettre Dante) ; les Anglais, Milton (lisez plutôt Shakespeare) ; et nous tous,  oui, vous-mêmes qui savez admirer Racine ah ! dans le péril de notre gloire littéraire, un seul cri s’élèverait, et ce cri, vous le prononcez avec moi : Corneille ! »

Ce discours de Raynouard se fait remarquer d’ailleurs par le style court, saccadé, tout le contraire du périodique. Chaque paragraphe est composé presque invariablement d’une seule phrase. L’orateur, à chaque coup, recommence. On sent trop dans ce premier discours académique, comme plus tard dans les rapports que fera Raynouard en qualité de secrétaire perpétuel, les anciennes habitudes d’avocat consultant et de palais. Quand il composera des ouvrages en prose, tels que son Histoire du droit municipal en France (1829), il ne fera guère autre chose que de mettre en ordre et de classer chronologiquement les notes recueillies dans ses recherches, que de vider ses sacs et de ranger ses matériaux par chapitres avec aussi peu de lien que possible. Quand des jeunes gens le consultaient sur leurs écrits, il leur conseillait de couper leurs phrases : « Ne faites pas de phrases longues, c’est le moyen de s’embrouiller. » Cette méthode, en effet, coupe court aux difficultés, mais ne les résout pas. Raynouard, si bon et si ingénieux grammairien, n’était rien moins qu’un habile écrivain ; il ne fut jamais un maître dans l’art d’écrire.

Ce discours de réception à l’Académie présente un éloge de Napoléon, qui n’est à relever que parce que, plus tard, Raynouard se trouva un jour en opposition et en conflit direct avec lui. Parlant de ce qu’aurait pu faire le poète Le Brun, son prédécesseur, s’il avait assez vécu pour tenter en vers l’apothéose de Napoléon, Raynouard ajoutait :

Le chantre de Napoléon l’aurait représenté d’après l’histoire, grand au-dessus des rois, tel qu’Homère, d’après la fable, a représenté Jupiter grand au-dessus des dieux ; gouvernant l’univers par l’autorité de sa pensée, toujours prêt à saisir de sa main toute-puissante l’une des extrémités de la chaîne des destins, si tous ses ennemis ensemble osaient s’attacher à l’autre, et toujours certain de les entraîner tous.

Il était difficile assurément d’en dire plus, même dans un compliment académique. C’en est assez pour prouver que Raynouard, honnête homme et patriote par le cœur, doué de caractère d’ailleurs quand la circonstance l’exigeait, n’était nullement un républicain à la Caton.

« C’est un Provençal original et surtout indépendant », il faut encore s’en tenir à cette définition que Fontanes donnait de lui à l’Empereur3.

Dans les années qui suivirent, Raynouard essaya de pousser sa veine tragique en s’attachant à des sujets historiques nationaux : il donna Les États de Blois (1810)4, qu’il publia ensuite avec toute sorte d’accompagnements et de pièces justificatives ; mais il ne retrouva plus la même chance. C’est que le succès prolongé au théâtre n’appartient point à tel ou tel genre qu’on croit neuf, mais au talent seul qui anime et fertilise les genres et les sujets. Le talent tragique de M. Raynouard était réel en partie, mais sec et borné : il eut le bon sens de le sentir. Il ne se le fit pas répéter deux fois pour se mettre sous la remise, comme il disait. Plus tard même, quand on voulut reprendre au Théâtre-Français Les Templiers sans Talma, il s’y opposa. « Je vais applaudir ce soir vos Templiers, lui dit un matin quelqu’un qui les avait vus sur l’affiche. »  « Vous n’irez pas et vous ne les verrez pas, répliqua-t-il à l’instant : je ne suis pas si sot, et je ne veux pas qu’on me siffle. » Et après cette boutade première comme il en avait, il donna sérieusement ses raisons.

Dès 1814, il était entré tout entier dans les voies de l’érudition, où l’attendait sa vraie gloire. À peine admis à l’Académie française, il avait songé aux moyens de corriger et d’améliorer le Dictionnaire, et cette pensée le porta à s’occuper des origines de la langue ; c’est ainsi qu’il fut insensiblement conduit à rechercher ce qui restait des anciens troubadours, et bientôt, l’horizon s’étendant devant lui, il découvrit tout un monde.

L’étude de l’ancien provençal était alors très peu répandue, et M. Raynouard pouvait dire, en 1815, à M. Guillaume de Schlegel, qui s’occupait de la même étude, « qu’il ne comptait que cinq personnes en France qui sussent le provençal classique » : M. de Schlegel, M. Fauriel, M. de Rochegude, M. Raynouard, en voilà quatre bien comptés ; c’est tout au plus si l’on aurait pu trouver le cinquièmea.

Je ne puis qu’indiquer de loin le champ dans lequel M. Raynouard s’exerça et où il fut défricheur et inventeur. Qu’on essaye de se représenter par la pensée l’état de l’ancienne France, de la Gaule, au moment où la domination romaine qui y régnait s’y brisa de toutes parts, et où les barbares, les Wisigoths, les Burgondes, les Francs, y firent invasion. La langue romaine, le latin, qu’on parlait dans toutes les villes et dans les environs des villes, cessa d’être la langue de l’administration et de se parler régulièrement. Les idiomes rustiques reparurent et prirent le dessus : ils se heurtèrent avec les idiomes des vainqueurs, et, même en en triomphant, il se décomposèrent. C’est du ve au xe  siècle que se fit ce grand mélange, le travail sourd et comme le broiement d’où sortirent les idiomes modernes. Qui dira le mystère exact de cette formation ? Il y a des choses qui ne s’écrivent point. Le propre de la langue rustique, vulgaire, populaire, est de se pratiquer sans s’écrire. À peine si on peut en saisir quelque indice, quelque vestige imprévu qui se glisse dans des écrits d’un autre ordre, et qui est ainsi arrivé par hasard jusqu’à nous.

Ce sont ces vestiges, ces quatre ou cinq mots égarés çà et là dans des textes latins, ces quelques phrases de patois recueillies plus ou moins inexactement pour la première fois par des historiens qui n’en font pas leur affaire, que M. Raynouard s’attache à découvrir, à comparer, à serrer de près, et qui lui servent de point de départ. Nul n’est plus habile que lui à tirer parti du moindre détail. Or, il lui parut que ces premiers indices de la langue moderne qui perçaient chez les auteurs, appartenaient à sa langue du Midi plutôt qu’à la future langue française du Nord ; il en conclut aussitôt que son cher idiome provençal avait commencé par s’étendre au nord beaucoup plus haut et plus avant qu’il ne put se maintenir plus tard. Cette première idée, fondée sur des preuves si légères, en vérité, que les gens de bon sens et neufs à la question souriraient si je pouvais les leur exposer ; cette première idée lui fut si précieuse, qu’il imagina là-dessus tout un système, à savoir que du vie au ixe  siècle, dans l’intervalle de la domination des Wisigoths à celle de Charlemagne, il s’était formé et parlé en France une langue romane unique, type et matrice de toutes les autres qui se sont produites depuis, et servant comme de médiateur entre le latin et elles toutes. Ainsi la langue du midi de la France, celle des Provençaux, celle de Brignoles, aurait commencé par être la mère du vieux français tout entier, la mère aussi du catalan, de l’espagnol, de l’italien, du portugais, au lieu d’être tout simplement une sœur un peu plus tôt formée si l’on veut, et plus précocement dotée, mais nullement investie de cette dignité génératrice et maternelle.

J’indique le faible du système, ce qu’on a appelé l’enfant gâté de l’érudition de M. Raynouard ; mais, tout en suivant et caressant cet enfant gâté, l’érudit laborieux et sagace déchiffrait des manuscrits, recueillait d’anciens textes, retrouvait des poésies charmantes ; il trouvait même, sans trop le dire, ou du moins en ne le disant qu’incidemment, des grammaires en vieux langage où étaient indiquées avec précision les règles de l’ancienne langue des troubadours : il s’en prévalait adroitement pour dénoncer ces règles, pour les découvrir, pour remettre l’ordre et la régularité là où, au premier coup d’œil, on aurait été tenté de ne voir que hasard et confusionb. Enfin, après avoir rassemblé en six volumes dissertations, grammaire, textes choisis, tout le trésor des troubadours, et en préparant six autres volumes de Lexique, qui ont achevé de paraître qu’après sa mort, il faisait plus, il franchissait la Loire, non pas en conquérant cette fois, mais en auxiliaire, et condescendait jusqu’à nous autres Picards et Normands ; il faisait sur notre vieille langue française l’application et la vérification des mêmes règles grammaticales essentielles qu’il avait reconnues dans l’ancienne langue du Midi, et montrait que nos bons vieux auteurs du xiie  siècle n’écrivaient pas au hasard5 ; de sorte que tous ceux qui s’occupent maintenant de la publication des vieux textes rencontrent à l’origine M. Raynouard comme guide et régulateur. Les contradictions même qu’il provoque n’atteignent pas le fond de son mérite ; car nul n’a soulevé et versé dans la circulation un plus grand nombre de matériaux et d’instruments qu’il ne l’a fait durant vingt années.

Avec cela, homme bon sous son écorce rude, loyal avec sa finesse, ami sincère des études et de ceux qui les cultivent, éloigné de toute brigue, et sachant se préserver des haines et des colères qui empoisonnent et déshonorent trop souvent l’érudition. À propos d’une querelle injurieuse et sans mesure, qui avait été faite par un jeune et vif érudit au digne M. Fauriel, Raynouard, rendant compte d’une publication de ce jeune érudit dans le Journal des savants (août et septembre 1833), disait, en terminant :

Mais dans ces recherches, dans ces discussions auxquelles de jeunes littérateurs sont pareillement appelés à se livrer avec nous tous vétérans des études, n’oublions jamais, ni les uns ni les autres, qu’il s’agit de discuter et non de disputer. Voltaire a dit avec autant d’esprit que de raison :

       De nos cailloux frottés il sort des étincelles.

Il faut donc frotter nos cailloux pour en faire jaillir une lumière utile ; mais gardons-nous bien de nous les jeter à la tête.

Ces traits spirituels sont rares dans sa critique écrite : il les réservait d’ordinaire pour sa conversation. Mais ici le sentiment vif de l’équité l’a fait écrire comme il aurait parlé.

Il disait assez plaisamment, pour indiquer qu’il n’écrivait pas toujours et partout ce qu’il avait de meilleur dans l’esprit : « Quand j’ai une bonne idée, je ne suis pas si bête que de la mettre dans le Journal des savants, je la garde. » Les articles nombreux qu’il a insérés dans ce journal justifieraient trop en effet cette parole et cette méthode de réserve et d’économie : ils sont judicieux, mais en général faits de pièces et de morceaux, et peu significatifs.

Homme plein d’adresse et de finesse dans le détail et dans la pratique des mots, plein de force et de constance dans l’ensemble du labeur, Raynouard, bon grammairien et avec des éclairs du génie philologique, manquait, j’ose le dire, par l’idée philosophique élevée qui embrasse, qui lie naturellement tous les rapports d’un sujet, et que Fauriel et Guillaume de Schlegel, comme savants, entendaient bien autrement que lui. Trois fois et en trois rencontres, je surprends chez Raynouard la même faute de raisonnement, le même faux pli : une première fois, par rapport à la prétendue innocence absolue des Templiers ; une seconde fois, par rapport à la prétendue universalité de la langue romane primitive ; une troisième fois, par rapport à la prétendue permanence ininterrompue des institutions municipales. Dans ces trois cas il procède de même, s’emparant de quelques points de la question, s’y fixant et s’y affectionnant avec sagacité et opiniâtreté, et concluant du particulier au général sans s’inquiéter de ce qui le gêne et en le sacrifiant. Il a quelque chose de court, de brisé, de pas assez ouvert et étendu dans le raisonnement comme dans la phrase. Il avait des coins, il n’avait pas l’ensemble. Ce défaut, que ne corrigeaient pas suffisamment son bon sens et son exactitude de détail, me paraît essentiel dans la forme de son esprit.

Tel qu’il était, il a rendu de grands services et a exercé une influence utile. Il était l’un des derniers de cette race d’autrefois qui inspirait à tout ce qui l’approchait affection et respect. On souriait du bonhomme Raynouard, mais on sentait la nature énergique en lui, on le reconnaissait pour maître et on l’aimait. Les traits piquants qu’on pourrait raconter à son sujet seraient nombreux, et il faudrait être un Fontenelle pour les présenter avec la discrétion qui sied. Dans les dernières années, il vivait retiré à Passy, dans l’étude, levé dès grand matin, et se plaignant de ne pouvoir pousser encore son travail dans la soirée : « Ah ! disait-il avec regret, si j’avais pu travailler après le dîner, j’aurais fait des encyclopédies. » Il s’était démit en 1829 de ses fonctions de secrétaire perpétuel de l’Académie française, soit pour vaquer plus entièrement à ses études, soit pour quelque autre motif qu’il ne disait pas. Il n’était point marié. Un jour, à propos de je ne sais quel travail, comme on lui disait :

Vous le feriez si vous le vouliez, monsieur Raynouard ; vous pouvez faire tout ce que vous voulez.  Ah ! mon cher ami, répondit-il, il y a pourtant une chose que je n’ai jamais pu faire, c’est de me marier. J’en ai bien eu envie une fois. Mais allant chez ma future, j’entrai un jour par la cuisine, où la domestique venait de laisser fuir le lait qui était sur le feu, et elle la grondait, mais sur un tel ton, que je me suis dit : Ce ne sera pas pour cette fois encore.

Mettez-y toujours l’accent.

On le disait parcimonieux à l’excès : le temps a révélé le secret de ses générosités envers sa famille, et plus d’un acte de bonté sobre et bien entendue. « Tout faire pour conserver, rien pour acquérir », disait-il un jour à un ami dont les yeux s’étaient un peu machinalement fixés sur un vieux tapis qui était dans l’appartement.

Il mourut le 26 octobre 1836, à soixante-quinze ans. Si grand que fût cet âge, sa constitution semblait lui promettre plus. Nous l’avons tous rencontré, dans ses dernières années, arrivant de Passy, déjà fatigué et voûté, courant de l’Institut à l’imprimerie Crapelet, corrigeant lui-même ses épreuves, tout au travail et à l’affaire qui l’amenait, l’impression de son Lexique. Il portait habituellement culottes courtes, bas de laine gris, habit marron, chapeau à larges bords, cheveux blancs, un peu à la Franklin. Il était pressé, familier et brusque ; sa physionomie expressive s’animait d’un œil vif sous un sourcil fin et prudent.