II. (Fin.)
Après le critique, dans Beyle, il faudrait parler
du romancier ; mais il y a quelque chose à dire du rôle qui est peut-être le
sien avant tout, et de la vocation où il a le plus excellé : Beyle est un
guide pénétrant, agréable et sûr, en Italie. Des divers ouvrages qu’il a
publiés et qui sont à emporter en voyage, on peut surtout conseiller ses Promenades dans Rome ; c’est exactement la conversation
d’un cicerone, homme d’esprit et de vrai goût, qui vous
indique en toute occasion le beau, assez pour que vous le sentiez ensuite de
vous-même si vous en êtes digne ; qui mêle à ce qu’il voit ses souvenirs,
ses anecdotes, fait au besoin une digression, mais courte, instruit et
n’ennuie jamais. En face de cette nature « où le climat est le plus
grand des artistes »
, ses Promenades ont le
mérite de donner la note vive, rapide, élevée ; lisez-les en voiturin ou sur
le pont d’un bateau à vapeur, ou le soir après avoir vu ce que l’auteur a
indiqué, vous y trouvez l’impression vraie, idéale, italienne
ou grecque : il a des éclairs de sensibilité naturelle et
d’attendrissement sincère, qu’il secoue vite, mais qu’il communique. Les
défauts de Beyle n’en sont plus quand on le prend de la sorte à l’état de
voyageur et qu’on use de lui pour compagnon. En 1829, il avait déjà visité
Rome six fois. Nommé, après juillet 1830, consul à Trieste d’abord, puis,
sur le refus de l’exequatur par l’Autriche, consul à
Civitavecchia, il était devenu dans les dernières années un habitant de
Rome. En retournant en Italie après cette révolution de Juillet, il ne
l’avait plus retrouvée tout à fait la même :
L’Italie, écrivait-il de Civitavecchia en décembre 1834,
n’est plus comme je l’ai adorée en 1815 ; elle est amoureuse d’une chose
qu’elle n’a pas. Les beaux-arts, pour lesquels seuls elle est faite, ne
sont plus qu’un pis-aller : elle est profondément humiliée, dans son
amour-propre excessif, de ne pas avoir une robe lilas comme ses sœurs
aînées la France, l’Espagne, le Portugal. Mais, si elle l’avait, elle ne
pourrait la porter. Avant tout, il faudrait vingt ans de la verge de fer
d’un Frédéric II pour pendre les assassins et emprisonner les
voleurs.
Il continua d’aimer l’Italie qui était selon son cœur, l’Italie
des arts et sans la politique. Il avait coutume de dire que la politique
intervenant tout à coup dans une conversation agréable et désintéressée, ou
dans une œuvre littéraire, « lui faisait l’effet d’un coup de
pistolet dans un concert »
. Tous ceux qui sont allés à Rome dans
les années où il était consul à Civitavecchia ont pu connaître Beyle, et la
plupart ont eu à profiter de ses indications et de ses lumières ; ce
narquois et ce railleur armé d’ironie était le plus obligeant des hommes. Il
avait beau dire du mal des Français ; quand il y avait longtemps qu’il n’en
avait vu un, et que le nouveau débarqué à Civitavecchia s’adressait à lui
(s’il le trouvait homme d’esprit), combien il était heureux de se
dédommager de son abstinence forcée par des
conversations sans fin ! Il l’accompagnait à Rome et devenait volontiers un
cicerone en personne. Dans un voyage que fit en Italie le savant
M. Victor Le Clerc et dont était le spirituel Ampère, Beyle, qui était de la
partie pour la campagne romaine, égayait les autres, à chaque pas, de ses
saillies, et excellait surtout à mettre ses doctes compagnons en rapport
avec l’esprit des gens du pays : « Le ciel, disait-il, m’a donné le
talent de me faire bien venir des paysans. »
Sa prompte et
gaillarde accortise, sa taille déjà ronde et à la Silène, je ne sais quel
air satyresque qui relevait son propos, tout cela
réussissait à merveille auprès des vendangeurs, des moissonneurs, des jeunes
filles qui allaient puiser l’eau aux fontaines de Tivoli comme du temps
d’Horace. Et ce même homme qui aurait joué au naturel dans un mime antique,
était celui qui sentait si bien le grand et le sublime sous la coupole de
Saint-Pierre. Je dis surtout les qualités de l’homme distingué dont je
parle ; personne ne niera, en effet, qu’il n’eût celles-là77.
Ce n’est pas seulement en Italie que Beyle a été un guide, il a donné en 1838
deux volumes d’un voyage en France sous le titre de Mémoires
d’un touriste : un commis marchand comme il y en a peu est censé
avoir pris, ces notes dont la suite forme un journal assez varié et amusant.
Beyle n’y est plus cependant sur son terrain ; on l’y sent un peu novice sur
cette terre gauloise ; quand il se met à parler antiquités ou art gothique,
on s’aperçoit qu’il vient, l’année précédente, de faire un tour de France
avec M. Mérimée, dont il a profité cette fois et de qui, sur ce point, il
tient sa leçon. Pourtant, pour qui sait lire, il y a de jolies choses comme
partout avec
lui, et des aperçus d’homme d’esprit
qui font penser. Par exemple, sur la route de Langres à Dijon, il rencontre
une petite colline couverte de bois qui, vu le paysage d’alentour, est d’un
grand effet et enchante le regard : « Quel effet, se dit Beyle, ne
ferait pas ici le mont Ventoux ou la moindre des montagnes méprisées
dans les environs de la fontaine de Vaucluse ! »
Et il continue
à rêver, à supposer :
Par malheur, se dit-il, il n’y a pas de hautes montagnes
auprès de Paris : si le ciel eût donné à ce pays un lac et une montagne
passables, la littérature française serait bien autrement pittoresque.
Dans les beaux temps de cette littérature, c’est à peine si La Bruyère,
qui a parlé de toutes choses, ose dire un mot en passant de l’impression
profonde qu’une vue comme celle de Pau ou de Cras en Dauphiné laisse
dans certaines âmes.
Une fois sur le chapitre du pittoresque,
songeant surtout aux jardins anglais, Beyle le fait venir d’Angleterre comme
les bonnes diligences et les bateaux à vapeur : le pittoresque littéraire,
il l’oublie, nous est surtout venu de Suisse et de Rousseau ; mais ce qui
est joli et fin littérairement, c’est la remarque qui suit : « La
première trace d’attention aux choses de la nature que j’aie trouvée
dans les livres qu’on lit, c’est cette rangée de saules sous laquelle se
réfugie le duc de Nemours, réduit au désespoir par la belle défense de
la princesse de Clèves. »
Même en rectifiant et en contredisant
ces manières de dire trop exclusives, on arrive à des idées qu’on n’aurait
pas eues autrement et en suivant le grand chemin battu des écrivains
ordinaires. Sur Diderot, à propos de Langres sa patrie ; sur Riouffe, en
passant à Dijon où il fut préfet ; sur les bords ravissants de la Saône en
approchant de Lyon ; sur l’endroit où Rousseau y passa la nuit à la belle
étoile en entendant le rossignol ; sur cet autre endroit où probablement,
selon lui,
Mme Roland, avant
la Révolution, avait son petit domaine, Mme Roland que
Beyle ne nomme pas et qu’il désigne simplement « la femme que je
respecte le plus au monde »
; sur Montesquieu « dont le
style est une fête pour l’esprit »
; sur une foule de sujets
familiers ou curieux, il y a de ces riens qui ont du prix pour ceux qui
préfèrent un mot vif et senti à une phrase ou même à une page à l’avance
prévue. À la fin du tome II, le Dauphiné est traité par l’auteur avec une
complaisance particulière : Beyle n’est pas ingrat pour sa belle province ;
il en rappelle toutes les gloires, surtout l’illustre Lesdiguières, le
représentant et le type du caractère dauphinois, brave, fin, et
« jamais dupe »
. Beyle tient fort à ce dernier trait qui
est, à lui, sa prétention :
Lesdiguières, ce fin renard, dit-il, comme l’appelait le
duc de Savoie, habitait ordinairement Vizille, et y bâtit un château…
Au-dessus de la porte principale, on voit sa statue équestre en bronze ;
c’est un bas-relief. De loin, les portraits de Lesdiguières ressemblent
à ceux de Louis XIII ; mais, en approchant, la figure belle et vide du
faible fils de Henri IV fait place à la physionomie astucieuse et
souriante du grand général dauphinois qui fut d’ailleurs un des plus
beaux hommes de son temps.
Les souvenirs de 1815 et du retour de l’île d’Elbe y sont
racontés avec détail et avec le feu d’un contemporain et presque d’un
témoin : le passé chevaleresque y est senti avec noblesse. Sur les bords de
l’Isère, apercevant les ruines du château Bayard : « Ici naquit
Pierre Du Terrail, cet homme si simple, dit Beyle, qui, comme le marquis
de Posa de Schiller, semble appartenir par l’élévation et la sérénité de
l’âme à un siècle plus avancé que celui où il vécut. »
Mais
pourquoi, à la page suivante, en visitant le château de Tencin, Beyle,
venant à nommer le cardinal Dubois, tente-t-il en deux mots une
réhabilitation qui crie : « La
France
l’admirerait, dit-il de ce cardinal, s’il fût né grand
seigneur ? »
Dubois en regard de Bayard ! ces disparates et ces
désaccords d’idées se feront bien plus sentir encore quand Beyle voudra
créer pour son compte des personnages.
Romancier, Beyle a eu un certain succès. Je viens de relire la plupart de ses
romans. Le premier en date fut Armance ou quelques scènes d’un
salon de Paris, publié en 1827. Armance ne
réussit pas et fut peu comprise. La duchesse de Duras avait récemment
composé d’agréables romans ou nouvelles qui avaient été très goûtés dans le
grand monde ; elle avait de plus fait lecture, dans son salon, d’un petit
récit non publié qui avait pour titre Olivier. Cette
lecture, plus ou moins fidèlement rapportée, excita les imaginations
au-dehors, et il y eut une sorte de concours malicieux sur le sujet qu’on
supposait être celui d’Olivier
m. Beyle, après Latouche,
eut le tort de s’exercer sur ce thème impossible à raconter et peu agréable
à comprendre. Son Octave, jeune homme riche, blasé, ennuyé, d’un esprit
supérieur, nous dit-on, mais capricieux, inapplicable et ne sachant que
faire souffrir ceux dont il s’est fait aimer, ne réussit qu’à être odieux et
impatientant pour le lecteur. Les salons que l’auteur avait en vue n’y sont
pas peints avec vérité, par la raison très simple que Beyle ne les
connaissait pas. Il y avait encore sous la Restauration une ligne de
démarcation dans le grand monde ; n’allait pas dans le faubourg
Saint-Germain qui voulait ; ceux que leur naissance n’y installait point
tout d’abord n’y étaient pas introduits, comme depuis, sur la seule
étiquette de leur esprit. M. de Balzac et d’autres, à leur heure, n’ont eu
qu’à désirer pour y être admis : avant 1830 c’était matière à négociations,
et, à moins d’être d’un certain coin politique, on n’y parvenait
pas. Beyle, qui vivait dans des salons charmants,
littéraires et autres78, a donc
parlé de ceux du faubourg Saint-Germain comme on parle d’un pays inconnu où
l’on se figure des monstres ; les personnes particulières qu’il a eues en
vue (dans le portrait de Mme de Bonnivet, par exemple)
ne sont nullement ressemblantes ; et ce roman, énigmatique par le fond et
sans vérité dans le détail, n’annonçait nulle invention et nul génie.
Le Rouge et le noir, intitulé ainsi on ne sait trop
pourquoi, et par un emblème qu’il faut deviner, devait paraître en 1830, et
ne fut publié que l’année suivante ; c’est du moins un roman qui a de
l’action. Le premier volume a de l’intérêt, malgré la manière et les
invraisemblances. L’auteur veut peindre les classes et les partis d’avant
1830. Il nous offre d’abord la vue d’une jolie petite ville de Franche-Comté
avec son maire royaliste, homme important, riche, médiocrement sot, qui a
une jolie femme simple et deux beaux enfants ; il s’agit pour lui d’avoir un
précepteur à domicile, afin de faire pièce à un rival de l’endroit dont les
enfants n’en ont pas. Le petit précepteur qu’on choisit, Julien, fils d’un
, enfant de dix-neuf ans, qui sait le latin et qui étudie pour être
prêtre, se présente un matin à la grille du jardin de M. de Rênal (c’est le
nom du maire), avec une chemise bien blanche, et portant sous le bras une
veste fort propre de ratine violette. Il est reçu par Mme de Rênal, un peu étonnée d’abord que ce soit là le précepteur
que son mari ait choisi pour ses enfants. Il arrive que ce petit Julien,
être sensible, passionné, nerveux, ambitieux, ayant tous les vices d’esprit
d’un Jean-Jacques enfant, nourrissant l’envie du
pauvre contre le riche et du protégé contre le puissant, s’insinue, se
fait aimer de la mère, ne s’attache en rien aux enfants, et ne vise bientôt
qu’à une seule chose, faire acte de force et de vengeance par vanité et par
orgueil en tourmentant cette pauvre femme qu’il séduit et qu’il n’aime pas,
et en déshonorant ce mari qu’il a en haine comme son supérieur. Il y a là
une idée. Beyle, au fond, est un esprit aristocratique : un jour, à la vue
des élections, il s’était demandé si cette habitude électorale n’allait pas
nous obliger à faire la cour aux dernières classes comme en Amérique :
« En ce cas, s’écrie-t-il, je deviens bien vite aristocrate. Je
ne veux faire la cour à personne, mais moins encore au peuple qu’au
ministre. »
Beyle est donc très frappé de cette disposition à
faire son chemin, qui lui semble désormais l’unique
passion sèche de la jeunesse instruite et pauvre, passion qui domine et
détourne à son profit les entraînements mêmes de l’âge : il la personnifie
avec assez de vérité au début dans Julien. Il avait pour ce commencement de
roman un exemple précis, m’assure-t-on, dans quelqu’un de sa connaissance,
et, tant qu’il s’y est tenu d’assez près, il a pu paraître vrai. La prompte
introduction de ce jeune homme timide et honteux dans ce monde pour lequel
il n’avait pas été élevé, mais qu’il convoitait de loin ; ce tour de vanité
qui fausse en lui tous les sentiments, et qui lui fait voir, jusque dans la
tendresse touchante d’une faible femme, bien moins cette tendresse même
qu’une occasion offerte pour la prise de possession des élégances et des
jouissances d’une caste supérieure ; cette tyrannie méprisante à laquelle il
arrive si vite envers celle qu’il devrait servir et honorer ; l’illusion
prolongée de cette fragile et intéressante victime, Mme de Rênal : tout cela est bien rendu ou du moins le serait, si
l’auteur avait un peu moins d’inquiétude et d’épigramme dans la manière de
raconter. Le défaut de Beyle comme romancier
est de n’être venu à ce genre de composition que par la critique, et d’après
certaines idées antérieures et préconçues ; il n’a point reçu de la nature
ce talent large et fécond d’un récit dans lequel entrent à l’aise et se
meuvent ensuite, selon le cours des choses, les personnages tels qu’on les a
créés ; il forme ses personnages avec deux ou trois idées qu’il croit justes
et surtout piquantes, et qu’il est occupé à tout moment à rappeler. Ce ne
sont pas des êtres vivants, mais des automates ingénieusement construits ;
on y voit, presque à chaque mouvement, les ressorts que le mécanicien
introduit et touche par le dehors. Dans le cas présent, dans Le Rouge et le noir, Julien, avec les deux ou trois idées fixes
que lui a données l’auteur, ne paraît plus bientôt qu’un petit monstre
odieux, impossible, un scélérat qui ressemble à un Robespierre jeté dans la
vie civile et dans l’intrigue domestique : il finit en effet par l’échafaud.
Le tableau des partis et des cabales du temps, que l’auteur a voulu peindre,
manque aussi de cette suite et de cette modération dans le développement qui
peuvent seules donner idée d’un vrai tableau de mœurs. Le dirai-je ? avoir
trop vu l’Italie, avoir trop compris le xve
siècle romain ou florentin, avoir trop lu Machiavel, son Prince et sa vie de l’habile tyran Castruccio, a nui à
Beyle pour comprendre la France et pour qu’il pût lui présenter de ces
tableaux dans les justes conditions qu’elle aime et qu’elle applaudit.
Parfaitement honnête homme et homme d’honneur dans son procédé et ses
actions, il n’avait pas, en écrivant, la même mesure morale que nous ; il
voyait de l’hypocrisie là où il n’y a qu’un sentiment de convenance légitime
et une observation de la nature raisonnable et honnête, telle que nous la
voulons retrouver même à travers les passions.
Dans les nouvelles ou romans qui ont des sujets
italiens, il a mieux réussi. Pendant son séjour dans l’État romain, tout en
faisant des fouilles et en déterrant des vases noirs « qui ont 2700
ans, à ce qu’ils disent »
(je doute là, comme ailleurs,
ajoutait-il), il avait mis ses économies à acheter le droit de faire des
copies dans des archives de famille gardées avec une jalousie extrême, et
d’autant plus grande que les possesseurs ne savaient pas lire :
J’ai donc, disait-il, huit volumes in-folio (mais la page
écrite d’un seul côté) parfaitement vrais, écrits par les contemporains
en demi-jargon. Quand je serai de nouveau pauvre diable, vivant au
quatrième étage, je traduirai cela fidèlement ; la
fidélité, suivant moi, en fait tout le mérite.
Il se demandait s’il pourrait intituler ce recueil :
« Historiettes romaines, fidèlement traduites
des récits écrits par les contemporains, de 1400 à
1650. »
Son scrupule (car il en avait comme puriste) était
de savoir si l’on pouvait dire historiette d’un récit
tragique. L’Abbesse de Castro, publiée d’abord dans la Revue des deux mondes (février et mars 1839), appartenait
probablement à cette série d’historiettes sombres et sanglantes. L’auteur ou
le traducteur se plaît à trouver dans l’amour d’Hélène pour Jules
Branciforte un de ces amours passionnés qui n’existent
plus, selon lui, en 1838, et qu’on trouverait fort ridicules si on les
rencontrait ; amours « qui se nourrissent de grands sacrifices, ne
peuvent subsister qu’environnés de mystère, et se trouvent toujours
voisins des plus affreux malheurs »
. Beyle cherche ainsi dans le
roman une pièce à l’appui de son ancienne et constante théorie, qui lui
avait fait dire : « L’amour est une fleur délicieuse, mais il faut
avoir le courage d’aller la cueillir sur les bords d’un précipice
affreux. »
Ce genre brigand et ce genre romain est bien saisi
dans L’Abbesse de Castro ; cependant on sent que,
littérairement, cela devient un genre comme un autre, et
qu’il n’en faut pas abuser. Dans une autre nouvelle de
lui, San Francesco a Ripa, imprimée depuis sa mort (Revue des deux mondes, 1er juillet 1847), je trouve encore une historiette de passion romaine,
dont la scène est, cette fois, au commencement du xviiie
siècle ; la jalousie d’une jeune princesse du pays s’y
venge de la légèreté d’un Français infidèle et galant : le récit y est vif,
cru et brusqué. Il y a profusion, à la fin, de balles et de coups de
tromblon qui tuent l’infidèle ainsi que son valet de chambre : « ils
étaient percés de plus de vingt balles chacun »
, tant on avait
peur de manquer le maître. Dans le genre plus classique de Didon et
d’Ariane, dans les romans du ton et de la couleur de La Princesse de Clèves, on prodigue moins les balles et les coups
mortels, on a les plaintes du monologue, les pensées délicates, les nuances
de sentiment ; quand on a poussé à bout l’un des genres, on passe volontiers
à l’autre pour se remettre en goût ; mais, abus pour abus, un certain excès
poétique de tendresse et d’effusion dans le langage est encore celui dont on
se lasse le moins.
La Chartreuse de Parme (1839) est de tous les romans de
Beyle celui qui a donné à quelques personnes la plus grande idée de son
talent dans ce genre. Le début est plein de grâce et d’un vrai charme. On y
voit Milan depuis 1796, époque de la première campagne d’Italie, jusqu’en
1813, la fin des beaux jours de la cour du prince Eugène. C’est une idée
heureuse que celle de ce jeune Fabrice, enthousiaste de la gloire, qui, à la
nouvelle du débarquement de Napoléon en 1815, se sauve de chez son père avec
l’agrément de sa mère et de sa tante pour aller combattre en France sons les
aigles reparues. Son odyssée bizarre a pourtant beaucoup de naturel ; il
existe en anglais un livre qui a donné à Beyle son idée : ce sont les Mémoires d’un soldat du 71e régiment
qui a assisté à la bataille de Vittoria sans y
rien comprendre, à peu près comme Fabrice assiste à celle de Waterloo en se
demandant après si c’est bien à une bataille qu’il s’est trouvé et s’il peut
dire qu’il se soit réellement battu. Beyle a combiné avec les souvenirs de
sa lecture d’autres souvenirs personnels de sa jeunesse, quand il partait à
cheval de Genève pour assister à la bataille de Marengo. J’aime beaucoup ce
commencement ; je n’en dirai pas autant de ce qui suit. Le roman est moins
un roman que des mémoires sur la vie de Fabrice et de sa tante, Mme de Pietranera, devenue duchesse de Sanseverina. La
morale italienne, dont Beyle abuse un peu, est décidément trop loin de la
nôtre. Fabrice, d’après ses débuts et son éclair d’enthousiasme en 1815,
pouvait devenir un de ces Italiens distingués, de ces libéraux aristocrates,
nobles amis d’une régénération peut-être impossible, mais tenant par leurs
vœux, par leurs études et par la générosité de leurs désirs, à ce qui nous
élève en idée et à ce que nous comprenons (Santa-Rosa, Cesare Balbo,
Capponi). Mais Beyle, en posant ainsi son héros, aurait eu trop peur de
retomber dans le lieu commun d’en deçà des Alpes. Il a fait de Fabrice un
Italien de pur sang, tel qu’il le conçoit, destiné sans vocation à devenir
archevêque, bientôt coadjuteur, médiocrement et mollement spirituel,
libertin, faible (lâche, on peut dire), courant chaque matin à la chasse du
bonheur ou du plaisir, amoureux d’une Marietta, comédienne de campagne,
s’affichant avec elle sans honte, sans égards pour lui-même et pour son
état, sans délicatesse pour sa famille et pour cette tante qui l’aime trop.
Je sais bien que Beyle a posé en principe qu’un Italien pur ne ressemble en
rien à un Français et n’a pas de vanité, qu’il ne feint pas l’amour quand il
ne le ressent pas, qu’il ne cherche ni à plaire, ni à étonner, ni à
paraître, et qu’il se contente d’être lui-même en liberté ; mais ce que
Fabrice
est et paraît dans presque tout le roman,
malgré son visage et sa jolie tournure, est fort laid, fort plat, fort
vulgaire ; il ne se conduit nulle part comme un homme, mais comme un animal
livré à ses appétits, ou un enfant libertin qui suit ses caprices. Aucune
morale, aucun principe d’honneur : il est seulement déterminé à ne pas
simuler de l’amour quand il n’en a pas ; de même qu’à la fin, quand cet
amour lui est venu pour Clélia, la fille du triste général Fabio Conti, il y
sacrifiera tout, même la délicatesse et la reconnaissance envers sa tante.
Beyle, dans ses écrits antérieurs, a donné une définition de l’amour passionné qu’il attribue presque en propre à l’Italien et
aux natures du Midi : Fabrice est un personnage à l’appui de sa théorie ; il
le fait sortir chaque matin à la recherche de cet amour, et ce n’est que
tout à la fin qu’il le lui fait éprouver ; celui-ci alors y sacrifie tout,
comme du reste il faisait précédemment au plaisir. Les jolies descriptions
de paysage, les vues si bien présentées du lac de Côme et de ses environs,
ne sauraient par leur cadre et leur reflet ennoblir un personnage si peu
digne d’intérêt, si peu formé pour l’honneur, et si prêt à tout faire, même
à assassiner, pour son utilité du moment et sa passion. Il y a un moment où
Fabrice tue quelqu’un, en effet ; il est vrai que, cette fois, c’est à son
corps défendant. Il se bat d’un manière assez ignoble sur la grande route
avec un certain Giletti, comédien et protecteur de la Marietta dont Fabrice
est l’ami de choix. S’il fallait discuter la vraisemblance de l’action dans
le roman, on pourrait se demander comment il se fait que cet accident de
grande route ait une si singulière influence sur la destinée future de
Fabrice ; on demanderait pourquoi celui-ci, ami (ou qui peut se croire tel)
du prince de Parme et de son Premier ministre, coadjuteur et très en crédit
dans ce petit État, prend la fuite comme un malfaiteur,
parce qu’il lui est arrivé de tuer devant témoins, en se
défendant, un comédien de bas étage qui l’a menacé et attaqué le premier. La
conduite de Fabrice, sa fuite , et les conséquences que l’auteur
en a tirées, seraient inexplicables si l’on cherchait, je le répète, la
vraisemblance et la suite dans ce roman, qui n’est guère d’un bout à l’autre
(j’en excepte le commencement) qu’une spirituelle mascarade italienne. Les
scènes de passion, dont quelques-unes sont assez belles, entre la duchesse
tante de Fabrice et la jeune Clélia, ne rachètent qu’à demi ces
impossibilités qui sautent aux yeux et qui heurtent le bon sens. La part de
vérité de détail, qui peut y être mêlée, ne me fera jamais prendre ce
monde-là pour autre chose que pour un monde de fantaisie, fabriqué tout
autant qu’observé par un homme de beaucoup d’esprit qui fait, à sa manière,
du marivaudage italien. L’affectation et la grimace du genre se marquent de
plus en plus en avançant. Au sortir de cette lecture, j’ai besoin de relire
quelque roman tout simple et tout uni, d’une bonne et large nature humaine,
où les tantes ne soient pas éprises de leurs neveux, où les coadjuteurs ne
soient pas aussi libertins et aussi hypocrites que Retz pouvait l’être dans
sa jeunesse, et beaucoup moins spirituels ; où l’empoisonnement, la
tromperie, les lettres anonymes, toutes les noirceurs, ne soient pas les
moyens ordinaires et acceptés comme indifférents ; où, sous prétexte d’être
simple et de fuir l’effet, on ne me jette pas dans des complications
incroyables et dans mille dédales plus effrayants et plus tortueux que ceux
de l’antique Crète.
Depuis que Beyle taquine la France et les sentiments que nous portons dans
notre littérature et dans notre société, il m’a pris plus d’une fois envie
de la défendre. Une de ses grandes théories, et d’après laquelle il a écrit
ensuite ses romans, c’est qu’en France l’amour est à peu
près inconnu ; l’amour digne de ce nom, comme il
l’entend, l’amour-passion et maladie, qui, de sa nature,
est quelque chose de tout à fait à part, comme l’est la cristallisation dans
le règne minéral (la comparaison est de lui) : mais quand je vois ce que
devient sous la plume de Beyle et dans ses récits cet amour-passion chez les
êtres qu’il semble nous proposer pour exemple, chez Fabrice quand il est
atteint finalement, chez l’abbesse de Castro, chez la princesse Campobasso,
chez Mina de Wangel (autre nouvelle de lui), j’en reviens à aimer et à
honorer l’amour à la française, mélange d’attrait physique sans doute, mais
aussi de goût et d’inclination morale, de galanterie délicate, d’estime,
d’enthousiasme, de raison même et d’esprit, un amour où il reste un peu de
sens commun, où la société n’est pas oubliée entièrement, où le devoir n’est
pas sacrifié à l’aveugle et ignoré. Pauline, dans Corneille, me représente
bien l’idéal de cet amour, où il entre des sentiments divers, et où
l’élévation et l’honneur se font entendre. On en trouverait, en descendant,
d’autres exemples compatibles avec l’agrément et une certaine décence dans
la vie, amour ou liaison, ou attachement respectueux et tendre, peu importe
le nom79. L’amour-passion, tel que me l’ont peint dans Médée,
dans Phèdre ou dans Didon, des chantres immortels, est touchant à voir grâce
à eux, et j’en admire le tableau : mais cet amour-passion, devenu
systématique chez Beyle, m’impatiente ; cette espèce de maladie animale,
dont Fabrice est l’idéal à la fin de sa carrière, est fort laide et n’a rien
d’attrayant dans sa conclusion hébétée. Quand on a lu cela, on revient
tout naturellement, ce me semble, en fait de
compositions romanesques, au genre français, ou du moins à un genre qui soit
large et plein dans sa veine ; on demande une part de raison, d’émotion
saine, et une simplicité véritable telle que l’offrent l’histoire des Fiancés de Manzoni, tout bon roman de Walter Scott, ou une
adorable et vraiment simple nouvelle de Xavier de Maistre. Le reste n’est
que l’ouvrage d’un homme d’esprit qui se fatigue à combiner et à lier des
paradoxes d’analyse piquants et imprévus, auxquels il donne des noms
d’hommes ; mais les personnages n’ont point pris véritablement naissance
dans son imagination ou dans son cœur, et ils ne vivent pas.
On voit combien je suis loin, à l’égard de La Chartreuse de
Beyle, de partager l’enthousiasme de M. de Balzac. Celui-ci a tout
simplement parlé de Beyle romancier comme il aurait aimé à ce qu’on parlât
de lui-même : mais lui du moins, il avait la faculté de concevoir d’un jet
et de faire vivre certains êtres qu’il lançait ensuite dans son monde réel
ou fantastique et qu’on n’oubliait plus. Il a fort loué dans La Chartreuse le personnage du comte de Mosca, le ministre homme
d’esprit d’un petit État despotique, et dans lequel il avait cru voir un
portrait ressemblant du prince de Metternich : Beyle n’y avait jamais pensé.
On ne peut d’ailleurs se ressembler moins que Beyle et M. de Balzac. Ce
dernier était aussi confiant que l’autre l’était peu ; Beyle était toujours
en garde contre le sot, et craignait tout ce qui eût laissé percer la
vanité. Il songeait sans cesse au ridicule et à n’y pas prêter, et
M. de Balzac n’en avait pas même le sentiment. Lorsque M. de Balzac fit sur
Beyle, à propos de La Chartreuse, l’article inséré dans
les Lettres parisiennes, Beyle, à la fin de sa réponse
datée de Civitavecchia (octobre 1840), et après des remerciements confus
pour cette bombe outrageuse d’éloges à laquelle
il s’attendait si peu, lui disait :
Cet article étonnant, tel que jamais écrivain ne le reçut
d’un autre, je l’ai lu, j’ose maintenant vous l’avouer, en
éclatant de rire. Toutes les fois que j’arrivais à une louange
un peu forte, et j’en rencontrais à chaque pas, je voyais la mine que
feraient mes amis en le lisant80.
Tous deux ne différaient pas moins par la manière dont ils
concevaient la forme et le style, ou la façon de s’exprimer. Sur ce point,
M. de Balzac croyait n’en avoir jamais fait assez. Dans ses Mémoires d’un touriste, Beyle, passant dans je ne sais quelle
ville de Bourgogne, a dit :
J’ai trouvé dans ma chambre un volume de M. de Balzac,
c’est L’Abbé Biroteau de Tours. Que j’admire cet
auteur ! qu’il a bien su énumérer les malheurs et petitesses de la
province ! Je voudrais un style plus simple ; mais, dans ce cas, les
provinciaux l’achèteraient-ils ? Je suppose qu’il fait ses romans en
deux temps ; d’abord raisonnablement, puis il les habille en beau style
néologique, avec les patiments de l’âme, il neige dans mon cœur, et autres belles choses.
De son côté, M. de Balzac trouvait qu’il manquait quelque chose
au
style de Beyle, et nous le trouvons aussi.
Celui-ci dictait ou griffonnait comme il causait ; quand il voulait corriger
ou retoucher, il refaisait autrement, et recommençait à tout hasard pour la
seconde ou troisième fois, sans mieux faire nécessairement que la première.
Ce qu’il n’avait pas saisi du premier mot, il ne l’atteignait pas, il ne le
réparait pas. Son style, en appuyant, n’éclaircit pas sa pensée ; il se
faisait des idées singulières des écrivains proprement dits :
Quand je me mets à écrire, disait-il, je ne songe plus à
mon beau idéal littéraire ; je suis assiégé par des
idées que j’ai besoin de noter. Je suppose que M. Villemain est assiégé
par des formes de phrases ; et, ce qu’on appelle un poète, M. Delille ou
Racine, par des formes de vers. Corneille était agité par des formes de
réplique.
Enfin il se donne bien de la peine pour s’expliquer une chose
très simple ; il n’était pas de ceux à qui l’image arrive dans la pensée, ou
chez qui l’émotion lyrique, éloquente, éclate et jaillit par places dans un
développement naturel et harmonieux. L’étude première n’avait rien fait chez
lui pour suppléer à ce défaut ; il n’avait pas eu de maître, ni ce
professeur de rhétorique qu’il est toujours bon d’avoir eu, dût-on
s’insurger plus tard contre lui. Il sentait bien, malgré la théorie qu’il
s’était faite, que quelque chose lui manquait. En paraissant mépriser le
style, il en était très préoccupé.
En critiquant ainsi avec quelque franchise les romans de Beyle, je suis loin
de le blâmer de les avoir écrits. S’il se peut faire encore des
chefs-d’œuvre, ce n’est qu’en osant derechef tenter la carrière, au risque
de s’exposer à rester en chemin par bien des œuvres incomplètes. Beyle eut
ce genre de courage. En 1825, il y avait une école ultra-critique et toute
raisonneuse qui posait ceci en principe : « Notre siècle comprendra les chefs-d’œuvre, mais n’en fera
pas. Il y a des époques
d’artistes, il en est
d’autres qui ne produisent que des gens d’esprit, d’infiniment d’esprit si
vous voulez. » Beyle répondait à cette théorie désespérante dans une lettre
insérée au Globe le 31 mars 1825 :
Pour être artiste après les La Harpe, il faut un courage de
fer. Il faut encore moins songer aux critiques qu’un jeune officier de
dragons, chargeant avec sa compagnie, ne songe à l’hôpital et aux
blessures. C’est le manque absolu de ce courage qui
cloue dans la médiocrité tous nos pauvres poètes. Il faut écrire pour se
faire plaisir à soi-même, écrire comme je vous écris cette lettre ;
l’idée m’en est venue, et j’ai pris un morceau de papier. C’est faute de
courage que nous n’avons plus d’artistes.
Nierez-vous que Canova et Rossini ne soient de grands artistes ? Peu
d’hommes ont plus méprisé les critiques. Vers 1785, il n’y avait
peut-être pas un amateur à Rome qui ne trouvât ridicules les ouvrages de
Canova, etc.
Toutes les fois que Beyle a eu une idée, il a donc pris un
morceau de papier, et il a écrit, sans s’inquiéter du qu’en dira-t-on, et
sans jamais mendier d’éloges : un vrai galant homme en cela. Ses romans sont
ce qu’ils peuvent, mais ils ne sont pas vulgaires ; ils sont comme sa
critique, surtout à l’usage de ceux qui en font ; ils donnent des idées et
ouvrent bien des voies. Entre toutes ces pistes qui s’entrecroisent,
peut-être l’homme de talent dans le genre trouvera la sienne.
Plusieurs écrivains dans ces derniers temps, et après M. de Balzac, se sont
occupés de Beyle, de sa vie, de son caractère et de ses œuvres : M. Arnould
Frémy, M. Paulin Limayrac, M. Charles Monselet, ont parlé de lui tour à
tour ; il y a à s’instruire sur son compte à leurs discussions et à leurs
spirituelles analyses ; mais s’ils me permettent de le dire, pour juger au
net de cet esprit assez compliqué et ne se rien exagérer dans aucun sens,
j’en reviendrai toujours de préférence, indépendamment de mes propres
impressions et souvenirs, à ce que m’en diront ceux qui l’ont connu en ses
bonnes années et à ses origines, à ce qu’en dira M. Mérimée, M. Ampère, à
ce que m’en dirait Jacquemont s’il vivait,
ceux en un not qui l’ont beaucoup vu et goûté sous sa forme première. — Au
physique, et sans être petit, il eut de bonne heure la taille forte et
ramassée, le cou court et sanguin ; son visage plein s’encadrait de favoris
et de cheveux bruns frisés, artificiels vers la fin ; le front était beau,
le nez retroussé et quelque peu à la kalmouck ; la lèvre inférieure avançait
légèrement et s’annonçait pour moqueuse. L’œil assez petit, mais très vif,
sous une voûte sourcilière prononcée, était fort joli dans le sourire.
Jeune, il avait eu un certain renom dans les bals de la Cour par la beauté
de sa jambe, ce qu’on remarquait alors. Il avait la main petite et fine,
dont il était fier. Il devint lourd et apoplectique dans ses dernières
années, mais il était fort soigneux de dissimuler, même à ses amis, les
indices de décadence. Il mourut subitement à Paris, où il était en congé, le
23 mars 1842, âgé de cinquante-neuf ans. En continuant littérairement avec
originalité et avec une sorte d’invention la postérité française des
Chamfort, des Rulhière, de ces hommes d’esprit qu’il rappelle par plus d’un
trait ou d’une malice, Beyle avait au fond une droiture et une sûreté dans
les rapports intimes qu’il ne faut jamais oublier de reconnaître quand on
lui a dit d’ailleurs ses vérités.
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