(1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372
/ 2696
(1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

M. Ch. de Barthélémy

Les Confessions de Fréron.

I

Ce livre, qui n’est qu’un extrait d’une chose immense, aura-t-il la puissance de faire revenir à cette chose immense oubliée ?… Fréron, le vil folliculaire Fréron, comme rappelait Voltaire, qui n’était pas vil, lui, comme on sait ! a écrit près de deux cents volumes que le xixe  siècle, fils du xviiie , ne lit pas. Le xviiie  siècle, parricide et infanticide à la fois, le xviiie  siècle, qui a tué la tradition française, a étouffé l’œuvre de Fréron, un de ses plus nobles enfants, et qui, littérairement, représentait la tradition française. Rien de plus odieux, de plus abominable, et disons le mot, de plus assassin, que la conduite des philosophes du xviiie  siècle contre Fréron. Ils le persécutèrent avec l’acharnement d’une férocité sans égale. Ces hommes qui se sont vantés d’avoir mis la liberté dans le monde, ces charlatans et ces menteurs, ces Tartufes de philosophie, agirent hideusement contre l’homme qui les jugea, toute sa vie, avec une indépendance lumineuse… Ils l’insultèrent ; ils le jetèrent au donjon de Vincennes ; ils finirent par faire supprimer son Année littéraire, et ils tuèrent, par là, l’œuvre et l’homme, car il en mourut… Et quand leur révolution triomphante eut passé sur cet assassinat, le xixe  siècle, qui n’avait dans ses grandes oreilles d’âne que le bruit des choses de la Révolution, Pavait oublié, et il fallut… quoi ? une fantaisie de Jules Janin qui, par hasard, avait lu un peu de Fréron, comme La Fontaine avait lu un peu de Baruch, pour que ce nom de Fréron apparût, dans la littérature du xixe  siècle, avec le respect qu’on lui doit.

Chose piquante, malgré sa gravité ! il fallut Janin, le superficiel, Janin, le galoubet du Journal des Débats, le spirituel, mais étourdi Janin, l’homme du « cardinal de la mer » et de cent autres bévues, mais qui, ce jour-là, n’en fit pas une, pour venger — autant que ce flageolet pouvait sonner l’heure de la vengeance — le plus grand honnête homme et le plus grand critique du xviiie  siècle… Oui, cet enfant, aux rondeurs impuissantes, s’arma pour cette querelle de Fréron :

Des femmes, des enfants s’arment pour ta querelle !

Que Joseph de Maistre eût pris fait et cause pour le grand critique, étranglé par les Eunuques du xviiie  siècle, rien de moins étonnant, et de plus naturel. Joseph de Maistre et Fréron, c’étaient gens de même race, de même religion, de mêmes principes ; mais Janin, le Janin des Débats, qui fut d’abord le petit Janin et puis après le gros Janin, ce gros petit Janin qui roulait le cerceau de sa fantaisie dans tous les chemins en spirale d’un feuilleton sans direction, — mais qui parfois rencontrait le bon sens, — et que ce fût précisément celui-là qui, comme le rat rongeant le filet du lion, se portât fort, pour Fréron contre cet énorme démon de Voltaire, c’était vraiment là de l’inattendu et du frappant ! Et Dieu, qui prit David pour tuer Goliath, ne pouvait pas faire une plus spirituelle justice.

Seulement, elle ne fut pas complète. Janin avait eu l’heureuse idée d’une édition des Œuvres de Fréron, mais cela parut bientôt trop lourd à ses mains potelées. Le livre de M. Ch. de Barthélémy ne remplacera pas l’édition qui manque, et qui sortirait la gloire et les travaux de Fréron de la crypte des bibliothèques où ils gisent ensevelis, — comme dans la crypte des monastères mérovingiens, les cadavres des fils de Roi assassinés !

II

Je crois donc le livre de M. de Barthélémy insuffisant. C’était ma première impression quand j’ai ouvert le livre, et la dernière quand je l’ai fermé. Ce livre, d’une haleine très saine et très pure, ressemble à un verre d’eau versé pieusement sur une mémoire qu’on veut faire refleurir ; mais ce n’est qu’un verre d’eau, et pour faire relever la tête à cette fleur, piétinée et souillée par les boueux du xviiie  siècle, il faudrait davantage. M. de Barthélemy a très bien choisi les passages de Fréron, qu’il a empruntés à tous ses ouvrages, et en particulier à L’Année littéraire, ce colossal recueil. Mais ces divers passages, qui donnent une idée fort nette du genre d’esprit de Fréron, de sa manière de penser et d’exprimer sa pensée ; ne donnent pas du tout la manière personnelle du critique… Le penseur y est. L’homme des idées générales y brille dans son éther. Mais l’homme de ces idées générales, appliquées à l’œuvre et à l’auteur que Fréron critique, n’y est pas. Pour avoir fait des encyclopédistes, et de toute la cuistrerie philosophique à la suite, les ennemis implacables qui se sont rués sur lui, comme la meute enragée des chiens de Diane sur Actéon, il y a dû avoir sous la plume de Fréron autre chose que ces placides citations faites par M. de Barthélemy… Admettons, si l’on veut, que cet esprit très haut eut le calme des choses très hautes, — des choses placées dans le voisinage du ciel, — admettons que ce sagittaire pour la Vérité contre l’erreur n’étendit jamais de poison sur la pointe de ses flèches, toujours est-il qu’il n’aurait pas produit de ces colères, de ces haines et de ces ressentiments personnels, s’il n’avait pas meurtri davantage les personnalités vaniteuses auxquelles il répondait en sa qualité de critique. Or, c’est cette personnalité du critique contre la personnalité des critiqués que j’aurais voulu trouver aussi dans ce livre des Confessions de Fréron, qui sont plus des extractions que des confessions… parce qu’il n’y a de critique efficace, de critique qui mérite ce nom de critique, qu’à la condition de traverser l’homme par le livre et le livre par l’homme… Je sais que le préjugé contraire court les chemins. Mais qu’importe ! L’impersonnalité n’est qu’une rêverie et une prétention de l’esprit humain. Au sens strict et métaphysiquement exact des mots, il n’y a pas d’impersonnalité. On est toujours quelqu’un ; on est donc toujours personnel… Et ceux qui veulent que la Critique fasse abstraction de la personne qui est toujours derrière un livre pour en expliquer le dedans, ou ne connaissent rien à la façon dont sont faites les œuvres des hommes, ou sont des esprits lâches, s’abdiquant eux-mêmes par lâcheté et prenant toutes les précautions de la lâcheté quand ils frappent. Eh bien ! c’est ce Fréron-là, le Fréron personnel que j’aurais voulu voir de plus près dans le livre de M. de Barthélemy. Il nous a donné l’homme des principes et du goût, — le législateur du Parnasse, comme on disait du temps de Boileau, — mais j’aurais voulu l’exécuteur des hautes-œuvres, dont ne peut se passer aucune législation.

Et à cette manière de citer Fréron, il n’y a d’exception, dans ce livre, où je ne vois personne, bœuf ou taureau, pris aux cornes par ce rude toucheur qui était de force à les rompre, qu’en faveur de Voltaire. Et elle était bien due, cette exception, à l’auteur de L’Écossaise et des infamies du Pauvre Diable ; elle était bien due à Voltaire, la nature la plus scélérate qui fût parmi les scélérats qui se mettaient en troupe contre Fréron. M. Charles de Barthélemy a retiré du corps de l’affreux Python immolé quelques-unes des floches lumineuses qui éclairèrent la laideur du reptile en l’atteignant, et que Fréron tant de fois lança sur Voltaire avec le calme et la sérénité d’un Dieu. Il a cité le portrait anonyme dont tout le monde, dans le temps, reconnut le modèle ; ce portrait d’une touche si ferme, si sobre et si majestueusement sévère… Il a cité l’ironique compte rendu de la première représentation de L’Écossaise, dans lequel Fréron prit dans sa main, juste comme une balance, la fange qu’on lui jetait à la figure, et pesa ce paquet de fange qui pesait trop peu pour le blesser ! Il a cité l’ingénieuse Lettre sur Saadi à M. de Voltaire, qui raconte à Voltaire, sous le nom de Saadi, sa propre histoire ; et enfin le jugement sur Voltaire, qui n’a pas bougé depuis qu’il fut écrit, et que les admirateurs de Voltaire lui-même sont obligés d’accepter comme le dernier mot sur un homme qui, à force d’esprit, s’est fait prendre frauduleusement pour un génie. Car Fréron, qui a été cruel pour Voltaire en disant simplement ce qu’il était sans déclamation et sans fureur d’indignation et de coloris, comme Joseph de Maistre, Fréron n’a été si impartial avec l’homme qui l’avait si perfidement et si atrocement blessé, que parce que lui, Fréron, était invulnérable !

III

Il l’était, en effet. L’invulnérabilité, cette qualité presque surhumaine, fut le caractère de la critique de Fréron et de sa personne, — le caractère de son caractère tout entier. Cet homme, moralement et littérairement si brave, fut un Achille sans talon. Dans quel Styx sa mère l’avait-elle trempé ?… Il faut être au courant de la vie que lui firent les philosophes, qui pouvaient tout dans le temps où la France était au pillage de leurs idées et de leurs ambitions, pour savoir à quel point sublime Fréron poussa l’invulnérabilité. Je l’ai déjà dit, les philosophes l’insultèrent comme jamais personne peut-être, dans l’Histoire littéraire, ne fut insulté. Aux injures, ils ajoutèrent les plus monstrueuses calomnies. Voltaire pour sa part, ce singe-tigre, comme disait Alfieri des Français de 93, fit de lui un embrigadeur de coupe-jarrets littéraires. Voltaire écrivit gravement, comme si ç’avait été un point d’histoire, que Fréron sortait des galères, et les autres de rire de ce bon tour ! On l’emprisonna, comme un criminel d’État, à Vincennes. On le traîna sur le théâtre, comme Aristophane y avait traîné Socrate ; mais il fut vengé par la platitude d’une comédie, qui n’était pas d’Aristophane ! Journaliste qui défendit pendant toute une vie, qui fut longue, la Religion, la Royauté, la Morale dont on ne voulait plus, dans la démence universelle, on lui coupa, on lui hacha son journal avec les ciseaux d’une censure qui a déshonoré Malesherbes, lequel tenait, pour le compte des encyclopédistes, et faisait aller ces ciseaux, tombés depuis et lavés dans son sang, heureusement pour sa gloire ! Après vingt-trois ans de luttes, on finit par supprimer à Fréron son journal, son Année littéraire, l’illustration de toute sa vie, son mérite devant Dieu ! et cette suppression foudroya ce cœur dans lequel il n’avait jamais passé une palpitation de colère. Jusque-là, il avait mérité de s’appeler de ce beau nom qu’ils ont en Écosse, il était digne de s’appeler du nom de Marmor ; car, marbre il était, et les marbres, sur lesquels tout tombe sans rayer leur surface polie, n’avaient pas plus que lui de froide impassibilité. Il est vrai qu’il était né sur la terre des granits et des chênes. Il était Breton, il était du pays des dolmens immobiles et des pierres de Karnac, à la vibration continue et à l’équilibré éternel. On ne lui fit jamais perdre le sien. Regardez son portrait, à la tête du volume de M. de Barthélemy ! C’est bien là une figure celtique, avec son front étroit et dur, renflé aux tempes, le profil coupant et recourbé, cette maxillaire en saillie, — l’assise solide d’un visage qui n’exprime que la force, — tout cela porté sur de hautes épaules comme en ont les hommes faits pour la guerre, et vous reconnaissez la race opiniâtre qui ne sait pas reculer, la race héroïque qui va de Beaumanoir, du combat des Trente, jusqu’à ce Georges Cadoudal qui mourut pour avoir voulu le renouveler !

Fréron eut aussi son combat des Trente, mais il était seul et les Trente étaient contre lui… Dans l’ordre moral, Fréron fut un héros… Dans l’ordre intellectuel et littéraire, voyons ce qu’il fut, et si le talent de l’écrivain et du critique fut aussi grand que l’âme du héros.

IV

Dans tous les cas, ce talent fut grand. Fréron est le premier critique du xviiie  siècle ; c’est incontestable. Il ne fut pas un critique comme le fut Diderot, qui n’avait que des sensations et de l’enthousiasme sans profondeur. Fréron, lui, avait des principes, et son enthousiasme se recueillait pour être plus profond ; Diderot était un des enfants perdus d’un siècle qui allait aux abîmes, comme l’astrologue allait au puits… À proprement parler, Fréron n’était pas de ce siècle-là. Il était du siècle précédent. Il était un homme du xviie  siècle tombé dans le xviiie et qui, naturellement, ne s’y trouva pas à merveille. C’était une espèce de Boileau en prose, élargi et vaste, avec plus de chaleur au cœur que Boileau et plus heureux, car les dindons auxquels il eut affaire toute sa vie ne purent jamais l’émasculer… Il a même jugé Boileau, qu’il respectait, de manière à faire croire qu’il le dominait par le sens critique. « Boileau — a-t-il dit quelque part — était idolâtre des Anciens, et devait l’être, sans doute, par goût et par reconnaissance ; mais il se mêle toujours de la superstition dans tous les cultes, et sa délicatesse en est une preuve. » Fréron, cet inconnu au xixe  siècle, était une imagination puissante, réglée par une raison plus puissante encore, et qui comprenait la critique comme Louis XIV le gouvernement. Aussi pourrait-on dire de lui que de hauteur, de gravité, de tenue, de politesse même, — car cet homme insulté est toujours resté poli, — il avait la critique Louis-quatorzienne… Il n’admettait pas la critique sans maître, sans enseignement, sans tradition. Il avait été l’élève de Desfontaines, une des victimes de Voltaire, de cet égorgeur dans la boue ; et son maître ne périt jamais dans son âme. Homme de goût, — de ce goût qu’il a défini : « Un discernement vif et une sensation délicate, c’est le cœur éclairé » ; s’il l’avait sévère, ce goût, du moins il ne l’avait point étroit.

Il croyait la source des chefs-d’œuvre inépuisable pour le génie humain, et la beauté, comme la vérité, infinie… C’est lui qui a écrit : « Le génie a cent yeux comme Argus. L’esprit n’en a que deux. Un homme de génie peut traiter le même sujet qu’a immortalisé Molière. » Idée hardie très moderne, sur laquelle Fréron est revenu cent fois. Ce n’était pas alors le temps (son temps) de la floraison des littératures étrangères dans notre pays. Français comme Corneille et Racine, Fréron eut presque exclusivement la Critique française, mais pour être dans la tradition nationale du xviie  siècle et de ses mœurs, il n’en voyait pas moins, par-dessus la frontière, les qualités de l’esprit d’une race différente de la sienne, et il l’a bien prouvé pour les Anglais, à qui il reconnaît « ces cris du cœur qui pour lui sont l’expression la plus certaine du génie ». Fréron, en dehors des justices qu’il fit sur les médiocrités de son époque, a traité toutes les questions littéraires qui incombent à la Critique et qui sont de son ressort, et il les a traitées avec la certitude d’une supériorité presque toujours infaillible. Tête synthétique que cette tête de Celte, bien au-dessus des mièvreries d’analyse de Sainte-Beuve, qu’on a trop vanté, Fréron eut le style de ses facultés, et fut, comme écrivain, ce qu’il était comme critique. Son style, très mâle, a la clarté comme il a le muscle et la carrure, et avec — çà et là — de grandes images qui couvrent toujours quelques forts aperçus. Sous cette plume, d’un naturel profond, et si méprisante du bel esprit qui est le laid, il a des expressions comme celles-ci, que je pourrais multiplier : « Le plat écrivain se rend intérieurement justice. Le remords de la médiocrité le déchire. — Le grand poète est un Dieu qui secoue sur tout le flambeau de la vie. » Quelle grandeur dans la simplicité ! Cherchez de ces traits dans les critiques modernes, dans Sainte-Beuve qui se tortille et dans Planche qui gèle, et qui semblent pourtant tous deux avoir découvert la Critique. C’est encore de Fréron, ce trait : « Quand un vrai génie apparaît dans le monde, on le reconnaît à cette marque : tous les sots se soulèvent contre lui. »

À ce compte, Fréron en est un.

V

Il eut contre lui les sots, et même les spirituels, — qui sont plus sots encore que les imbéciles quand ils s‘en mêlent… Mais, comme Gilbert, cet autre accablé du xviiie  siècle qui opposait à tout :

L’estime de Grillon, sa vie et le silence !

Fréron eut pour lui le Roi Stanislas de Pologne et sa fille Marie Lecsinska, cette chaste et noble Reine de France qui, du fond de son abandon et de son oratoire, ne pouvait pas grand-chose pour les amis qu’elle protégeait. Il eut pour lui Marie Lecsinska, et il laissa aux philosophes les Pompadour et les Dubarry. M. de Barthélemy a mêlé aux citations qu’il fait de Fréron la vie de ce Stator de la Critique, qui résista et combattit jusqu’au brisement de sa plume et de son cœur, et cette vie de Fréron, chaudement racontée, est de la même unité que ses écrits. La dignité de l’attitude ne fit jamais défaut à Fréron. Il n’était ni un bohème, ni un parvenu de ce temps de parvenus et d’aventuriers, même dans les lettres. Il était d’une naissance honorable, et, hasard charmant ! parent de Malherbe, un critique aussi à sa manière, qui ne voulait pas, en mourant, qu’on offensât devant lui la langue française. On sait qu’à moitié mort, il rouvrit les yeux pour demander qu’on la respectât… Fréron fut l’homme de la famille chrétienne, comme il avait été l’homme de la Société et de la Monarchie chrétiennes. Marié deux fois, il fut aimé jusque de son fils, qui rendit le grand nom de son père un nom funeste ! On a dit que ce régicide ne le devint que parce qu’on avait tué son père, en supprimant son Année littéraire au nom du roi, rendant ainsi, coup pour coup, à la royauté, le coup qu’il avait reçu d’elle… Crime plus grand que dans un autre, dans le fils d’un homme comme Fréron, qui dérogea si épouvantablement à sa naissance et aux vertus de son père, et à qui on pourrait appliquer le mot grandiose et terrifiant de Chateaubriand, parlant d’un autre fils coupable : « Si son père l’eût su dans sa tombe, il serait revenu lui casser la tête avec son cercueil ! »

Mais un autre que Fréron le père, se chargea de la punition de son fils. Ce fut l’empereur Napoléon, le terrible Pater familias de la France. Quand il fut maître, il envoya ironiquement le régicide comme sous-préfet à Saint-Domingue, pour lui apprendre, à ce souverain révolutionnaire, que les hommes n’étaient pas égaux et que c’était trop cher que de payer la mort d’un homme par la mort d’un roi… Classification par le mépris, qui remit tout à sa place !

Il n’y eut que le grand Fréron — le Fréron de L’Année littéraire — qui n’eut pas la sienne… Il avait combattu contre l’erreur, et l’erreur avait triomphé. Après sa victoire, elle le jeta à l’in-pace de l’oubli. On ne le connut guère que par les outrages immortels de Voltaire, mais la Gloire, qu’il méritait, resta comme prise sous les deux cents volumes qu’il a écrits. L’en dégagera-t-on ?… Le livre de M. de Barthélemy signale la place élevée qu’il devrait avoir dans l’Histoire littéraire… L’aura-t-il un jour ?… Pour ma part, j’en doute, et du reste, à quoi bon ? La Vérité se moque bien de la Gloire ! C’est une loi supérieure de la Providence, qu’il doive y avoir en ce monde des gloires perdue ?, pour qu’il y ait des dévouements plus beaux.