(1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »
/ 1776
(1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Byron33

I

Hélas ! que dirait-il, le grand poète, s’il vivait à cette heure du siècle et s’il apprenait tout à coup qu’en France, ce pays de convenance et de goût, il est livré dans une de ses plus belles œuvres aux faiseurs de flonflons, et, comme il les appelait : aux violonneurs !… J’imagine qu’il serait peu flatté de la chose, et qu’il ressentirait une de ces superbes colères vert-pâle auxquelles il était sujet et comme il en eut une, par exemple, quand les directeurs de Drury-Lane firent le projet de jouer son Marino Faliero : « Je n’ai rien tant à cœur — écrivait-il alors de Ravenne à Murray (c’était en 1821) — que d’empêcher ce drame d’être joué. » Et cependant les directeurs de Drury-Lane ne travestissaient pas l’œuvre du poète ; ils voulaient seulement l’interpréter.

N’importe ! Byron, qui, comme Pope, méprisait le théâtre et pour les mêmes raisons très hautes : parce que le théâtre, comme disait Pope, « est obligé de s’assujettir aux acteurs et au public », Byron continue d’écrire à Murray d’une main frémissante : « Quelle maudite engeance de sots doivent être ces bouffons pour ne pas voir que cela ne va ni à leur boutique ni à leur échoppe ! »

Il mande aussi à Thomas Moore :

« J’ai tout un picotin d’ennuis à propos d’une tragédie de ma façon, bonne seulement pour le cabinet, et que des directeurs de théâtre, s’attribuant un droit sur toute poésie publiée, paraissent décidés à exploiter, que je le veuille ou non…

« J’ai écrit à Murray et au Lord Chambellan pour intervenir et me préserver de ce pilori… Je ne veux ni de l’impertinence de leurs sifflets ni de l’insolence de leurs applaudissements. J’écris uniquement pour le lecteur et ne me soucie que de l’approbation silencieuse de ceux qui ferment un livre de bonne humeur et avec une entière satisfaction. »

Ailleurs, enfin, il ajoute : « À cette distance, je suis traité comme un cadavre… » Au moins, ce cadavre, on le respectait ! On ne le défigurait pas. On ne le dépeçait pas. On ne le rongeait pas et on ne le plantait point sur un pal pour que les rossignols de la musique, qui aiment le cadavre comme des corbeaux, pussent s’en régaler, dans l’intérêt de leur voix.

Que dirait donc Lord Byron à présent ? Que dirait-il, quand il apprendrait qu’au fond il était, voyez-vous cela ! un librettiste d’opéra-comique, lequel ne se doutait pas de son talent, mais qui pouvait avoir du succès si les princes du genre, bons comme des princes, lui venaient en aide et le tailladaient un peu.. Et pas moyen d’empêcher cela, à ce qu’il paraît ! Tout au plus peut-on en rire… car rien n’est plus risible. Flanquer le Lara de Lord Byron en opéra-comique est tout à la fois une de ces spéculations et de ces caricatures qui dépassent en ridicule cette Histoire romaine en rondeaux de Benserade, dont le fort bon sens de Despréaux se moquait !

Ah ! ce n’est pas tout profit que d’être un grand homme. Pauvre grand Byron ! Il n’est pas heureux en France, depuis quelques années… On l’a mis en chansons… mais avant d’être la proie des musiciens (il n’aimait pas la musique, et peut-être était-ce là un pressentiment de ce qui devait lui arriver !), Byron avait déjà baissé dans l’opinion publique de France. Il s’était rencontré une École, et une École qui n’a que du son dans le ventre (sans calembour) :

… On pourrait aisément s’y tromper !),

laquelle a trouvé que lui, Byron, l’auteur du Corsaire, de Lara, du Giaour, de Don Juan, et de tant d’autres chefs-d’œuvre, était, en termes de cette École : horriblement poncif ; que ses Turcs et ses Grecs ressemblaient à des sujets de pendule ; que tout cela était vieux et passé comme le turban de madame de Staël, comme le Malek-Adel de madame Cottin… Ah ! les Cottins, c’étaient ceux qui disent de telles choses ! Les Cottins, race inépuisable ! On croit qu’il n’y en a plus : il y en a toujours. C’est la sainte Ampoule de la bêtise. Est-ce qu’il n’en pointe pas d’autres maintenant, heureusement encore à deux pouces de terre, qui insultent au génie d’Alfred de Musset, le byronien charmant, le poète de la jeunesse, mort dans son enfance, que je ne comparerai pas à son père, mais qui rappelle parfois son père au point de se faire adorer ! Eh bien, c’est contre cette opinion qui a filtré assez obscurément et assez honteusement dans la littérature et qui a fini par y faire mare, — comme parfois fait la mer dans les sables, après y avoir imperceptiblement tortillonné, — c’est contre cette opinion, à qui il faut essayer de clore le bec, que je veux m’inscrire en rappelant à ceux qui aiment le génie et même à ceux qui aiment l’opéra-comique, quel fut le génie de Byron. Il y a des jours où la Critique, qui, le plus souvent, savonne des nègres et frotte du Ruolz avec sa manche pour bien s’attester que ce n’est pas de l’or, est, au contraire, obligée de dorer l’or vrai et de blanchir les lys ! Et ce ne sont pas là les plus mauvais jours.

II

J’ai cependant une réserve à faire. Au milieu du discrédit singulier dans lequel les poètes du mot seul, jaloux comme des bouteilles vides contre des bouteilles pleines, ont essayé de faire tomber Byron, le poète du sentiment et du mot aussi, quoi qu’ils disent, quelques voix ont protesté ; et je sais mieux qu’une protestation, je sais presque une œuvre sur Lord Byron. C’est le chapitre de M. Taine sur le grand poète anglais, dans son Histoire de la littérature anglaise. Ce chapitre est, selon moi, une des plus belles choses de cette histoire, où Walter Scott, plus grand que M. Taine ne l’a vu, et Milton aussi, l’auguste Milton, ne sont pas traités avec la même justice. J’ai dit : justice, car il est clair que M. Taine admire Byron comme le plus grand poète de l’Angleterre et comme le sujet le plus intense de ce qu’il appelle, lui, l’organisation anglaise.

Or, ceci est juste. Byron est cela. Mais si j’ai dit : justice, je n’ai pas dit : justesse. M. Taine n’a pas tout vu dans Lord Byron. Préoccupé de ce malheureux système par lequel il mourra, s’il n’en défait pas sa pensée, et qui ne voit que l’Anglais, toujours l’Anglais, dans Lord Byron, même quand Lord Byron réagit le plus contre l’Angleterre, M. Taine n’aperçoit que le mouvement du sang saxon, coupé de sang normand dont Lord Byron, par parenthèse, était plus fier que de l’autre, et il ne pénètre pas dans ce que Lord Byron a de plus intime, de moins connu, et je vais dire un mot étrange en parlant de Byron : de plus virginal. Le physiologiste, qui est pourtant un malin, n’a pas regardé sous le dessous des cartes, si souvent biseautées, de l’Histoire ! Son Lord Byron, très en ronde-bosse, est resté incomplet, et l’historien de cette grandeur littéraire a toujours le droit d’arriver…

Je ne dirai point que le voici, mais qui sait ? je serai son maréchal des logis peut-être… Sauf les exceptions, quand il y en a, toute gloire est une renommée et toute renommée est une calomnie, en bien ou en mal, mais une calomnie, si on prend ce mot pour le contraire de la vérité. Comme poète et comme homme, le Lord Byron du bruit que fait son nom n’est pas le Lord Byron de la réalité, le Lord Byron de ceux qui l’aiment et qui, à force de le regarder et de cohabiter avec son génie dans ses œuvres, et dans ses Mémoires avec sa personne, ont vu le vrai Byron sous les attitudes, les affectations et le masque. Lord Byron, naïf et menteur comme les poètes, ces femmes redoublées, et se vantant de vices qu’il n’avait pas, n’est pas plus compris comme homme que comme poète, et ce qu’il a de plus exquis et de plus rare est resté sous le boisseau de l’admiration à boisseau.

Est-ce qu’on n’étonnerait pas beaucoup de gens, et même des personnes instruites, en disant que ce romantique est le plus pur classique dans le sens le plus rigoureux et le plus élevé du mot ? — voilà pour le poète ! — et que ce Lovelace, à qui M. Taine lui-même a reproché ses basses débauches à Venise, était l’être le plus chaste de nature et probablement de mœurs ? — voilà pour l’homme ! — Telle la vérité, cependant. Le romantique échevelé et le vicieux sont des attitudes dont nous avons été tous dupes. Lord Byron, — pour qui ne croit pas ce qu’il dit, car il ne faut pas toujours le croire, — Lord Byron n’est qu’un artiste, qui n’aime que son art, et qui, quand il fait l’amour, pense à son art encore, le fait dans une vue d’art supérieur qui ne le quitte jamais, même sur le cœur de sa maîtresse. Mais, de plus, c’est un artiste grec attardé dans les temps modernes, plus grec que Chénier lui-même, Chénier l’archaïste, et tellement grec, en restant Byron, qu’il n’a même la révélation et la conscience de son génie que quand il s’est mis en rapport avec la Grèce et avec les. Grecs.

Jusque-là, en effet, il n’est pas poète. Il n’est pas né. Ô monsieur Taine, c’est un mauvais auteur anglais ! Ses Heures de loisir sont pitoyables, et cependant il imite les Hébreux, qui ont, dit M. Taine, des rapports de tempérament si frappants avec les Anglais. Il imite l’Ossian de Macpherson, un poète anglais, un poète de climature, les seuls poètes qu’il puisse y avoir, dit encore M. Taine. Plus tard, si, sous la douleur de la vanité blessée au cœur, un peu plus de talent éclate dans les Bardes anglais et les Critiques écossais, c’est un cri et un coup de poing de boxeur, un cri et un coup de poing qui donnent raison à M. Taine, mais ce n’est pas là du Lord Byron encore. Pour qu’il naquît, il fallait que son génie rencontrât le génie grec qu’il n’avait pas trouvé à Harrow, où il n’étudia point, par cet esprit de contradiction et de paresse qui est souvent l’esprit des gens de génie. Forcé d’étudier Homère, comme la tourbe vulgaire des scholars, il ne l’étudia point, et le peu qu’il apprit là de la langue grecque, il nous a dit dans ses Mémoires qu’il l’oublia. Mais sa grammaire grecque, à lui, fut la Grèce elle-même, la Grèce tout entière !

En touchant son sol, comme Antée en touchant la terre, sa mère, la force lui vint. La force de Byron, en effet, sa grâce, son mouvement, et je dirais presque la divinité anthropomorphite de sa poésie, tout est du plus pur grec qui ait jamais existé. Jusque-là, tristement Anglais, ce fut dans Childe Harold qu’il jaillit Grec et qu’il se rapporta Grec à sa patrie. Depuis ce moment, il ne cessa jamais de l’être. Il le fut dans le Giaour, dans le Corsaire, dans ce Lara dont il est question, dans le Siège de Corinthe, dans la Fiancée d’Abydos, partout enfin, mais surtout dans le Don Juan, où il le devint tellement dans le chant du chanteur grec, aux noces d’Haïdée, qu’on aurait pu dire que le mode ionien ressuscité avait fondu, sous son haleine de rose, la langue anglaise, le sauvage et naturel idiome du poète ! Et il ne l’était pas uniquement par le théâtre de ses poèmes, par la tournure et le costume de ses héros. La Grèce moderne, qui, malgré ses malheurs, ressemble tant à sa mère morte, imprimait sa sublime ressemblance dans le miroir de cette poésie, colorée et pure comme son ciel et ses mers. Sous les brumes du spleen anglais, on retrouvait l’azur lumineux de la Grèce éternelle, de la Grèce aux immuables horizons, aux lignes sinueuses, aux contours arrêtés dans leur splendeur nette, en ces vers anglais plus étonnants que s’ils avaient été écrits dans la langue d’Alcée et de Pindare, et qui, bien plus sculptés que peints encore, ressemblent à des bas-reliefs de Phidias !

Dans un livre34 plein de choses qui n’avaient pas été dites et de contrastes piquants sur la Grèce, l’auteur — A. Grenier — est allé jusqu’à dire que Byron est plus Grec même que les Anciens qui ont imité les Grecs ; et rien n’est plus vrai… Je sais d’autant plus gré de cette intuition à A. Grenier, qu’il est le premier peut-être de tous ceux qui ont parlé de Byron qui ait signalé cette profonde grécité de sa poésie, oubliée par M. Taine et que d’autres ont aussi oubliée, mais qui n’en sera pas moins la caractéristique suprême de ce génie, svelte et idéal au milieu de toutes ses violences, comme la beauté d’un jeune dieu… Certes, oui ! Byron a eu raison de mourir pour la Grèce et non pour l’Angleterre… Il s’est fait tuer pour sa patrie !

III

La violence donc, — car il est violent, et c’est cette violence de sentiment, ne troublant jamais la pureté de sa forme, qui fait de Byron ce mélange d’intensité et de pureté vraiment incomparables, — la violence donc, naturelle à Byron, a empêché de voir ce qui distinguait le plus son génie, comme d’autres choses, qui étaient plus ou moins en lui, ont fait illusion sur sa vie… J’ai dit plus haut que l’esprit de contradiction était naturellement développé en lui à un degré extraordinaire. Il prétendait fougueusement à tout ce qu’il n’avait pas, et il raconte lui-même dans ses Mémoires que s’il s’obstina à faire des vers, ce fut uniquement parce que la Revue d’Édimbourg avait nié qu’il pût jamais devenir un poète.

Pour mon compte, je suis intimement persuadé que s’il fut toujours si humilié et si enragé d’être boiteux, ce fut bien moins parce que c’était là une infirmité et une laideur, que parce que c’était une destinée, ― parce que c’était une de ces choses contre laquelle sa volonté, et ses furies, et toutes ses énergies ramassées dans son âme et s’efforçant, ne pouvaient absolument rien. Eh bien, c’est cet esprit de contradiction, avec lequel je me ferais bien fort d’expliquer toute la vie de Lord Byron, c’est cet esprit qui nous l’a cachée, et qui nous l’a cachée, en la tachant… Comprimé par la règle anglaise, ce Grec, dilaté par la vie libre de la Grèce, se donna l’affreuse courbature de se faire fanfaron de vices, pour justifier et exaspérer les cris de paon de la puritaine Angleterre, cette paonne de vertu ! et nous, qui n’étions pas Anglais pourtant, nous avons répété ces odieux cris scandalisés, les uns parce qu’ils avaient vraiment leur moralité offensée, les autres parce qu’ils aimaient Byron et que toujours Français, ils aimaient à le voir un peu mauvais sujet…

Mais, malgré sa fatuité, à lui, qui a voulu nous y faire croire, et malgré notre fatuité pour lui, qui nous l’a fait croire, la terrible immoralité de Byron m’a toujours paru problématique. Je ne suis pas physiologiste comme M. Taine, mais j’ai aussi mon petit œil de poudre de physiologie, et je sens qu’il m’est impossible d’accepter le don juanisme de Byron. Byron est bien plus orgueilleux que voluptueux. C’est un stoïcien de nature et de crispation bien plus qu’un épicurien, un stoïcien sous des formes ironiquement et fastueusement épicuriennes.

Mirabeau se vantait un jour à Sophie d’avoir eu, dans sa vie, quelques milliers d’amours, et on pouvait le croire, ce fier monstre, en le regardant… Mais Byron n’était pas cette tonne de sang de Mirabeau où la corruption finissait par allumer le phosphore. Il était lymphatique comme sa mère. Comme elle, saisi par l’embonpoint bien avant sa trentième année, il fut tellement épouvanté de la déformation menaçante de sa beauté, qu’il s’infligea un régime d’ascète et passa sa vie à prendre des torrents de soda-water et à mâcher du mastic.

Deux ou trois aventures à Venise, de vrais pensums qu’il s’imposa ! ne suffisent pas pour constituer le large libertinage d’un Lovelace ou même d’un Valmont. D’ailleurs, il disait, en pâlissant et en tremblant d’émotion, « qu’il était difforme », et cette difformité qu’il cachait et que personne ne vit jamais, dut l’agrafer à la sagesse, quand cette sagesse lui aurait cruellement coûté…

Mais elle ne lui coûta rien. Excepté dans Beppo, et dans quelques situations risquées de Juan, mais sauvées encore à force d’art (il venait delire les conteurs italiens et le caméléon qui est dans tout poète réfléchit une minute cette couleur), Byron, l’immoral Byron, comme on dit, avait l’imagination la plus chaste, et c’est là aussi un caractère charmant auquel on pense trop peu, de ce génie sans égal. Que sont deux ou trois plaisanteries, deux ou trois groupes ardents, en comparaison de toutes les adorables puretés de ses poèmes ? et ce n’est plus de la forme que je parle ici…

Byron est peut-être le plus grand poète des sentiments désintéressés et chastes. Zuleïka, dans la Fiancée d’Abydos, est une sœur ; Médora est une épouse, dans le Corsaire ; et dans Lara (non l’opéra-comique !), dans Lara, ce poème fait avec dix mystères, Kaled, le page, aime d’un amour sans sexe le maître de sa vie. C’est de l’éther qui s’embrase à force d’être concentré… Il aime son maître comme on aime Dieu ! Non content des sentiments ordinaires de la vie, Byron s’invente des sentiments dans lesquels triomphe mieux que dans tous les autres la pureté de son génie. Par exemple, la petite Leïla, dans Don Juan, et la Yanthé, autre petite, de la divine dédicace du Childe Harold ! Il disait presque dans ses inventions comme le Sauveur le disait dans sa vie mortelle : « Laissez venir les petits enfants jusqu’à moi ! » — Chose très curieuse à noter et qu’on ne note point, et par laquelle je terminerai cette vue trop rapide sur Byron, c’est que ce Grec des premiers temps dans les temps modernes, était, qu’il l’ait voulu ou non, ignoré ou su, un chrétien !

IV

Et certainement je n’ai pas tout dit… Mais ces points singuliers à faire saillir dans la vie et le génie de Byron, la Critique les a toujours tenus dans l’ombre. Elle est allée d’abord à ce qui brillait le plus et par conséquent n’avait pas besoin d’être éclairé. Si Voltaire, comme il s’en vantait au Roi de Prusse, ce diable d’homme ! avait vraiment trois ou quatre âmes (pour l’aimer, disait-il, le farceur !), je demande combien devait en avoir Byron, le nerveux et muable Byron, si vibrant aux plus simples contacts de la vie ? Le vrai sens de Byron est aussi difficile à trouver que le sens de Lara, dont on ignore les crimes et la vie.

Byron, cette grande coquette, rechercheur d’effets qu’il semblait le plus mépriser, mit cette poésie du mystère dans sa vie comme dans son poème de Lara, et le mystère a été une mystification. Byron s’est composé son masque comme un acteur… un masque de ruffian, de bandit, de grand coupable, presque d’assassin, comme il en mettait un à ses héros, et il l’ôtait avec ses amis pour en rire (voir ses lettres à Hobhouse et à Moore). Quoiqu’il en ait ri, les cockneys en sont dupes encore ! Et c’est ce masque bien plus que la réalité, que la Critique et l’Histoire contemplent toujours.

Nous n’avons voulu que soulever un coin de ce masque, sous lequel se cache un génie virginal de pureté et de tendresse au milieu des terribles passions qu’il exprime, comme sous les affectations de dandy il y avait en Byron le plus magnanime des enfants de la nature. Mais la gloire de la Critique et de l’Histoire n’est pas seulement de soulever ce masque, c’est, une bonne fois, de l’arracher !