(1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256
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(1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

Parocel

Jésus-Christ sur la montagne des oliviers. tableau de 16 pieds de haut, sur 7 de large.

On a quelquefois besoin d’un exemple de platitude, de platitude de composition, d’ordonnance, de couleur, de caractère, d’expression. En voici un rare, un sublime dans son genre, à moins qu’on ne veuille lui préférer le Bélisaire . Je les recommande tous les deux à celui qui fera l’art de ramper en peinture. On dit pourtant de ce tableau que c’est le meilleur que l’artiste ait fait.

On voit en haut des anges qui jouent gaiement avec la lance, la croix, le fouet et les autres instrumens de la passion.

Au milieu un grand ange debout qui a l’air de dire à Jésus-Christ : eh ! Que ne restiez-vous où vous étiez ? Vous étiez si bien ! Pourquoi vous charger de payer pour les sotises d’autrui ? Que ne déclariez-vous net à votre père que ce rôle ne vous convenait pas ?… cet ange est tout à fait goguenard, et le Christ paraît assez convaincu de la justesse de sa remontrance. Ce n’est point ce Christ de l’évangile, accablé, agonisant, trempé d’une sueur de sang, repoussant le calice amer.

Cette pusillanimité a paru indigne de Dieu à M. Parocel qui s’est mis à jouer l’esprit fort, quand il s’agissait d’être peintre. Nous savons tout aussi bien que toi, mon ami, que cette fable est ridicule, mais faut-il pour cela en faire un tableau insipide ?

Au bas ce sont deux apôtres qui dorment de bon cœur et à qui l’on ne saurait pourtant reprocher le peu d’intérêt qu’ils prennent à leur maître, car le peintre ne l’a point fait intéressant.

Vous sentez qu’il n’y a point de liaison là-dedans.

Les anges jouent en haut ; le Christ et l’ange s’entretiennent au milieu ; les apôtres dorment en bas ; mais n’allez pas couper cette toile en trois morceaux, j’aime encore moins trois mauvais tableaux qu’un.

Bon, excellent pour un dessus d’autel de campagne, mais pour un sallon ! Ah ! Messieurs du comité, quand on a admis cela on n’est pas en droit de refuser l’ Antiope de Madame Therbouche.

Soyez sévères, j’y consens, mais soyez justes. Là, messieurs, regardez-moi seulement cet ange couché dans de la laine. une esquisse. une esquisse de Parrocel ! Cela doit être curieux.

Voyons ce que c’est.

C’est une gloire, l’esquisse est au ciel. Au haut, petite couronne formée de chérubins enlacés par les ailes ; au-dessous, plus grande couronne de chérubins pareillement enlacés par les ailes. Puis sous un baldaquin d’une forme circulaire une lumière divine, une vision béatifique. Ce baldaquin est soutenu par des consoles. De droite et de gauche des cordons verticaux et symmétriques de chérubins enlacés par les ailes et rangés en colonnes. Au-dessous de cette extravagante et mystique composition, des anges, des archanges, des saints, des saintes en extase.

Magnifique retable d’autel à tourner la tête à tout un petit couvent de religieuses ; idée digne du xie  siècle où toute la science théologique se réduisait à ce que Denis l’aréopagite avait rêvé de la suite du père éternel et de l’orchestre de la trinité.