(1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »
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(1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Chapitre deuxième
La force d’association des idées

I. Lois mécaniques de l’association des idées. Part de la contiguïté et de la similarité. Lois parallèles de la conscience. — II. Association des émotions et appétitions. Son caractère fondamental. — III. La réaction intellectuelle et sa part dans la synthèse mentale.

I
Lois mécaniques de l’association des idées. Part de la contiguïté et de la similarité. Lois parallèles de la conscience.

La seconde fonction de la mémoire est le rappel des souvenirs produit par l’association des idées. On sait toute l’importance que cette fonction a prise dans l’école anglaise depuis Hobbes, Hume et Hartley jusqu’à Mill, Bain et Spencer. Selon Hume, cette loi a la même importance dans la vie intellectuelle que l’attraction dans les mouvements des astres. Peut-être en effet, au point de vue physiologique, cette loi n’est-elle, comme la gravitation dans les corps et la sélection dans les espèces vivantes, qu’un cas particulier des lois qui règlent la propagation du mouvement selon la ligne de la moindre résistance. La psychologie anglaise contemporaine, qui s’intitule elle-même psychologie de l’association, va jusqu’à ramener toutes les lois de l’esprit à cette loi unique. Sans aller aussi loin, on peut dire que, dans l’association des idées, la part du mécanisme est prédominante. C’est qu’il s’agit ici non plus des termes mêmes de la pensée, mais de leurs relations et successions, choses particulièrement soumises aux lois mécaniques : rien n’est plus voisin de l’automatisme que l’entendement.

Etudions d’abord le mécanisme physiologique de l’association des idées. Ce mécanisme n’est pas très difficile à se figurer : c’est l’association même des mouvements réflexes entre les diverses cellules cérébrales par l’intermédiaire des fibres qui les relient. La suggestion des représentations mentales et des mouvements corrélatifs peut être comparée, comme nous l’avons déjà dit, aux phénomènes d’induction électrique par lesquels un courant exerce son influence sur un autre et produit une aimantation. Le cerveau est à l’état de tension et agit toujours dans sa totalité ; chaque pensée particulière suppose une décharge cérébrale qui ne peut se produire sans altérer les tensions de toutes les autres parties et sans amener par cela même une suite indéfinie d’autres décharges dans une direction déterminée75. L’effet produit sur un point est, à chaque instant, fonction du changement total. Aussi est-il juste de comparer, avec William James, le mécanisme de la pensée au phénomène électrique qu’on appelle l’aurore boréale, où l’équilibre entre l’électricité terrestre et celle des particules glacées de l’atmosphère est sans cesse rompu et rétabli, où les inductions électriques sont perpétuelles, de manière à produire des irradiations sur des points continuellement changeants : les rayons lumineux qui jaillissent successivement, l’un ici, l’autre là, sont associés entre eux comme le sont nos idées, c’est-à-dire qu’en réalité ils ne se produisent pas l’un l’autre, mais sont produits l’un après l’autre par une cause commune, la tension générale, et par les conditions particulières qui la font se décharger successivement ici et là ; chaque idée est comme une irradiation sur un point particulier, révélant à la fois la tension générale et la décharge particulière du magnétisme intérieur.

On sait que la sélection des idées et leur suggestion a lieu tantôt en vertu de la simple rencontre ou contiguïté des impressions dans le temps, tantôt en vertu de leur ressemblance ou similarité. Mais ces constatations de lois empiriques, toutes dérivées, ne nous expliquent pas les phénomènes et ne nous font pas connaître les lois les plus fondamentales. D’abord, la contiguïté de fait dans l’espace et dans le temps est chose tout extérieure : il faut, pour qu’il y ait liaison d’idées, que la contiguïté devienne cérébrale et mentale. De même, la ressemblance de fait entre les objets, ressemblance qui d’ailleurs n’existe que pour une conscience et dans une conscience, ne pourra devenir un lien que si elle réussit à produire, comme telle, quelque effet déterminé dans le cerveau et dans la conscience. Deux idées ne sont donc vraiment contiguës que quand elles se sont produites simultanément ou en succession immédiate dans notre conscience ; et deux idées sont similaires quand elles produisent dans notre conscience des effets qu’elle reconnaît semblables. De plus, il faut ici distinguer deux choses très différentes : 1° la conscience finale de ressemblance entre deux idées préalablement réveillées, comme l’électricité et la foudre ; 2° la force qui avait primitivement produit dans la mémoire une union et une cohésion des deux idées similaires ou de leurs conditions organiques. Cette dernière question est la plus fondamentale : il faut savoir par quoi et comment les anneaux de la chaîne ont été d’abord soudés ensemble, pour comprendre dans quel ordre ils se suivent actuellement et sous quelle forme ils reparaissent dans notre conscience à tel moment déterminé. Les philosophes intellectualistes, comme MM. Ravaisson et Ferri, confondent la force de cohésion, qui amène la consécution de telles idées dans la conscience, avec le jugement que l’esprit prononce sur les idées une fois apparues : « L’intelligence, dit M. Ravaisson, une notion se présentant à elle, conçoit immédiatement ce qui, d’une manière ou d’une autre, la complète, ce qui lui est ou semblable ou contraire, ce qui dépend d’elle ou dont elle dépend, en un mot, les rapports rationnels. » Soit ; mais M. Ravaisson ajoute : « Le principe de l’association et de la mémoire n’est donc autre que la raison76. »

Cette théorie, qui fait de la raison comme un moyen de mouvement et de transport pour les idées, intervertit l’ordre des faits. Comment la raison prononcera-t-elle, par exemple, sur la ressemblance ou la différence de deux termes, si ces termes ne lui sont pas préalablement donnés ? Jamais la conception d’un rapport ne pourra précéder la conscience des termes entre lesquels il est saisi. La raison de Newton aurait eu beau se dire pendant des siècles : « Tout a une cause et les révolutions des astres ont une cause » ; ces deux rapports ne lui auraient jamais donné le terme inconnu : gravitation.

La doctrine rationaliste s’enferme donc elle-même dans un cercle vicieux : la raison ne saurait engendrer la mémoire ni mouvoir les idées et produire leur rappel ; elle est obligée, pour entrer en exercice, d’attendre que le rappel ait eu lieu et que les deux termes soient amenés devant elle par quelque moteur différent d’elle-même ; semblable au prisonnier de la caverne, elle doit attendre que la procession des ombres se produise pour pouvoir spéculer sur leurs rapports77. Le principe de la succession des idées est donc nécessairement autre que la raison : elles se suggèrent par une action originairement indépendante de la réaction intellectuelle qui saisit actuellement leurs rapports. Et il en est ainsi même quand une idée en suggère une autre que nous reconnaissons ensuite lui être semblable. Pourquoi, par exemple, l’étincelle électrique éveille-t-elle un certain jour dans l’esprit de Franklin l’idée de la foudre ? C’est qu’il y avait entre ces deux idées une partie commune : lumière subite avec choc capable de tuer un animal. Cette représentation de lumière et de choc qui, dans la conscience de Franklin, coexiste actuellement avec l’idée de l’étincelle électrique, y a déjà coexisté souvent avec l’idée de la foudre : c’est en vertu de cette partie commune que l’idée de l’étincelle électrique vient aboutir au souvenir de la foudre, et c’est seulement quand la suggestion a eu lieu que Franklin peut dire : « L’étincelle et la foudre sont semblables. » Les semblables se suggèrent donc mutuellement, sans doute, mais ils ne se suggèrent pas, du moins à l’origine, par la conscience de leur similitude. Si cette conscience a une action pour lier ou renforcer le lien, c’est une action ultérieure, qui suppose un lien primitivement établi sans elle et auquel elle ajoute une force nouvelle. Seulement, un esprit ordinaire se contentera de remarquer une similitude entre deux idées sans en tirer des conséquences et sans remonter aux principes ; un Franklin, habitué à ce que Platon appelait la chasse aux ressemblances, partira de là pour concevoir sous les contrastes visibles des similitudes cachées et pour les vérifier par l’expérimentation.

Le vrai problème de l’association consiste donc à déterminer pourquoi et comment deux images qui se sont rencontrées dans le temps ont pu se lier. Comme la synthèse doit être à la fois cérébrale et mentale, il faut en chercher la vraie explication 1° dans la manière dont le cerveau agit, 2° dans la manière dont la conscience agit.

D’abord, comment deux impressions, par exemple de la vue et de l’ouïe, éclair et tonnerre, se lient-elles dans le cerveau ? Il faut pour cela qu’elles ne demeurent pas isolées, l’une dans le centre visuel, l’autre dans le centre auditif, mais qu’elles aient assez de force, de durée et de netteté pour retentir et se rencontrer dans une commune région du cerveau, et pour y être ainsi centralisées ou combinées. Ainsi vont à la rencontre l’une de l’autre les deux ondulations produites dans une masse d’eau par deux pierres tombées à une faible distance. Quand il y a rencontre de deux ondes nerveuses, il s’établit une communication entre elles, un entrecroisement, une première union, qui est une résultante déterminée et qui constitue une habitude naissante. Maintenant, il importe de le remarquer, l’union ne peut avoir lieu qu’à travers des parties du cerveau contiguës. La contiguïté des phénomènes dans le temps ne peut donc lier les choses pour nous que par l’intermédiaire d’une contiguïté dans l’étendue du cerveau. Ce n’est pas parce que la sensation du tonnerre suit dans le temps la sensation d’éclair qu’elle la suit dans la conscience, mais parce que le centre cérébral où se produit une vibration due à l’éclair est en communication, dans l’espace, avec le conduit auditif où le tonnerre produit une vibration. Ainsi s’établissent entre les voies nerveuses, comme entre les voies ferrées, des bifurcations analogues à celles où l’aiguilleur détermine la marche des trains ; la succession des idées, même de celles que nous reconnaissons ensuite pour similaires, est provoquée par la rencontre, au point de bifurcation, de deux trains d’images dans des régions continués du cerveau. Les mots entremets, entrecôte, entrepont, s’éveilleront mutuellement par leur point de bifurcation entre, et, dans certaines maladies, le malade répétera machinalement ces mots à la suite l’un de l’autre. La force qui, dans le cerveau, soude entre elles les représentations est donc originairement mécanique : c’est la persistance de l’énergie et la continuité du mouvement, qui se transmet toujours à des parties contiguës. Tout mouvement produit tend à se dépenser d’une manière ou d’une autre ; il ne peut donc s’arrêter dans un groupe de cellules cérébrales, il passe nécessairement aux groupes voisins pour retentir de proche en proche jusqu’à des groupes plus éloignés. La loi de continuité se confond ainsi, dans le cerveau, avec la loi de propagation du mouvement.

D’autre part les parties du cerveau contiguës sont en même temps des parties similaires, qui vibrent d’une façon partiellement identique. Ainsi, dans les centres visuels, les cellules sont toutes organisées de façon à réagir sous les rayons lumineux ; les cellules des centres auditifs réagissent sous les vibrations sonores, etc. Donc les impressions ne peuvent se lier que si elles sont centralisées dans des parties du cerveau similaires en même temps que contiguës ; donc encore, dans le cerveau même, la contiguïté implique de fait une certaine similarité organique, une certaine réduction à l’unité d’éléments cellulaires et de modes vibratoires.

À vrai dire, deux représentations semblables sont la même représentation avec des représentations contiguës qui diffèrent. Lorsque la rencontre d’une personne à Paris me rappelle la rencontre de cette même personne à Lyon, la vue de son visage éveille l’image du même visage dans un milieu ou cadre différent, en contiguïté avec des images affaiblies de telle rue de Lyon. Je juge alors qu’il y a similarité entre les deux images, c’est-à-dire une même image avec des contiguïtés d’images différentes. Cela tient à ce que, la première fois que j’ai vu cette personne, j’ai vu en même temps la rue de Lyon, et tel magasin devant lequel j’étais arrêté, tel jour, à telle heure. Toutes ces images se sont liées alors dans mon cerveau. Le centre A (figure de la personne) a été relié par des rayons cérébraux, par des voies cérébrales, à B, rue de Lyon, à C, magasin de soieries, etc. Lorsque je revois la personne dans la rue de Rivoli, le même centre A venant à vibrer de nouveau, les rayons reparaissent affaiblis : je revois vaguement la rue de Lyon, le magasin de soieries, etc. Les deux cortèges de contiguïtés différentes, les unes constituant des sensations actuelles, les autres des images de sensations passées, se superposent imparfaitement et donnent l’impression finale de dissemblance dans la ressemblance.

Les lois cérébrales de l’association, considérées indépendamment de toute réaction de la volonté intelligente, resteraient vraies même chez un être entièrement dépourvu de mémoire et de comparaison. Chacune de ses idées s’évanouirait, comme dit William James, dans l’acte même d’éveiller l’idée suivante ; sa conscience (si on peut lui donner ce nom) serait réduite au point de l’instant présent. Il obéirait, sans le remarquer, au courant qui l’entraîne ; il arriverait à telle conséquence, mais sans savoir pourquoi : il associerait des impressions similaires sans les reconnaître similaires, contiguës sans les reconnaître contiguës. Ajoutons que, cependant, il aurait toujours l’appétition, en l’absence du souvenir ; cela suffirait pour maintenir le mouvement de ses représentations instantanées, étincelles mortes en naissant.

À ce point de vue encore tout mécanique, on peut admettre, avec William James, les lois suivantes :

Première loi. — Parmi les processus cérébraux, il y en a toujours un qui prédomine sur ses concomitants de manière à provoquer l’activité en un point déterminé. — Ce processus est, selon nous, celui qui répond à l’appétition, à l’intérêt, au désir du moment.

Deuxième loi. — La somme d’activité, en un point donné de l’écorce cérébrale, est la somme des tendances de tous les autres points à se décharger sur cet endroit.

Troisième loi. — Les tendances à la décharge sur un point sont proportionnelles : 1° au nombre de fois que l’excitation de chacun des autres points peut avoir coexisté avec l’excitation du point en question ; 2° à l’intensité de ces coexcitations ; 3° à l’absence ou à l’insuffisance de quelque point rival sur lequel les décharges pourraient être dérivées.

Retournons-nous maintenant du côté de la conscience, et nous allons y voir la contre-partie de ces lois. Quand deux impressions ont pour siège des portions contiguës et similaires du cerveau, sous quelle forme apparaîtront-elles à la conscience ? — Précisément sous la forme de représentations plus ou moins semblables. En effet, des représentations de même qualité pour l’esprit, comme la couleur rouge, la couleur rose, la couleur pourpre, sont des représentations de même siège dans le cerveau : les représentations visuelles ont pour siège commun les centres visuels du cerveau ; les représentations de l’ouïe ont pour siège commun le centre auditif ; notre cerveau a des casiers tout faits à l’avance, tout préparés par la sélection naturelle, et ces casiers sont ses diverses régions. Dans le centre visuel dorment toutes les images de la vue, triées et mises à part ; dans le centre auditif sommeillent toutes les images de l’ouïe. De plus, les diverses parties du cerveau sont reliées par des intermédiaires. Toute impression ébranle donc, par une contagion inévitable, les parties contiguës et similaires du cerveau, puis celles mêmes qui, plus éloignées, conséquemment différentes, sont cependant encore unies aux premières par des fibres conductrices. Qu’une image particulière de la vue, comme celle de la couleur rouge, ébranle le centre visuel, cet ébranlement se répandra par diffusion dans le centre visuel tout entier ; il tendra à susciter l’image plus ou moins précise d’autres couleurs similaires, ou encore celle de la couleur en général, puis, par une sélection nouvelle, celle de l’étendue, et ainsi de suite. De là cette loi : Si toute représentation tend à s’agréger avec les représentations semblables, c’est en vertu de l’identité structurale de leur siège dans le cerveau, ou en vertu de la connexion établie entre deux centres différents ; cette connexion suppose une communication et un trajet commun entre les deux centres, par exemple l’Opéra de Paris et un air des Huguenots que j’y ai entendu. La loi en question est essentielle, fondée sur l’organisation stable du cerveau, qui elle-même résulte de l’action constante de la nature sur l’homme. Les rencontres fortuites d’impressions ne produisent un lien durable que si elles aboutissent ainsi à une classification et viennent se ranger sous quelque loi déjà inscrite dans notre système nerveux. Spencer a montré que cette classification se fait tout d’abord d’une façon automatique, par la seule diffusion du courant nerveux dans le cerveau. Dès que nous voyons une rose rouge, cette image tend à se ranger d’elle-même à côté de rose blanche, rose jaune, rose en général, puis dans la sous-classe des fleurs, puis dans la sous-classe des objets rouges, puis dans la classe des objets visibles, etc. Cette série de classifications, quand quelque autre série de causes ne l’entrave pas, est immédiate, aussi involontaire que la propagation d’un ébranlement à la masse de l’air ou de l’eau. Le semblable, dans le cerveau, tend à s’associer mécaniquement avec le semblable en vertu de la continuité des parties similaires : voilà le ressort moteur des idées et souvenirs. La classification, qui, au premier abord, paraît une fonction tout intellectuelle et rationnelle, renferme ainsi un côté sensitif et mécanique, et fonctionne d’abord comme une merveilleuse machine à calculer. Grâce à l’organisation du cerveau, produit de l’accumulation des siècles, chaque impression vient d’elle-même se placer dans sa case, qui à son tour vient se placer dans une case plus grande, et celle-ci dans une autre, comme par un emboîtement successif. Nous avons dit que les idées sont des espèces et que la lutte des idées est une lutte d’espèces ; en voilà une preuve nouvelle : l’humanité porte dans sa tête les embranchements, les ordres, les classes, les familles, les genres des Cuvier, des Geoffroy Saint-Hilaire et des Jussieu. Nous avons dans notre cerveau le raccourci du règne minerai, du règne végétal, du règne animal ; chaque idée individuelle n’est qu’un membre d’un groupe plus vaste dans lequel elle rentre : la concurrence des idées aboutit au triomphe de celles qui réalisent le mieux les conditions vitales de leur espèce par l’élimination de tous les accidents défavorables et par la sélection de tous les accidents favorables. Dans la tête de Franklin, le paratonnerre était préparé d’avance, et l’accident en apparence fortuit, en réalité nécessaire, qui y lit se joindre les idées d’étincelle électrique et de foudre, introduisit dans le monde des idées une espèce nouvelle et viable.

Le tort de Spencer est d’avoir immédiatement identifié cet emboîtement des images similaires avec la conscience de leur similarité, qui a besoin d’une explication particulière, et avec la reconnaissance de la similitude entre le passé et le présent, opération encore plus compliquée dont nous parlerons plus loin78.

En outre, il ne faut pas oublier que le cerveau est une machine vivante. Dans le mécanisme de la succession des idées, il faut donc considérer les propriétés de la matière vivante, qui sont de s’user en s’exerçant, puis de se réparer par le repos. Nous l’avons déjà montré ailleurs79, l’usure sur un point, tandis que les autres points cérébraux ont gardé leur force, entraîne le mouvement perpétuel des idées, le cours des idées. C’est, l’analogue d’une traînée de poudre : quand un grain de poudre a été brûlé, le grain voisin, qui ne l’a pas été, s’enflamme au contact et brûle à son tour ; la lumière passe de l’un à l’autre. Les cellules cérébrales où l’exercice produit la combustion sont comme ces grains de poudre. Les vibrations d’un centre tendent donc à se propager à d’autres centres contigus ou en communication avec le premier et non encore épuisés.

Il résulte de ces lois physiologiques des rapports d’exclusion mutuelle ou d’affinité mutuelle soit entre les « états vifs de conscience », simultanés ou successifs, soit entre les états faibles (souvenirs, conceptions, etc.). De même, une force d’affinité ou d’exclusion mutuelle peut exister entre les états vifs et les états faibles. On peut admettre avec Spencer que les états vifs de conscience (comme les sensations), résistent plus aux souvenirs et idées du même ordre qu’à ceux d’un ordre différent. Il m’est plus facile de me rappeler un paysage en écoutant un air de musique que de me rappeler un autre air de musique, surtout si les sons de l’orchestre ont de la force. C’est que la région cérébrale occupée à produire la conscience des sons actuels n’est plus entièrement disponible pour la représentation des sons autrefois entendus. Au contraire, une partie du cerveau peut très bien être occupée d’une manière tandis que l’autre est occupée d’une autre manière. De là cette loi : Les sensations actuelles sont d’autant moins exclusives des idées ou souvenirs, comme aussi des autres sensations, qu’elles sont plus riches en relations : ainsi les sensations visuelles, les plus riches de toutes, les plus complexes et les plus intellectuelles, sont aussi celles qui excluent le moins les autres représentations simultanées, parce que leur complexité même leur permet de rester en relation avec d’autres représentations produites par d’autres régions cérébrales. La division du travail et la coopération n’est possible que là où il y a une structure compliquée.

Une conséquence de cette loi, que Spencer n’a pas tirée, c’est que, si le mouvement de l’esprit vers des idées analogues est facile, le mouvement vers des idées différentes demeure cependant toujours possible, surtout dans les états riches en relations, parce que des parties très diverses du cerveau peuvent vibrer à la fois et sympathiquement sous une excitation, si bien que, la première partie ayant usé sa force, la seconde, déjà éveillée, est toute prête et toute fraîche pour recevoir ie mouvement à son tour. Nous allons ainsi du même à l’autre, comme dirait Platon, et non pas seulement du même au même. La fécondité de l’esprit vient de ce pouvoir, qui tient à la complexité des relations entre les cellules cérébrales.

II
Association des émotions et appétitions

Le mécanisme de l’association des idées, que nous venons de décrire, n’a-t-il pas lui même pour ressort interne quelque chose de plus profond, le processus appétitif ?

L’association des idées, selon nous, présuppose en effet celle des émotions et, sous celle des émotions, celle des impulsions. L’impulsion dominante, comme la haine, éveille par association les impulsions secondaires dirigées dans le même sens, colère, ressentiment, soif de vengeance, etc. Le lien qui les relie est l’unité d’un but par rapport auquel les impulsions sont moyens, l’unité d’un effet par rapport auquel elles sont causes coopérantes. Cette solidarité des impulsions tient probablement à la solidarité même des organes, au retentissement de l’excitation centrale dans des parties du système nerveux unies par une loi de corrélation.

En même temps que ces phénomènes d’attraction sensible, se produisent des phénomènes simultanés de répulsion : la tendance dominante, comme la colère, tend en effet à repousser toutes les tendances qui peuvent la contrarier, sympathie, pitié, respect d’autrui, dignité personnelle, etc.

Ce qui domine l’association des sentiments, ce sont les lois d’analogie et de contraste. Nous venons de voir que les sentiments analogues, par exemple les sentiments tendres, les sentiments douloureux, s’évoquent mutuellement : l’espérance excite la joie, elle rend bienveillant, elle porte à aimer ; l’inquiétude, la tristesse, l’humeur chagrine, la misanthropie vont de pair. L’association des sentiments par similarité s’étend même d’un groupe à l’autre, notamment des sentiments sensoriels aux sentiments esthétiques et moraux, ou invicem. La douleur de la haine est amère ; la joie d’aimer est douce ; la tristesse est sombre ; le souci est noir ; le regret est cuisant. Et nous avons montré, dans un chapitre précédent, que ce ne sont pas là seulement des métaphores, mais les résultats d’une loi qui explique l’expression même des sentiments : la bouche, dans la déception ou le mépris, fait les mêmes mouvements et prend les mêmes formes que sous l’action d’une saveur amère ou dégoûtante.

Quant à la loi de contraste, elle n’a plus ici la même signification que dans l’association des pures idées. Pour les idées, le contraste n’est qu’un cas particulier de similarité : si l’idée du blanc éveille celle du noir, c’est parce que cette opposition a pour point de départ une idée commune, celle de lumière. Au contraire, la loi de contraste a une valeur propre quand il s’agit de peines et de plaisirs. Non seulement l’idée de peine suscite celle de plaisir par l’idée commune de sensibilité, mais en fait et réellement la peine et le plaisir s’engendrent l’un l’autre. Rappelons-nous, en effet, que le plaisir est le plus ordinairement précédé ou accompagné d’une certaine peine due au besoin et à la non-satisfaction d’une tendance : si la souffrance n’est pas la condition nécessaire du plaisir, elle en est du moins un antécédent habituel, et, au point de vue organique, il n’y a guère d’acquisition de force qui n’ait été précédée d’un manque de force. Il n’est donc pas étonnant que la douleur et le plaisir soient associés de fait.

En outre, une loi importante du système nerveux, que nous avons déjà indiquée, tend à resserrer ce lien : c’est la loi de l’épuisement nerveux, qui produit la fatigue. Le plaisir, quand l’excitation a duré un certain temps, fait naître le besoin que le plaisir même ait un terme ; si bien qu’alors, dans la mesure où croît le plaisir, diminue le pouvoir de le ressentir encore. Il en résulte ce quelque chose d’amer qui surgit du fond de la coupe enivrante : le plaisir est lié à une dépense de force qui a pour terme la souffrance. Nous avons donc là plus qu’un contraste intellectuel : c’est un rythme organique et une alternative, comme celle de la respiration ; c’est un contraste réel, essentiel au mouvement de la vie. La volonté, après avoir accepté le plaisir, s’en lasse et le refuse : après l’affirmation naît la négation. D’ailleurs, ce contraste vécu n’est pas absolument irréductible à une identité plus profonde, celle de la volonté avec elle-même, celle de l’appétition tendant toujours au plus grand plaisir. Ce n’est point de jouir que l’activité se lasse ; c’est de l’effort qu’elle fait pour jouir, de la peine qui est le prix de sa jouissance. Nous trouvons donc, en définitive, dans l’identité de l’action et dans le contraste primitif de l’action avec la résistance extérieure la source première des similarités ou des contrastes qui associent les sentiments, qui les font onduler en sens divers. Les associations par simple contiguïté sont ici extrinsèques et superficielles : elles sont plutôt des associations de sentiments avec les perceptions concomitantes que des associations de sentiments avec d’autres sentiments ; la vraie loi primordiale est intrinsèque, inhérente à la nature de l’activité mentale et à celle de l’activité nerveuse qui en est la condition.

L’appétition et l’émotion apparaissent ainsi au fond do la mémoire, comme le ressort caché de l’association des états de conscience et comme le principal moyen de leur synthèse. Aussi les mêmes objets ne réveillent-ils pas les mêmes souvenirs quand nous sommes gais ou quand nous sommes tristes. Il y a en nous une disposition générale de la sensibilité et comme un ton général de notre humeur qui repousse ce qui lui est contraire, attire ce qui lui est conforme. On pourrait appeler cette loi profonde d’association « loi de sélection sensible », puisqu’elle fait de notre sensibilité une force d’attraction et de répulsion. Les idées ne s’enchaînent pas seulement par des rapports tout mécaniques et logiques ; elles s’enchaînent par un rapport d’adaptation à nos sentiments. Ferri, dans son étude sur la psychologie de l’association, ne dit rien de cette loi et cite pourtant lui-même un exemple qui aurait pu le mettre sur la voie. Un jour, piqué par une mouche, il se rappela tout à coup un enfant que jadis, étant lui-même fort jeune, il avait vu couché sur son lit de mort. Pourquoi cette vision subite ? « D’abord, dit-il, j’étais couché sur mon lit au moment même de ce souvenir ; première concordance ; puis j’avais vu le visage de l’enfant piqué par les mouches ; mais que de fois j’ai éprouvé le même inconvénient sans avoir le même souvenir ! Enfin je remarque que la vue du cadavre m’avait causé alors une profonde tristesse et que tout à l’heure aussi j’étais triste. » C’est donc la similarité d’émotion, c’est l’état de la sensibilité qui a été la puissance dominatrice et déterminante ; ici encore les idées empruntent leur principale force aux sentiments ou appétitions qui les animent, et la conscience, loin de refléter passivement les impressions, agit pour les accepter ou les repousser.

La loi même de similarité, au lieu d’être tout intellectuelle, se confond avec la loi qui veut que l’être sensible tende à son plus grand plaisir, car la similarité, en permettant la plus grande activité avec le moindre effort, produit par cela même du plaisir : le seul fait qu’une nouvelle expérience coïncide avec une expérience ancienne engendre un sentiment agréable. L’enfant sourit au visage qu’il retrouve le même. En associant les semblables, la conscience obéit à la loi universelle d’économie, qui veut que toute force s’exerce avec la moindre dépense possible, que toute appétition se satisfasse avec le minimum de peine : le rapprochement des semblables permet à la conscience d’embrasser d’un même regard une foule d’objets et de produire le plus grand travail avec le moindre effort. Si les contrastes nous plaisent, c’est qu’ils ont lieu au sein de la ressemblance et la font ressortir : ils nous donnent à la fois la jouissance de l’ancien et celle du nouveau, distinctes et cependant unies. Enfin, c’est déjà jouir que se souvenir, car c’est contempler des semblables et doubler sans effort le présent avec le passé ; de là cette volupté secrète qui se retrouve jusque dans le souvenir de la douleur.

III
Réaction intellectuelle et sa part dans la synthèse mentale

L’association a divers stades. Au plus bas degré, le cerveau peut lier des impressions indépendamment de l’intelligence, sinon indépendamment d’une sourde sensibilité et appétition diffuse. Nous pouvons ensuite nous souvenir et prendre conscience d’une coïncidence qui s’était marquée dans le cerveau mécaniquement et, à quelque degré, émotionnellement, mais sans avoir été alors remarquée par l’intelligence. Parfois aussi, les termes intermédiaires entre deux idées conscientes échappent eux-mêmes à la conscience. On sait que Hamilton comparait ce phénomène à la transmission du mouvement à travers une rangée de billes : la première se meut, les billes intermédiaires n’ont qu’un mouvement intestin, la dernière a un mouvement visible. Rappelons-nous encore que, quand les vibrations cérébrales sont trop rapides ou trop uniformes, elles échappent à la conscience, et nous comprendrons que certaines idées puissent surgir dans le temps en vertu d’un arrangement qui a eu lieu dans l’espace, entre des cellules que notre esprit ignore. C’est la sélection inconsciente. Ainsi, pendant le sommeil, s’organise dans le cerveau de l’enfant la leçon étudiée la veille. La loi de contiguïté cérébrale est alors presque seule en action. Tant que cette loi prédomine, les choses s’associent surtout selon des réactions mécaniques. Mais, dès que la conscience s’éveille, une nouvelle force d’organisation se manifeste : l’appétition consciente. Le cerveau ne connaissait guère que la contiguïté, dont la similarité d’impressions est une conséquence ; l’intelligence ne connaît guère que la similitude, dont la contiguïté est pour elle une simple espèce et une ébauche. La contiguïté même devient toujours, pour la conscience, une certaine similarité : le seul fait de s’apercevoir que des choses disparates coïncident, comme une vive lumière, un son, une douleur, est déjà une conscience de similitude au sein de la différence. Cette conscience suppose une réaction de la volonté et de l’intelligence par rapport aux sensations qui nous arrivent, et cette réaction, sur laquelle nous devons maintenant insister, est un facteur important de la synthèse mentale.

La synthèse mentale ne peut sans doute s’établir, comme nous l’avons montré, qu’entre des termes déjà donnés par un pur automatisme ; mais l’intelligence n’en a pas moins, en premier lieu, le pouvoir d’accepter ou de rejeter la soudure déjà commencée par la simple coïncidence de temps. En second lieu, l’intelligence finit par prendre intérêt aux ressemblances et différences pour elles-mêmes, parce que le discernement des ressemblances et différences est sa loi propre, conséquemment sa tendance normale. Cette loi est pour l’intelligence la loi même de conservation et de progrès. Aussi, des ressemblances les plus extérieures et les plus superficielles, comme celles qui tiennent à de simples coïncidences de temps ou de lieu, la pensée dégage peu à peu des ressemblances plus intimes et plus profondes. La conscience est donc une force organisatrice qui réagit sur les représentations et les ordonne selon une règle d’harmonie, comme un instrument façonné par un grand maître qui rejetterait de soi les discordances pour n’admettre que les accords. La loi de conservation, sous une forme d’abord appétitive, puis intellectuelle, joue ainsi le principal rôle dans la sélection des idées comme dans celle des espèces.

En troisième lieu, pour reconstruire un monde nouveau selon ses besoins, l’esprit est oblige, comme l’ont montré Martineau et W. James, de dissocier préalablement ce qui avait été associé par la simple habitude et par la fréquence des simples contiguïtés. Le savant ne doit-il pas d’abord séparer l’idée de combustion d’avec toutes ses associations habituelles, — dégagement de flamme et destruction de l’objet brûlé, etc., — pour pouvoir l’associer ensuite avec l’idée de cette respiration qui entretient la vie ? Ainsi donc, outre que la conscience, par l’appétition, est la force primitive d’association mentale, c’est encore elle qui, en réagissant sur les associations arrivées du dehors, devient la force principale de dissociation et d’analyse. Selon Spencer, cette rupture des associations primitives et cette sélection des ressemblances cachées se ferait simplement par la variation des circonstances extérieures, qui nous présentent les mêmes objets dans des groupes différents ; mais il est clair qu’il faut aussi considérer l’influence de ce milieu intérieur qui est la conscience même, sous les trois formes de l’intelligence, de la sensibilité, de la volonté. Les idées de l’intelligence, les sentiments et surtout les appétitions entrent comme facteurs dans cet ensemble de « circonstances » qui dissolvent les associations primitives et en composent de nouvelles.

Concluons que si, dans les circonstances de l’association, il y a un perpétuel mélange de contiguïté et de similarité, le fait même d’apercevoir la similarité ou la contiguïté produit un lien nouveau. Ce lien est psychologique et physiologique tout ensemble, car la réaction intellectuelle est en même temps une réaction cérébrale, une répétition systématisée des sensations par les cellules grises de l’écorce. Le pigeon ou le rat à qui l’on a retranché cette calotte superficielle, le cochon d’Inde à qui l’on sectionne les deux pédoncules cérébraux en avant et au dessus de la protubérance, a encore des sensations, mais il ne les aperçoit plus au moment où il les a ; il ne les connaît plus, ne les répète plus en les systématisant et les classant ; il ne peut plus y faire attention, ni les lier à l’appétition du moment ; les organes répétiteurs n’existant plus ou ne répétant plus, il n’y a plus de mémoire ni de liaison d’images. L’intelligence n’est pas à part, reliant par une action exclusivement spirituelle des idées qui ne trouveraient pas en même temps une liaison mécanique et cérébrale. Il n’en est pas moins vrai que le véritable fond du processus est dans l’appétit, dont le mécanisme est la manifestation extérieure ; s’il n’y avait pas dans les éléments de notre organisme des appétitions élémentaires et, dans le tout, un appétit général où les autres se résument et se composent, il n’y aurait ni vie, ni mouvement, ni mémoire. Du côté psychologique, le vrai lien primitif des idées est leur rapports l’unité de l’appétition, de l’effort, de la volonté, jointe à l’unité de l’émotion et à l’unité de conscience. Du côté physiologique, leur lien est leur rapport à l’unité de la tension cérébrale, chaque décharge particulière étant, comme nous l’avons vu, fonction de l’énergie totale.

Ainsi, dans les deux premières fonctions de la mémoire, le processus réel et complet est indivisiblement physique et mental ; mais le physique n’est qu’un extrait du tout, et un extrait plus fragmentaire que le mental, puisque le mental ajoute des éléments de plus aux éléments simplement mécaniques. Th. Ribot et Maudsley s’en sont tenus trop exclusivement au côté physique et n’ont pas étudié l’action spontanée de l’appétit, puis l’action réfléchie de la conscience sur la conservation des souvenirs et sur leur reproduction. Même dans la conservation et dans la reproduction des idées, pour ne rien dire encore de leur reconnaissance, la conscience n’est pas un enregistrement passif, ni une reproduction toute machinale, puisque l’attention, l’émotion et l’appétition y ont leur part. Si les idées ou images survivent dans la lutte et se conservent, la vraie et radicale raison, c’est qu’elles enveloppent à des degrés divers des sentiments tendant à se satisfaire par tels mouvements ; les idées sont des forces parce qu’elles recouvrent des appétits plus ou moins vagues ou précis. Si les idées se renouvellent, c’est le plus souvent en vertu de la même force, en vertu du lien qui unit telles représentations à tels sentiments et à tels mouvements, ou invicem, et qui établit comme conséquences dans le cerveau tels arcs réflexes, telles voies de communication toutes prêtes à recevoir les courants nerveux. Un sentiment ou désir dominateur trouve alors des voies par où il se répand et suscite les représentations adaptées. Enfin la contiguïté des courants dans les parties similaires du cerveau a pour corrélatif au sein de la conscience la similarité des impressions, et nous avons vu comment l’aperception de cette similarité réagit pour adapter tout le reste à sa propre loi. Après avoir été surtout, à l’origine, un témoin de la lutte des idées, la conscience finit par être la principale force de sélection parmi les idées ; elle tend même à devenir de plus en plus dominante dans l’humanité : purement imitatrice au début, elle devient en un sens créatrice. La conscience n’est donc ni si haut ni si bas que la placent ses admirateurs ou ses détracteurs : elle n’est pas une puissance indépendante du mécanisme naturel, mais elle n’est pas non plus un simple effet accidentel et superficiel de ce mécanisme ; elle est l’intérieur dont le mécanisme est l’extérieur. Si elle s’élève trop, « je l’abaisse » ; si elle s’abaisse, « je la relève. »