(1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIII » pp. 206-208
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(1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIII » pp. 206-208

LIII

dédicace de modeste mignon. — le salon de peinture. — un portrait de la princesse belgiojoso par lehman. — un tableau d’ary scheffer.

Le roman de Balzac, Modeste Mignon (Débats du 4 avril), est dédié à une étrangère, fille d’une terre esclave, ange par l’amour, démon par la fantaisie, etc.36.

A-t-on jamais vu un pareil galimatias ? Comment le ridicule ne fustige-t-il pas de pareils écrivains, et par quelle concession un journal qui se respecte leur ouvre-t-il ses colonnes à grands fracas ? On se demande à qui une telle dédicace aussi bizarre et si peu française peut bien s’adresser… Serait-ce à la princesse Belgiojoso ?… Mais non, le signalement ne va que sur quelques points (fille d’une terre esclave, l’Italie ; homme par le cerveau ; poëte par les rêves ; à toi qui es encore la Beauté. » On nous assure que c’est plutôt à une dame russe, madame de S…of, célèbre par sa beauté et par l’étrangeté et les fantaisies d’une grande existence. Comment autorise-t-on de pareils hommages ?

Ce roman de Balzac était annoncé, il y a quelques jours, dans les Débats, par une lettre de l’auteur, la plus amphigourique, la plus affectée et la plus ridicule qui se puisse lire, tout cela afin de mettre en goût le public. Ceux qui insèrent de telles fadaises s’en moquent sans doute, mais ils croient qu’il faut servir au public ce qu’il demande. On est comme au café ou au restaurant, et tout caprice du consommateur est tenu pour loi.

— L'exposition de Peinture et de Sculpture est ouverte depuis un mois : tout d’abord, dans le grand salon, on distingue un portrait de cette même princesse Belgiojoso par le peintre Lehman, disciple d’Ingres et artiste d’un vrai talent. L'aspect pourtant de ce portrait est bien étrange. — Ce n’est pas un portrait, disait un spectateur, c’est une apparition ! — Si l’exposition de cette année offre peu de grandes toiles très-remarquables, on y signale une foule de paysages et de jolis tableaux de moyenne dimension. Ni Ingres, ni Delaroche, ni Scheffer, n’ont exposé ; on parle beaucoup pourtant d’un tableau de Scheffer presque achevé, et qui se voit dans son atelier : saint Augustin et sainte Monique, au moment de la mort de celle-ci. Le peintre, il paraît, a su s’élever à l’idéal et à la sainteté de cette situation touchante rendue avec tant de sublimité dans les Confessions.

— Madame Benjamin Constant s’inquiète peu de son mari, perd ses papiers et ne réclamera sans doute rien : elle est toujours bergère à soixante-douze ans.