(1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »
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(1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Mémoires de madame Roland

Publiés d’après les manuscrits.
Étude sur la même
(suite)
Par M. Dauban.

Évidemment ce qu’on a retrouvé et ce qu’on publie aujourd’hui doit déranger et contrarier un peu les anciens amis et admirateurs de Mme Roland, ceux du moins qui étaient restés à son égard dans la ligne correcte et pure, dans la ligne girondine étroite. En présence des jugements passionnés et contradictoires, les historiens eux-mêmes, — je parle des historiens amis, — se sont comportés comme des avocats dans un procès. On sait quel est le devoir d’un bon avocat : il est des points sur lesquels il ne cède que lorsqu’il se voit forcé et vaincu par l’évidence : jusque-là il plaide, pour plus de sûreté, la parfaite innocence de son client, et il nie. Il n’y avait pas ici de crime ni de faute à celer ; mais il y a des faits compliqués et sujets à commentaires ou même à calomnie : on s’est efforcé, tant qu’on l’a pu, de les recouvrir et de les supprimer. L’éditeur des Mémoires de Buzot en 1823, M. Guadet, écrivant la Vie de ce girondin, et se trouvant en face de la difficulté, c’est-à-dire de la tendre liaison présumée entre Mme Roland et Buzot, s’en tirait d’une manière évasive et sauvait la situation dans les termes suivants :

« On a dit que des relations d’un autre genre avaient existé entre Buzot et Mme Roland. Mme Roland parle souvent de Buzot dans ses Mémoires, mais la manière même dont elle en parle me semble repousser cette idée. (Je le crois on avait supprimé les passages où elle avoue son sentiment et où elle s’en fait gloire.) Buzot nous parle à son tour de ses relations d’amitié avec Roland, et ce n’était pas un homme à jouer avec l’un et avec l’autre deux rôles aussi opposés, Je sais bien que lorsque Buzot apprit à Saint-Émilion la mort de Mme Roland, il en perdit l’esprit pendant quelques jours ; mais l’intimité dans laquelle il vécut avec elle, l’estime qu’il eut pour ses talents, peuvent facilement expliquer cette circonstance, de la part d’une âme ardente. »

Honorable héritier du nom et des sentiments de l’un des hommes les plus purs de l’ancienne Gironde, ce même M. Guadet qui, à quarante ans de distance, dans deux volumes consciencieux assez récemment publiés39, a discuté et contrôlé les récits et les dires des nouveaux historiens de la Révolution, n’a pu ni voulu se dépouiller de ce rôle d’avocat, et il le revendique hautement au contraire. Qu’est-il arrivé ? Lorsqu’il a eu à parler de Mme Roland, comme s’il s’agissait avant tout de la disculper et de la défendre, il a essayé de diminuer son rôle actif auprès de son mari et sa part virile d’influence : il s’est refusé également à admettre qu’il se fût logé dans ce cœur de femme aucun sentiment autre que le conjugal et le légitime, ni aucune passion romanesque :

« Écoutez-les, disait-il hier encore, en s’adressant par la pensée aux différents historiens ses prédécesseurs et en les indiquant du geste tour à tour : ceux-là, soit admiration sincère pour le mérite de Mme Roland, soit désir de rabaisser celui des hommes qui l’entouraient, voient dans la femme du ministre la tête qui dirige et son mari et les législateurs qui le fréquentent, et répétant un mot célèbre : Mme Roland, disent-ils, est l’homme du parti de la Gironde ; — ceux-ci, habitués à se laisser aller à l’imagination du romancier ou du poète, transforment l’être qu’ils ont créé en nouvelle Armide, fascinant du charme de ses paroles ou de la douceur de son sourire ceux qu’elle réunit dans ses salons ou qu’elle convie à sa table ; — d’autres enfin, scrutateurs indiscrets de la vie privée, se placeront entre la jeune femme et son vieux mari, commenteront de cent façons un mot jeté au hasard par cette femme, chercheront à pénétrer jusqu’aux plus secrets sentiments de son âme, compteront les pulsations de son cœur agité, selon que telle ou telle image, tel ou tel souvenir l’impressionne, et montreront sous un voile transparent l’être vers lequel s’élancent sa pensée et ses soupirs ; car à leur roman il faut de l’amour. »

Et il ajoute, plein de confiance dans le témoignage qu’il invoque : « Mme Roland a raconté elle-même avec une simplicité charmante ce qu’elle a pensé, ce qu’elle a senti, ce qu’elle a dit, ce qu’elle a fait. » Eh bien ! oui, elle l’a raconté, et c’est précisément cette vérité et cette franchise d’aveux qui, à votre tour, avocat excellent et honnête, va vous forcer à en rabattre et vous donne tort aujourd’hui. Ce n’est pas que je veuille dire que ces aveux qu’elle fait accusent Mme Roland. La vérité morale et humaine est plus large que nous ne pensons.

I.

Mais il est un point que j’ai à cœur moi-même de maintenir, nonobstant les critiques que j’ai été ou que je serai amené à faire à l’occasion des passages réintroduits dans le texte ou des lettres retrouvées : c’est la grâce de la femme chez Mme Roland. Elle n’était ni une pédante, ni une précieuse et un bas bleu, pas le moins du monde ; et bien qu’il y ait dans ce qu’elle a écrit et ce qu’on a sous les yeux des pages qui, à distance et avec un peu de mauvaise volonté, permettraient de juger d’elle autrement, je reste persuadé et je soutiens que ces taches ou ces roideurs ne sont pas essentielles, qu’elles n’allaient pas en elle jusqu’à affecter et gâter la femme vivante ; c’est de la littérature écrite imitée, un pli de la mode, rien de plus. Mme Roland, en personne, était et paraissait avant tout fort aimable.

Pour me confirmer dans cette idée et dans cette bonne opinion, j’ai consulté dès longtemps et j’invoquerai le témoignage de tous ceux qui l’ont connue ou rencontrée. Les amis politiques (c’est tout simple) disent du bien d’elle, et ils jetteraient au besoin un voile sur les défauts ; mais les hommes d’un autre parti, les adversaires ou ceux qui ne la voyaient pas sans prévention, s’ils sont d’honnêtes gens, parlent aussi en sa faveur et à son avantage ; ils sont tous d’accord sur le charme et la grâce : nous n’avons qu’à les écouter. M. Beugnot, tout le premier, parlant de l’arrivée de Mme Roland à la Conciergerie où il était détenu lui-même, s’exprime ainsi :

« Mme Roland était âgée de trente-cinq à quarante ans. Elle avait la figure non pas régulièrement belle, mais très agréable, de beaux cheveux blonds, les yeux bleus et bien ouverts. Sa taille se dessinait avec grâce, et elle avait la main parfaitement faite. Son regard était expressif, et même dans le repos sa figure avait quelque chose de noble et d’insinuant. Elle n’avait pas besoin de parler pour qu’on lui soupçonnât de l’esprit, mais aucune femme que j’aie entendue ne parlait avec plus de pureté et d’élégance. Elle avait dû à l’habitude de la langue italienne le talent de donner à la langue française un rythme, une cadence véritablement neuve. Elle relevait encore l’harmonie de sa voix par des gestes pleins de grâce et de vérité, par l’expression de ses yeux qui s’animaient avec le discours, et j’éprouvais chaque jour un charme nouveau à l’entendre, moins par ce qu’elle disait que par la magie de son dédit. Elle réunissait à ces dons, déjà si rares, beaucoup d’esprit naturel, des connaissances étendues en littérature et en économie politique. C’est ainsi que j’ai vu Mme Roland, et j’avouerai que je la voyais avec une prévention défavorable. »

Une remarque de M. Prosper Faugère (car je reçois à l’instant et j’ai sous les yeux les bonnes feuilles de son édition des Mémoires de Mme Roland qui va paraître) m’avertit que les souvenirs de M. Beugnot sont ici en défaut sur un point : Mme Roland n’était pas blonde, elle avait les cheveux et les yeux noirs, comme elle le dit elle-même ; mais, sauf cette légère inadvertance, l’impression charmante et morale qui ressortait de toute sa personne est vivement et fidèlement rendue par M. Beugnot, et plus encore dans les pages qui suivent, et auxquelles je ne puis que renvoyer40. On aura remarqué cette élocution nombreuse et pure qui découlait de ses lèvres, cette accentuation plus prononcée qu’elle ne l’est d’ordinaire dans la conversation, et que M. Beugnot attribue à l’usage de la langue italienne. Lemontey, qui était de Lyon et qui y avait vu Mme Roland avant que la Révolution l’eût transformée, a dit également avec la finesse et la curiosité de nuance où s’aiguisait la plume de cet écrivain maniéré, mais distingué :

« J’ai vu quelquefois Mme Roland avant 1789 ; ses yeux, sa tête et sa chevelure étaient d’une beauté remarquable. Son teint délicat avait une fraîcheur et un coloris qui, joints à son air de réserve et de candeur, la rajeunissaient singulièrement. Je ne lui trouvai point l’élégance aisée d’une Parisienne qu’elle s’attribue dans ses Mémoires ; je ne veux point dire qu’elle eût de la gaucherie, parce que ce qui est simple et naturel ne saurait manquer de grâce. Je me souviens que la première fois que je la vis, elle réalisa l’idée que je m’étais faite de la petite fille de Vévay qui a tourné tant de têtes, de la Julie de J.-J. Rousseau : et, quand je l’entendis, l’illusion fut encore plus complète. Mme Roland parlait bien, trop bien. L’amour-propre aurait bien voulu trouver de l’apprêt dans ce qu’elle disait, mais il n’y avait pas moyen : c’était simplement une nature trop parfaite. Esprit, bon sens, propriété d’expression, raison piquante, grâce naïve, tout cela coulait sans étude entre des dents d’ivoire et des lèvres rosées : force était de s’y résigner. »

Le portrait est brillanté, mais convenez qu’il est des plus jolis. On ne peut mieux nous donner l’idée de cette grâce correcte et parfaite, non pas affectée ni étudiée, et dans laquelle la nature et l’art semblaient ne faire qu’un. L’observation est applicable à plus d’une de ces femmes distinguées qui se sont faites elles-mêmes, qui ont tout appris toutes seules, et qui ont eu à se travailler dès l’enfance. L’énergie, le soin et la vigilance dont elles ont eu besoin pour se former et s’élever, pour conquérir l’éducation et la perfection du bien penser et du bien dire, laissent des marques et passent à l’état d’habitude, lors même qu’il n’y a plus d’effort à faire : que vous dirai-je ? elles ont quelque chose de trop accompli. Il n’est donné qu’à une Caylus, née et nourrie dans les élégances de Cour et dans la politesse de Saint-Cyr, de se jouer ensuite dans l’urbanité légère et de se permettre les grâces négligées.

Un homme qui n’est pas suspect quand il s’agit de juger les femmes célèbres, qui ne les aimait ni savantes, ni politiques, ni philosophes, et qui n’a jamais pu pardonner à Mme de Staël une certaine affectation de sentimentalité et une teinte de métaphysique, Fontanes, ennemi d’ailleurs de la Révolution et des révolutionnaires, écrivait dans un journal, le Mémorial, à l’occasion d’une Histoire du Siège de Lyon qui venait de paraître (1797) :

« L’auteur dévoile très bien les intrigues assez basses du ministre Roland qui réunissait à quelques connaissances un orgueil sans bornes et un pédantisme insupportable ; mais il paraît injuste envers Mme Roland. J’ai eu occasion de passer quelques jours avec elle en 1791 ; cette femme, il faut en convenir, joignait un esprit supérieur à toutes les grâces de son sexe ; elle avait tout l’art nécessaire pour faire croire que tout chez elle était l’ouvrage de la nature. On voyait seulement qu’elle ne pardonnait pas à la société la place inférieure qu’elle y avait longtemps occupée. C’est l’histoire de Jean-Jacques et de tant d’autres qui valaient moins que lui. »

Voilà ce que j’appelle des jugements irréfragables, de première main, et qui tous concourent dans une même impression. Mme Roland, malgré les qualités viriles dont elle a fait preuve, n’avait rien de masculin dans tout son aspect ni dans son ensemble ; elle était femme et très femme. Je joindrai encore ici le témoignage d’un écrivain adversaire, Mallet du Pan, qui rédigeait à Londres le Mercure britannique en 1798. Dans un admirable article sur les difficultés qu’il y aurait, pour plus d’un demi-siècle encore, à composer une véritable histoire de la Révolution française, parlant des Mémoires nombreux qui commençaient à paraître et dans lesquels chacun plaidait pour son parti et pour son saint et ne présentait que « la portion de vérité qui pouvait servir le mieux à noircir l’adversaire », l’éminent publiciste indiquait, à l’appui de sa pensée, les deux exemples le plus en vue :

« Beaucoup de gens, disait-il, écrivent leurs Mémoires pour faire l’histoire personnelle de leurs talents, de leur mérite et de leur conduite. Dans les temps de troubles et de factions, ces écrits intéressés doivent être très suspects. J’aurais plus de confiance dans les Mémoires de Dumouriez si, à chaque page, je n’y lisais l’éloge de ses démarches, de ses avis, de ses variations, de sa politique, et la condamnation de tous ceux qui lui refusèrent confiance. En lisant les Mémoires de Mme Roland, on aperçoit l’actrice qui travaille pour la scène et qui noie dans une foule de puérilités l’apologie de ses amis et la satire de ses ennemis : toutes les figures y sont peintes en buste et le plus souvent par le pinceau des passions. J’ai connu personnellement cette femme dont la mort héroïque a expié l’égarement ; dont l’âme ardente et la tête ambitieuse eussent mérité un cloître ou une principauté ; dont l’esprit fin et turbulent était aussi propre à diriger des intrigues qu’incapable d’écrire avec fidélité les scènes d’horreur où elle n’avait pas craint de jouer un rôle. »

Ce jugement est sévère, et je ne le donne qu’à raison de l’autorité que j’accorde aux paroles de Mallet du Pan. On y voudrait plus de développement et quelques explications. Il avait connu Mme Roland. Elle avait été liée d’assez bonne heure avec Linguet, le maître de Mallet, et avec bien des Genevois de sa connaissance ; il l’avait vue à Paris à l’œuvre, sur le théâtre de l’action, et il eût été curieux de l’entendre motiver ce jugement si plein, mais trop sommaire.

Dumont de Genève, dans ses Souvenirs sur la Révolution, a parlé d’elle très pertinemment aussi, avec bien de la discrétion et une incontestable justesse ; il regrettait de l’avoir moins connue qu’il ne l’aurait pu, et il nous en dit la raison :

« Mme Roland, à tous les agréments personnels, joignait tout le mérite du caractère et de l’esprit. Ses amis en parlaient avec respect : c’était une Romaine, une Cornélie, et si elle avait eu des fils, ils auraient été élevés comme les Gracques. J’ai vu chez elle plusieurs comités de ministres et des principaux Girondistes. Une femme paraissait là un peu déplacée ; mais elle ne se mêlait point des discussions ; elle se tenait le plus souvent à son bureau, écrivait des lettres, et semblait ordinairement occupée d’autre chose, quoiqu’elle, ne perdît pas un mot. Sa modeste parure n’ôtait rien à ses grâces, et quoique ses travaux fussent d’un homme, elle ornait son mérite de tous les charmes extérieurs de son sexe. Je me reproche de n’avoir pas connu toute l’étendue de ses qualités ; j’avais un peu de prévention contre les femmes politiques, et je lui trouvais trop de cette disposition défiante qui tient à l’ignorance du monde. »

Cette ignorance du monde, — une ignorance relative, — a été l’un des malheurs de Mme Roland au moment de son entrée dans la politique. Quelque distingué que fût le groupe des Girondins, il ne s’y trouvait aucun homme réellement supérieur par le coup d’œil, et, comme Dumont l’a également remarqué, elle en fut réduite à s’exalter et à se monter la tête pour des esprits qui ne la valaient pas :

« Il a manqué à son développement intellectuel (c’est encore Dumont qui parle) une plus grande connaissance du monde, et des liaisons avec des hommes d’un jugement plus fort que le sien. Roland avait peu d’étendue dans l’esprit ; tous ceux qui la fréquentaient ne s’élevaient point au-dessus des préjugés vulgaires. »

Il aurait fallu à Mme Roland quatre ou cinq années de plus de cette scène publique, pour atteindre à tout son développement et à sa maturité sous sa seconde forme, pour sortir de ses vues de coterie, de ses préventions exclusives et de son intolérance contre tout ce qui s’écartait d’un premier type voulu, pour comparer entre eux les hommes, apprécier chacun à sa valeur et se dégoûter des médiocres de son bord qu’elle surfaisait. En un mot, il lui aurait fallu cette grande foire humaine et à marché ouvert qu’on appelle le Directoire ; toutes les ambitions, toutes les compétitions, toutes les cupidités à nu ; et les plaisirs à l’avenant : une Régence. Ces quatre ou cinq années de plus lui ont manqué pour entière et dernière école : elle y a suppléé, et amplement, par une mort sublime ; l’héroïsme t’a dispensée et exemptée de trop d’expérience. Un ancien poète aurait dit d’elle : « Ils sont favorisés des Dieux ceux qui meurent ainsi. »

II.

Un autre point sur lequel je dois revenir, un trait qui est essentiel chez Mme Roland, c’est celui qu’a accusé Fontanes et qu’elle-même a marqué dans ses Mémoires, le sentiment de la place inférieure qu’elle avait longtemps occupée dans la société et dont elle avait souffert. Si elle n’en souffrit plus depuis son mariage, qui l’avait si honorablement classée dans une bourgeoisie plus que moyenne, elle ne cessa d’y penser, de mesurer les distances sociales, de sentir sur elle les prérogatives des rangs et d’aspirer sourdement à son niveau. M. de Lamartine a là-dessus une fort belle page41 : c’est au point de départ de la jeune fille et à l’époque où Manon Phlipon voyait encore le monde et ses horizons lointains de sa fenêtre du quai de l’Horloge :

« Du fond de cette vie retirée, elle apercevait quelquefois le monde supérieur qui brillait au-dessus d’elle ; les éclairs qui lui découvraient la haute société offensaient ses regards plus qu’ils ne l’éblouissaient. L’orgueil de ce monde aristocratique qui la voyait, sans la compter, pesait sur son âme. Une société où elle n’avait pas son rang lui semblait mal faite. C’était moins de l’envie que de la justice révoltée en elle. Les êtres supérieurs ont leur place marquée par leur nature, et tout ce qui les en écarte leur semble une usurpation… »

M. Louis Blanc, de son côté, a scruté ce sentiment qui fit d’elle une républicaine et s’en est rendu compte par une analyse précise42. Il la considère comme la personnification la plus brillante de la classe moyenne bourgeoise, étouffée, et de cette élite intellectuelle qui aspirait à prendre son rang par son mérite. En même temps qu’il la voit disciple de Rousseau et modelant en partie ses Mémoires sur les Confessions, il cherche à l’en distinguer par un caractère fondamental : il ne découvre dans ses écrits, dit-il, « ni la tragique sollicitude de Rousseau pour les âmes simples et ignorantes, ni la douloureuse anxiété avec laquelle celui-ci remue et sonde les bas-fonds de la société, ni sa haine contre l’inégalité, même quand ce n’est pas sur le talent qu’elle pèse, ni les cris vengeurs que lui arrache la vue du paysan opprimé par un publicain barbare ou celle de l’homme du peuple étouffant dans les étreintes de la misère. Voilà, s’écrie M. Louis Blanc, ce qu’on ne trouve pas chez elle ; le sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ne paraît pas occuper beaucoup déplacé dans ses préoccupations ; du moins, il n’en tient guère dans son livre. » La remarque est fine ; je la crois juste, bien que trop généralisée. Je trouve, en effet, dans le Voyage en Angleterre de Mme Roland, voyage instructif et très consciencieux qu’elle fit en 1784 avec son mari, un passage sur la différence des moyens de fondation en France et en Angleterre, la puissance de l’association suffisant là-bas à de magnifiques établissements qui ne se font chez nous que par voie d’autorité :

« Nous avons, dit-elle, de belles choses en France, mais toutes faites par le prince aux dépens de ses sujets arbitrairement imposés et pleurant au fond des provinces le bien auquel ils ne participent que par leurs sueurs et leurs souffrances. »

Voilà précisément la note dont M. Louis Blanc regrettait l’absence. Il est vrai qu’elle est plus rare chez Mme Roland que chez Rousseau. Confinée au cercle domestique et n’ayant pas mené, comme l’illustre vagabond de Genève, une vie errante et souvent pédestre, elle ne pouvait qu’entrevoir, sans les sonder, les misères profondes : elle était digne de les sentir.

M. Louis Blanc a dit encore en parlant du groupe de la Gironde et pour le définir : « Ce furent des artistes égarés dans la politique. » Artistes, je l’accorde ; mais il convient encore de se bien entendre sur le mot ; ils l’étaient peut-être (l’un d’entre eux du moins, Vergniaud), par l’éloquence ; comme écrivains, ils n’étaient artistes nullement. Il n’y a rien de plus terne que leurs Mémoires, de plus déclamatoire dans les termes, de plus farci de Rome et de Sparte. S’ils furent des artistes, ils ne furent en rien des artistes originaux, et Mme Roland, supérieure à la plupart, et je dirais hardiment, à tous s’il n’y avait Vergniaud, n’échappe point en cela à la condition commune.

J’ai eu par devers moi une preuve piquante et particulière de cette absence totale d’originalité chez les Girondins ; j’ai pu lire, grâce à l’obligeance de M. Guadet, une tragédie manuscrite en cinq actes et en vers, Charlotte Corday, composée par Salles, député à la Convention, l’un des Girondins proscrits, et qui l’écrivait pendant sa proscription même, sous le coup de la mort43. Aberration du goût ! cet homme qui a vécu en pleine tourmente, au milieu des Jacobins, qui a entendu tous les jours Danton, Robespierre, les fait parler dans le style élégamment délayé de la tragédie classique du troisième ordre : c’est une troisième décoction de Campistron. Danton parle comme un traître de tragédie (passe encore si c’était Rarère) ; il harangue en ces termes ses complices Robespierre, Rarère, Hérault-Séchelles, etc. : c’est à Rarère effrayé et qui vient de tracer de la situation un tableau très sombre, qu’il répond :

Avant de m’expliquer sur ces grands intérêts,
Je dois de ce récit adoucir quelques traits.
Le jour de crise, amis, sans doute est difficile ;
Le peuple est agité, mais l’armée est tranquille.
Le soldat, chaque jour au combat occupé,
Sur nos divisions est aisément trompé.
Plus heureux dans les camps, l’on nous croit : leur entrée
Aux plaintes des proscrits n’a point été livrée…

Ainsi ces Girondins, qui osaient combattre les Jacobins et mourir, n’osaient sortir de la phraséologie fade et plate en poésie. Il fallut près de soixante ans encore pour que Ponsard, dans sa Charlotte Corday, produisant ces hommes sur la scène, leur fit tenir un mâle langage et revînt par la tradition cornélienne à une sorte de vérité révolutionnaire.

Mme Roland, qui rimait aussi comme Salles et qui faisait avec facilité des vers quelconques, écrivait bien en prose, d’une plume gracieuse et virile, avec nombre, fermeté, élégance ; mais l’originalité également fait un peu défaut, et cela est sensible surtout lorsqu’elle s’applique et qu’elle veut s’élever. Elle choisit noblement ses modèles, mais elle a toujours des modèles sur lesquels elle tâche expressément de se former. Dans son admiration enthousiaste pour Rome, ainsi que toute l’école à laquelle elle appartient, elle se vante et s’enorgueillit de tout ce qui sera un calque direct. Sa plus grande ambition littéraire (et ce n’en est pas une petite en effet) eût été de s’exprimer à l’imitation de Tacite ; elle revient à cette idée à plus d’une reprise dans sa prison, et avec des alternatives de regret ou d’espérance : « Si j’échappe à la ruine universelle », écrit-elle à un ami, « j’aimerai à m’occuper de l’histoire du temps ; ramassez de votre côté les matériaux que vous pourrez. J’ai pris pour Tacite une sorte de passion ; je le lis pour la quatrième fois de ma vie avec un goût tout nouveau, je le saurai par cœur ; je ne puis me coucher sans en avoir savouré quelques pages. » Et elle redit la même chose dans ses Mémoires : « Il me semble que nous voyons de même (Tacite et moi), et avec le temps, sur un sujet également riche, il n’aurait pas été impossible que je m’exprimasse à son imitation. » Mais pourquoi imiter Tacite ? On y parvient pendant quelques pages ; il y a un tour, un procédé, une entorse vigoureuse de pensée qu’il s’agit de saisir ; mais, à la longue, cela devient bien lassant. Daunou a essayé dans ce style une Histoire de la Convention, et il n’est pas allé au-delà du premier chapitre. Laissons Tacite avec sa manière à lui et son génie. Les hommes ne sont pas faits généralement pour être ainsi frappés en médaille d’un coup et coulés en bronze. De tout temps ils sont chose ondoyante et diverse : dans le cours d’une révolution, ils sont encore plus sujets à changement et à métamorphose. Pour les réfléchir et les montrer fidèlement, l’histoire ne saurait trop ressembler à un grand fleuve. Moins de talent, moins d’art, et plus de largeur et d’impersonnalité : c’est là aussi une belle manière de talent.

Mme Roland est parfois originale ou bien près de l’être. Savez-vous quand ? C’est quand elle y songe le moins et là où elle est le plus naturelle ; c’est dans ses lettres à ses amis, particulièrement dans les lettres à Bosc pour lesquelles j’ai un faible. En maint endroit de cette libre et charmante Correspondance elle a des gaietés, des élans et des entrains à ravir, — quand elle parle de la vie des champs, de ses occupations au Clos, de ses différentes manières d’être à Villefranche, à Lyon, à la campagne : « A la campagne, je pardonne tout…, à Lyon, je me moque de tout…, à Villefranche, je pèse tout… » La campagne surtout l’inspire : « Pends-toi, friand Crillon, nous faisons des confitures, du raisiné et du vin cuit, des poires tapées et du bonbon, et tu n’es pas ici pour les goûter !… » Elle a de ces débuts de lettres d’automne qui respirent en plein la vendange et qui sentent leur fruit ; ceci encore, par exemple :

« Eh ! bonjour donc, notre ami. Il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit ; mais aussi je ne touche guère la plume depuis un mois, et je crois que je prends quelques-unes des inclinations de la bête dont le lait me restaure : j’asine à force et m’occupe de tous les petits soins de la vie cochonne de la campagne. Je fais des poires tapées qui seront délicieuses ; nous séchons des raisins et des prunes ; on fait des lessives, on travaille au linge ; on déjeune avec du vin blanc, on se couche sur l’herbe pour le cuver ; on suit les vendangeurs, on se repose au bois ou dans les prés ; on abat les noix, on a cueilli tous les fruits d’hiver, on les étend dans les greniers. Nous faisons travailler le docteur, Dieu sait ! Vous, vous le faites embrasser ; par ma foi, vous êtes un drôle de corps. »

Dans tous ces endroits, elle est naturelle, pleine de verve et d’abondance ; elle n’est plus tout à fait cette dame parfaite que Lemonteya vue à Lyon ; elle se livre, elle a du jet ; elle est ce qu’il faut, selon les lieux et les moments ; elle est ce qu’elle veut être, familière et vive quand le cœur lui en dit ; la plume alors prend le galop et court à bride abattue : nous avons une Sévigné de la bourgeoisie, et mieux que cela, une Sévigné George Sand.

III.

Venons-en à ce qui semblera un peu moins naturel, à ses lettres d’amour, à cette passion des derniers temps à laquelle l’enhardit la Révolution et dont elle a dit avec justesse : « J’ai connu ces sentiments généreux et terribles qui ne s’enflamment : jamais davantage que dans les bouleversements politiques et la confusion de tous les rapports sociaux. » Elle avait de bonne heure trop réfléchi à l’amour pour le ressentir dans toute sa naïveté. Jamais elle n’avait connu ce premier attrait invincible, le plus simple, le plus éternel de tous, celui dans lequel les sens jouent leur rôle, même à leur insu, l’amour de Chloé pour Daphnis, ou même celui de Virginie pour Paul. On a d’elle, lorsqu’elle était encore jeune fille, c’est-à-dire avant son mariage, à l’âge de vingt-deux ou vingt-trois ans, un Essai moral, une espèce de dissertation sur l’amour qui commence ainsi : « Je pense à l’amour et je prends la plume… Que prétends-je faire ? Je le connais à peine ; de quelles idées puis-je m’entretenir moi-même sur un pareil sujet ? » Après quelques raisonnements d’une banalité un peu novice, elle en vient à se peindre elle-même sous le nom de Chloé ; elle semble y faire allusion à son goût de jeune fille pour La Blancherie. Chloé nous est présentée comme une personne d’une raison précoce, « d’un naturel docile mais pénétrant, cultivé par une éducation aisée et prudente, d’un esprit juste mais gai », d’une humeur enjouée et vive, sur qui les amorces qui s’adressent à la vanité ne prennent pas, mais dont le cœur peut se laisser gagner au vrai mérite et au charme d’un entretien spirituel et instructif ; une conversation « gaiement sensée ou finement badine » a des chances de lui plaire. Ce La Blancherie, qui la préoccupa d’abord plus qu’elle n’a voulu le dire, n’avait que le vernis de l’agréable, rien de solide ; elle s’en aperçut assez vite. Roland plus tard, le vertueux Roland, n’eut que le solide et le sérieux sans rien d’aimable : elle finit aussi par s’en trop apercevoir à la longue. Les conditions qu’elle eût désiré trouver associées et réunies, elle ne les rencontrait que séparées. Il lui fallut longtemps attendre. Elle n’y comptait probablement plus lorsque tout d’un coup, un beau jour, dans l’agitation des tempêtes publiques, et avec le rehaussement des vertus de citoyen, elle crut avoir trouvé son premier idéal agrandi en la personne de Buzot. Il était, ne l’oublions pas, de six ans plus jeune qu’elle, ce qui, de la part de la femme, favorise l’illusion et la tendresse, — marié lui-même à une femme estimable, mais peu distinguée ; on pouvait l’aimer sans aller sur les brisées d’aucune rivale. Elle s’éprit de lui ; elle se monta la tête et s’enflamma le cœur (car bien hardi qui tranche en pareil cas !) pour son mérite renfermé et un peu sombre. Elle lui prêtait de son rayon, et, en l’aimant, elle restait fidèle encore à son programme de jeune fille : « Dans les âmes honnêtes et délicates, l’amour ne se présente jamais que sous le voile de l’estime. »

Je viens de relire les Mémoires de Buzot ou ce qu’on appelle ainsi, les pages d’apologie écrites par lui au milieu de sa proscription : elles sont assez véhémentes et animées d’une vertueuse indignation, mais ternes, sans intérêt pour nous aujourd’hui, sans un éclair. Quelques portraits à peine, tels que celui de Garat, s’y détachent. Victime lui-même de la persécution et de la calomnie, Buzot se montre d’une extrême injustice pour tous ses adversaires et les confond dans une commune et banale injure : ce sont d’inévitables représailles ; et il serait encore plus élevé d’intelligence que de cœur, celui qui saurait s’en abstenir. Formé par la double lecture de Plutarque et de Jean-Jacques, admirant également Montesquieu et Mably et les mettant sur la même ligne, Buzot a tous les nobles préjugés, toutes les lumières incomplètes de son époque : il est, lui aussi, de Rome et de Sparte plutôt qu’un législateur moderne ; mais de près, dans la familiarité sérieuse, il pouvait avoir un certain charme contenu et voilé, et Mme Roland le subit. Dans les lettres récemment retrouvées, elle lui écrit d’abord de la prison de l’Abbaye, à la date du 22 juin 1793 ; elle venait de recevoir des lettres de lui où il lui annonçait qu’il était avec quelques-uns de leurs amis en sûreté dans le Calvados :

« Combien je les relis ! s’écrie-t-elle ; je les presse sur mon cœur, je les couvre de mes baisers ; je n’espérais plus d’en recevoir 1… J’ai fait inutilement chercher des nouvelles de Mme Ch… ; j’avais écrit une fois à M. Le Tellier, à E. (Évreux), pour que tu eusses de moi un signe de vie ; mais la poste est violée ; je ne voulus rien t’adresser, persuadée que ton nom ferait intercepter la lettre et que je t’aurais compromis. Je suis venue ici, fière et tranquille, formant des vœux et gardant encore quelque espoir pour les défenseurs de la Liberté ; lorsque j’ai appris le décret d’arrestation contre les vingt-deux, je me suis écriée : Mon pays est perdu ! — J’ai été dans les plus cruelles angoisses jusqu’à ce que j’aie été assurée de ton évasion ; elles ont été renouvelées par le décret d’accusation qui te concerne : ils devaient bien cette atrocité à ton courage ! Mais, dès que je t’ai su au Calvados, j’ai repris ma tranquillité. Continue, mon ami, tes généreux efforts, Brutus désespéra trop tôt du salut de Rome aux champs de Philippes… »

Voilà notre défaut tout cru. Il y a loin de Caen aux champs de Philippes. On rougit presque, dans une situation pareille, de venir relever des fautes de goût ; mais à quoi serions-nous bon sans cela ? Des délicatesses d’ailleurs, propres à elle seule, les rachètent bientôt. Elle confesse à Buzot qu’elle n’a pas été très fâchée d’être arrêtée, puisque Roland est parvenu à se dérober aux poursuites ; mais il faut l’entendre ici dans un langage qui est bien le sien et qu’elle n’emprunte à personne, pas plus que le sentiment compliqué et très élevé qui l’inspire :

« Ils en seront moins furieux, moins ardents contre Roland, me disais-je ; s’ils tentent quelque procès, je saurai le soutenir d’une manière qui sera utile à sa gloire ; il me semblait que je m’acquittais ainsi envers lui d’une indemnité due à ses chagrins : mais ne vois-tu pas aussi qu’en me trouvant seule, c’est avec toi que je demeure ? — Ainsi, par la captivité, je me sacrifie à mon époux, je me conserve à mon ami, et je dois à mes bourreaux de concilier le devoir et l’amour : ne me plains pas ! — Les autres admirent mon courage, mais ils ne connaissent pas mes jouissances ; toi, qui dois les sentir, conserve-leur tout leur charme par la constance de ton courage. »

Faut-il insister sur ce tutoiement perpétuel qui aura certainement frappé et peut-être étonné quelques lecteurs ? il est en partie cornélien, en partie révolutionnaire. Tutoyer ainsi un homme à qui on n’a pas appartenu, à qui on ne s’est pas donnée, est un peu rude. Le Père Rapin, autrefois, dissertant sur le tu et sur le toi qui sont d’usage en notre ; poésie, en recherchait les raisons, et il ajoutait qu’une des principales était qu’on ne s’en servait pas en prose, même dans le commerce de l’amour. Sur quoi Bussy-Rabutin lui répondait assez agréablement : « En amour il n’est pas vrai, mon Révérend Père, qu’on ne tutoie jamais sa maîtresse ; mais vous n’êtes pas obligé de savoir cela. » Ici c’est la femme qui aime, qui tutoie son ami, et elle n’est pas sa maîtresse. C’est un cas singulier. Cela me paraît guindé et tendu encore plus que familier et tendre. Prenons garde toutefois de trop porter de nos habitudes de société dans nos jugements. Qui sait ? peut-être ce qui nous déplaît, à nous, paraîtra-t-il charmant à d’autres.

Dans une seconde lettre de Buzot, du 3 juillet, Mme Roland revient sur la même idée d’un contentement austère au sein de la captivité, et elle l’exprime avec une rare noblesse :

« Mon ami, ne nous égarons pas jusqu’à frapper le sein de notre mère en disant du mal de cette vertu qu’on achète, il est vrai, par de cruels sacrifices, mais qui les paye, à son tour, par des dédommagements d’un si grand prix. Dis-moi, connais-tu des moments plus doux que ceux passés dans l’innocence et le charme d’une affection que la nature avoue et que règle la délicatesse, qui fait hommage au devoir des privations qu’il lui impose, et se nourrit de la force même de les supporter ?… Les méchants croient m’accabler en me donnant des fers. Les insensés ! que m’importe d’habiter ici ou là ? ne vais-je pas partout avec mon cœur, et me resserrer dans une prison, n’est-ce pas me livrer à lui sans partage ? »

Vous l’entendez : se peut-il plus nobles accents ? C’est là son thème favori et sur lequel elle se plaît à appuyer, le thème d’amante où se complairait aussi une héroïne de Corneille. Deux choses l’enhardissent et lui délient la langue dans la prison, deux pensées l’absolvent à ses yeux : la considération du danger présent et de la mort, et la conscience qu’elle a de faire honneur bientôt à Roland en le suppléant de sa personne devant le tribunal inique et de lui payer ainsi en monnaie historique son indemnité de mari. Le mot est d’elle. Il n’y a pas moyen, même en admirant, de ne pas sourire. La passion a de ces biais uniques. Supposez Porcie infidèle de cœur à Brutus, elle ne parlerait pas autrement. — Mais je ne puis tout dire cette fois, et mieux vaut remettre que d’écourter une si riche matière. Le sujet est noble et beau : il mérite qu’on y insiste et qu’on y séjourne. J’ai d’ailleurs à parler de l’édition de M. Faugère, qui a ses avantages particuliers et qui est rehaussée d’une Introduction écrite avec vigueur et précision, avec élévation d’âme. Il y a aussi, à l’occasion de Mme Roland, à dire quelque chose de la femme moderne, de celle de la société présente et à venir ; car elle est un des chefs du cortège, un des guides de la procession future.