(1820) Traité élémentaire, théorique et pratique de l’art de la danse « Appendice à l’ouvrage — Premiers exercices » pp. 109-114
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(1820) Traité élémentaire, théorique et pratique de l’art de la danse « Appendice à l’ouvrage — Premiers exercices » pp. 109-114

Premiers exercices

Premières Positions

[1] Dans la première on doit avoir les jambes fort étendues, les deux talons l’un près de l’autre, et les pieds en dehors également. Voyez la fig. i, planc. I. Dans la seconde position les deux jambes sont écartées, mais seulement de la longueur du pied. Voyez la fig. 2, planc. I. À la troisième les pieds sont croisés à moitié et se touchent. Voyez la fig. 3, planc. I. La quatrième position est à peu près la même que les précédentes, excepté que les pieds se croisent sans se toucher. Voyez la fig. i, planc. II. À la cinquième les pieds sont croisés en entier. Voyez la fig. 4, planc. I.

[2] On doit ployer les genoux dans toutes ces positions, sans jamais lever les talons de terre. Voyez la fig. 4, planc. II. Pour donner de la souplesse et de la force aux cous-de-pied, ou doit exécuter toutes ces positions sur les pointes. Voyez la fig. 5, planc. I, et la fig. 3, planc. II.

Battements

[3] Battements. Mouvements en l’air que l’on fait d’une jambe, pendant que le corps est posé sur l’autre. Il y en a de trois sortes, qui sont : les grands battements, les petits battements, et les petits battements sur le cou-de-pied.

[4] Les grands battements se font en détachant et en portant la jambe tendue jusqu’à la hauteur de la hanche. Voyez la fig. 5, planc. II. Cette même figure vous démontre de quelle manière on doit s’exercer en se tenant. Après le mouvement du battement, la jambe retombe à la cinquième position d’où elle est partie. On les croise devant et derrière. Les grands battements vous tourneront entièrement et donneront de la facilité aux mouvements des hanches pour les développements et pour l’exécution des grands temps78.

[5] Les petits battements se font de la même manière, excepté qu’au lieu de lever la jambe à la seconde en l’air, il faut que le dégagement soit petit et que la pointe ne quitte point terre. Ces battements délieront les jambes, parce que l’élève sera obligé de doubler le temps et le mouvement.

[6] Les petits battements sur le cou-de-pied. La hanche et le genou forment et disposent ces mouvements ; la hanche conduit la cuisse pour s’écarter ou pour s’approcher ; et le genou par sa flexion forme le battement en croisant le bas de la jambe soit devant, soit derrière l’autre jambe qui est posée à terre. Supposez donc que vous soyez sur le pied gauche, la jambe droite à la seconde et la pointe appuyée à terre, il faut la croiser devant la gauche, en pliant le genou, et l’étendre en l’ouvrant à côté ; plier du même temps le genou en croisant derrière, puis l’étendre à côté, et continuer à faire plusieurs de ces battements de suite. Doublez peu à peu le mouvement jusqu’à ce que vous soyez parvenu, avec le temps, à les faire aussi vite qu’on ne puisse les compter. Ces battements sont d’un très joli effet, et ils donnent de la vivacité et du brillant aux jambes79.

Rond de jambe

[7] Pour commencer à faire les ronds de jambe en dehors, placez-vous dans la même position que vous prenez en commençant les petits battements. Supposons la jambe gauche à terre et la droite à la seconde ; faites décrire à celle-ci un demi-cercle en arrière, qui se termine à la première position ; il faut que de là il continue et achève le rond, en finissant à l’endroit d’où il est parti ; c’est ce que nous appelions rond de jambes.

[8] Les ronds de jambe en dedans se commencent à la même position, et la jambe au lieu de décrire un cercle, en le commençant en arrière, doit le commencer en avant. Après cela on doit exécuter les ronds de jambe en l’air que l’on fait en étant placé sur la pointe du pied qui porte le corps80.

[9] On doit s’exercer d’abord en se tenant, et faire tous les exercices dont j’ai parlé, aussi bien d’une jambe que de l’autre. Après ce travail on répète les mêmes temps sans se tenir, pour acquérir l’équilibre et l’aplomb, qualités essentielles à un bon danseur. Par cette manière de s’exercer on gagne de la force et les moyens de réussir dans l’exécution de tous les pas. Le danseur doit répéter tous les jours ces exercices et ne jamais les négliger, crainte d’affaiblir son exécution. Eussiez-vous le talent de Gosselin 81, vous devez étudier sans cesse.

[10] Je vais ajouter à la fin de ces exercices du danseur, une remarque et un conseil que je crois pouvoir être fort utiles aux jeunes élèves, qui ayant déjà mis en usage les principes de la danse, s’adonneront à la composition des pas.

[11] Pour s’exercer et pour hâter les progrès dans la composition de la danse, pourquoi nos jeunes élèves ne suivraient-ils pas l’exemple de Dupré ? Cet artiste, qui avait l’habitude de danser en improvisant sur des airs inconnus, pour former son imagination à innover des pas et des enchaînements et pour habituer son oreille à saisir promptement le mouvement et le rythme de la musique.

[12] Ce travail serait infiniment utile et servirait à développer le génie du jeune danseur. Ses premières compositions manqueraient, sans doute, de correction et parfois de grâce, mais après avoir formé le canevas, pour ainsi dire, du pas, il pourrait ensuite le corriger et y faire tous les changements convenables. Je me suis souvent plu à improviser et j’ai été assez heureux quelquefois pour produire des choses passables ; j’obtins par cet exercice beaucoup plus de facilité pour composer des pas que je devais exécuter en public ; ayant surtout quelque peu de temps pour les mieux combiner en les perfectionnant.

[13] M. Gardel, en me parlant de nos anciens artistes, me vanta cette manière de danser de Dupré, qui tout en se formant un excellent danseur, donnait un plus grand essor à son génie : ce conseil me frappa, je m’y attachai, et j’en fis l’essai sous les yeux de mon père. Pendant qu’il improvisait sur le piano-forte, je tâchais de suivre ses intentions musicales et de former des pas sur ses notes. Après quelque temps employé à cet exercice, je me risquai à essayer des pas de deux, de trois, réglés de cette manière, sur les mêmes motifs, dans ses opéras d’Omphale, d’Achille, de Dibutade, etc. : ces essais eurent le bonheur de ne pas déplaire.