(1820) Traité élémentaire, théorique et pratique de l’art de la danse « Chapitre huitième. Danseur sérieux, danseur demi-caractère. Danseur comique » pp. 88-95
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(1820) Traité élémentaire, théorique et pratique de l’art de la danse « Chapitre huitième. Danseur sérieux, danseur demi-caractère. Danseur comique » pp. 88-95

Chapitre huitième.
Danseur sérieux, danseur demi-caractère. Danseur comique

[1] Celui qui se destinera à la danse sérieuse ou héroïque, doit posséder une belle taille et de belles formes ; son genre de danse exige absolument ces qualités physiques63. Son port, son maintien doivent être élevés, élégants, nobles et majestueux, sans affectation. Le sérieux est le genre le plus difficile de la danse ; il demande un grand travail, et n’est véritablement apprécié que par les connaisseurs et les gens de goût. L’artiste qui s’y distingue mérite le plus d’éloges. L’exécution parfaite d’un adagio est le nec plus ultra de l’art, et je la regarde comme la pierre de touche du danseur64.

[2] Un danseur sérieux doit être parfaitement tourné, avoir de beaux cous-de-pied, et une grande facilité dans les hanches ; sans ces qualités qui lui sont indispensables, il ne parviendra pas dans le genre qu’il a adopté. Dans les autres genres de danse, il n’est pas aussi essentiel de posséder en perfection les qualités et les moyens dont je viens de parler ; on n’exige pas d’un danseur de demi-caractère ou comique la même correction que l’on veut trouver dans le danseur héroïque. L’artiste dont je parle, doit se distinguer en tenant la partie supérieure du corps bien placée, par des mouvements de bras parfaitement combinés, et par le beau fini des principes de son école.

[3] Les beaux développés, les grands temps, et les plus beaux pas de la danse, appartiennent à ce genre ; le danseur doit fixer l’attention du spectateur par la beauté du dessin, par la correction de ses poses, de ses attitudes et de ses arabesques. Les plus belles pirouettes filées à la seconde, en attitudes et sur le cou-de-pied ; les temps d’élévation, de vigueur, et un bel entrechat, sont de son ressort65.

[4] Le danseur demi-caractère doit être d’une stature moyenne, avoir des formes élancées et élégantes. Une taille comme celle du Mercure, ou de l’Hébé de Canova 66, serait convenable au genre demi-caractère ou mixte ; celui ou celle qui auront le bonheur de posséder ces avantages physiques, brilleront dans ce genre charmant de la danse.

[5] Le demi-caractère est un mélange des divers genres de la danse. Le sujet qui s’y destine peut se permettre l’exécution de tous les temps, de tous les pas que l’art nous apprend. Cependant, sa manière doit être toujours noble et élégante, et ses temps d’abandon, d’élans doivent être faits avec retenue et en conservant, sans cesse, une aimable dignité. Il doit éviter les grands temps du genre sérieux. Ce danseur ne réussira entièrement que dans les pas de Mercure, de Paris, de Zéphire, d’un Faune, et dans la danse, et dans les manières gracieuses d’un élégant Troubadour 67, etc.

[6] Le danseur d’une taille médiocre et d’une construction vigoureusement ramassée, s’adonnera au genre comique, pastoral ou villageois ; et si à ces formes, presque athlétiques, il joignait une taille moyenne, il se distinguera parfaitement dans les pas de caractère, dont la plupart tiennent du genre comique. Selon moi, le type de ce genre est l’imitation de ces mouvements naturels qui ont formé ce qu’on a appelé les danses dans tous les temps et chez tous les peuples. Imiter, contrefaire, tout en dansant, les pas, les attitudes, les manières ingénues, badines, et parfois grossières de l’habitant des campagnes qui, au son de ses instruments rustiques, se livre sans nulle retenue aux plaisirs de la danse et à des jeux que partage, avec une gaieté franche, sa compagne chérie ou son amante, c’est offrir le tableau du genre pastoral. L’élève pour y bien parvenir doit étudier la nature et les meilleurs peintres qui se sont plu à nous en rendre sensibles les images68.

[7] Les autres danseurs de caractères comiques, dont j’ai déjà parlé, s’étudieront dans les pas caractéristiques. Ils doivent se rendre esclaves de l’imitation la plus sévère des danses particulières à chaque peuple et, tout en dansant, donner à leurs pas et à leurs attitudes le genre et le caractère des danses nationales qu’ils exécutent69. Chez ces danseurs on n’exige pas encore toute la correction des danseurs de demi-caractère.

L’explication des planches par ordre se trouve à la fin du Traité.