(1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur les artistes de l’opéra »
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(1757) Articles pour l’Encyclopédie « Sur les artistes de l’opéra »

Sur les artistes de l’opéra

Chanteur, Chanteuse

Chanteur, euse, s. (Musicien.) acteur de l’opéra, qui récite, exécute, joue les rôles, ou qui chante dans les chœurs des tragédies, et des ballets mis en musique.

Les chanteurs de l’opéra sont donc divisés en récitants et en choristes, et les uns et les autres sont distingués par la partie qu’ils exécutent ; il y a des chanteurs hautes-contre [Article « Haute-contre » de Barthez], tailles, basses-tailles [Basse-taille] ; des chanteuses premiers et seconds-dessus [Dessus]. Voyez tous ces différents mots, et l’article Parties [Article « Partie de musique » de Rousseau].

Parmi ceux qui exécutent les rôles, il y a encore une très grande différence entre les premiers chanteurs, et ceux qui en leur absence (par maladie ou défaut de zèle) les remplacent, et qu’on nomme doubles [Voir Double].

Les chanteurs qui jouent les premiers rôles sont pour l’ordinaire les favoris du public ; les doubles en sont les objets de déplaisance. On dit communément : cet opéra n’ira pas loin, il est en double.

L’opéra de Paris est composé actuellement de dix-sept chanteurs ou chanteuses récitants, et de plus de cinquante chanteurs et chanteuses pour les chœurs. Voyez Chœur. On leur donne communément le nom d’acteurs et d’actrices de l’opéra ; et ils prennent la qualité d’ordinaires de l’académie royale de Musique. Les exécutants dans l’orchestre et dans les chœurs prennent aussi la même qualité. Voyez Opéra [Article de Jaucourt] et Orchestre [Article de Jaucourt].

Nous jouissons de nos jours d’un chanteur et d’une chanteuse qui ont porté le goût, la précision, l’expression, et la légèreté du chant, à un point de perfection qu’avant eux on n’avait ni prévu ni cru possible. L’art leur est redevable de ses plus grands progrès ; car c’est sans doute aux possibilités que M. Rameau a pressenties dans leurs voix flexibles et brillantes, que l’opéra doit ces morceaux saillants, dont cet illustre compositeur a enrichi le chant Français. Les petits Musiciens se sont d’abord élevés contre ; plusieurs admirateurs du chant ancien, parce qu’ils n’en connaissaient point d’autre, ont été révoltés, en voyant adapter une partie des traits difficiles et brillants des Italiens, à une langue qu’on n’en croyait pas susceptible ; des gens d’un esprit étroit, que toutes les nouveautés alarment, et qui pensent orgueilleusement que l’étendue très bornée de leurs connaissances est le nec plus ultrà des efforts de l’art, ont tremblé pour le goût de la nation. Elle a ri de leurs craintes, et dédaigné leurs faibles cris : entraînée par le plaisir, elle a écouté avec transport, et son enthousiasme a partagé ses applaudissements entre le compositeur et les exécutants. Les talents des Rameau, des Jélyote, et des Fel, sont bien dignes en effet d’être unis ensemble. Il y a apparence que la postérité ne s’entretiendra guère du premier, sans parler des deux autres. Voyez Exécution.

En conformité des lettres-parentes du 28 Juin 1669, par lesquelles l’académie royale de Musique a été créée, et des nouvelles lettres données le mois de Mars 1671, les chanteurs et chanteuses de l’opéra ne dérogent point. Lorsqu’ils sont d’extraction noble, ils continuent à jouir des privilèges et de tous les droits de la noblesse. Voyez Danseur.

Les chanteurs et les chanteuses qui exécutent les concerts chez le Roi et chez la Reine, sont appelés ordinaires de la Musique de la chambre du Roi. Lorsque Louis XIV donnait des fêtes sur l’eau, il disait, avant qu’on commençât le concert : je permets à mes Musiciens de se couvrir, mais seulement à ceux qui chantent.

Il y a à la chapelle du Roi plusieurs castrati qu’on tire de bonne heure des écoles d’Italie, et qui chantent dans les motets les parties de dessus. Louis XIV avait des bontés particulières pour eux ; il leur permettait la chasse dans ses capitaineries, et leur parlait quelquefois avec humanité. Ce grand roi prenait plaisir à consoler ces malheureux de la barbarie de leurs pères. Voyez Castrati [Article de d’Alembert], Chant, Chantre, Exécution, Opéra [Article de Jaucourt] (B)

Chœurs

Chœurs , (les) qui se dit toujours au pluriel : on appelle ainsi en nom collectif les chanteurs et les chanteuses qui exécutent les chœurs de l’opéra. Ils sont placés en haie sur les deux ailes du théâtre ; les hautes-contre et les tailles forment une espèce de demi-cercle dans le fond. Les chœurs remplissent le théâtre, et forment ainsi un fort agréable coup d’œil ; mais on les laisse immobiles à leur place : on les entend dire quelquefois que la terre s’écroule sous leurs pas, qu’ils périssent, etc. et pendant ce temps ils demeurent tranquilles au même lieu, sans faire le moindre mouvement.

L’effet théâtral qui est résulté des actions qu’on leur a fait faire dans l’entrée d’Osiris, des fêtes de l’Hymen et de l’Amour, doit faire sentir quelles grandes beautés naîtraient de leurs mouvements, si on les exerçait à agir conformément aux choses qu’on leur fait chanter. Voyez Opéra [Article de Jaucourt]. (B) [voir Doubler]

Chœurs, les chœurs de danse. On les appelle plus communément corps d’entrées, ou figurants. Voyez Corps d’entrée et Figurant. (B)

Choriste

Choriste, s. m. chanteur qui chante dans les chœurs de l’opéra ou dans ceux des motets au concert spirituel, et dans les églises. Voyez Chanteur et Chantre, voyez aussi Chœur. (B)

Corps d’Entrée

Corps d’Entrée, (Danse.) Ce sont les chœurs de danse qui figurent dans un ballet, et qu’on nomme aussi figurants. Le corps d’entrée est ordinairement composé de huit danseurs et danseuses ; quelquefois ils sont jusqu’à seize. Voyez Entrée, Figurant, et Quadrille [Article de Jaucourt] (B)

Coryphée

Coryphée, s. m. (Spectacle.) Les anciens nommaient ainsi le chef de la troupe dont leurs chœurs étaient composés ; il vient d’un mot grec qui signifie le sommet de la tête.

On donne ce nom dans quelques-uns de nos opéras à un acteur principal, lorsqu’il chante des morceaux avec les chœurs. (B)

Danseur, Danseuse

Danseur, danseuse, subst. nom générique qu’on donne à tous ceux qui dansent, et plus particulièrement à ceux qui font profession de la danse.

La danse de l’opéra de Paris est actuellement composée de huit danseurs et de six danseuses qui dansent des entrées seuls, et qu’on appelle premiers danseurs. Les corps d’entrée sont composés de douze danseurs et de quatorze danseuses, qu’on nomme figurants ; et la danse entière, de quarante sujets. Voyez Figurant.

Dans les lettres patentes d’établissement de l’opéra, le privilège de non dérogeance n’est exprimé que pour les chanteurs et chanteuses seulement. Voyez Chanteur, Danse, Opéra [Article de Jaucourt]. (B)

Double

Double, s. m. On appelle de ce nom, à l’opéra, les acteurs en sous-ordre, qui remplacent les premiers acteurs dans les rôles qu’ils quittent par maladie ou défaut de zèle, ou lorsqu’un opéra est sur ses fins, et qu’on en prépare un autre. On dit de l’acteur en sous ordre qui prend le rôle que remplissait le premier, il a doublé, il double un tel rôle.

Chaque première actrice et chaque premier acteur ont leurs doubles, et ceux-ci ont les leurs à leur tour ; en sorte que l’opéra à Paris, quelque accident qui survienne, est représenté constamment pendant toute l’année aux jours marqués.

Il y a aussi des doubles dans la danse. Les premiers danseurs sont doublés par d’autres, lorsqu’ils sont hors d’état de danser leurs entrées.

Le nombre des sujets dont l’opéra de Paris est composé, son établissement stable, ses ressources, ses revenus, et le goût des Français pour ce spectacle, sont de grands moyens pour le porter à un point de perfection et de magnificence auquel il n’est point encore parvenu, et qui semble ne dépendre maintenant que de très peu de circonstances. Voyez Opéra [Article de Jaucourt]. (B) [voir Traité historique, IIe partie, livre IV, chap. 3, « Obstacles au Progrès de la Danse »]

Doubler

Doubler, v. act. (Spectacle.) pour prendre la place, ou pour tenir la place, terme d’opéra. Les premiers acteurs sont doublés par les seconds, et ceux-ci par les troisièmes ; en sorte que quelque accident qui arrive, l’opéra de Paris est toujours représenté.

Les acteurs en sous-ordre ne paraissent guère que dans ces occasions, c’est-à-dire que ceux qui auraient le plus de besoin d’exercer leur talent pour le développer, sont précisément ceux qui sont les plus oisifs ; c’est pourtant par le travail, par l’exemple, par l’exercice, qu’il est possible de former des acteurs. En supposant quelque talent dans les sujets, il faudrait donc 1°. Les forcer au travail, leur offrir perpétuellement les modèles qu’ils doivent suivre, et les exercer pour les rompre au théâtre : 2°. Tirer un avantage de ce nombre d’acteurs, presque toujours inutiles, pour l’embellissement réel du spectacle.

Les chœurs sont toujours sans action sur le théâtre ; et le moyen de procurer le plus grand plaisir au spectateur, serait de les faire agir suivant les choses qu’ils chantent. Voyez Chœurs. Mais l’expédient sûr et d’embellir le spectacle, et de donner du mouvement aux chœurs, est de mettre à leur tête, et en avant, tous les doubles hommes et femmes. Plus rompus à l’action que la multitude des choristes, il serait aisé de leur faire faire les mouvements nécessaires. Les chœurs les suivraient comme une compagnie de soldats suit les mouvements de ses officiers.

Ces acteurs se rompraient eux-mêmes chaque jour davantage à l’action, et présents forcément à la représentation, ils auraient sans cesse devant les yeux les modèles sur lesquels ils peuvent se former. Leurs habits plus distingués que ceux des chœurs, ajouteraient à la magnificence du spectacle, et cet ordre rendrait toutes les belles idées qu’on veut peindre, lorsque les chœurs se rassemblent sur le théâtre. Les difficultés à vaincre sur cette partie, doivent être bien faibles à côté de l’autorité, du désir de l’embellissement du spectacle, et du besoin qu’on a toujours de former des sujets. Voyez Double, Spectacle [Article de Jaucourt]. (B)

Figurant, Figurante

Figurant, figurante, adj. terme d’opéra ; c’est le nom qu’on donne aux danseurs qui figurent dans les corps d’entrées, parce que le corps d’entrée dessine dans sa danse des figures diverses.

Les maîtres de ballets ont senti eux-mêmes combien les figures étaient nécessaires à leurs corps d’entrée. N’ayant pour l’ordinaire rien à dessiner dans les compositions, ils ont recours à l’imagination, et ils font figurer leurs danseurs trois à trois, quatre à quatre, etc. Quelque fertile cependant que soit l’imagination d’un compositeur en ce genre, il faut nécessairement qu’il se répète bientôt, lorsqu’il ne peut employer des danseurs que pour danser. Il faut des actions pour animer la danse ; elle perd la plus grande partie de son agrément, et cesse d’être dans sa nature, lorsqu’elle n’exprime rien et qu’elle ne fait que des pas. Voyez Ballet, Danse, Pantomime [Article de Jaucourt]. (B)

Figurer

Figurer, v. act. terme de Danse : il y a des danseurs qui figurent à l’opéra. Les danseuses du corps d’entrée ne dansent point seules, elles ne font que figurer : on appelle les uns figurants, et les autres figurantes.

La plupart des danseurs qui figurent à l’opéra, sont de très bons maîtres à danser, qui savent fort bien la danse. Qu’on conçoive par-là ce qu’on pourrait leur faire faire, si on s’appliquait à ne donner que des ballets en action. Voyez Ballet, Danse, Figurant, Pantomime [Article de Jaucourt]. (B)