(1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 19 février. Danses de Mlle Svirskaya. »
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(1924) La danse au théâtre. Esthétique et actualité mêlées « 19 février. Danses de Mlle Svirskaya. »

19 février. Danses de Mlle Svirskaya.

Mlle Thamara Svirskaya, qui vient de donner une soirée au Théâtre Montmartre, est une de ces danseuses dont la vocation est déterminée plutôt par une belle ardeur intellectuelle et une curiosité musicale très vive que par le jaillissement spontané du rythme saltatoire. Elle n’est pas de ces rares privilégiées dont l’inspiration se traduit impérieusement en images motrices et dont le démon — au sens socratique — de la danse conduit les pas.

Ainsi Mlle Svirskaya taille son répertoire dans une matière sonore, raffinée et aiguë ; elle choisit comme prétexte à ses danses certains de ces brefs épisodes écrits par les Six et accentués avec une vivacité sautillante, elle invoque l’ironie et le lyrisme de Prokofieff, le rythme syncopé et fantaisiste du step interprété par un Stravinsky. De plus, elle dispose, pour s’exprimer, d’un instrument aux qualités les plus nobles : ce corps qui est une chose d’art. Les épaules un peu carrées, un peu hautes, le torse svelte au thorax bombé, aux côtés comprimés, aux hanches étroites, les jambes longues aux linéaments fluides, font songer à une statue égyptienne de la haute époque ou encore à ces admirables jeunes femmes américaines, qui viennent sur nos tréteaux exécuter leurs folles danses acrobatiques. Ses costumes sont plaisants, sans luxe stupide, sans surcharges décoratives ; légers, ils caressent l’épiderme et colorent la chair ; quant au costume hindou, il est merveilleux. Ses gestes imitatifs — jeux de balle, gymnopédie — sont sagaces et d’une jolie qualité plastique ; ils sont très directement inspirés par Isadora. Seule la prière pantomime avec signe de croix et agenouillement est un petit mélo qui détonne fâcheusement chez une artiste si intelligente. Eh bien, toutes ces chances sont compromises, sinon anéanties, par la pénurie des ressources chorégraphiques, par les réticences du muscle non éduqué qui fait Mlle Svirskaya danser faux quand elle entend juste.