(1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur les extraits des problèmes » pp. -144
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(1875) Les auteurs grecs expliqués… Aristote, Poétique « Commentaire sur les extraits des problèmes » pp. -144

Commentaire sur les extraits des problèmes

Chap. i. — Se font-ils jouer ?] Αὐλοῦνται. Je n’ai pas encore trouvé un second exemple de ce verbe ainsi employé à la voix moyenne.

Chap. xliii. — De deux éléments agréables.] Nous lisons avec M. Bojesen, qui a publié une édition spéciale de ce XIXe livre des Problèmes (Copenhague, 1836) : ἡδίονι ἣδιον, au lieu de ἣδιον ἡδίονι.

A celui de la lyre.] Λύρᾳ, pour λύρα, correction de M. Bojesen.

De plus.] J’adopte la conjecture très-vraisemblable de M. Bojesen, ἕτι pour ἐπεί.

Les grenades dites vineuses.] Αἱ οἰνώδεις ῥοαί. L’explication de ce passage se trouve dans Théophraste, περὶ φυτῶν ἱστορίας, II, 2, et περὶ φυτιϰῶν αἰτιῶν, I, 9 : il affirme que la grenade acide, semée ou plantée en Égypte, prend une saveur douce et οἰνώδη.

Est moins sensible.] ᾜ pour ἢ m’a paru nécessaire pour donner un sens à ce passage.

Produisent une impression distincte.] Θεωρεῖν et le substantif correspondant θεωρός s’appliquent très-bien à toutes les sensations que peut donner le spectacle, aux ἀϰροάσεις comme aux θεάματα Θεωρός, dans la Rhétorique (I, 2), désigne l’auditeur oisif, l’amateur, par opposition à ϰριτής et à ἐϰϰλησιαστής. Dans la Politique, VII, 17, on lit : Еὔλογον οὖν ἀπελαύνειν ἀπὸ τῶν ἀϰουομάτων ϰαὶ τῶν δραμάτων ἀνε-λευθερίας ϰαὶ τηλιϰούτους ὄντας, et plus bas : ἐπεὶ δὲ τὸ λέγειν τι τῶν τοιούτων ἐξορίζομεν, φανερὸν ὅτι ϰαὶ τὸ θεωρεῖν γρα- φὰς ἢ λόγους ἀσχήμονας. Dans ce passage, le mot λϐγους a paru suspect à Schneider, à Coray, et, après eux, à Letronne (Appendice des Lettres d’un Antiquaire à un Artiste, p. 28, note), qui demande si « on a jamais dit dans aucune langue : voir des discours ? » C’est pourtant là un idiotisme bien constaté, sinon de la langue grecque, au moins du style d’Aristote  voy. encore la Politique, VIII, 6, § 5, et plus bas, chap. v. Ce sens du mot θεωρεῖν paraît avoir échappé aux derniers éditeurs du Thesaurus d’H. Estienne.

Rendent plus sensibles.] Αὐτοῖς : apparemment, τοῖς ἀϰού-ουσι ou θεωροῦσι, construction πρὸς τὸ σημαινόμενον. Plus bas, αὐτῶν est probablement une syllepse analogue, le singulier τὴν ἁμαρτίαν équivalant à τὰς ἁμαρτίας, ou, si l’on veut, τῇ ᾠδῇ équivalant à τοὺς φθόγγους. Il est donc inutile de lire αὐτῆς avec M. Bojesen.

Chap. ix. — Une flûte.] Peut-être lisait-on primitivement dans le texte αὐλὸν ἕνα, et la finale ον, à cause de sa ressemblance avec εν, aura fait disparaître cette syllabe. Mais il faut être sobre de conjectures sur de pareils textes, où les variantes des manuscrits offrent si peu de secours à la critique.

Les mêmes notes, etc.] Cf. Platon, Lois, VII, p.812, D.

Chap. x. — Lorsque l’on fredonne.] Pollux (IV, 10), Suidas et Hésychius semblent attribuer au τερέτισμα une valeur toute technique, qui ne convient pas à ce texte d’Aristote. — Cf. Platon, Lois, II, p. 669.

Un son plus fort.] Κρουστιϰά. Ce mot ne devrait s’appliquer qu’aux instruments à cordes  mais Plutarque atteste qu’on appliquait aussi le nom de ϰρούματα aux αὐλήματα. (Questions symposiaques, II, 4  cf. Pollux, IV, 84.)

Voilà pourquoi, etc.] Le texte est d’une concision difficile à justifier. La traduction de Gaza : « suavius cantatur quam teretatur », suppose ᾅδειν au lieu d’ἀϰούειν. Je proposerais plus volontiers ϰρούειν qui se rapproche davantage de la leçon des manuscrits et qui s’accorde mieux avec le sens général de la remarque d’Aristote. La simple addition de τό avant τερετίζειν suffit d’ailleurs à justifier notre traduction.

Chap. xxix. — C’est la même observation qui est développée dans le chap. xxvii. Il y a dans les Problèmes beaucoup d’exemples de ces répétitions  on en trouvera plus bas deux autres, chap. v et xl, xxviii et xv. Quant à la comparaison même que fait ici Aristote entre les plaisirs de l’oreille et ceux des autres sens, on la retrouve dans la Politique, VII, 5.

Chap. xxvii. — J’ai placé ce problème après le précédent, parce qu’il m’a semblé que la rédaction en devait être postérieure  une première note, jetée d’abord sur des tablettes, est ici développée avec plus de soin. Pourtant, il y a encore dans ce développement bien des traits obscurs qui ne paraissent pas tenir à la corruption du texte, mais à la négligence de la rédaction d’Aristote.

Le bruit seul opère, etc.] Ἔχει μόνον οὐχί, ἥν, etc. M. Bojesen lit οὐχὶ ἥν, sans virgule. Mais cette leçon n’est pas beaucoup plus claire. Peut-être οὐχί fait-il double emploi avec ἔχει, par l’erreur d’un copiste  la phrase corrigée et complétée serait : Ἤ ὅτι τὸ ἀϰουστὸν ϰίνησιν ἔχει μόνον, ἣν ὁ ψόφος ἡμᾶς ϰινεῖ 

Les couleurs ébranlent l’organe de la vue.] Voyez le traité De l’Ame, II, 7 et 8.

Sont comme des actes.] Aristide Quintilien, II, p. 64 : Ἡ μουσιϰὴ πρᾶξιν ῥυθμοῖς ϰαὶ ϰιγήσεσι μιμεῖται.

Chap. xxxviii. — La nature elle-même, etc.] Même observation dans la Poétique, chap. iv, et dans la Politique, VIII, 5.

La variété du chant.] Sur le sens technique de ce mot, voyez Vincent, Notice déjà citée, p. 73 et suiv.

Le rhythme nous plaît, etc.] Rhétorique, III, 8 : Ἀηδὲς ϰαὶ ἄγνωστσν τὸ ἄπειρον περαίνεται δὲ πάντα ἀριθμῷ ὁ δὲ τοῦ σχήματος τῆς λέξεως ἀριθμὸς ῥυθμός ἐστιν. Comparez Longin, Fragments ii et iii de notre édition.

Le tempérament.] Τὴν φύσιν ϰαὶ τὴν δύναμιν, pour Τὴν φυσιϰὴν δύναμιν. Cf. Cicéron, De l’Orateur, I, 44 : « Patria, cujus tanta est et tanta natura, » etc.

Contraires à l’ordre naturel.] La négation οὐ embarrasse ici  mais on peut traduire comme s’il y avait οὐ ϰατὰ φύσιν ϰινήσεις.

La musique.] Συμφωνία a quelquefois ce sens général  voyez les Topiques, VI, 2.

L’ordre nous est naturellement agréable.] Ἤν pour ἐστί Voyez Stallbaum, note sur le Criton de Platon, p. 120 (Bojesen).

Dans leurs rapports.] Sur le sens que nous donnons au mot λόγος, voy. le traité de Pachymère dans la Notice de Vincent, p. 401 et suiv. Au reste le sens de tout ce passage est fort incertain.

Chap. xx. — Si l’on change.] Κινήση. Aristide Quintilien, I, p. 8 : Κίνησις.... μεταϐολὴ τῶν ποιοτήτων εἰς τὰ ὁμογενῆ.

L’indicatrice.] Voyez Vincent, Notice, p. 119.

L’expression n’est plus grecque.] Οὐϰ ἔστιν ὁ λόγος ἑλλη-νιϰός. Rhétorique, III, 5 : Ἔστι δ’ ἀρχὴ τῆς λέξεως τὸ ἐλληνί-ζειν  et Zénon, dans Diogène Laërce, VII, 59 : Ἑλληνισμὸς μὲν οὖν ἐστὶ φράσις ἀδιάπτωτος ἐν τῇ τεχνιϰῇ ϰαὶ μὴ εἰϰαίᾳ συνηθείᾳ. Ce n’est que chez les grammairiens de la décadence que les mots ἑλληνιϰός, ἑλληνίζειν, ἑλληνισμός s’appliquent aux mots et aux tournures de la langue commune, par opposition au pur atticisme.

Et comme une conjonction importante.] Καὶ μάλιστα τῶν ϰαλῶν. Tournure analogue dans la Rhétorique, I, 1.

Chap. v. — C’est un plaisir pour l’auditeur.] Voy. sur θεωρεῖν la note ci-dessus, p. 135. M. Bojesen entend ici ce mot dans le sens de contemplation philosophique, qu’il a quelquefois chez Aristote. Voyez De l’Ame, II, 1  Physique, VIII, 3.

De comprendre.] Μανθάνειν, plaisir souvent analysé par Aristote : Problèmes, XIV, 3  Poétique, chap. iv (voyez plus haut, p. 74)  etc. En traduisant μανθάνειν par discere, M. Bojesen se voit forcé de corriger ainsi le texte : ἤ ὅτι ἡδὺ [μᾶλλον] τὸ θεωρεῖν ἤ τὸ μανθάνειν], et il renvoie au traité De la Sensation, chap. iv : Οὐ γὰρ ϰατὰ τὸ μανθάνειν, ἀλλὰ ϰατὰ τὸ θεωρεῖν ἐστι τὸ αἰσθάνεσθαι.

Par l’habitude.] Même observation dans la Rhétorique, I, 11.

Chap. xl. — Il accompagne.] Συνᾴδει est ordinairement employé au sens figuré dans Aristote par opposition à διαφωνεῖν. Voyez la Morale Nicom., I, 8.

Quand on n’est pas forcé de chanter.] C’est ainsi que, dans les idées des anciens, et particulièrement d’Aristote, toute obligation et toute rétribution attachée à la pratique d’un art le rend par cela même βάναυσον, c’est-à-dire indigne d’un homme libre. Voy., en ce qui concerne la musique, Aristote, Politique, VIII, 5.

Chap vi. — La paracataloge.] Comparez, pour plus de détails, Plutarque, De la Musique, chap. xxviii, et Athénée, XIV, p. 635-636.

Chap. xxviii. — Plutarque explique le sens de νόμος par la sévérité même des lois qui présidaient à ce genre de composition (De la Musique, chap vii). Suidas avait-il sous les yeux quelque autre témoignage d’Aristote sur le même sujet, quand il écrivait la notice suivante ? Νόμοι ϰιθαρῳδιϰοί. Ἀπόλλων, φασί, μετὰ λύρας ϰατέδειξε τοῖς ἀνθρώποις νόμους, ϰαθʼ οὔς ζήσονται, πραὔνων τε ἅμα τῷ μέλει τὸ ϰατʼ ἀρχάς ἐν αὐτοῖς θηριῶδες ϰαὶ εὐπρόσιτον τῇ τοῦ ῥυθμοῦ ἡδύτητι ποιῶν τὸ παραγγελλόμενον. Καὶ ἐϰλήθησαν νόμοι ϰιθαρῳδιϰοί. Ἐϰεῖθεν δὲ αεμνολογιϰῶς, ὡς ϰαὶ Ἀριστοτέλει δοϰεῖ, νόμο, ϰαλοῦνται οἱ μουσιϰοὶ τρόποι ϰαθʼ οὕς τινας ᾄδομεν. Voyez encore, dans Photius, les extraits de la Chrestomathie de Proclus.

Chez les Agathyrses.] Même usage chez les Crétois, selon Élien, Histoires diverses, II, 39, et Strabon, livre X, p. 482  à Mazaca, ville de Cappadoce, selon Strabon, liv. XII, p. 559. Cicéron, dans son enfance, apprenait aussi par cœur les lois des xii Tables, ut necessarium carmen, ce qui ne veut pas dire qu’elles étaient en vers (Des Lois, II, 23).

Chap. xv. — Des acteurs, etc.] On sait que les chanteurs dans les fêtes de Bacchus, les tragédiens et les comédiens, furent d’abord έθελονταί. Voyez Rhétorique, III, 7, et Poétique, chap. v.

A ceux qui restent dans leur propre caractère.] Τοῖς τὸ ἦθος φυλάττουσιν. M. Bojesen veut que ce soient les choristes par opposition aux acteurs proprement dits  il, ne songe pas qu’Aristote oppose ici les acteurs proprement dits, les acteurs payés, aux acteurs libres de l’ancien temps. Je conviens toutefois qu’on s’attendrait à lire ἱδιον avant ἦθος Peut-être aussi ἦθος φυλάσσειν signifie-t-il « s’abstenir des actions et des mouvements passionnés » qui sont le propre signe des héros du drame. La dernière ligne du chapitre semble appuyer cette conjecture.

C’est un nombre.] Voyez Denys d’Halicarnasse, De l’Arrangement des mots, chap. xix.

Une mesure identique.] Ἑνὶ μετρεῖται. Même expression dans la Morale Nicom., V, 8.

Chap. xxx. — Ne comportent pas l’antistrophe.] C’est-à-dire : sont moins lyriques. Voyez le chap. xlviii.

Chap. xlviii. — Sur ces divers modes, consulter la Notice de Vincent, qui renvoie avec soin aux travaux de ses prédécesseurs.

Un caractère tout dramatique.] Ἠθος πρακτιϰόν. Dans la Politique, VIII, 7, Aristote distingue entre les μέλη ἠθιϰά et les μέλη πῥαϰτιϰά, ce qui confirme encore la conjecture exposée ci-dessus, à propos du chap. xv.

Le Géryon.] Voyez les Fragments des Tragiques grecs, éd. Wagner, p. 101.

Majestueux et calme.] Mêmes éloges dans la Politique, VIII, 7  cf. Héraclide de Pont, cité par Athénée, XIV, p. 624.

Les traits de l’humanité.] Ἀνθρωπιϰά. De même, Rhétorique, I, 2 : Τὰ μὲν διʼ ἀπαιδευσίαν, τἀ δὲ διʼ ἀλαζονείαν, τὰ δὲ ϰαὶ διʼ ἄλλας αἰτία ; ἀνθρωπιϰάς.

Le mixolydien, etc.] L’insertion que j’ai faite ici dans le texte m’a été suggérée par M. Vincent, comme tout à fait nécessaire pour que ce passage ne contredise pas l’opinion expresse d’Aristote dans la Politique, VIII, 7, et des autres auteurs anciens. Voy. sa Notice, p. 99. M. Bojesen avait déjà remarqué que les mots ϰατὰ μὲν οὐν ταύτην, etc. conviennent mieux au mixolydien qu’à l’hypophrygien. Ces conjectures et ces remarques sont confirmées par un temoignage de Plutarque, De la Musique, chap. xvi, d’après lequel ce fut Sappho qui apprit aux tragiques l’usage de l’harmonie mixolydienne, comme plus propre aux effets de pathétique, tandis que l’harmonie dorienne ne convenait qu’au genre grave et sublime.

Sa bienveillance.] Remarquez la justesse élégante de cette observation d’Aristote, qui se rencontre avec Horace, Art poétique, v. 193 et suiv. :

…..Ille bonis faveatque et consilietur amice.

Chap. xxxi. — Phrynichus.] C’est en effet un des auteurs qui ont développé le dialogue et l’action tragique sur le fond lyrique du dithyrambe. Voy. Plutarque, Questions symposiaques, I, 5  le scholiaste d’Aristophane sur les Grenouilles, v. 1334  Suidas, au mot Φρύνιχος.

Mètres, chants lyriques.] Voyez la Notice de Vincent, p. 194-216. Ce texte est une des plus graves autorités en ce qui concerne la différence des μέτρα et des μέλη dans la poésie grecque, question pleine d’intérêt, mais aussi de difficultés, sur laquelle nous renverrons, pour plus de détails, aux ouvrages suivants : 1° Ed. du Méril, Essai sur le principe et les formes de la versification (Paris, 1841)  2° Vincent : De la Musique dans la tragédie grecque, à propos de la représentation d’Antigone (Paris, 1844)  Dissertation sur le rhythme chez les Anciens (1845)  Deux lettres à M. Rossignol sur le rhythme, sur la poésie lyrique et le vers dochmiaque (1846)  Analyse du Traité de métrique et de rhythmique de saint Augustin, intitulé De Musica (1849)  3° M. Rossignol, Deux lettres à M. Vincent, sur le rhythme, sur le vers dochmiaque et la poésie lyrique en général (Paris, 1846).

FIN

Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris.