(1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVII. les qualités essentielles du style. — propriété, précision, naturel  » pp. 230-239
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(1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVII. les qualités essentielles du style. — propriété, précision, naturel  » pp. 230-239

Chapitre XVII.

les qualités essentielles du style. — propriété, précision, naturel

« Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, dit la Bruyère, il n’y en a qu’une qui soit la bonne : on ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant ; il est vrai néanmoins qu’elle existe, que tout ce qui ne l’est point est faible, et ne satisfait point un homme d’esprit qui veut se faire entendre. »

La propriété consiste à rencontrer cette expression qui est la bonne ; c’est dire que la propriété contribue singulièrement à la clarté du style, en même temps qu’à son énergie, car toute expression vague est toujours faible et tout à la fois obscurcit la pensée. « Les termes, dit l’Encyclopédie, sont le portrait des idées : un terme propre rend l’idée tout entière ; un terme peu propre ne la rend qu’à demi ; un terme impropre la rend moins qu’il ne la défigure. Dans le premier cas, on saisit l’idée ; dans le second, on la cherche ; dans le troisième, on la méconnaît. »

Or, pour acquérir la propriété des termes, pour en découvrir la valeur précise, il ne suffit pas d’en chercher une définition telle quelle dans le premier lexique venu ; il faut recourir à leur étymologie, et les suivre d’époque en époque à travers les significations diverses qu’ont pu leur donner les bons écrivains. Sous ce rapport, il manque encore à notre langue un bon dictionnaire, où chaque mot soit ainsi analysé, c’est-à-dire, saisi d’abord à son origine, et décrit dans toutes ses variations matérielles et morales, jusqu’à sa mort, s’il disparaît ; jusqu’à nous, s’il survit ; le tout appuyé d’exemples significatifs tirés des meilleurs auteurs. M. Villemain, dans la préface de la dernière édition du Dictionnaire de l’Académie, l’avait presque promis officiellement au nom de ce corps illustre. Car on conçoit que l’existence de plusieurs hommes suffirait à peine à un travail aussi gigantesque, qui exigerait le dépouillement et la lecture de plusieurs milliers de volumes, depuis la fin du xiie  siècle jusqu’au xixe . Sans demander assurément ni aux maîtres ni aux jeunes gens de s’occuper ainsi de chaque mot, nous voudrions au moins que, pour acquérir la propriété de l’expression, ils étudiassent sérieusement, à ce point de vue biographique, en quelque sorte, tous les mots dont le sens est flottant et la signification capricieuse, les multisenses et les synonymes, si toutefois il nous est possible d’admettre cette dernière espèce de vocables.

Y a-t-il en effet des synonymes parfaits, c’est-à-dire des mots différents signifiant exactement la même chose ? Le passage de la Bruyère cité plus haut prouve que cet écrivain, si délicat en fait d’expressions, ne le croyait pas. « S’il y avait des synonymes parfaits, dit Dumarsais, il y aurait deux langues dans une même langue. Quand on a trouvé le signe exact d’une idée, on n’en cherche pas un autre. »

Mais ce n’est pas toujours précisément par leur signification que deux mots synonymes diffèrent entre eux, c’est souvent dans l’application seule, quelquefois même uniquement dans le ton et la couleur. Deux mots qui, dans un cas donné, doivent être soigneusement distingués, peuvent, en d’autres cas, être employés indifféremment ; et au contraire un mot qui, à un certain point de vue, est synonyme d’un autre, ne l’est plus du tout à un autre point de vue69. C’est au professeur à faire observer ces nuances, à multiplier les exemples.

L’étude des synonymes ainsi conçue est du plus haut intérêt, non-seulement comme une des conditions du bon style, mais dans un sens encore plus élevé. « Apprendre à distinguer les mots, dit fort bien M. Vinet, c’est apprendre a distinguer les choses ; c’est exercer la sagacité de notre esprit, et ajouter à la netteté de toutes les notions ; c’est tirer la philosophie du sein de la philologie. Toute langue est une philosophie, et une langue parfaite serait la vérité même. »

Enfin, pour parvenir à la clarté, il faut, avons-nous dit, réunir à la pureté et à la propriété la précision, et le naturel ou la vérité du style.

La grande vertu de la précision, c’est de donner à l’idée une allure dégagée, en coupant de droite et de gauche les mots qui embarrassent sa marche et ne permettent pas à l’esprit de la suivre :

Est brevitate opus, ut currat sententia, neu se
Impediat verbis lassas onerantibus aures.
Hor., Serm., 1, 10.

Rien, en effet, d’insupportable comme les superfluités du discours. Elles sont à l’esprit ce qu’une nourriture indigeste ou trop abondante est au corps :

Tout ce qu’on dit de trop est fade et rebutant,
L’esprit rassasié le rejette à l’instant.

Mais sachons bien ce que l’on doit entendre par précision. « La précision, dit Aristote, ne consiste pas à être rapide et concis, mais à dire ce qu’il faut, et ni plus ni moins qu’il ne faut, οίδι γἀρ ίνταῦθά ίστι τό ιὖ ὔ τῷ ταχύ, ὔ τῷ συνόμως, άλλὰ τῷ μιτ ρίως. » N’oubliez pas que la précision est un des éléments de la clarté, et qu’ainsi c’est aller contre sa nature que de retrancher des mots qui éclairciraient votre idée. En certaines circonstances le développement peut être plus rapide que le résumé. C’est surtout en rhétorique que la ligne droite n’est pas toujours le plus court chemin. Une route riante et unie paraît moins longue, parce qu’elle fatigue moins, qu’un sentier réellement plus court, mais rude et raboteux. La comparaison est de Quintilien.

La précision, comme tant d’autres qualités, dépend donc de la méditation première qui choisit, détermine, circonscrit les idées et par conséquent les mots. A qui s’adresse l’écrivain, et dans quelles circonstances : considération dominante sur la précision, comme sur bien d’autres qualités.

Examinez d’abord le caractère et les dispositions de l’auditoire. « L’orateur romain, dit l’ancien rhéteur Severianus, doit être plus abondant que l’orateur attique, plus précis que l’asiatique, Allico copiosior, Asiatico pressior. » A en juger par ce qui nous reste des Orientaux, Severianus disait juste. Dans leur poésie lyrique, par exemple, chaque verset se forme de deux parties, dont la seconde ne fait le plus souvent que reproduire en d’autres termes l’idée de la première.

Prenez un psaume quelconque, vous me comprendrez à l’instant. Voici le commencement du second :

1. Pourquoi les nations se sont-elles soulevées avec un grand bruit ? — Et pourquoi les peuples ont-ils formé de vains desseins ?

2. Les rois de la terre se sont soulevés contre le Seigneur. — Et les princes ont conspiré ensemble contre son Christ.

3. Rompons, disent-ils, leurs liens, — Et rejetons loin de nous leur joug.

4. Celui qui demeure dans les cieux se rira d’eux, — Et le Seigneur s’en moquera.

5. Il leur parlera alors dans sa colère, — Et les remplira de trouble dans sa fureur… Et ainsi de suite.

Que dites-vous de cette phrase de l’évangile de saint Jean, c. 1, v. 20 ? Les Pharisiens demandent à Jean-Baptiste s’il est le Christ, l’Evangile dit : « Et Jean avoua, et il ne nia pas, et il avoua : Je ne suis point le Christ. » L’Asie pouvait seule admettre ces sortes de redondances.

Une grande partie de l’artifice du vers latin consiste dans ces répétitions que les poétiques nomment redoublements.

Limina perrumpit, postesque a cardine vellit
Ærotos ; jamque excisa trahe firma cavavit
Robora, et ingentem lato dedit ore fenestram.
Apparet domus intus, el atria longa patescunt,
Appariut Priami et velerum penetralia rejum…
Tum pavidæ tectis matres ingentibus errant,
Amplexæque tenent postes, atque oscula figunt… etc.

Remarquez cependant qu’ici chaque redoublement ajoute beaucoup plus à l’idée première que dans les orientalismes cités plus haut. Sous ce rapport il y a progrès. Aussi lorsque le redoublement est si bien compris dans l’idée qu’il redouble, qu’il serait impossible de concevoir l’une sans l’autre, le poète latin, comme tout autre, est inexcusable de le présenter. Tout le monde blâme avec raison le vers d’Ovide, dans sa description du déluge :

Omnia pontus erant, decrant quoque littora ponto.

Il est bien clair que le dernier hémistiche n’ajoute rien au premier.

L’idée qu’on attache au mot précision varie donc selon le génie de l’auditeur et du lecteur ; elle varie aussi selon les circonstances.

On a fort bien remarqué que Sévère, dans Corneille, et Esther, dans Racine, sont d’une précision égale, en rendant la même idée, l’un par un vers, l’autre par six :

Ils font des vœux pour nous qui les persécutons.

dit Sévère en parlant des chrétiens. L’homme d’Etat exprime énergiquement une réflexion qu’Esther suppliante développera pour attendrir Assuérus :

Adorant dans leurs fers le Dieu qui les châtie,
Tandis que votre main sur eux appesantie
A leurs persécuteurs les livrait sans secours,
Ils conjuraient ce Dieu de veiller sur vos jours,
De rompre des méchants les trames criminelles,
De mettre votre trône à l’abri de ses ailes.

Marmontel établit que prolixe est le contraire de pressé, lâche de ferme, périodique de concis, diffus de précis ; peut-être ces divers termes comportent-ils un peu plus d’élasticité. Quoi qu’il en soit, le contraire de la précision est bien certainement la diffusion et la prolixité, celle-ci plutôt dans la pensée, et celle-là dans les mots. On a pu dire de Sénèque, qu’il était à la fois prolixe et concis, c’est-à-dire prodigue d’idées jusqu’à la profusion, économe de mots jusqu’à l’avarice. La concision dans le style laisse quelque chose à deviner au lecteur ; la précision le satisfait si pleinement, qu’il n’imagine rien au delà. Elle est le rapport exact de la pensée et des mots, le juste milieu entre la brièveté affectée qui touche à l’obscurité, et la diffusion qui y mène également, en jetant, selon l’expression de Voltaire,

Un déluge de mots sur un désert d’idées.

On conçoit que si la précision n’est qu’un parfait tempérament entre le défaut et l’excès, μετρίως, elle est par là même inséparable du naturel, de la vérité, de la justesse de style, trois qualités qu’on a distinguées et qui réellement ne sont qu’une.

M. de la Rochefoucauld crut faire le plus grand éloge de madame de la Fayette en créant pour elle cette expression : C’est une femme vraie. C’est aussi mettre un écrivain bien haut que de dire de son style : C’est un style vrai.

Le style vrai est cette façon de dire tellement d’accord avec la nature de la personne qui parle, la position où elle se trouve, le milieu où elle agit, les circonstances qui l’affectent, que le lecteur ne se figure pas la possibilité de penser ou de s’exprimer autrement, que rien n’indique la recherche, l’embarras, le parti pris d’adopter telle forme, de produire tel effet, de faire un sort, selon l’expression de Rivarol, il chaque mot et à chaque phrase. L’écrivain naturel et vrai ne plaît pas seulement au lecteur, il s’en fait aimer ; et Pascal a finement expliqué cette sympathie qui nous entraîne vers lui. « Quand un discours naturel, dit-il, peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu’on entend, qui y était sans qu’on le sût, et on se sent porté à aimer celui qui nous le fait sentir, car il ne nous fait pas montre de son bien, mais du nôtre ; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable : outre que cette communauté d’intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l’aimer. Aussi quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi, car on s’attendait de voir un auteur, et on trouve un homme. » Et Fénelon disait dans le même sens : « Je veux un homme qui me fasse oublier qu’il est auteur, et qui se mette comme de plain-pied en conversation avec moi. Un auteur qui a trop d’esprit, et qui en veut toujours avoir, lasse et épuise le mien ; je n’en veux point avoir tant. S’il en montrait moins, il me laisserait respirer et me ferait plus de plaisir ; il me tient trop tendu, et sa lecture me devient une étude. Tant d’éclairs m’éblouissent ; je cherche une lumière douce qui soulage mes faibles yeux70. »

Il me semble que le défaut de naturel part de deux sources, la faiblesse, ou la vanité qui n’est elle-même qu’une faiblesse. L’excès, en quoi que ce soit, est un signe d’impuissance ou d’ignorance du bon emploi de la force, ce qui revient à peu près au même. Croyez-vous que l’emphase, le faux brillant, la délicatesse outrée, la prétention, ce que les Grecs nommaient cacozelia, accusent une force réelle ? Pas plus que la bouffissure n’annonce la santé. Le naturel qu’on dirait venir de prime abord et sans étude demande au contraire un jugement fortifié et un goût mûri par le temps et l’expérience. Remarquez, avec M. Andrieux, qu’il en est de l’exercice de la pensée comme des exercices du corps. Quand on commence à apprendre l’escrime, la danse, l’équitation, on emploie presque toujours trop de force, on fait de trop grands mouvements, et l’on réussit moins en se donnant plus de peine.

J’ai observé que sous ce rapport les nations ressemblent aux individus. On nous a donné la traduction fidèle, dit-on, de certaines poésies indiennes, scandinaves, américaines, de certains livres sacrés et profanes de l’Orient et du Nord, œuvres de peuples jeunes qui s’essayent. Plusieurs passages portent sans doute l’empreinte d’une parfaite naïveté, mais on est étonné d’y rencontrer en même temps non-seulement une profusion inouïe d’hyperboles et de métaphores, mais un caractère généralement emphatique et maniéré qui ne semblerait devoir appartenir qu’aux époques les plus corrompues de la décadence littéraire. L’affectation est aux deux extrêmes de la vie des sociétés, comme la faiblesse aux deux extrêmes de celle des individus. La littérature grecque est peut-être la seule qui fasse exception, pourvu qu’on l’ouvre par Homère et qu’on la ferme sur Théocrite, les éternels modèles du naturel et de la vérité.

En France, à la fin du xvie  siècle et au commencement du xviie , la littérature fut en proie à une déplorable manie d’emphase et d’afféterie. C’était une imitation de l’italien et surtout de l’espagnol, qui touche par tant de points à l’Orient. En vain Montaigne disait à ses contemporains : « Si j’étois du métier, je naturaliserois l’art, autant comme ils artialisent la nature ; » on continua d’artialiser ; le mauvais goût fit chaque jour de nouveaux progrès ; l’hôtel de Rambouillet, dont les opinions étaient des lois, y applaudit et y contribua. Balzac et Voiture, les écrivains les moins naturels que je connaisse, sont, chacun dans leur genre, les types de cette manière fausse et chargée qui devait produire, dans le sérieux, le fatras de Brébeuf ; dans le plaisant, le burlesque de Scarron. Boileau et les hommes de mérite, qui se rangèrent sous la bannière de Malherbe, réformèrent sans doute tous ces abus, mais leur réforme ne fut ni complète, ni irréprochable. En renversant Brébeuf et Scarron, ils exhaussèrent encore le piédestal de Voiture et de Balzac. Leur manière châtiée, travaillée, leur respect superstitieux pour la noblesse et le décorum du langage, leur recommandation de polir et de repolir sans cesse, de lire et de relire Cicéron pour y prendre l’ampleur et le redondant de la phrase, tout cela ne rapprochait pas non plus de la vérité et du naturel. Le boursouflé et le burlesque disparurent ; mais il resta, sous le nom de style soutenu, je ne sais quelle forme guindée, officielle, académique. On caressa la période, on professa l’amour des circonlocutions, le dédain du mot propre, la personnification continuelle des substantifs abstraits, l’emploi de certaines formes conventionnelles qui revinrent sans cesse et ajoutèrent la monotonie à l’affectation.

Au xviiie  siècle, cette contagion infecta non-seulement la tragédie et le poëme descriptif, elle envahit encore toute la prose. Voltaire et Montesquieu sont peut-être les seuls où l’on n’en trouve aucune trace, mais elle fait tache parfois dans Massillon, dans Buffon, dans Rousseau même, et gâte souvent les meilleures pages de Thomas, de la Harpe, de Florian, de Barthelémy, de tous les autres.

Bientôt l’exagération du style soutenu, et d’autre part l’extrême difficulté de la rime et le peu de ressources que présente la prose aux partisans fanatiques de l’harmonie, firent imaginer la prose métrique ou scandée, mélange prétentieux de vers blancs d’inégale mesure et d’inversions poétiques, genre amphibie et bâtard, qui n’a ni les qualités de la prose, ni celles de la poésie. Marmontel et Bitaubé donnèrent l’exemple, et ce style, à son tour, amena la prose lyrique, dithyrambique, ossianique, tout ce qu’il y a de plus opposé à la solidité naturelle, à la justesse, à la clarté, à la précision de l’esprit français. Les poëmes d’Ossian jetés en France à la fin du xviiie  siècle, et qui plaisaient tant à Napoléon, exercèrent une fâcheuse influence sur la littérature. M. de Chateaubriand lui-même se laissa parfois entraîner à celle barbarie qui devait encore aller plus loin.

Assurément l’introduction du style soutenu au xviie  siècle avait ses nécessités et ses avantages. Les efforts tentés au xvie pour rapprocher le français de la majesté des langues anciennes avaient été infructueux. On ne sortait de la trivialité que pour tomber dans l’emphase ; la noblesse et la dignité réelle manquaient encore. Mais, pour y atteindre, il ne fallait pas exiger une pompe toujours solennelle, une réserve toujours dédaigneuse. Quels devaient être, en effet, les résultats de cette doctrine ? La glorification du vague et de la périphrase, la froideur, la pesanteur, la monotonie, la nécessité de se renfermer presque toujours dans des généralités communes, d’éviter le détail et le spontané, c’est-à-dire les éléments les plus actifs de l’originalité et de la vérité. On est étonné de voir Buffon lui-même soutenir que le style n’aura ni noblesse, ni vérité, ce qui est plus étrange, si l’on n’a soin de nommer les choses que par les termes les plus généraux, si l’on ne se défie de son premier mouvement, si l’on se laisse emporter à son enthousiasme, si l’on n’a partout plus de candeur que de confiance, plus de raison que de chaleur. Sans doute l’école qui s’est nommée romantique, avec son ridicule abus du détail, de l’entrain et de la personnalité, a donné dans un autre extrême, et sa rudesse inconvenante nous a souvent fait regretter le vague et le guindé du xviiie  siècle. Mais entre ces deux excès, n’y a-t-il pas ce bon style des contemporains de la Fronde, à la fois large et précis, libre et correct, primesautier et pourtant réfléchi, qui réunit les bons côtés des deux siècles, du xvie et du xviie , le style de Molière et de la Fontaine, dans les vers, de Pascal, de Bossuet, de Fénelon, de madame de Sévigné, dans la prose ? Etudiez ce langage si éminemment français, sachez vous l’approprier, et quand vous en serez bien pénétré, laissez-vous aller à votre spontanéité, et, quoi qu’en dise Buffon, ne craignez pas le premier mouvement ; vous serez alors original, sans y tâcher, et précisément parce que vous serez naturel et vrai.