(1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE II. Anecdotes de Théatre.  » pp. 41-71
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(1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE II. Anecdotes de Théatre.  » pp. 41-71

CHAPITRE II.
Anecdotes de Théatre.

Dans un nouveau voyage d’Italie, amusant par ses Anecdotes, dont je ne garentis pas la vérité, on trouve des traits réjouissans sur le théatre ; un Ecclésiastique est l’entrepreneur de l’opéra de Florence, un autre à une salle d’escrime, où il enseigne à faire des armes. Ce dernier ne me surprend pas ; l’un des neuf grands Vicaires de … est un grand maître en fait d’armes, il en a remporté le prix à Toulouse ; il ne pousse pas des argumens de théologie, ni des sermons en chaire, il pousse des bottes aux amis & aux domestiques du Prélat, qui s’en amuse. L’Abbé Perrin fut en France le premier entrepreneur de l’opéra. Le Cardinal Mazarin en donna les ordres, & en fit la dépense, le Cardinal de Richelieu lui en avoit donné l’exemple. Un très grand nombre d’Abbés & de Jésuites ont depuis travaillé pour la scéne, dans tous les genres : Lyrique, tragique, comique, pastorale, &c.

Celui que le Voyageur d’Italie rencontra se plaignoit de la difficulté d’avoir de bons auteurs, qu’il avoit été obligé de renforcer les danseuses, qu’il en avoit une dont la figure & les talens étoient admirables, qu’on la lui avoit débauchée ; il se plaignoit encore qu’on ne lui rendoit pas justice, qu’il n’avoit qu’un bénéfice pour récompense, qu’on en sollicitoit un meilleur pour le fixer dans le pays, & ne pas perdre des talens si rares & si ecclésiastiques.

Il n’y a de spectacle à Rome que dans le carnaval, depuis le lendemain des Rois jusqu’au jour des Cendres. Le théatre de Tordinone, qui est très-beau, fut bâti à l’occasion d’un démêlé entre l’Ambassadeur de France & celui de l’Empereur. Le Cardinal de Polignac, Ambassadeur de France, allant à une répétition au théatre Aliberti, vit que l’Ambassadeur de l’Empereur avoit pris deux loges ; sur l’une il avoit mis les armes d’Espagne, & sur l’autre les armes de l’Empire : le Cardinal en demanda deux aussi, où il vouloit faire mettre les armes de France & celles de Navarre. Benoît XIII lui représenta que puisqu’il n’alloit pas à l’opéra ; il devoit lui être indifférent d’avoir deux loges, l’affaire en demeura là. Le Duc de Saint-Agnan, qui lui succéda, mena sa femme, la plaça dans une loge, & se mit dans une autre ; le Pape pour trancher le différend fit fermer ce spectacle ; mais il fit bâtir un théatre, donna une loge à chaque Ambassadeur, qu’il fait tirer au sort, au commencement de chaque année, on n’y met les armoiries de personne, & tout le monde est content. Tout cela est-il bien vrai ? Il est du moins peu vraissemblable dans un Pape aussi saint que Benoît XIII, ni dans aucun Pape. Les Ambassadeurs n’ont droit de mettre leurs armoiries, ou celles de leurs maîtres, que chez eux, non dans les lieux publics des villes où ils résident. C’est un petit conte d’un homme peu instruit.

Mr. Lalande, Voyageur de tout un autre poids, dans son voyage d’Italie, dit en parlant du Pape, la gloire de ce haut rang peut à peine compenser la retenue, la contrainte, l’asservissement, la représentation qu’il exige ; le Pape ne mange jamais en public, ni avec personne, sa table est servie de la maniere la plus frugale, il ne connoît ni jeu, ni chasse, ni spectacle. Benoît XIV eut une fois la curiosité de voir en particulier la forme d’un théatre que l’on venoit de construire ; on écrivit aussi-tôt sur la porte, indulgence pleniére : les plaisans ne passent rien dans ce pays là, même au Pape, il est privé de toute société agréable, il n’entre jamais de femmes dans son palais. Benoît XIV nimoit beaucoup à se promener, il imagina d’aller tous les soirs aux quarante heures pour avoir occasion de sortir ; il n’a d’autre divertissement que d’aller passer le tems des chaleurs à Castel-Gandolfe, où il respire un meilleur ait, avec un peu plus de liberté. Il n’est pas douteux que nos Prélats, qui sont Papes dans leur Diocèses, n’imitent parfaitement leur chef, & que par leur éloignement du monde des femmes, du jeu, de la bonne chere, de la chasse, des spectacles, &c. ils ne justifient le grand principe des tems. L’Evêque de Rome n’est entre les Evêques, que primus inter pares. Les grands Vicaires, imitateurs de leurs maîtres, ne sont pas moins des modeles de toutes les vertus ; le reste du second ordre, s’émancipe quelquefois. Il y avoit à … un fou agréable qu’on appelloit le Pape futur, parce qu’il disoit & croyoit de bonne soi, qu’au premier Conclave il seroit Pape ; le Pape futur alla un jour à la comédie, dans une loge, il vit sur le théatre trois ecclésiastiques distingués, en habit de couleur, & à boutons d’or. Le parterre ayant apperçu le Pape futur, se mit à le huer, il se leva gravement, imposa silence, & dit, en montrant ces trois ecclésiastiques, je suis venu ici pour avoit l’œil sur la conduite de mon clergé, toutes les huées se tournerent contre eux ils s’enfuirent dans les coulisses, quelques jours après ils firent chasser de la ville le Pape futur.

Lettres Angloises du Chevalier Talbot au Sr. Garrik, comédien, Let. 20, Tom. 2. vous êtes un plus grand homme que vous ne croyez, votre élection pour les communes auroit fait un schisme en France, vos amis sont fâchés que vous n’ayez pas réussi, ils savent que votre esprit & votre cœur n’ont rien de votre profession, & sont infiniment au-dessus de votre fortune, quoique vous ayez deux millions de bien. Vous auriez représenté au Parlement avec autant de patriotisme & de désintéressement, que vous représentez sur le théatre ; ils auroient vu siéger le bon citoyen avec le même plaisir qu’ils voient jouer l’acteur excellent. Nous savons en Angleterre distinguer les divers points de vue d’un objet, en France on est trop peu réfléchi pour une opération si compliquée. Voltaire, le docteur à la mode, qui fait quelquefois montre de bel esprit, aux dépens du jugement, auroit embouché la plus bruyante trompette, & crié, du ton de son frere Sourdis, dans le Poëme de la Pucelle, Français rougissez de honte, & voyez les judicieux Anglois mettre au nombre de leurs législateurs, un de ces héros que vous condamnez à l’infamie, on l’auroit cru, ou auroit vu suppliques & mémoires présentés au Roi, pour obtenir qu’il fit ouvrir l’Eglise & le Palais aux comédiens, & donner à la nation le glorieux avantage de les compter au nombre des Magistrats & des Chanoines : le Parlement auroit fait des remontrances, le Clergé des mandemens, les arrêts & les excommunications du vieux tems paroîtroient habillées à neuf, les Avocats du bon ton feroient imprimer des factums, les beaux esprits chamailleroient en prose & en vers ; les Gaffés de Paris, & les antichambres de Versailles fairoient passer la cause des foyers aux boutiques, & des boutiques aux halles. Rien n’est petit quand la passion s’en mêle, & elle est d’autant plus forte ici, sur des bagatelles, que l’on y a moins de sujets graves, & capables de faire diversion. La destinée des Princes & des Princesses des coulisses, est une affaire aussi chaude à Paris, que l’unité des Parlemens à Londres, où le théatre est fréquenté par un peuple immense, de tous les Etats, & n’est fait que pour divertir, & c’est son vrai point de vue. En France c’est le rendez-vous d’une poignée de gens des œuvres, à peu près toujours les mêmes, & l’on veut que ce soit l’école de la vertu pour la nation, le dépot où elle puise les grands sentimens & les qualités aimables. Les tenants de cette erreur insoutenable, sont un parti puissant ; les littérateurs en sont les chefs, distribués en petites sociétés, dont chacune se donne pour le public & croit l’être, ils présentent leurs opinions d’un ton décisif, qui leur est propre ; elle fait fortune à la capitale & dans les provinces, où les Académies menacent de devenir aussi nombreuses que l’étoient jadis les confréries ; ce public en mignature fait du théatre un nouveau collége de docteurs, qui consacrent leurs talens à l’instruction publique ; & la nation doit gémir de l’aveuglement du peuple, du préjugé du Clergé, de l’opiniâtreté des magistrats, pour qui ces respectables pédagogues sont toujours des comédiens. Le peuple en France n’est point soumis aux juges ordinaires de la police, & a ses loix & ses juges. Sans entrer dans la raison des ces deux partis contraires, je voudrois les juger sur les progrès que la nation a fait dans la vertu depuis 25 ans que Voltaire, leur oracle, s’est avisé d’indiquer la nouvelle école dans les vieux jeux de paume, devenus, des salles de spectacle. Les bons Anglois ne dissimulent point à l’estimable Garrik, qu’ils aiment sans l’estimer, la profession qu’il embrassa dans sa jeunesse, par légèreté, & à laquelle il tient aujourd’hui par nécessité. Il n’en est que plus flatté d’avoir su vaincre par son mérite un préjugé qui lui étoit défavorable, & d’honorer par la supériorité de ses talens, un état qui n’honore personne. Tout comédien qui pensera aussi sensément que lui, sera le premier à se moquer des champions qui voudront rompre des lances pour la dignité de la troupe, & la noblesse de ses exercices. En France, où les comédiens savans & vertueux sont en très-petit nombre, & où encore moins d’actrices cherchent la célébrité par la régularité des mœurs ; les protecteurs des foyers passent condamnation, & n’ont garde de demander pour leurs protégés, les considérations personnelles ; les gens du bel air, & du bon ton, en France, n’ont pas assez de logique pour d’istinguer l’homme de l’artiste, & la profession du mérite. Ils veulent que le talent du théatre réunisse tous ces éloges, comme s’il supposoit ou donnoit toutes les vertus, ou en tenoit lieu. Le gros de la nation au contraire refuse de voir autre chose que le talent dans l’homme qu’il distingue, & borne à l’estime qu’il doit à l’art, tous les sentimens sur l’artiste.

La N. est la premiere actrice de Toulouse, où elle est née incognito, fille de la Pitro & du Public ; plusieurs peres se la disputent, comme plusieurs villes de la Grece se disputoient Homere : elle a choisi le plus brillant, qui ne s’en défend pas ? elle a couru le pays, les actionnaires du spectacle ; ses compatriotes, instruits de ses talens, lui font un bon parti, ont payé son voyage, & un dédit de 2000 liv. qu’elle avoit promis à une autre troupe, qui lui donnoit moins. Ce n’est pas par intérêt qu’elle a quitté, elle pense trop noblement ; mais pour illustrer sa patrie, qui lui a destiné une place dans la galerie des illustres, & c’est pour mieux répandre la gloire de sa patrie, non par intérêt, qu’elle est allée à Bordeaux, où on lui fait un meilleur parti. N. qui venoit de proscrire la morale relâchée des Jésuites, alla bien loin au-devant d’elle, & la mena dans son carrosse, à la maison qu’il lui avoit préparée, mais avec tant de zèle qu’il s’étoit fait son tapissier, avoit lui même arrangé ses meubles, & dressé son lit, qu’il comptoit de partager, sa famille n’en paroît point jalouse ; Amphitrion doit se trouver heureux, que Jupiter visite Alcmene. Les Dames, d’ailleurs si fieres, ont pour elle le plus grand respect, peut-on en avoir trop. Elles vont la chercher, la ramenent dans leur carrosse, lui cedent le fonds, lui donnent des fêtes ; à leurs exemples toutes les femmes des actionnaires & bien d’autres se font honneur de la société des actrices, sur-tout de celle-ci, on les voit par-tout avec elle ; mais jamais à l’Eglise : ces Dames se trouvent à la toilette de la Princesse, disputent aux femmes de chambre, l’honneur de la servir, en prenent des leçons de parure, cependant c’est la plus dangereuse rivale auprès de leur mari & de leurs amants ; la plus séduisante maîtresse de leurs enfans, le plus contagieux exemple pour leurs filles ; mais sa mere, sa sœur, elle-même ont été autrefois leurs femmes de chambre ; mais les comédiens furent toujours, & sont encore infâmes. Qu’importe, le théatre a si bien dissipé tous les préjugés populaires, il ennoblit si bien ceux qui le fréquentent, qu’il efface toutes leurs taches, c’est le titre le plus glorieux de noblesse, il sera bien-tôt reçu à Malthe. Plusieurs Chevaliers s’en sont honneur, quelques Dames, il est vrai, ont refusé de faire leur cour : ce sont des hiboux qui ne méritent pas d’y être admises ; le grand nombre va de bonne grace admirer, étudier, se former à cette école. Leur grave amateur, président des actionnaires a établi parmi eux de donner tour à tour des fêtes aux actrices ; permis néanmoins à chacun d’accorder chez lui les honneurs à la sultane favorite ; les autres chevaliers ne se voient pas sans peine, chacun voudroit les honneurs pour la dulcinée. Pour le bien de la paix, il a été convenu que chacun suivra son goût sans rompre de lance, pour décider qui est la plus belle. On lui fait grace en faveur des talens, car elle ne prétend point la pome de la beauté, encore moins sa mere, actrice vieille & usée, qui jamais n’y eut droit ; toutes deux se disent mariées, mais leurs maris ne paroissent pas, elles en sont séparées. Les actrices en ont, & elles en fournissent de bonnes raisons, leurs maris ne sont point en reste avec elles.

N. en arrivant joua la Prude, & mit de la dignité dans ses faveurs ; elle a deux sortes d’amans, elle a des égards pour la majesté de la magistrature, qui voudroit le persuader au public. Le public a la malice de n’en rien croire : elle a des bontés pour le subalterne, les familles sont flattées de la distinction ; ce manége lui est utile. Par son crédit elle obtient tout, présens, considération, augmentation des gages, autorité dans sa troupe. Le Président qui a tout obtenu, peut-il rien refuser ? Mais tout se fait avec décence & dignité. Ses admirateurs disent qu’elle a de l’ame, des bras nobles, qu’elle rend parfaitement les sentimens. Les Poétes Français & Gascons lui consacrent leurs vers, on la chante dans les rues.

Un malheur déconcerta sa pruderie & sa dignité, le feu prit à sa maison pendant la nuit, & troubla fort mal-à-propos les douces occupations de la famille, composée de huit personnes. On vit sortir une petite procession d’elle & de son amant, de la femme de chambre & de Lubin, de Maturine, de la cuisiniere & de Pierrot, d’un petit laquais & de Javote, chacun menant sa chacune. Le feu avoit attiré bien du monde qui servit avec édification, à les arracher au double incendie qui les alloit consumer. Une autre fois, revenant bien avant dans la nuit, elle trouva sa cassette ouverte, & ses lettres enlevées, elle court chez le Capitoul, qui la croyant différemment occupée, fut fort surpris de la voir à cette heure ; je viens vous demander justice, dit-elle, on m’a enlevé mes papiers, mais on n’a pas touché à mon argent ; je soupçonne ma femme de chambre. On va la saisir dans son lit, interrogée sur ce vol, elle répond, je ne suis plus chez vous depuis quelques jours, je ne puis répondre de ce qui s’y passe ; il y a apparence que MM. deux rivaux, ont eu la curiosité de savoir qui regne dans votre cœur, & ont cru le trouver dans vos lettres ; l’un d’eux a fait le coup, voulez-vous, dit le Capitoul, qu’on dresse un verbal de cette réponse ? Non, dit-elle, ce sont des noms trop respectables. Malheureusement le secret a été mal gardé. Elle se promenoit un jour sur la brune, tête-à-tête avec l’acteur Beaugrand, qui n’est, non plus qu’elle, ni grand ni beau, mais qui est fêté par une famille distinguée, à qui il se dit appartenir. Un plaisant la vit, & alla ramasser une troupe de poliçons qui vinrent chanter ses louanges, avec des huées, & à coups de poing ; on fit des informations, on ne put découvrir les coupables, & qu’auroit-on puni dans des enfans qui n’avoient dit que la vérité ?

Mercure de Décemb. 1769. Les Anglois ordinairement entousiastes, ont fait une fête à l’honneur de Shakespear, qui a couté des sommes immenses, Garrik en a eu l’intendance, & en a fait les honneurs. On a construit en l’honneur de ce Poëte un grand édifice & une salle de bal, qui pouvoit contenir 2000 personnes, & fort ornée. Mais comme tout est dans le monde de peu de durée, ce bel édifice de planche & de carton, a été démoli de fond en comble, après la fête : des feux d’artifice, des brillantes illuminations avec des lampes de verre de différentes couleurs, qu’on avoit fait faire pour le Roi de Dannemarc. On a réparé, avec beaucoup d’activité, tous les chemins, plusieurs lieues à la ronde, & le plus beau des jours a été appellé la lumière de Shakespear. Dès la pointe du jour tout le monde a été éveillé par une simphonie, qui fut entendue dans toutes les rues de la ville de Straford, sa patrie, où se faisoit la fête. Des belles voix chantoient des couplets adressez aux Dames, pour les inviter à honorer la fête de leurs regards, & faire respecter un Poëte que la beauté aura d’aigné courronner. La simphonie fut interrompuë par le bruit du canon. Les Magistrats se rendirent à l’Hôtel-de-Ville, où ils trouverent Garrik, le représentant du Héros, lui firent un compliment, & lui remirent le buste de Shakespear, gravé sur un morceau de bois de mûrier qu’il avoit planté, il étoit enrichi d’or. Garrik le reçut avec reconnoissance, & le pendit à son col ; les portes de l’Hôtel-de-Ville s’ouvrirent, & on servit des rafraîchissemens à ceux qui se présenterent. Il est vrai que comme tout doit se ressentir de l’humanité, on n’entroit que par billet, & chaque billet coutoit une guinée, il en falut un nouveau pour entrer au bal, qui coutoit demie guinée, ce qui revient à un Louis & demi, ce qui paya, & au-dela, tous les Frais de la fête. Les instrumens jouerent pendant le déjeuné ; à dix heures on se rendit à l’Eglise, où la musique se fit entendre ; on revint à l’Hôtel-de-Ville, où on servit le dîné, après lequel suivit le bal, & la fête continua les deux jours suivans de la même maniere. Le second jour Garrik monta sur un théatre, & récita une ode de sa façon, à l’honneur du Corneille Anglois, dont la musique exécuta les strophes à mesure. Elle fut suivie d’un éloge en prose du même, que Garrik termina, selon les ûs & coutumes de l’ancienne chevalerie, par un défi d’oser attaquer la gloire du Poëte. Un champions se présenta, & se déclara ennemi de Shakepear, ce qui forma une scéne très-vive & très-gaye, qui amusa beaucoup, & dont on sent bien que Garrik sortit vainqueur. Suivit une mascarade singuliere, composée de tous les divers personnages des piéces de Shakespear qui promenoient sa statue dans un char de triomphe, & la conduisirent à la grande place, où Garrik la couronna de laurier. Les Dames avoit pris les habits de Reines, Princesses, Soubretes, &c. ce qui faisoit l’effet le plus singulier ; il est vrai que la marche fut un peu dérangée par le mauvais tems : Nihil est ab omni parte beatum. Le troisiéme jour, l’ode, l’éloge, la musique, la procession furent répétées, & tout se termina au Temple de la gloire, où l’on plaça sa statue. Garrik en fit la dédicace solemnelle, & le lendemain tout fut détruit. Le Mercure termine la description par ces belles réflexions ; l’honneur qu’on vient de rendre à la mémoire de ce grand-homme, est sans doute inouï, il fait honneur à la nation, qui en a donné l’exemple ; un pays où l’on honore ainsi les talens, doit les voir naître & multiplier dans son sein. Je ne doute pas qu’on ne suive un si bel exemple en France, à l’honneur de Moliere, Corneille, Racine. L’Académie Française vient d’y préluder, en donnant l’Eloge de Moliere, pour le sujet du prix qu’elle a distribué en 1769.

Par la loi des 12 tables, Tabl. 9, Cibi, Godefroid. Les assemblées nocturnes sont défendues, & punies comme un crime capital : Si quis in urbe cætus nocturnos agitavit &c. C’est un des crimes qu’on reprochoit à Catilina : Mores leges consuetudines & instituta majorum violavit. Il est donc bien juste que vous répariez votre faute par votre suplice : ea sarcias, & restituas suplicii tui memorabili animadversione. La loi Gabinia avoit confirmé cette défense, qui coitiones clandestinas in urbe conflavit, capitali pænâ mulctetur, & Plutarque en parle au long, & les condamne, parce que la nuit donne plus de liberté, & favorise le vice. Le jour les affaires, les travaux, la compagnie embarrassent ; la nuit tout est libre & calme.

Dans une des salles d’un tribunal de Flandres, on voit au milieu du plafond la figure en relief du Capricorne ; par je ne fai quelle fantaisie du sculpteur, ce signe du zodiaque a des grandes cornes de bouc, & tout le monde sait qu’en style de théatre, les cornes sont l’enseigne des maris malheureux. On a profité de cette bisarre circonstance, pour donner des scénes divertissantes. Toutes les fois qu’un officier du flege se marie, on place un tabouret au milieu de la salle, sous le Capricorne ; on y fait asseoir le nouveau marié, pour en recevoir les influences, & l’enrôler dans la confrérie ; mais comme au palais tout se fait à pas de registre, selon les formalités prescrites par les loix ; tout se fait ici de la maniere la plus légale.

Un des Conseillers se charge des fonctions de Procureur-général, & prononce un grave réquisitoire, où il demande à la cour que le candidat soit installé dans l’état & office de mari, sous les auspices du Capricorne. Celui-ci descend de sa place, se met derriere le barreau, remercie les Gens du Roi, & donne son acquiescement. Le Président receuille les voix, & prononce l’arrêt d’installation, il nomme des commissaires qui vont dans toutes les autres chambres notifier l’arrêt, les inviter à la cérémonie, & prendre le jour & l’heure de la reception ; le jour venu, les officiers de chaque chambre, les huissiers à la tête, vont deux à deux, en robe & en bonnet quarré, à la salle du Capricorne, s’arrangent en cercle comme à l’assemblée des chambres, le recipiendaire à la queue, que le Président mène par la main au tabouret, où il reçoit très-respectueusement les influences du Capricorne, suspendu sur sa tête. Le Procureur-général prend la parole, lui fait un discours éloquent sur la destinée inévitable des maris, & tâche de l’en consoler, l’assurant qu’il est en bonne & nombreuse compagnie, sans sortir même de son corps, & l’exhorte pathétiquement à fermer les yeux, ne rien dire, & prendre patience. Tout cela est émaillé de bons mots, pris de tous les théatres ; car on a soin de choisir celui des Magistrats qui est le plus naturalisé avec la scéne, chacun félicite le nouveau marié, qui répond à son compliment sur le ton de gravité que comporte la matiere. En récompense, il donne à chacun une paire de gans, que les deux derniers Conseillers aspirans au mariage, distribuent à la compagnie. On doit aussi-tôt les mettre, selon l’étiquette, pour ramener l’initié en triomphe dans la chambre, & dans le même ordre ; on le fait assoit pour cette fois à la premiere place, où il donne audiance, & prononce des arrêts. Tout ce qui se trouve de support du palais, dans les allées & dans la cour, frappe des mains en son honneur, & le comble de bénédictions.

Les officiers de la grand-chambre, la plupart vieux maris, ou vieux célibataires, prennent peu d’intérêt à ces fêtes comiques, qui sont pour les jeunes Magistrats des évennemens très-importans. La derniere chambre regardée comme tribunal subalterne, ne se mêle point avec les autres, elle fait à part ses installations elle a dans son plafond une tête de Meduse, dont les serpens ressemblent assez à des cornes & le visage à celui d’une femme en colere qui n’aime guere son mari, c’est sous cette tête que que le nouveau confrére est placé, avec la même cérémonie, il est vrai qu’au lieu de gans, le récipiendaire donne un repas, ce qui est mieux assorti à la fête ; tout cela est pris de Moliere, le Bourgeois Gentilhomme se fait recevoir turc, & le Malade imaginaire, Medecin ; dignus dignus es intrare in nostro docto corpore. Nos Seigneurs ont même encheri sur Moliere, la cérémonie du Capricorne, est bien plus réguliere & plus auguste, au profit sans doute des bonnes mœurs & de la sainteté du mariage, nos Seigneurs n’en sont-ils pas les protecteurs & les modeles ; ornarires ipsa vetat contenta doceri.

Un acteur des plus distingués de ces graves sénes, fit incognito un voyage à Bruxelles pour se divertir, le lendemain de son arrivée il se présenta au directeur de la comédie, pour entrer dans la troupe, & s’offrit à l’essai pour toute sorte de rôles d’homme ou de femme, dans plus de trente pieces qu’il savoit par cœur ; en effet, pendant un mois il joua le roi, le valet, l’arlequin, la soubrette, &c. parfaitement. On couroit en foule admirer comme un prodige, cet acteur nouveau, que personne ne connoissoit. Le directeur charmé, le reçut avec joie, & lui offrit 6000 liv. d’apointement, il le remercia, & partit le lendemain, laissant après lui qu’il étoit le président. N. il a fait ailleurs le même badinage ; en arrivant dans une ville, il va trouver le premier acteur, ou actrice, lui demande son rôle, & deux heures après monte sur le théatre, & le joue ; c’est le plus excellent pantomime, il contrefait tout le monde, avec la plus grande facilite. Un aveugle étant venu dans une compagnie où il se trouva, il contrefit si bien la voix & le style d’une douzaine de personnes, amis ou parens de l’aveugle, qu’il lui fit accroire qu’ils venoient successivement l’un après l’autre le saluer, & donner à chacun d’eux leur nom & leurs qualités. Quelqu’un des anciens Magistrats du Tribunal fit des reproches à cet acteur universel, & menaça de le déferer aux mercuriales ; je le veux bien, répondit-il, Mais à condition que je déférerai à mon tour ceux dont je sai les anecdotes théatrales ; on fut effrayé, on demanda grace, il fut arrêté qu’on useroit de compensation. Qui peut douter qu’un si bon acteur ne soit un bon juge, un bon président, un bon pere, un bon mari ? Demandez-le à sa femme & aux plaideurs.

Dans le Diocèse de N. & dans la plûpart des Diocèses, se masquer, aller au Bal, à la comédie, avoit toujours été pour les Ecclésiastiques un cas réservé, avec suspense encourue par le seul fait. Le nouvel Evêque plus indulgent a supprimé toutes ces peines ; il n’y a plus ni reserve, ni suspense ; la défense n’en subsiste pas moins devant Dieu ; personne n’est le maître de la lever, & de rendre licite ce qui est mauvais & défendu. L’indécence d’un tel changement de discipline inutile & dangereux, ne diminue pas l’indécence de toutes ces folies dans le Clergé ; mais ce sont deux liens de moins, par conséquent plus de liberté d’y aller, & l’espérence de l’impunité, puisque toutes les peines sont supprimées. Aussi le spectacle y est-il publiquement fréquenté par le Clergé, dont on a calmé les allarmes. & qu’elle licence pour les Laîques ! Ce Prélat est fort zélé pour la population & contre les Moines.

M. de Languet Archevêque de Sens, répondant en qualité de Directeur à M. Marivaux, lors de sa reception à l’Académie Françoise, lui parla ainsi de ses Romans & Comédies.

Vous avez avec les gens de bien une querelle bien plus importante, dans le peu que j’ai parcouru de vos ouvrages, j’y ai bientôt reconnu que ces agréables Romans ne convenoient pas à l’austere dignité dont je suis revêtu, & à la pureté des idées que la Réligion nous prescrit ; réduit à m’en rapporter aux idées d’autrui, j’ai appris que vous vous proposiez une morale sage, ennemie du vice ; mais que vous vous arrêtiez souvent à des aventures tendres & passionnées, que tandis que vous combattez l’amour licencieux, vous le peignez avec des couleurs si naïves & si tendres, qu’elles doivent faire sur le lecteur une impression toute autre que celle que vous vous proposés, & qu’à force d’être naturelles elles deviennent séduisantes. La peinture trop naïve des foiblesses humaines est plus propre à réveiller la passion qu’à l’éteindre, de quelque précepte qu’on l’assaisonne. Un jeune homme y prendra plus de goût pour le vice, que vos morales ne lui en inspireront pour la vertu. Votre Paysan parvenu par des intrigues galantes aura beau prêcher la modestie qu’il n’a pas pratiquée, & exagérer les suites funestes de l’amour, il trouvera plus de gens disposés à copier ses intrigues, que de ceux qui viendront profiter de ses leçons. Vous qui connoissez si bien le cœur de l’homme, qui en avez cent fois développé tous les réplis, avez-vous pu ignorer ses foiblesses ? Les peintures vives de l’amour qu’on employe pour en garantir le cœur, suffisent pour l’y faire germer & y porter des impressions funestes, que la plus sage morale n’effraye point. Vous avez beau avertir du péril auquel vous vous exposez vous-même, le penchant naturel y entraînera malgré vous & vos maximes.

Les libertins reçurent mal cette sage critique ; on en plaisanta dans le monde. Elle n’est pas moins juste : on essaya d’aigrir l’Académie, en disant que c’étoit blâmer son choix ; on ne réussit pas dans le fonds. Il est vrai qu’elle pouvoit se dispenser de la remplir de Poëtes licencieux ; ainsi que de donner pour le sujet du du prix l’Eloge de Moliere, & d’annoncer ainsi au public que des ouvrages contraires aux bonnes mœurs, qui devroient à jamais en fermer les portes, pouvoient être un titre pour être admis dans son Sanctuaire, ou être couronné de sa main. Un Evêque qui se trouvoit alors à la tête devoit le faire sentir au public. M. Le Franc dans son discours de reception, a en depuis le même zèle contre les gens sans Réligion dont l’Académie ne croit pas que le nom dépare la liste, il a été plus mal reçu. Les académiciens ont ri des libelles infames attribués à Voltaire. L’auteur des Lettres Persannes n’essuya aucune critique, celles de ce caractère ne seront pas aujourd’hui à craindre, l’Archevêque de N.… n’en fera pas.

En voici des présages, le Curé de … homme de mérite, confessoit depuis plusieurs années les Religieuses, de… ces Dames voulurent représenter une comédie, en firent les préparatifs, & l’exécuterent, elles & leurs pensionnaires, sans lui en rien dire, il le sur, les blama hautement, & menaça de refuser l’absolution ; il ne savoit pas que les Religieuses avoient pris leur précaution, & obtenu la permission de la cour Episcopale, un peu moins scrupuleuse. On y trouva fort mauvais qu’un subalterne pensat différemment : le confesseur fut obligé de rendre les pouvoirs, on en substitua un plus indulgent. Ses deux Vicaires qui confessoient aussi, & l’avoient imité subirent le même sort, les actrices triompherent, la piece fut jouée avec encore plus d’éclat ; il y eut bal, on dansa toute la nuit, on y fit toutes sortes de folies. C’étoit justifier le confesseur, c’est la premiere fois que des prêtres ont été interdits pour avoir défendu la comédie à leurs pénitens. Cette même cour favorise si fort les spectacles, & les croit si nécessaires, que peu de tems après, les grands Vicaires permirent de travailler toute la semaine sainte & les trois fêtes de Pâques, que le théatre vaquât, à réparer la salle, les décorations, les habits, &c. pour pouvoir représenter d’abord après les fêtes, afin que la comédie ne manque pas un seul jour, & pour adoucir l’abstinence du spectacle pendant la quinzaine ; abstinence plus rude que celle du carême, qu’on ne connoît pas. On donne un avant goût du plaisir futur, on annonce les pieces qui se représenteront après Pâques, c’est un sujet fort dévot de méditation pendant les fêtes.

Dans le Collége Royal où ce même Prélat préside, & où selon son goût systématique, il il a fait une infinité d’arrangemens arbitraires, dont aucun n’a réussi, & qui l’ont réduit au plus triste état, il a permis une chose, peut-être unique. On a loué un quartier du Collége, sous l’appartement du Principal, à une société d’amateurs pour y jouer la comédie ; ils y ont fait bâtir un théatre, & trois fois la semaine ils donnent des pieces, où ils font fort souvent acteurs ; ils ne se nomment modestement que la Société Bourgeoise, le Théatre Bourgeois ; mais plus nobles que les actionnaires, gentilshommes du spectacles public, ils font tous les frais, & reçoivent généralement gratis. Rien de plus commode pour les écoliers & les régents, ils vont de plein-pied, de la classe aux spectacle, se délasser des fatigues de l’étude. Je crois bien que les acteurs font moins bons, & les actrices moins belles, les décorations moins brillantes qu’à la comédie française ; mais c’est toujours une bonne école de mœurs & de réligion dans le goût du Prélat ; on y représente les mêmes pieces, on y donne les mêmes leçons de vertu, on y inspire à la jeunesse le même amour du plaisir, le même esprit du monde : c’est un second Collége sous le même toit qui met la perfection au premier, & y fait fleurir les études, & de concert avec lui, forme à l’Etat de graves Magistrats, de pieux Ecclésiastiques, d’excellens peres de famille.

L’Impératrice Theodora femme de Justinien, étoit fille d’un palfrenier des spectacles : elle fut de bonne heure prostituée par ses parens, Justinien en devint amoureux & l’épousa ; il eut besoin d’une dispense de l’Empereur Justin son oncle & son prédécesseur, pour pouvoir l’épouser. La loi défendoit aux Sénateurs de se marier avec les femmes de théatre, même avec leurs filles & petites filles, quoi qu’elles n’en fissent pas la profession. Il prit pour prétexte que le palfrenier des spectacles n’étoit pas proprement acteur, Scenicus ; ce qui est vrai à la rigueur, mais ces mariages ne sont pas moins deshonorans pour un Sénateur. Quand Justinien fut monté sur le trône, il eut la foiblesse, à la sollicitation de Theodora, d’abroger cette loi, & d’en porter une autre par laquelle il permît aux Sénateurs d’épouser des actrices, pourvu qu’elles se convertissent. Autre foiblesse, comme s’il étoit bien difficile, que pour une établissement si honorable & si avantageux, un actrice quitte le théatre, & se dise convertie. Jeu puérile qui ne fait que deshonorer le Magistrat dont les sentimens sont assez bas pour se mésallier à cet excès. Ce Prince eut encore la foiblesse de faire insérer cette loi dans son Code, & d’immortaliser sa honte, au lieu de justifier l’infamie de sa jeunesse, & de dégrader son autorité l’égislative jusqu’à renverser à perpétuité la Jurisprudence, dont il étoit le restaurateur, par des loix infâmes dont il devoit rougir d’avoir eu besoin, & d’avoir osé les accorder à la sollicitation d’une actrice. Lege Imperiali 23. C. de Nuptiis. Par une autre loi plus équitable, quoiqu’opposée à la Jurisprudence Romaine, il donne une hipotheque privilégiée à la femme, sur les biens de son mari, pour la sureté de sa dot, & pour la conserver aux enfans, ce qui s’observe encore ; mais il a la bassesse d’y avouer qu’il l’a portée à la sollicitation des femmes : Assiduis mulierum aditionibus inquietati, L. 8, qui potior. in pignor. Ce qui lui a fait donner le nom d’Imperator uxorius, l’Empereur efféminé. Cette actrice couronnée causa les plus grands maux dans l’Eglise & dans l’Etat : elle soutint l’hérésie des Eutichéens, fit déposer & mourir le Pape St. Silverius, fit élever à sa place le Pape Vigile, lui arracha, pour de l’argent, des lettres de communion avec les Evêques Eutichéens, par l’ascendant qu’elle sut prendre sur l’esprit du foible Justinien, & ternit la gloire d’un regne, que de grandes victoires, la destruction des Vandales en Affrique, des Goths en Italie, & sour-tout la compilation des loix anciennes dans le Digeste, des principes du droit dans les institutions, de très-belles loix assemblées dans le Code & dans les Novelles, rendront à jamais mémorable. C’est dommage que ces taches répandues par la main d’une actrice, déparent cet ouvrage immortel, qui a immortalisé son auteur. Que n’a-t-on pas à craindre d’un homme livré aux actrices, & de quoi n’est pas capable une femme prostituée, qui passe du théatre à la pourpre. Elle y fut entretenue par sa confidente Antonine, femme de Belisaire, l’un des grands Capitaines, & peut-être des grands hommes qui aient paru sur la terre, & qui, pour plaire à Theodora, engagea son mari à déposer, à emprisonner & envoyer en exil, par les plus lâches artifices, un Saint Pape, & à placer un intrus sur son siége ; Non est malitia, super malitiam mulieris ; sans doute on n’exceptera pas les autres actrices. V. Procope, qui dans son Histoire, rapporte ces belles qualités d’Esprit & de corps, qui rendirent Théodora si puissante ; & dans sa satire, l’abus qu’elle en fit, par la corruption de son cœur.

Voici une Anecdote théatrale, d’un Prince, que depuis quelques années on se tue de dire grand, parce qu’il n’avoit ni mœurs, ni réligion ; qui, à la vérité, a fait de grandes choses ; mais en a bien ternir la gloire par des cruautés attroces, & des vices honteux, & des petitesses ridicules. Tant il est vrai, dit Madame des Houlieres, que tous les héros ont toujours quelque mais, ou quelque si, qui les barbouille. Le Czar Pierre, dans ses voyages singuliers en Hollande, en Angleterre, en France, pour apprendre le métier de charpentier, alla quelquefois à la comédie, dont on n’avoit aucune idée en Moscovie. Il y prit goût, non pour des pieces régulieres, & bien faires, dont il n’étoit pas capable de sentir les beautés ; mais pour des farces & des mascarades dignes de la barbarie de ses peuples ; il avoit à sa cour un vieux fou, nommé Jotof, qui lui avoit appris à écrire, & s’imaginoit avoir mérité, par ce service, les plus importantes dignités. Pierre qui adoucissoit les chagrins du gouvernement, par des plaisanteries convenables aux peuples non policés, créa Pape son maître à écrire, avec 2000 roubles d’appointement, & lui donna une maison à Petersbourg ; des bouffons l’installerent en cérémonie, il sur harangué par quatre begues ; il créa des Cardinaux, & marcha en procession à leur tête. Tout ce sacré college étoit ivre d’eau-de-vie, (& le Czar aussi.) Jotof étoit âgé de 80 ans, le Czar imagina de lui faire épouser une veuve de son âge, & de célébrer solemnellement cette noce ; il fit faire l’invitation par quatre begues, des vieillards décrépits conduisoient la vieille mariée ; quatre des plus gros hommes servoient de coureurs, la musique étoit sur un char, conduit par des ours qu’on piquoit avec des pointes de fer, & qui par leur mugissement formoient une basse digne des airs qu’on jouoit sur le chariot. Les mariés furent benis dans la Cathédrale, par un prêtre aveugle & sourd, à qui on avoit mis des lunettes. La procession, le repas des noces, les deshabillés des mariés, la cérémonie de les mettre au lit, tout fut également convenable à la bouffonerie. Ce ne fut pas une folie passagere, après la mort de Jotof un officier nommé Butalir, fut créé Pape à Moscou & à Petersbourg. On a vu trois fois renouveller cette burlesque cérémonie, dont le ridicule avoit pour objet de confirmer le peuple dans leur aversion pour l’Eglise Romaine. Ce Prince avoit pourtant promis à la Sorbonne, qu’il étoit allé voir par curiosité, de travailler à réunir son Clergé & son peuple à l’Eglise Latine ; on avoit eu la facilité de le croire, & de lui fournir des mémoires, & tous les efforts aboutirent à tourner en dérision le Pape & le sacré Collége, plus maussadement que les Anglois qui brûloient un Pape de paille ; & même sa propre Réligion Greque, en prophanant dans la Cathédrale de Moscou, le Sacrement de mariage que les Grecs reconnoissent, & le ministere d’un prêtre dont ils réverent le caractère, par des bouffonneries aussi plates qu’indécentes, plus digne d’un Tabarin, sur le Pont neuf, que d’un Empereur qu’on dit philosophe, & à qui cette conduite puérile & sacrilége, n’en assure que trop le titre. Voyez les Anecdotes du Nord, & l’extrait qu’a donné le Journal de Trevoux, Fév. 1770.

Factum pour Mademoiselle Petit, danseuse de l’opéra. Il est d’usage parmi nous de s’accorder une indulgence réciproque, en matière de galanterie ; cette discrétion politique est absolument nécessaire à l’intérêt commun, sans cela nous serions tour-à-tour les dupes de nos vangeances, & les hommes cesseroient d’être les nôtres. J’avoue que je ne voulois entrer à l’opéra que dans la vuë d’imiter mes compagnes, & d’arriver comme elles au bonheur, par la route du plaisir. Je suis jeune, bien faite, &c. J’obtins une place à force de crédit, je comptai dès-lors ma fortune assurée ; nous sommes sur le théatre ce que les fermiers-généraux sont dans les finances, la plupart commencent avec rien, nous commençons de même ; ils s’intéressent dans plus d’une affaire, nous n’avons jamais assez d’une intrigue ; ils doivent l’alliance des grands à leurs richesses, nous la devons à nos appas ; ils sacrifient leurs amis à l’intérêt, nous lui sacrifions nos amans ; un trait de plume leur vaut 100000 livres, une faveur accordée nous en vaut quelquefois d’avantage ; ils font des traités captieux, les notres sont équivoques ; le goût du plaisir nous mene à la prodigalité, le faste les rend dissipateurs : deux choses nous différencient, ils s’endurcissent pour thésauriser, nous nous attendrissons pour nous enrichir ; ceux qu’ils ruinent les maudissent, ceux que nous ruinons nous adorent. Vous voyez que je connoissois toutes les prérogatives de ma place, & que j’aurais bien-tôt acquis le peu qui me manquoit pour la remplir dignement ; j’ai peu d’esprit, mais en faut-il beaucoup quand on a le reste, & d’ailleurs le théatre n’en donne-t-il pas. J’en aurois comme les autres, sans la malheureuse avanture que la calomnie m’impute pour m’en enlever de brillantes. La voici, on prétendoit l’avoir prise en flagrant de lit, sous le théatre avec N.… Le public attribue ce mémoire à l’Abbé de la Marre, auteur de l’opéra de Zaïde ; il fait honneur au Poëte, il en fait peu à l’Abbé.

Le même livre en rapporte un autre du Marquis de Bussi contre la Mereuil ou Lécluse, aussi danseuse de l’opéra, qui lui vouloit donner un enfant qu’elle avoit eu, on ne sait de qui ; il y déclare les manœuvres de cette héroïne pour faire des conquêtes, & voler leurs amans tandis qu’elle se livroit à d’autres, en grand nombre. Il y en a un autre contre les friponeries des acteurs & actrices de la comédie Italienne, qui avoient extorqué un billet, par adresse & par violence, d’une Dame qui réclame contre, &c. Il se fairoit des volumes des matieres, des galanteries & des friponneries de cette engeance ; c’est une peste dans une ville.

Autant l’Eglise est déclarée contre les spectacles, parce qu’ils sont opposés à l’esprit du christianisme ; autant la police voit avec peine leur interruption, à cause du désordre que cette interruption peut entraîner ; ainsi par une de ces contradictions si fréquentes dans notre morale, ce qui corrompt les mœurs, sert donc à réprimer leur corruption, du moins à substituer aux passions fougeuses qui troubleroient l’ordre public des passions, plus douces & plus tranquilles. Affiches Avril 1770.

C’est un reméde d’un nouveau genre. Quelqu’un a dit de ce reméde si singulier que c’est à l’exemple de Loth, qui pour empêcher la Sodomie offrit ses filles aux habitans de Sodome ; ou comme le scorpion & la vipere qui servent de reméde à leur propre venin. Je ne sçai pourtant si quelqu’un voudra faire l’essai de ce reméde en commençant par se faire piquer par la vipere & le scorpion. Oui, dira-t-on, les Vendeurs d’orviétan le font, sur le théâtre ; ils avalent des animaux venimeux, se font eux-même des blessures, pour faire voir la vertu de leur orviétan ; après avoir commencé par donner une farce, ils passent à cette espéce de tragédie dont le dénouement peut être bien funeste pour eux. Les Apologistes du théatre, qui le jugent nécessaire pour empêcher de plus grands maux, ont sans doute en vue la vertu de ce spécifique. Ils ne voyent pas qu’en entretenant la passion & le vice il conduit au même mal, dont on le dit le reméde, & qu’il est lui même un très-grand mal, auquel on ne remédie pas.

Le Marquis Scipion Maffei, homme célébre, mort en 1755 a donné des comédies de plus d’une espece. 1°. Plusieurs piéces de théatre, recueillies en trois ou quatre volumes, entr’autres la Cérémonie, comédie qui a eu un grand succès, & Merope traduite deux fois en François, critiquée, imitée, & surpassée par Voltaire, qui dans une lettre polie écrite à lui-même lui dit ce qu’il pense des deux piéces, & de quelque autre sur le même sujet. 2°. Divers traités du théatre, de l’amphitéâtre, des regles de l’art dramatique dont on fait usage en Italie. 3°. A côté de ces ouvrages frivoles, on voit des éditions des Peres, des décisions des cas de conscience, un traité de la grace. Assemblage bizarre dans un Militaire, un homme du monde livré à la plus grande dissipation, qui a beaucoup voyagé. Aussi la solidité & la profondeur de ses traités s’en ressentent. 4°. Il a voulu être tout dans l’empire des lettres, & embrasser, comme Leibnitz toute la sphére des connoissances humaines, avec plus d’élégance peut être, mais incomparablement moins de génie que ce fameux Allemand, qui ne se mêla jamais de théatre, qui fut un vrai prodige. Maffei fut historien, philosophe, antiquaire, casuiste, mathématicien, théologien, journaliste, interprète de l’Ecriture, traducteur d’Homére, poëte dans tous les genres, depuis l’épigramme & la chanson, jusqu’à la tragédie, & au poëme épique, médiocre en tout. Cette universalité a quelque chose de comique. 5°. Son caractére enjoué, plaisant, tournant tout en badinage ; & cependant prévenu en faveur de ses idées, délicat sur le point d’honneur, atrabilaire, opiniâtre, & absolu dans ses opinions, ne souffrant la contradiction qu’avec peine. Tel il parut à Paris, à Londres, à Leide, à Vienne, où il passa plusieurs années, & où sa naissance, sa fortune, sa réputation, son esprit, ses connoissances lui procurerent l’accueil le plus favorable.

6°. Il débuta dans le monde par une véritable comédie, il soutint dans l’Université de Verone une thése publique dont le fond & le style sont d’un jeune homme, & d’un poëte comique ; elle rouloit toute sur l’amour ; & dans cent conclusions contenoit autant de questions, & de décisions galantes ; tels que sont les Arrêts d’amour, ridiculement honorés d’un sçavant Commentaire par le Docteur Contius. C’est le Régistre de la Cour de Paphos, & des Tribunaux des Dames du tems des Trouvadours ; le Marquis, comme de raison, y obtint d’une voix unanime le dégré de Docteur in utroque. Les Professeurs de Verone qui n’avoient pas osé refuser leur classe à une famille puissante rougirent d’assister à cet acte de Tabarin, & cederent la place aux Dames qui y vinrent en foule avec leurs Cavaliers, parées de tous les agrémens de leur sexe ; auxquels le Soutenant rendoit galamment les armes. Il se défendit mieux contre quelques Académiciens, qui lui argumenterent en forme. L’ouverture, & la clôture de la scéne furent des piéces de poësies de sa façon, à l’honneur de ses aimables auditrices qui lui avoient formé la plus brillante assemblée. On sent combien cette galanterie reçut d’applaudissement, & le fit rechercher des Dames, & se répandit au loin ; leur faveur lui valut le doctorat dans toutes les facultés. Cette these qui pourroit fournir la matiere d’une farce sur le théatre de la foire, avoit été préparée par le projet, & le premier chant d’un immense poëme sur la galanterie, qui devoit contenir cent livres, comme la these contenoit cent conclusions, dont chacune devoit être développée dans un livre exprès, heureusement pour le public & pour lui-même, l’auteur n’a publié que le projet, & le premier chant ; on voit par-là dans quels ridicules font tomber la galanterie & le goût du théatre, ils ne connoissent point de frein, & apprennent à n’en plus connoître. La ville de Verone dont il a écrit au long l’histoire, idolâtroit son citoyen, entr’autre hommage, elle lui dressa une statue avec cette inscription simple, mais profonde, au Marquis Maffei vivant, elle est dans le goût de celle que Montpellier dressa au feu Roi, à Louis XIV après sa mort ; l’une & l’autre idée est également vive, la flatterie ne loue guere après la mort un Prince qu’on n’a plus intérêt de ménager, l’envie ne souffre guere qu’on loue pendant la vie un grand homme qui peut effacer ses rivaux, la vérité seule dicte ces éloges, Maffei eut la modestie de faire ôter la statue de la salle de l’Académie où on l’avoit placée, & où on la remise après sa mort, ce trait lui fait honneur, on doit, dit-on, en ériger une à Voltaire dans la salle du spectacle, avec la même inscription à Voltaire vivant, je doute qu’il la refuse, il y a même bien de l’apparence qu’il a mis une bonne somme dans la souscription que ses amis ont ouverte pour fournir aux frais.

Voici des loteries d’une nouvelle espere ; l’opéra a besoin de quatre cens mille livres, il fait pour les avoir une lotterie où chaque billet gagnera non de l’argent ou des bijoux ; mais un prix fort léger ; des billets d’entrée au spectacle, c’est payer d’avance, comme dans la souscription des livres ; la mort, les maladies, les voyages, les affaires qui empêcheront d’y venir, autant de billets perdus, & c’en est bien la moitié, c’est manger son revenu d’avance, aux dépens des successeurs, qui représenteront gratts si tous les billets sont remplis. Se croiront-ils tenus de remplir les engagemens contractés par leurs prédécesseurs. Le premier lot sera une loge au premier rang, pour quinze ans ; le second, une loge au second rang pendant dix ans, d’autres lots des places à l’amphitéatre pendant quelques années, les petits lots dont le nombre est très-considérable, l’entrée au parterre pour quelque mois, ceux qui n’auront point de lot auront trois ou quatre billets de parterre, tous les billets sont de six livres, ce droit est personnel, & ne passe point à d’autre ; ainsi l’opéra ne perd rien, est payé d’avance, & gagne toutes les absences, c’est voler le public & le comédiens à venir.

2°. Les Entrepreneurs du Vauxallh ne voyant plus le même empressement pour leur spectacle, imaginerent d’abord d’accorder aux hommes qui prendroient des billets d’entrée, la liberté d’y mener une Dame, gratts. Les femmes sont partout le plus grand attrait ; elles triomphent au théâtre. Cet expédient ne eut réussit pourtant pas. Ils se sont avisés d’un autre ; c’est de faire une lotterie de bijoux, qu’on peut prendre en argent, si l’on veut, selon leur valeur : quand on gagne un lot ; on en distribue à chacun de ceux qui ont pris des billets d’entrée, on met en lots le dixieme du billet d’entrée ; c’est gagner un dixieme moins : on le trouveroit s’il y venoit beaucoup de monde. Ce moyen a réussi quelque jour ; mais on se lasse de tout : le Vauxallh languit malgré la lotterie ; il tombera bientôt apparemment.

Ting Zi, Empereur de la Chine avoit des vertus ; mais il étoit foible, & plusieurs fois il se seroit deshonoré, sans les conseils de sa mere : il aimoit éperdument une comédienne. Sa passion l’entraîna si loin, qu’il répudia l’Impératrice, pour mettre l’histrionne à sa place. Il voulut que toutes les Reines assistassent à son couronnement. Enchanté de sa maîtresse, il demanda à sa mere ce qu’elle en pensoit : elle est à merveille, répondit cette mere, elle joue avec beaucoup de vérité, un premier rôle lui sied bien. L’Empereur fut frappé de cette réponse : on le vit rougir & pâlir, il prit enfin son parti en homme d’esprit : vous avez raison, s’écria-t-il, son élévation n’est aussi qu’une comédie. Il fit rentrer l’actrice dans son état, rappella son épouse, & ne négligea rien pour persuader à tout l’Empire, que ce qu’il avoit fait, n’étoit qu’un jeu. Combien de gens d’une famille honnête, à plus forte raison d’une maison distinguée, seroient heureux de faire ces réflexions, & de pouvoir effacer si facilement l’infamie de leur intrigue, & quelque fois des mariages aussi honteusement contractés avec de pareilles femmes.

Voici l’idée que Madame de Launai, lett. 7 & 11, nous donne du théâtre d’Espagne, qu’elle a vu dans son voyage : le changement du gouvernement, le goût françois qui s’y est introduit depuis Philippe V, y a fait bien des changemens. L’opéra est pitoyable ; les dieux descendent à cheval sur une poutre ; les diables montent de l’enfer par une échelle : le soleil est une lanterne de papier huilé : il y a toujours un bouffon (espece d’Arlequin) appellé Gratioso, qui, au milieu des plus belles scenes, interrompt les acteurs pour dire quelque impertinence : on a le mauvais goût d’en rire : on souffre dans le parterre la plus vile canaille, qui sifle, fait du bruit, &c. Le théâtre espagnol a été comme le notre, grossier & obscéne : on n’y voyoit, on n’y entendoit que des choses contraires à la modestie. Lopes de Véga, comme Corneille en France, le rendit décent, & guérit les Rois & les Princes de la maladie ordinaire aux grands, de ne pas aimer à entendre leurs vérités. Bien des auteurs ont suivi ses traces sur-tout Dom Pedro de Calderas qui a excellé. Il y reste toujours un grand défaut, le mélange du sacré & du profane, des plaisanteries jusques dans les pieces prises de l’Ecriture, défaut qui se corrige difficilement. Un grand Seigneur me fit entrer dans une galerie où il y avoit des tablettes de bois de cedre, pleines de livres, il me dit : ce sont des trésors, j’y ai amasse toutes les comédies des bons Auteurs, la fureur du théatre a franchit les Pyrenées, & dérange la gravité Espagnole.

Chez un peuple poli, les mœurs font les plaisirs.
Chez un peuple poli, les plaisirs font les mœurs.

L’histoire de l’Ordre de Saint Dominique, tom. 7. L. 1. N. 7, Vie de Nicolas Aubertin, Cardinal de Prato, rapporte que ce Cardinal étant Legat du Pape à Florence, pour tâcher d’apaiser les troubles : on y fit des réjouissances extraordinaires & ridicules, on fit crier que tous ceux qui voudroient savoir des nouvelles de l’autre monde, en apprendroient le premier jour de Mai, sur le pont de la Ville. Au jour marqué, parurent sur la riviere d’Arne, un grand nombre de barques chargés d’échafauts, & de personnages qui représenterent l’enfer : on y voyoit du feu, des roues enflammées, divers autres genres de supplices : parmi quantité de dragons & de serpens monstrueux, on voyoit des hommes, dont les uns portoient des figures horribles, des démons ; les autres tous nuds pour représenter les ames des damnés, jettoient des cris & poussoient des hurlemens aussi affreux que s’ils avoient été en effet dans les tourmens ; mais rien ne pouvoit être plus tragique que ce qui termina cette scene : au moment que le peuple, avide de ces folles représentations, paroissoit le plus attentif, le pont construit de bois, se trouvant trop chargé, tomba tout à coup : tous ceux qui étoient dessus, furent précipités dans les eaux ; & plusieurs y périrent : ceux qui se sauverent, furent la plupart estropiés & toute la ville dans la désolation. Jean Villani, L. 8. C. 70…. Le mercure d’Août 1770, p. 173 rapporte que Madame la Dauphine a signalé son entrée en France en donnant une médaille d’or à Gardin, acteur de la comédie Italienne, dont le mérite est un jeu naturel & vrai. Il est pantomime, il fait bien les lazzis, sans doute que le grand Molé, le grand le Kain, le grand Grandval & les grands de la comédie françoise qui prétendent bien valoir tous les Cardins Italiens auront aussi leur médaille, en récompense de leurs talens supérieurs, le goût & l’équité de cette Princesse en répondent. Ils en seroient jaloux.