(1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Avis » pp. -
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(1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Avis » pp. -

Avis

Cette Lettre est composée de deux parties : la première est une relation de la représentation de L'Imposteur, et la dernière consiste en deux réflexions sur cette comédiea. Pour ce qui est de la relation, on a cru qu’il était à propos d’avertir ici que l’auteur n’a vu la pièce qu’il rapporte que la seule fois qu’elle a été représentée en public, et sans aucun dessein d’en rien retenir, ne prévoyant pas l’occasion qui l’a engagé à faire ce petit ouvrage : ce qu’on ne dit point pour le louer de bonne mémoire, qui est une qualité pour qui il a tout le mépris imaginable, mais bien pour aller au-devant de ceux qui ne seront pas contents de ce qui est inséré des paroles de la Comédie dans cette Relation, parce qu’ils voudraient voir la pièce entière, et qui ne seront pas assez raisonnables pour considérer la difficulté qu’il y a eu à en retenir seulement ce qu’on en donne ici. L'Auteur s’est contenté la plupart du temps de rapporter à peu près les mêmes mots, et ne se hasarde guère à mettre des vers: il lui était bien aisé, s’il eût voulu, de faire autrement, et de mettre tout en vers ce qu’il rapporte, de quoi quelques gens se seraient peut-être mieux accommodés; mais il a cru devoir ce respect au Poète dont il raconte l’ouvrage, quoiqu’il ne l’ait jamais vu que sur le théâtre, de ne point travailler sur sa matière, et de ne se hasarder pas à défigurer ses pensées, en leur donnant peut-être un tour autre que le sien. Si cette retenue et cette sincérité ne produisent pas un effet fort agréable, on espère du moins qu’elles paraîtront estimables à quelques-uns, et excusables à tous.

Des deux réflexions qui composent la dernière partie, on n’aurait point vu la plupart de la dernière, et l’Auteur n’aurait fait que la proposer sans la prouver, s’il en avait été cru, parce qu’elle lui semble trop spéculative, mais il n’a pas été le maître : toutefois, comme il se défie extrêmement de la délicatesse des esprits du siècle, qui se rebutent à la moindre apparence de dogme, il n’a pu s’empêcher d’avertir dans le lieu même, comme on verra, ceux qui n’aiment pas le raisonnement, qu’ils n’ont que faire de passer outre. Ce n’est pas qu’il n’ait fait tout ce que la brièveté du temps et ses occupations de devoir lui ont permis, pour donner à son discours l’air le moins contraint, le plus libre et le plus dégagé qu’il a pu; mais, comme il n’est point de genre d’écrire plus difficile que celui-là, il avoue e bonne foi qu’il aurait encore besoin de cinq ou six mois pour mettre ce seul discours du Ridicule non pas dans l’état de perfection dont la matière est capable, mais seulement dans celui qu’il est capable de lui donner.

En général, on prie les Lecteurs de considérer la circonspection dont l’Auteur a usé dans cette matière, et de remarquer que dans tout ce petit Ouvrage il ne se trouvera pas qu’il juge en aucune manière de ce qui est en question, sur la Comédie qui en est le sujet : car, pour la première partie, ce n’est, comme on l’a déjà dit, qu’une relation fidèle de la chose, et de ce qui s’en est dit pour et contre par les intelligents ; et, pour les réflexions qui composent l’autre, il n’y parle que sur des suppositions qu’il n’examine point. Dans la première, il suppose l’innocence de cette pièce, quant au particulier de tout ce qu’elle contient, ce qui est le point de la question, et s’attache simplement à combattre une objection générale qu’on a faite, sur ce qu’il est parlé de la Religion ; et, dans la dernière, continuant sur la même supposition, il propose une utilité accidentelle qu’il croit qu’on en peut tirer contre la galanterie et les galants, utilité qui assurément est grande, si elle est véritable ; mais qui, quand elle le serait, ne justifierait pas les défauts essentiels que les Puissances ont trouvés dans cette Comédie, si tant est qu’ils y soient, ce qu’il n’examine point.

C'est ce qu’on a cru devoir dire par avance, pour la satisfaction des gens sages, et pour prévenir la pensée que le titre de cet Ouvrage leur pourrait donner, qu’on manque au respect qui est dû aux Puissances : mais aussi, après avoir eu cette déférence et ce soin pour le jugement des hommes, et leur avoir rendu un témoignage si précis de sa conduite, s’ils n’en jugent pas équitablement, l’auteur a sujet de s’en consoler, puisqu’il ne fait enfin que ce qu’il croit devoir à la Justice, à la Raison et à la Vérité.