[Remarque]
que a l’honneur & louenge de dieu, de nostre mere saincte eglise, & de la saincte foy catholicque, & pour condition & consolation de tous bons & vrays Chrestiens. Il feroit voulentiers Imprimer le livre des Actes des apostres en cinq ou plusieurs volumes qu’il a par devers luy & qui a este compose en ryme françoise & corrige a grans frais & mises.Lui & ses Libraires eurent un Procès au Parlement de Paris l’an 1540. contre Maistre François Hamelin, François Potrain, Jehan Louvet, & Leonard Chollet, Maistres & Entrepreneurs du mystere des Actes des Apostres à Paris cette année là. La Cour ordonna que ces quatre Entrepreneurs ne pourroient faire imprimer
le mystere des dicts Actes des Apostres par autres que par ceulx qui ont eu le Privilege de les imprimer quelque addition qu’ils y fissent. On voit dans une Balade aux commencement du II. Volume les noms de ces quatre Entrepreneurs & qualitez. Voici en quels termes :
Au Plasmateur rendent grace les quatreDe bon vouloir entre ParisiensLes quels ont faict apparoir le TheatreBien ensuyvant les Rommains anciens. . . . . . .. . . . . . .. . . . . . .Françoys de nom les deux, n’en faut debatreLung Hamelin, l’autre Poutrain, scientsLung en practique, & l’autre pour sembatreTixtre tapis soubs rethoriciensSçait assez bien, puis pour l’exploict parfuireLeonard Chovelet boucher voulut bien faireEt Jehan Louvet operateur aux fleursBien congnoissant des bons grains les meilleurs.A iceulx quatre honneur royal desireDonner faveur abollir les erreursQui font humains a vertu contredire.
Baillez les festus preparezAinsi que l’avons assigne.Lung en y a qui a ung signeComme il appert, signe lauonsPour l’amour de nos compaignons.Le second de signe na point,Dont pour acheuer nostre poinctPierre, tenez les en uos mains,Et eulx deux, qui sont incertainsOu le signe est, n’en quelle espece,Viendront tirer chascun sa piece,Et celluy auquel escherraLe signe, subrogue seraAu lieu qui est ja devise.
Après que les deux fetus surent tirez, les Apôtres regardérent qui avoit le signe, & s’écriérent tous ensemble,
C’est Mathias :
Sur quoi Saint Pierre s’exprima ainsi
Loue soit dieu,Ca Mathias, entre nous autresFaictes nombre des douze Apostres.Joyeulx en suis, proficiat,Conferme soyez en l’estat .
On met très souvant les Diables en jeu ; & c’est dans ces endroits là que le Poëte s’excite le plus, & qu’il met principalement en œuvre son industrie ; mais il soutient mal les caracteres, & au lieu d’inspirer de l’horreur, il étoit plus propre à faire rire. Il s’abandonnoit au burlesque, tant le gout qui régnoit alors étoit mauvais. Il introduit Lucifer qui convoque tous les Diables, & il lui fait dire :
Dyables meschans destinez en terre estre,Clos a jamais dans le centre terrestre,Viendrez vous point a mes cris & aboys,Sortez au feu de nostre infernal êtrePar mes haulx cris vous pouez bien cognoistreQue c’est a droict que complaindre me doibs :Haro, haro, nul de vous je ne veoys,Si ne venez desesperer m’en voys.Dyables mauldicts, Dyablesses, Dyabletons,Courez en lair, trauersez champs & boysFoulare gectez, accordante a ma voixApprochez tost dyabolicques luytons : &c.
Voici la réponse de Sathan :
Prince denfer tes cris as faict estendreSi tresavant qu’ils sont venus descendreJusques au fons des noires regionsNos vils manoirs tu as presque faict fendreQue te fault-il ? Es tu prest de te pendreDyables sont hors par grandes legions .
Autre Discours de Lucifer :
» Haro, haro, approche toy grant Dyable,» Approche toy notayre mal fiable.» Fier Belyal procureur des enfers» Si tu ne fais ung faulx traict desuoyable» Nous perdons tout le genre humain saluable» Et demourons seuls enchaynez en fers.. . . . . . .. . . . . . .» Sur terre auons des ennemis peruers» Encontre nous machinans prescherie» Ce sont villains yssus de pescherie» Voulans noncer de dieu la paix cherie.» Mais si vostre art a mort ne les ruyne» Ravis serez tous a la boucherie» Si gay n’aura de qui la bouche rie» S’il le convient laisser mettre en ruyne.
Autre Réponse de Sathan :
» Prince dampne de tenebre & bruyne» Loup ravissant, ton hurlement ne fine» Que te fault-il ? as tu la rage au cueur ?» Prens plomb fondu, chaulx, soufre, & poix resine» Metail bouillant qui seront drogue fine» Pour destouper ta mauldicte rancueur. »
Autre Discours de Lucifer.
» Après que Christ fut au tombeau rendu» Trois jours apres de mort ressuscita» Et qui plus est tout vif se presenta» A ses amys qui ne sont pas des nostres,» Douze coquins qui se nomment Apostres,» Grans seducteurs de la loy Judaïque» Ausquels il dit le texte Evangelicque» Soit soustenu & presche de par vous» Apres es cieulx il monta devant tous» En les laissant tous douze sur la terre,» Lesquels present nous meinent dure guerre» En la cite Hierusalem nommee» Et tout autour du pays de Judee» Qui est pour nous grande perplexite.» Dyables obscurs chascun soit incite» Pour ces maraulx a la mort faire rendre» Si dessus nous les laissez entreprendre» Dieu pis yra pour nous dessus les rens» Pour ce Sathan vers eulx le chemins prens» Pense souldain de leur liurer bataille» Pour mettre a fin la maudicte canaille» Transporte toy aux prestres de la loy» Lesquels tousjous ayent lor & aloy» En recordant leur mauldicte auarice» De ces coquins donne bien la notice, &c. . »
Satan répond.
» De tous les Droicts assez entends l’affaire» Au fonds d’enfer je puisse estre pendu» Puis qu’il convient que je souffle es oreilles» Bien tost mourront les coquins de Jesus. »
Lucifer aiant partagé entre les Diables ses commissions, Sathan lui parla de la sorte :
» Voy Lucifer tous Dyables sont enclins» Par tours souldains mouvemens & declins» Dessus les champs leur deuoir tres bien faire,» Mais au depart pour mieulx nous satisfaire» Ta patte estends sur nos groings dyabolicques» Pour confermer nos esprits drachoniques» Que recevons pour benediction.”
Voici ce que Lucifer répond :
» Dyables dampnez en malediction» Dessus vous tous par puissance interdicte» Ma patte estends qui est de Dieu mauldicte» Pour de tous maulx & malfaicts vous absouldre» Couverts soyez de fulminante fouldre.
N’étoit-ce pas donner dans le ridicule, & y tourner indirectement la Sainte & Apostolique cérémonie de l’imposition des mains ?
Après ces Dialogues des Démons, on en voit d’autres qui sont pires en leur espece ; car les Discours que l’on fait tenir à Dieu & à Jesus-Christ parlans l’un à l’autre sont entiérement indignes de la majesté du sujet. Les sergens qui emprisonnérent les deux Apôtres qui guérirent un boiteux, parlent si burlesquement, que c’est un morceau de Farce.
Agrippart
Prens moy ce galland par le poingEt le me lye d’une corde
Griffon
Agrippart
Griffon
Trotemenu, messager du grand Sacrificateur Anne, enchérit sur ce burlesque :
» C’est rage comme je chopine» De chanter ne me puis tenir,» Toutes les fois que je chemine» Il n’est chose qui ne se mine» J’ay huy si bien tire laureille» Puis le matin à ma bouteille» Que tout est pieca mis en vente» Je n’ay garde quelle sesuente,» Car plus ny a raisin ne moust
Rapportons quelques morceaux du Dialogue d’Anne & de Caiphe.
Anne
» Je les ai veus tres bonnes gens» Loyaulx & de bonne fasson» Et mont apporte du poisson» Cent fois a vendre en mon hostel
Cayphas
Anne
L’Interrogation juridique qu’on fit au Boiteux me semble devoir être raportée :
Anne
: … » mais je te vueil demander» S’il est vray ce qu’on a compte,» On nous a ici recite» Que pour trouuer moyen de viure» Toy qui estoys fort & deliure» Faignoys d’estre tout contrefaict.» D’y hardiment si tu las faict» Je le te feray pardonner» Avecques ce te feray donner» De l’argent pour toy bien pourvoir» Plus qu’il nont : On peut bien scavoir» Qu’ils ten ont donne & promis» Affin que dies qu’ils tont mis» En bon estat & en sante» Pour avoir bruyt par la cite» De faire miracles patens. »
Par ces échantillons du prémier Livre, on pourra juger de tout le Volume ; mais il faut se souvenir qu’il ne sont pas aussi grotesques qu’une infinité d’autres endroits.
Chez nos devots Ayeux le Théatre abhorréFut long-tems dans la France un plaisir ignoré.De Pelerins, dit-on, une troupe grossiereEn public à Paris y monta la prémiere,Et sotement zélée en sa simplicitéJoüa les Saints, la Vierge, & Dieu, par piété.Le Savoir à la fin dissipant l’IgnoranceFit voir de ce projet la dévote imprudence.On chassa ces Docteurs préchant sans mission,On vit renaitre Hector, Andromaque, Ilion .