(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre X. Que c’est une chose vicieuse et un dérèglement manifeste de danser fréquemment. » pp. 37-40
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(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre X. Que c’est une chose vicieuse et un dérèglement manifeste de danser fréquemment. » pp. 37-40

Chapitre X.
Que c’est une chose vicieuse et un dérèglement manifeste de danser fréquemment.

Quoiqu’il soit permis de prendre quelque recréation après le travail, et de donner quelque relâche à son esprit après les occupations sérieuses ; si on excède néanmoins dans le divertissement, soit pour la manière d’en user, soit pour le temps qu’on y emploie, ce n’est plus une recréation honnête ; mais une pure sensualité, et on n’agit pas en homme raisonnable : mais on se laisse conduire aux passions de la chair, et aux instincts de la nature, comme les bêtes. Roselius, et Angélus sont même passés plus avant, et ont dit que ceux qui dansent souvent, et qui s’accoutument à cet exercice, pèchent mortellement.

Il est vrai, que Sylvestre n’approuve point ce sentiment, touchant la grièveté de ce péché, croyant que le fréquent usage d’une chose qui de soi n’est pas mortelle, ne peut pas faire qu’elle le soit : mais ces Auteurs appuient très solidement leur avis par cette raison qu paraît claire, et convaincante. Que ceux qui dansent ainsi fréquemment, par le plaisir qu’ils prennent à danser, s’attachent avec tant de passion à cet exercice, qu’ils tombent presque toujours dans quelque faute, qui les rend coupables de péché mortel.

Et il faut remarquer que ces Docteurs n’ont pas été les premiers à condamner cette coutume de danser. Ils en ont porté ce jugement après Alexandre de Halès, qui n’excuse pas même de péché mortel, celui qui aurait été engagé contre son gré, et par pure condescendance dans cet exercice ; si par le plaisir qu’il y prend il s’y attache, et s’y accoutume ; parce que quand bien il serait vrai de dire que pour danser fréquemment, et sans modération, s’il n’y avait quelque autre circonstance qui augmentât la malice de l’action, on peut ne pécher pas mortellement ; néanmoins parce que ce plaisir sensible qu’on prend si souvent, dispose peu à peu les âmes à violer les commandements de Dieu, et de l’Eglise ; et à faire malheureusement avec une affection déréglée, ce qu’on faisait au commencement avec une satisfaction moins mauvaise ; comme l’on dit que le péché véniel, lorsqu’on néglige de s’en corriger, et qu’on s’y lie avec affection, est une disposition au mortel : on peut dire en ce sens que ceux-là pèchent mortellement qui vont fréquemment au bal, à cause qu’ils se disposent insensiblement à tomber dans le péché mortel, et qu’ils s’exposent au péril de le commettre.