(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XI. Qu’on ne peut danser sans péché les jours qui sont particulièrement destinés à l’exercice de la piété Chrétienne. » pp. 41-53
/ 259
(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XI. Qu’on ne peut danser sans péché les jours qui sont particulièrement destinés à l’exercice de la piété Chrétienne. » pp. 41-53

Chapitre XI.
Qu’on ne peut danser sans péché les jours qui sont particulièrement destinés à l’exercice de la piété Chrétienne.

Ceux qui dansent, et qui vont au bal, et à la comédie au temps dans lequel, suivant l’ordre de l’Eglise, les Chrétiens doivent spécialement vaquer à la pratique de la pénitence, ou s’occuper aux exercices spirituels, et à la dévotion, ne sauraient être excusés de péché mortel. C’est la doctrine de Roselius, et de Sylvestre, après Alexandre de Halès, qui pour exposer plus clairement leur avis par des exemples, marquent le temps de l’Avent jusques à l’Epiphanie, et depuis la Septuagésime jusques à Pâques ; ne doutant point que pendant ce temps, les danses ne soient illicites, et criminelles.

Sylvestre étend cette même doctrine au jour du Dimanche, quoique en cette matière il se soit beaucoup écarté de la vérité, et qu’il se soit laissé aller dans des opinions fort accommodantes. Il croit donc que ceux qui dansent les jours des Dimanches pèchent grièvement ; si ce n’est peut-être, dit-il, que ce fût dans l’occasion d’une joie publique, et extraordinaire, comme pour quelque victoire, ou que cela se fît secrètement : mais ces exceptions ne sont point justes, et ne doivent point être par conséquent reçues.

Car comme nous avons dit auparavant, suivant le sentiment de plusieurs Docteurs anciens très considérables par leur sainteté, et par leur doctrine, les danses ne sont point permises que pour des sujets raisonnables, et importants, qui regardent le bien de la société civile, aux jours mêmes qui ne sont pas particulièrement dédiés à la piété et au culte de Dieu. Et ainsi lorsqu’il y a quelque sujet de réjouissance publique, la considération que l’on doit avoir pour l’ordre de l’Eglise et l’obligation qu’ont ses enfants de s’appliquer aux choses de Dieu, ne permet point qu’on puisse légitimement faire choix de ces jours saints pour des divertissements humains et profanes.

Et quand bien en ces jours consacrés à la gloire de Dieu, on ne danserait qu’en secret, on ne serait pas exempt de péché ; Car encore que le scandale ne s’y trouve pas, on s’oppose manifestement, non seulement à l’ordre ; mais à l’esprit de l’Eglise, qui est celui de Dieu même ; puisqu’on perd par des actions séculières, le temps qu’elle avait marqué pour la mortification, et pour les autres exercices spirituels nécessaires à la sanctification des âmes.

Ce même Auteur suivant la disposition dans laquelle il était d’élargir la voie du salut, contre la parole expresse de l’Evangile, excepte encore le cas de la coutume ; permettant la danse aux jours de quelques fêtes particulières, lorsque l’usage en est déjà établi : Mais ceux qui seront véritablement entrés dans les sentiments de l’Eglise, et qui seront animés de l’Esprit qui l’a conduite dans l’institution de ces solennités, souffriront encore moins cette exception, que les autres ; Car ils seront persuadés que les témoignages de la joie Chrétienne, qui est une joie toute spirituelle, et toute en Dieu, ne sauraient s’accorder avec ces danses mondaines.

Nous avons le chant de l’Eglise, les Hymnes, et les Processions pour exprimer la véritable joie, que le saint Esprit inspire à nos cœurs ; et ce sont les seuls témoignages de joie que l’Eglise a reçus, et approuvés ; Au lieu qu’elle a traité les danses, lorsqu’elle en a parlé dans ses Canons, comme des divertissements indécents, et entièrement honteux.

En effet, si les danses d’aujourd’hui pouvaient convenir aveca la joie sainte de l’esprit Chrétien, pourquoi les condamnerait-on en certaines personnes, et en certains lieux, et lorsque l’usage en est trop fréquent ? Et pourquoi ne serait-il pas permis aux personnes mêmes consacrées à Dieu, de danser, et à celles qui ne le sont pas de prendre ce divertissement dans un lieu saint, et de le faire autant de temps qu’il leur plaira ?

Mais revenons encore sur ce même sujet des Fêtes, à l’exception que ce même Docteur fait, sur les occasions importantes d’une réjouissance publique, comme serait quelque victoire remarquable. Hélas ! n’avons-nous pas assez d’autres exercices licites, et usités dans l’Eglise, qui ne répugnent point à la sainteté des jours qui sont destinés à la prière et à la piété, pour témoigner notre joie, s’il arrivait qu’on ne pût pas différer cette réjouissance en autre temps ; sans avoir recours à des usages qui favorisent la nature corrompue, et qui nourrissent l’esprit du siècle ?

Certes les vrais Chrétiens, et les enfants de Dieu n’ont pas accoutumé de se servir de ces moyens pour le remercier des bienfaits, qu’ils ont reçus de sa miséricorde ; et nous avons déjà montré, que les danses de l’ancien Testament qui furent rapportées à la gloire de Dieu, et à sa louange, comme celle de Marie sœur d’Aaron, après la ruine de Pharaon, et la perte de son armée, sont bien différentes, et bien éloignées de celles d’aujourd’hui.

Ce que nous avons dit touchant le temps de la Pénitence, c’est-à-dire dans lequel les Chrétiens doivent suivant l’ordre et la discipline de l’Eglise, s’exercer dans la mortification, est confirmé par un passage de saint Augustin rapporté par Gratien ; où ce saint Docteur dit, « Que celui qui veut obtenir la rémission de ses péchés par l’esprit, et par les œuvres d’une sincère pénitence, doit fuir les jeux, les bals, et les Comédies. Ce que le Maître des Sentences nous apprend encore, disant que les pénitents sont obligés de s’abstenir de tous ces divertissements mondains. En effet, comment peut-on accorder ces actions séculières, qui flattent les sens, et donnent du plaisir à la chair, avec les larmes d’une âme vraiment pénitente, qui s’afflige pour rendre honneur à la Justice de Dieu, par la haine qu’elle a conçu contre le péché, et contre elle-même ?

Or le temps marqué pour la pénitence comprend les jours des Litanies, et des Quatre-Temps, et tous les autres jours dans lesquels les fidèles sont tenus de jeûner. Et le temps qui est spécialement dédié à la dévotion, ne comprend pas seulement tous les Dimanches de l’année, mais toutes les Fêtes qui sont d’obligation ; parce que suivant la doctrine commune, nous sommes obligés de les passer aussi saintement, que le jour même du Dimanche.

Il est vrai que pour ce qui regarde les Fêtes, quelques Casuistes ont ajouté, par une condescendance excessive, des exceptions très dangereuses, par lesquelles ils donnent aux Chrétiens une liberté contraire aux sentiments de l’Eglise, et à l’esprit de leur profession. Car Angélus ne condamne pas la danse aux jours de Fêtes, pourvu qu’on ne s’y adonne point au temps des Offices divins, et qu’on n’y emploie que la moindre partie du jour. Et Sylvestre est encore descendu dans un relâchement plus étrange, réduisant l’obligation de ne point danser en ces jours, au seul temps de la Messe. C’est ce qui a donné fondement aux abus déplorables, et aux désordres qu’on voit partout sur ce sujet en ces saints jours.

Ils eussent bien mieux fait de suivre constamment et de soutenir généreusement la doctrine des anciens, appuyée sur la discipline de l’Eglise, et animée de son esprit, et de réprimer par la force de la vérité la licence effrénée des Chrétiens relâchés et vicieux, que de leur apprendre une voie large qui favorise leurs convoitises, et qui par conséquent ne peut que les conduire au précipice, par des opinions nouvelles, qui n’ont aucun fondement dans la doctrine de l’Eglise, ni dans celle des Saints.

Concluons donc pour finir ce Chapitre, que ceux qui dansent au temps destiné par l’Eglise à l’exercice de la mortification, pèchent grièvement ; parce qu’ils s’opposent directement au dessein, et aux ordres de cette même Eglise, puis qu’ils cherchent leurs plaisirs sensuels, lorsqu’elle veut que ses enfants gémissent devant Dieu, et entrent dans les afflictions salutaires de la pénitence.