(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XIII. Que les lois civiles défendent de danser, et d’aller à la Comédie les jours des Fêtes. » pp. 67-75
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(1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XIII. Que les lois civiles défendent de danser, et d’aller à la Comédie les jours des Fêtes. » pp. 67-75

Chapitre XIII.
Que les lois civiles défendent de danser, et d’aller à la Comédie les jours des Fêtes.

Nous avons jusqu’à maintenant parlé des danses, et des Comédies, comme des choses qui sont défendues, parce qu’elles sont mauvaises ; au moins à cause des circonstances qui les accompagnent, et de leurs effets. Il faut maintenant parler de la prohibition, qui en a été faite, et conclure qu’elles sont encore illicites, parce qu’elles sont défendues. Nous allons donc voir, s’il est expressément défendu de danser les jours des Fêtes ; parce que suivant la maxime des Casuistes mêmes, ce que les lois défendent de faire les jours des Fêtes, est contraire à la révérence avec laquelle on les doit célébrer, et par conséquent celui qui fait dans ces saints jours les choses qui sont défendues par les lois, viole le précepte de la sanctification des Fêtes.

Je commencerai par la seconde loi du Code Théodosien touchant les spectacles, qui est attribuée aux Empereurs Gratien, Valentinien, et Théodose : « Nous vous avertissons avant toutes choses, que personne ne transgresse la loi que nous avons donnée il y a longtemps, en détournant le peuple de la piété par quelque spectacle » ; C’est-à-dire par la danse, ou par la Comédie, ou par quelque autre divertissement profane, « et en causant par ce moyen de la confusion, et du désordre dans nos solennités ».
Mais la cinquième Loi est plus forte : « C’est une chose entièrement nécessaire, et toute dans l’ordre de Dieu, que tous les Chrétiens, et tous les fidèles, s’occupent de tout le cœur, et de tout l’esprit au culte divin, et aux actions de la piété, et de la religion qu’ils professent, avec un renoncement absolu de tous les plaisirs du Cirque, et du Théâtre, dans toutes les villes du monde, le jour du Dimanche, qui commence la semaine, et qui attire les bénédictions de Dieu sur toutes les œuvres qu’on y fait ; et pendant le temps de l’Avent, des Fêtes de Noël, et de l’Epiphanie ; aux Fêtes de Pâques, et pendant tout le temps Pascal, c’est-à-dire jusques à la Pentecôte, dans lequel ceux qui ont été baptisés portent publiquement les signes de la lumière Divine dont ils ont été éclairés, et remplis au saint Baptême, par la blancheur de leurs habits  » ; et enfin lorsqu’on fait les Fêtes, et la mémoire de la mort des Apôtres, qui ont été les Maîtres de la terre, et qui nous ont enseigné toutes les vérités du Christianisme. C’est pourquoi s’il s’en trouve parmi eux quelques-uns qui suivent encore la folie des Juifs, ou qui imitent l’erreur et l’extravagance des Païens, par les danses et par d’autres divertissements indignes ; qu’ils apprennent que c’est abuser d’un temps, qui est tout consacré à la prière, que de l’employer à la recherche de son plaisir ; et que c’est irriter Dieu, que de s’occuper à des exercices qui ne servent qu’à la satisfaction des sens ; lorsqu’on devrait être prosterné devant sa majesté, pour l’adorer, et pour invoquer sa miséricorde.
J'ajoute une autre loi des Empereurs Valentinien, Théodose, et Arcade dans laquelle après avoir fait mention de plusieurs Fêtes particulières ; ils marquent toute la quinzaine de Pâques, le jour de Noël, et de l’Epiphanie, et les Fêtes des Apôtres : « dans lesquels jours (disent-ils) à cause de leur sainteté, nous défendons toutes sortes de spectacles ; et nous mettons encore au même rang des Fêtes dont nous avons parlé, les jours qui étaient nommés les jours du Soleil, et que les Chrétiens appellent communément, plus justement, les jours du Seigneur, ou les Dimanches ; que l’on doit célébrer, et solenniser avec une pareille dévotion et révérence ».
Finissons par la loi des Empereurs Léon, et Antémius. « Nous ne voulons point, disent-ils, que les jours des Fêtes, qui sont dédiés au culte et à l’adoration de la souveraine Majesté de Dieu, soient employés à aucune sorte d’exercice, qui serve à la volupté, et à donner du plaisir ; ni qu’ils soient profanés par aucune exaction, ou même par aucun acte de justice ; et nous ordonnons que l’on conserve un respect si profond pour le jour du Dimanche, qu’on s’abstienne de ces mêmes actions, quoique justes, et nécessaires en autre temps. » Et plus bas : « Mais quoique nous défendions toutes ces œuvres serviles par la considération de ces jours, qui sont si saints, et si pleins de religion, et qui doivent être célébrés dans le repos de l’esprit ; nous ne souffrirons pas néanmoins qu’aucun s’adonne à la recherche des plaisirs terrestres, et des voluptés sensuelles. Qu’on ne prétende donc point d’employer aucune partie de ces jours, si dignes d’honneur, soit à la Comédie, soit au combat du Cirque, soit à celui des bêtes dans l’amphithéâtre. Que si le jour de notre naissance se rencontre au jour de quelqu’une de ces fêtes, nous entendons que la réjouissance publique qu’on fait à notre considération, soit differée à quelqu’autre jour. Et nous désirons avec tant d’ardeur que cette Ordonnance soit observée, que nous voulons que celui qui la transgressera, ou en assistant aux spectacles un jour de fête, ou en faisant quelque acte de justice, sous prétexte des affaires publiques ou particulières, en soit puni par la dégradation, et par la confiscation de tous ses biens. »

On voit bien dans ces Constitutions pieuses et Chrétiennes, quels ont été les sentiments des Princes touchant l’observance des Fêtes, et des autres jours qui demandent une particulière application à Dieu, et à la prière, puisqu’ils ont défendu en ces saints jours, sous des peines très rigoureuses, tout ce qui sert à la volupté. Jugez après cela si les danses s’accordent avec la sanctification des Fêtes, et si ce n’est pas les profaner, et violer les préceptes de l’Eglise que de danser.

Mais remarquez encore avant de passer aux lois Ecclésiastiques, que ces Empereurs ont ajouté le temps Pascal à celui de l’Avent, et ont commandé aux Chrétiens de le passer saintement, et dans un retranchement entier de tous les divertissements du siècle.