(1664) Traité contre les danses et les comédies « INSTRUCTION, et avis charitable sur le sujet des Danses. » pp. 177-198
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(1664) Traité contre les danses et les comédies « INSTRUCTION, et avis charitable sur le sujet des Danses. » pp. 177-198

INSTRUCTION
et avis charitable sur le sujet des Danses.

D’où vient la coutume de danser parmi les Chrétiens ?

Saint Augustin assure que c’est un reste de Paganisme, d’autant que les anciens Idolâtres par cette cérémonie profane honoraient leurs faux Dieux.

Est-il permis de danser à présent ? Non.

Pourquoi ? Parce que c’est une occupation vaine, sensuelle, dangereuse, reprouvée par le S. Esprit ès Ecritures Saintes, par l’Eglise, par les Saints Pères, et par la raison même.

Que dit l’Ecriture Sainte contre les Danses ?

Dieu parlant aux filles de Jérusalem par le Prophète Ezechiel, dit : « Pource quej tu as joué des mains et des pieds, que tu as dissipé ton cœur pour ce sujet, i’étendrai ma main dessus toi, et te ferai mourir. »
Dans le Livre de l’Ecclésiastique, il est défendu de hanter ni écouter la femme danseresse, de peur d’y périr.
La Sage Sara femme du jeune Tobie, se voulant justifier devant Dieu du péché de la danse, assure qu’elle ne s’est jamais trouvée parmi les recréations et vains passe-temps, ni avec ceux qui dansaient, ou qui faisaient des légèretés.
Moïse ayant reçu de la main de Dieu, les Tables de la Loi dessus la Montagne, en descendant il trouva le peuple qui dansait et idolâtrait. Pour une juste punition de ce péché, il brisa les Tables, et les mit en pièces, et commanda aux Lévites de se joindre à lui ; pour tuer tous ces danseurs et idolâtres, sans pardonner à frère ni ami ; ce qui fut exécuté sur le champ par les Lévites, qui en tuèrent jusques à vingt-trois mille : ce que Moïse appelle sanctification et sujet de bénédiction à ceux qui témoignèrent ainsi leur zèle. Vous savez aussi que la danse fut l’occasion de la mort de saint Jean Baptiste, le plus grand, au dire de notre Seigneur même, d’entre les enfants des hommes.

Qu’est-ce que l’Eglise en a autrefois ordonné ?

Nous avons plusieurs témoignages dans les Conciles et assemblées des Evêques, comme elle a défendu ces danses presque en tout temps.

L’an 364. sous le Pape Sylvestre dans un Concile tenu à Laodicée, elle les défendit même aux noces.

Le Concile d’Aix-la-Chapelle, les appelle des actions infâmes.

Un Concile d’Afrique les nomme des actions très méchantes.

Il y a huit Conciles de France qui les ont tous rigoureusement défendues, spécialement ès jours de Fêtes et Dimanches.

Le grand saint Charles Borromée Archevêque de Milan, qui vivait au siècle passé, en plusieurs endroits de ses actes et de ses Conciles, les a très étroitement défendues à son peuple, et même en toute sa province ; Il rapporte aussi qu’anciennement on imposait trois ans de pénitence à ceux qui avaient dansé, voire même qu’on les menaçait d’excommunication.

Quel est le sentiment des Pères de l’Eglise touchant ce sujet ?

Les Saints Pères de l’Eglise, qui sont les organes du saint Esprit, et comme les seconds Apôtres de l’Evangile, ont tous puissamment déclamé contre ce divertissement.

Saint Ambroise au livre 3. qu’il a composé des Vierges, dit ainsi : « Que peut-il y avoir de pudeur où l’on danse ? Certainement vous autres, saintes femmes, vous voyez ce qu’il faut apprendre et désapprendre à vos filles. Que la femme adultère danse, dit ce grand Saint : mais celle qui est pudique et chaste, qu’elle enseigne à ses filles la piété, et non pas à danser. » Il appelle encore la danse un misérable théâtre, où les danseurs souffrent de notables ruines, et les spectateurs y font de grandes chutes, là le Ciel est taché par des regards impurs, et la terre souillée par des mouvements de lasciveté.

La même chose est assurée par saint Basile, au livre qu’il a fait de l'ivrognerie et du luxe.

Saint Augustin au Sermon 231. du Temps, dit, « Que danser c’est tourmenter son corps » : et appelle les danses, « des actions horribles » ! Et ailleurs il assure, « qu’il vaudrait mieux labourer et bêcher la terre, que de danser un jour de Fête ».

Saint Chrysostome en l’Hom. 49. sur S. Matthieu, ne feint pas de dire, « qu’où sont les danses lascives, là certainement est le Diable. Dieu, dit-il, ne nous a pas donné des pieds pour sauter comme des chameaux : mais pour marcher modestement en la présence des Anges : et si le corps devient difforme en dansant, combien l’âme en est-elle défigurée davantage ? »

Saint Ephrem, dans un Sermon qu’il a fait, dit ces paroles à ce propos : « Où sont les violons, les danses et les battements des mains, là sont les ténèbres des hommes, et la perdition des femmes, la tristesse des Anges et la fête des diables » : Puis après il dit : « que le diable est auteur des danses, et que celui qui a appris la fornication et l’idolâtrie, c’est le même qui a appris à danser ; et celui-là n’a pas mal rencontré, qui a dit, que la danse est un cercle où le diable fait le centre et le milieu, et ses Anges la circonférence. »
Je ne puis omettre ici en passant le sentiment sur ce sujet d’un grand personnage, qui vivait il y a plus de trois cents ans, c’est de François Pétrarque, un des plus grands esprits de son siècle. « La danse, dit-il, est une action indigne d’un honnête homme, de laquelle on ne peut rapporter que de la honte, c’est un spectacle aussi infâme comme inutile, c’est une assemblée d’intempérance. Ce branlement des mains et des pieds, cette évagationk et impudence des yeux, tous ses gestes, aussi blâmables que visibles, montrent qu’il y a quelque chose dans l’intérieur, qui répond au dérèglement extérieur : ceux qui font état de la modestie, fuient toutes ces occasions de dissolution ; après tout, quel plaisir trouve-t-on dans un divertissement qui lasse plus qu’il n’allège, et qui est aussi ridicule qu’il est honteux : Véritablement si l’extravagance ne s’était naturalisée dans nos mœurs, nous nommerions folie ce qu’on nomme gentillesse : et c’est à bon droit qu’on appelle des joueurs à ces assemblées, afin que l’âme étant occupée par l’oreille, les yeux ne s’offensent pas de tant de mouvements irréguliers, cela veut dire qu’une sottise en couvre une autre, ce qu’on appelle une école de gaillardise : c’est un apprentissage d’impudicité. Les filles vont à la danse pour s’y donner de la vogue ; mais c’est en effet pour y recevoir de l’infamie : c’est dans ces rencontres que les yeux s’y trouvent aussi libres que les mains, les paroles à double entente s’y font entendre distinctement ; la confusion de la compagnie y laisse dire beaucoup de choses que la retenue ne permettrait pas ailleurs : les attouchements qu’on croit illicites en d’autres occasions, semblent devenir ici nécessaires : la foule favorise l’effronterie des plus mal intentionnés ; d’ailleurs la nuit qu’on choisit ordinairement pour les danses, comme étant l’ennemie de la pudeur, et la confidente des crimes, donne du courage aux plus timides pour exécuter hardiment leurs plus pernicieux desseins : c’est ainsi qu’on donne une nouvelle carrière au libertinage, et qu’on fait passer le crime en recréation. Les filles sont ravies d’aise, de voir que la légèreté de leur corps seconde celle de leur esprit, et croient être plus parfaites de savoir bien danser, que de savoir bien vivre. »  Voila le jugement de ce grand homme sur les danses qui se faisaient de son temps, lesquelles n’étaient pas assurément plus criminelles que celles d’à présent.
Les Païens mêmes n’ont-ils pas condamné les danses ?

Oui, et c’est sur cela que Dieu jugera les Chrétiens plus rigoureusement. Vous avez le Prince des Orateurs Cicéron, qui soutient et avec raison, que d’appeler un homme danseur, c’est lui faire une injure fort atroce, parce que, dit-il, ce vice ne va jamais qu’il ne soit accompagné de plusieurs autres ; car personne d’ordinaire ne danse étant sobre, si ce n’est qu’il soit fol, ni en solitude, ni dans un festin modéré et honnête : la danse suit volontiers les banquets déréglés, les lieux plaisants et les autres délices.

Venons s’il vous plaît à la raison, pourquoi est-ce que vous condamnez les danses ?

Nous les condamnons principalement. 1. Parce que les Chrétiens y ont renoncé en recevant le S. Baptême, les SS. Pères de l’Eglise enseignant que les danses appartiennent aux pompes de Satan, auxquelles tout Chrétien a solennellement renoncé par la bouche de ses parrains. 2. Jésus-Christ a enseigné une doctrine et mené une vie toute contraire à ces divertissements, « Si quelqu’un (dit-il) veut venir après moi, qu’il renonce à soi-même, porte sa Croix et me suive. Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés, Malheur à ceux qui vivent dans des joies, car ils seront accablés de tristesses. » Le mauvais riche étant au milieu des flammes d’enfer, et demandant un peu de soulagement, il lui fut répondu qu’il avait vécu dans les délices pendant sa vie, et que maintenant il était justement tourmenté : mais que le Lazare ayant été privé de tout contentement durant la sienne, il en était à présent justement récompensé. 3. Les Apôtres et les Saints ont tous été dans ce sentiment, que le Christianisme et la discipline de l’Eglise, est une école de larmes et de pleurs, et non pas de joies et de délices : ce qui a fait dire autrefois à S. Augustin, que quiconque veut vivre Chrétiennement, il faut faire état de vivre dans un continuel martyre. 4. La danse est une occasion prochaine à la plupart de ceux qui la pratiquent, de tomber en plusieurs sortes de péchés. 1. De querelles et de batteries. 2. De liaisons d’amourettes, d’où procèdent souvent des mariages fort malheureux. 3. De pensées, désirs, paroles, chansons, regards, attouchements lascifs, et autres impuretés, à raison de la familiarité et grande liberté qui se pratiquent entre garçons et filles dans la danse. 4. La danse dissipe et fait perdre ordinairement l’esprit de dévotion, et c’est la raison pourquoi elle est encore plus étroitement défendue ès jours de Dimanches et Fêtes, que nous sommes obligés de passer saintement, en assistant avec un esprit recueilli et attentif aux divins Offices et instructions Chrétiennes, comme aussi de vaquer à toute sorte de bonnes œuvres, ce qui est détourné par la danse, qui possède le cœur et les pensées de la plupart de ceux qui s’y adonnent.
N’est-il donc jamais permis de danser ?
Il est vrai que David a dansé devant l’Arche, et Marie Sœur de Moïse, après le passage de la mer rouge, et ces danses non seulement, n’ont pas été mauvaises, mais même elles ont mérité louange, ayant été faites par un sentiment extraordinaire d’une joie sainte, et par un mouvement particulier du S. Esprit, en action de grâces des signalés bienfaits reçus de Dieu, mais elles ne doivent être tirées en conséquence aux Chrétiensl, et sont aussi bien éloignées de celles que l’on pratique aujourd’hui, qui ne sont entreprises que par des inclinations mondaines et affections sensuelles, avec tous les dangers, de tomber ès péchés, qui ont été ci-dessus représentés.

Néanmoins il est encore véritable, qu’on ne doit pas condamner absolument quelques danses qui se feraient modestement et honnêtement en quelques occasions extraordinaires, comme ès noces, et autres assemblées rares de parenté et d’amitié, pourvu qu’on en bannisse les mauvaises circonstances, qui ont été marquées ; étant à observer que toutes personnes qui auraient l’expérience que la danse les fait tomber ordinairement en quelqu’unm des péchés susdits, s’en doivent abstenir comme d’une chose mauvaise, et que ceux même qui sortent de la danse fort innocents de ces péchés, doivent craindre de se rendre coupables des péchés des autres, qui ont été engagés par leur exemple à danser : ce qui fait conclure que toutes sortes de personnes doivent s’abstenir autant qu’il leur sera possible de toutes danses.

Est-il loisible de regarder les autres danser ?

S. Jean Chrysostome ci-dessus allégué répond, qu’encore qu’en ces spectacles on ne soit ému à aucune mauvaise convoitise, c’est toutefois se trouver parmi les péchés d’autrui, et s’en rendre en quelque façon participant.

La Sœur du bienheureux Pierre Damien, ayant une fois regardé danser et écouté quelques chansons, en a été punie l’espace de dix-huit jours en Purgatoire.

Dites-nous s’il vous plaît quelques histoires sur ce sujet ?

1. Il est rapporté en la vie de S. Eloi Evêque de Noyon, que cinquante personnes furent possédées des malins esprits un an entier, pour s’être opposées à ce S. qui prêchait un jour S. Pierre contre les danses. 2. Au pays de Saxe, certaines personnes dansant dans un Cimetière la veille de Noël, et troublant le service divin, par une juste punition de Dieu, dansèrent sans cesse nuit et jour un an entier, et moururent presque tous incontinent après. 3. Aux noces d’Alexandre Roi d’Ecosse, avec Yolande, comme on dansait, on vit un mort suivre pas à pas les danseurs : ce qui donna une si grande frayeur à tous, qu’ils prirent incontinent la fuite. 4. Thomas de Cantimpré rapporte que quantité de personnes dansant sur un pont dans un village auprès de Laon, le pont se rompant sous leurs pieds, par un juste jugement de Dieu ils furent tous noyés. 5. La vénérable Anne de S. Barthélemy, Carmélite, s’étant trouvée en bas âge dans une compagnie du monde où se trouvant, contre son gré pourtant, sur le point de danser avec les autres, notre Seigneur s’apparut à elle tout couvert de plaies, de sueur et de sang, lui déclara les douleurs extrêmes qu’il avait souffertes pour elle, et lui témoigna qu’il n’était pas content qu’elle se divertît en tels passe-temps : cela la fit rougir et résoudre quant et quant d’éviter telles occasions à l’avenir. 6. Au miroir des exemples, il est rapporté qu’une jeune fille, à la persuasion d’un bon Religieux, quittant tout à fait les passe-temps des danses, auxquels elle était passionnément attachée, mérita que la Sainte Vierge Marie mère de Dieu, avec les chœurs des Vierges, lui apparut à l’article de la mort.