(1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XIX. Autre principe de Platon sur cette matière. » pp. 69-71
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(1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XIX. Autre principe de Platon sur cette matière. » pp. 69-71

XIX. Autre principe de Platon sur cette matière.

Par un principe encore plus universel, Platon trouvait tous les arts qui n’ont pour objet que le plaisir, dangereux à la vie humaine ; parce qu’ils vont le recueillant indifféremment des sources bonnes et mauvaises, aux dépens de tout et même de la vertu, si le plaisir le demande. C'est encore un nouveau motif à ce philosophe pour bannir de sa République les poètes comiques, tragiques, épiques, sans épargner ce divin Homère, comme ils l’appelaient, dont les sentences paraissaient alors inspirées : cependant Platon les chassait tous, à cause que ne songeant qu’à plaire, ils étalent également les bonnes et les mauvaises maximes ; et que sans se soucier de la vérité qui est simple et une, ils ne travaillent qu’à flatter le goût et la passion dont la nature est compliquée et variable. C’est pourquoi « il y a, dit-il, une ancienne antipathie entre les philosophes et les poètes »  : les premiers n’étant occupés que de la raison, pendant que les autres ne le sont que du plaisir. Il introduit donc les lois, qui à la vérité renvoient ces derniers avec un honneur apparent et je ne sais quelle couronne sur la tête, mais cependant avec une inflexible rigueur, en leur disant : Nous ne pouvons endurer ce que vous criez sur vos théâtres, ni dans nos villes écouter personne qui parle plus haut que nous. Que si telle est la sévérité des lois politiques, les lois chrétiennes souffriront-elles qu’on parle plus haut que l’Évangile ? qu’on applaudisse de toute sa force, et qu’on attire l’applaudissement de tout le public à l’ambition, à la gloire, à la vengeance, au point d’honneur que Jésus-Christ a proscrit avec le monde ? ou qu’on intéresse les hommes dans des passions qu’il veut éteindre? Saint Jean crie à tous les fidèles et à tous les âges : « Je vous écris, pères, et à vous, vieillards : je vous écris, jeunes gens : je vous écris, enfants ; chrétiens, tant que vous êtes, n’aimez point le monde ; car tout y est ou concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie. » Dans ces paroles, et le monde et le théâtre qui en est l’image, sont également réprouvés : c’est le monde avec tous ses charmes et toutes ses pompes, qu’on représente dans les comédies. Ainsi, comme dans le monde, tout y est sensualité, curiosité, ostentation, orgueil ; et on y fait aimer toutes ces choses, puisqu’on ne songe qu’à y faire trouver du plaisir.