(1705) Sermon contre la comédie et le bal « II. Point. » pp. 201-218
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(1705) Sermon contre la comédie et le bal « II. Point. » pp. 201-218

II. Point.

L’Homme ne se contente pas de pécher, il le veut faire tranquillement, il veut suivre ses passions sans être inquiété par des remords importuns, capables d’en empoisonner toute la douceur. Le pécheur le plus stupide a toujours des titres et des couleurs pour se maintenir dans la possession de ce qu’il aime, « il veut, dit saint Augustin, que ce soit la vérité », chaque passion fournit les siennes. L’amour de la comédie et du bal qui les favorisent presque toutes n’a garde de demeurer muet.

Parmi cette foule de méchantes raisons, je m’arrête aux principales, car il serait impossible de les rapporter toutes, on allègue que la comédie ou tragédie est une peinture, et une représentation fidèle d’une action, ou plutôt de quelque événement dans sa substance et dans ses circonstances, et qu’elle n’est différente de la lecture de l’histoire, que nul ne s’avisera de soutenir être défendue, qu’en ce qu’elle représente d’une manière vive animée, et pour ainsi dire personnelle, ce que l’autre ne raconte que comme passé, et d’une manière morte et sans action.

Je réponds que les choses morales ne se doivent pas ainsi considérer dans la pure spéculation, et d’une manière abstraite et métaphysique, mais telles qu’elles sont en effet, et avec toutes leurs circonstances. Regardez-donc la comédie non dans une idée chimérique qui n’a d’être que dans quelque livre de poétique, mais dans la pratique commune et dans la vérité. Sans donc examiner ici la vie d’un comédien, qu’est-ce qu’on va chercher dans la comédie ? Sinon un vain plaisir qui sera d’autant plus vif que la pièce tracera plus fidèlement le portrait de nos maladies secrètes, dont elle est l’attrait et la pâture, « plena, comme dit saint Augustin, fomitibus miseriarum mearum », j’avoue que l’histoire intéresse de même le lecteur dans les actions qu’elle représente, et qu’il est malaisé de lire la Romaine, sans détester les cruautés de Marius et de Sylla, la profonde dissimulation de Tibère, aimer la clémence d’Auguste, sans grossir le parti de Pompée contre César, mais quelle erreur de ne savoir pas distinguer entre l’art de décrire les méchantes actions pour en inspirer de l’horreur, et celui de peindre des passions tendres, agréables, délicates, d’une manière qui en fasse goûter le plaisir, ne doit-on pas avoir quelque honte de confondre deux choses si opposées ?

Mais ne voit-on pas que dans la conclusion de la pièce le vice est puni, la vertu récompensée, que dans le corps on y sème d’excellents sentiments et des maximes que la morale Chrétienne ne désavouerait pas qu’elle contribue à bannir les dérèglements et former les mœurs. Le dénouement se fait par un mariage qui n’a rien que d’honnête et de légitime.

Quoi donc n’y a-t-il plus de Dieu en Israël, qu’il faille avoir recours à Belzébuth et le consulter ? A quelle école envoie-t-on ici les enfants de l’Eglise, à la chaire de pestilence. La gloire de reformer le monde était réservée à ce nouvel Evangile, et sans doute il a fait de grands progrès, et il est capable d’en faire encore de jour en jour de plus grands, il a corrigé quelque affectation de langage, quelques façons bizarres et grotesque de s’habiller, en un mot les manières qui ont quelque chose de choquant et de ridicule, mais pour des vices réels, des dérèglements effectifs, ha ! Il n’est capable que de les fomenter, et les multiplier à l’infini.

Je ne disconviens pas que le théâtre n’étale quelques maximes assez passables, mais de combien d’erreurs et de faussetés sont-elles mêlées, combien de sentiments Païens et pis que Païens. Y considère-t-on jamais les crimes par opposition à la loi éternelle et à la sainteté de Dieu qui rend ceux qui les commettent dignes des flammes de l’enfer. Plusieurs excès qui excluent du Ciel y sont transformés en vertus, la passion de vengeance qui a si longtemps entretenu la fureur brutale des duels s’y voit non seulement justifiée, mais louée, la patience qui ferait souffrir une injure sans la repousser, serait traitée de lâcheté, de bassesse d’âme et d’infamie, des sentiments impies ou dénaturés qui ne seraient capables que d’inspirer de l’horreur s’ils étaient représentés tels qu’ils sont, produisent un effet tout contraire, et attirent l’affection plutôt que l’indignation par le tour ingénieux de l’auteur et par le moyen du fard dont il les peint. Les leçons de morale y sont d’ordinaire d’un froid à glacer l’auditeur, il ne se plaît que dans l’intrigue, qu’à voir surmonter par des personnes passionnées, l’une pour l’autre les divers obstacles qu’oppose la prudence de ceux qui ont autorité sur elles, dans les larmes qu’ils versent lorsqu’ils sont forcés de se séparer. Si la pièce se conclut par le mariage, elle n’en est pas pour cela moins dangereuse, car quoiqu’il soit bon et louable en soi, la concupiscence qui s’y trouve jointe est sans contredit une chose blâmable et déréglée, c’est le honteux effet du péché. Une source de corruption capable de nous infecter à tout moment, pourquoi donc remuer ces eaux bourbeuses, pourquoi exciter la flamme dans ce foyer ! Pourquoi lâcher cette bête furieuse, croyez-vous qu’il vous sera aussi facile d’éteindre ce feu que de l’allumer ? Et de remettre à l’attache cette bête féroce que de lui donner la liberté ? Reconnaît-elle l’Empire de la raison ? Si le mariage en sait bien user, s’ensuit-il qu’il la faille exciter ? La représentation d’un amour pudique et de celui qui ne l’est pas produisent à peu prés le même effet et excitent un pareil mouvement, le voile d’honnêteté dont le premier est couvert en laisse considérer la peinture avec moins de précaution, et par conséquent plus de danger.

Mais j’entends ici plusieurs personnes qui protestent qu’elles ne se sentent point émues à la comédie, et qu’elles n’ont jamais reçu aucune atteinte, aucune impression maligne de ces sortes d’images. J’avoue que tous n’en sont pas également susceptibles, l’âge et d’autres dispositions y mettent de la différence, mais tous sont enfants d’Adam, et ont hérité de lui une concupiscence malheureuse, toujours prête à s’enflammer, mais si vous n’êtes pas averti jusqu’ici du désordre de votre intérieur, voyez devant Dieu d’où en peut venir la cause, n’est-ce pas peut-être de ce que vous êtes toujours absent et fugitif de votre propre cœur, et que vous ne savez pas ce qui s’y passe, que vous êtes déjà esclave, et qu’un esclave ne combat plus ? Car on ne sent la force de cet ennemi indomptable à toute autre puissance qu’à la grâce, que lorsqu’on s’efforce de lui résister, vous ne sentez rien ! Hé ! Comment sentiriez-vous, puisque vous êtes toujours dans l’infection et l’ordure. Celui qui est tout gâté s’aperçoit-il qu’il se gâte ? Et lorsqu’on a une fois de l’eau par-dessus la tête, en ressent-on le poids, on ne devient pas méchant tout d’un coup, la corruption s’insinue insensiblement, et comme goutte à goutte, on n’en est pas moins submergé à la fin, le mal n’est pas encore déclaré, mais il est déjà dans les entrailles, il s’y amasse un levain qui produira dans peu la fièvre et la mort. Le démon se rendra bientôt maître du corps, de la place, après que vous lui aurez laissé prendre les dehors ; et que lui importe dans le fond par où il se rende maître de votre cœur, je veux que ce ne soit pas par la volupté, n'y a-t-il que cette seule passion qui soit excitée au théâtre, celles d’ambition et de vengeance ne le sont-elles pas également, il lui est assez indifférent que vous soyez voluptueux, vindicatif ou superbe, pourvu que vous deveniez sa conquête.

Mais si la comédie était quelque chose d’aussi mauvais qu’on nous le veut faire croire, la police ne la défendrait-elle pas ? La loi du Prince la permettrait-elle jamais ainsi qu’elle fait ?

Je réponds que saint Louis chassa les comédiens de ses Etats comme en étant la peste, si les meilleurs Princes n’en font pas de même, c’est qu’ils sont souvent obligés de tolérer divers abus pour en empêcher de plus grands, il ne faut pas croire que tout ce que souffre la police à cause de la dureté des cœurs soit licite, et que ce qu’elle est obligée d’épargner n’ait rien à craindre de l’arbitre suprême. Les Empereurs Chrétiens n’ont pu d’abord abolir l’usure et le divorce. Dieu était-il obligé pour cela de changer sa loi immuable, et de s’accommoder à l’avarice, ou à la bizarrerie des hommes. Elle subsiste cette loi sainte, et subsistera toujours pour briser tout ce qui ne voudra pas se soumettre à elle. Faites donc votre accord tandis qu’il en est temps avec ce pieux adversaire, de peur qu’il ne vous livre un jour sans retour à vos véritables ennemis, ministres de sa justice.

Mais Jésus-Christ a-t-il défendu la comédie dans l’Evangile ? Voit-on qu’il ait dit un seul mot contre les spectacles ? Pour ceux contre qui les Saints Pères de l’Eglise ont tant déclamé, c’est qu’ils étaient pleins d’obscénités et de représentations honteuses, on a eu soin dans ce siècle d’en purger le théâtre ; la vertu la plus austère n’a rien qui la fasse rougir, ni dont ses oreilles puissent être offensées ?

Répondons par ordre, que veulent donc dire ces paroles de Jésus-Christ, malheur à vous qui riez ? Que signifie sa vie pénitente et crucifiée qui est une censure encore plus forte, plus fulminante que celle des paroles ? Il faudra effacer des Epîtres Canoniques ces paroles de saint Jean, « n’aimez point le monde, ni tout ce qui est dans le monde, parce que ce n’est que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie », et de saint Paul, « ne vous conformez pas au siècle présent, mais reformez-vous sur l’homme nouveau » , n’en puis-je pas dire ce que le célèbre Gerson a dit de l’intempérance dans le manger et le boire, que si elle n’est pas condamnée par un précepte particulier, elle l’est par tout, parce qu’elle les viole tous, et ruine le décalogue entier.

Si on pouvait ainsi se prévaloir du silence de Jésus-Christ, on justifierait les combats sanglants des gladiateurs et quantité d’autres dérèglements qui régnaient alors dans le monde, et dont il parle aussi peu, sa mission était bornée au peuple Juif qui était demeuré dans sa première simplicité, et n’avait jamais été tenté d’imiter les Romains et les Grecs dans ces divertissements profanes, accoutumé dans son domestique à des plaisirs plus innocents et plus tranquilles, il ne leur enviait pas ces plaisirs aussi dangereux que tumultueux. Quelle honte à des Chrétiens d’être moins réglés en ce point que les Juifs, quoique notre justice doive de beaucoup surpasser la leur, et même que plusieurs peuples infidèles d’alors, et d’aujourd’hui.

Quant aux indécences et aux libertés de l’ancien théâtre contre lesquelles on ne trouve pas étrange que les Saints Pères se soient récriés, je dirai encore à notre confusion que les tragédies des anciens Païens surpassent les nôtres en gravité et en sagesse, ils n’introduisaient pas de femmes sur la Scène, croyant qu’un sexe consacré à la pudeur ne devait pas ainsi se livrer au public, et que c’était là une espèce de prostitution, j’avoue qu’il y avait souvent de l’idolâtrie mêlée et que leurs pièces comiques poussaient la licence jusqu’aux derniers excès, mais les nôtres sont-elles fort modestes, ce que vous appelez les farces n’a-t-il rien qui alarme les oreilles pudiques ? Il faudrait qu’on se fût étrangement aguerrie à la comédie pour l’oser dire. Si le grossier et le scandaleux est retranché des pièces sérieuses, ou s’il y est plus finement enveloppé, elles n’en sont que plus dangereuses, parce que le poison y est mieux déguisé, et que les personnes qui ont naturellement l’honneur en recommandation, ne s’en défiant pas, y ouvrent leur cœur sans résistance.

Examinez (le cas est assez important) les principes et les raisons de ces illustres Docteurs de l’Eglise, et voyez si elles ne portent pas autant sur les comédies d’à présent que sur celles de leurs temps, est-ce contre l’idolâtrie seule et les impudicités manifestes qu’ils tonnent le plus ? Ces choses portent leur condamnation avec elles, c’est contre cette dissipation, cette perte de temps prodigieuse, tout ce jeu de passions qui en produisent de pareilles, à ces larmes arrachées par leur vive image, cette impression contagieuse de nos maladies, ces parures, ces chants efféminés, ces yeux pleins d’adultères, cet enchantement du spectacle, cette agitation violente d’un cœur qui doit être le sanctuaire de sa paix, ces éclats de rire si peu convenables à des Chrétiens qui sont captifs sur le bord des fleuves de Babylone, et doivent attendre à tout moment la décision de leur sort éternel, en un mot tout cet amas de périls que les théâtres réunissent dont un seul est suffisant pour perdre une âme dans l’état de faiblesse où le péché de notre premier Père nous a réduits.

Je ne décide pas ici s’il y a péché mortel d’aller à la comédie, cela dépend de quantité de circonstances qu’il faudrait examiner, et qui nous mèneraient trop loin, ce qui est certain, c’est qu’il y a très grand péril, et que c’est une insigne imprudence de s’y exposer. Plus même les personnes qui y vont passent pour vertueuses et réglées, plus leur péché est grand à raison du scandale.

Mais quoi me dira-t-on en dernier lieu, peut-on prier sans cesse, et avoir toujours l’esprit tendu ? Ne faut-il pas lui accorder quelque relâche et quelque délassement ? Qui sont ceux qui proposent le plus communément une semblable objection ! Des gens qui n’ont proprement rien à faire depuis le matin jusqu’au soir, dont la vie est un cercle perpétuel de divertissement auxquels ils n’apportent d’autre interruption que celle qui est nécessaire pour éviter le dégoût, s’ils y tombent et si l’envie les saisit, c’est que nous ne sommes pas faits pour des biens frivoles et que nôtre cœur sera toujours dans l’agitation jusqu’à ce qu’il se repose pleinement en Dieu que son fond réclame sans cesse. Je dis à ces personnes, occupez-vous sérieusement, et sortez de cette vie molle qui suffit toute seule pour vous damner, quand vous n’y joindriez pas des crimes marqués, et des transgressions mortelles.

Pour ceux qui ont un besoin réel et effectif de quelque divertissement, qu’ils en cherchent de convenables à la profession Chrétienne et à leur état particulier, car comme le besoin que nous avons de nourriture pour réparer ce que la chaleur naturelle consume et ce qui dépérit à tout moment, ne nous donne pas droit d’user de quelque aliment qui aurait des qualités malignes, et qui ne manquerait pas d’altérer nôtre tempérament, parce qu’il produirait un effet contraire à la fin que nous nous proposons, aussi la nécessité prétendue de se divertir n’autorisera jamais ces pernicieux passe-temps qui causent plus de ravages dans une âme, qu’une viande empoisonnée dans un corps, divertissez-vous à la bonne heure, mais comme des Saints, vous regardant en la présence de Dieu, lui offrant vos recréations, et les rapportant à sa gloire. Or qui a jamais cru faire une action agréable à Dieu en assistant à la comédie ? Qui a osé la lui offrir et s’en promettre récompense, les lumières de la conscience des amateurs du monde ne sont pas éteintes jusqu’à ce point, ils se contenteraient bien de n’en être pas punis, or c’est un principe certain que Dieu sera un jour le juste vengeur de tout ce dont il n’est pas l’auteur, et qu’il n’approuvera que ce qui aura été entrepris par le mouvement de son Esprit, « quorum non est author, justus est ultor » .
Voilà ce que la passion de la comédie objecte de plus fort pour sa justification, ce que j’y ai répliqué doit vous en faire sentir la faiblesse, et conclure avec moi que le théâtre est une source de désordres dont ceux qui ont soin de leur salut doivent s’éloigner, et s’ils sont chargés de celui des autres tels que les Pères de famille, le leur interdire absolument, que ceux qui n'ayant pas connu ces dangers y ont été quelquefois par le passé, prient le Seigneur de ne se point souvenir de leur ignorance, et que tous jurent aujourd’hui un divorce éternel avec toutes ces assemblées mondaines et profanes, dites, avec le Sage, « j’ai estimé le ris une erreur, et j’ai dit à la joie pourquoi me trompes-tu » , n’allons pas ainsi affronter impudemment le démon dans le lieu de sa dépendance, la partie n’est pas égale, ne multiplions pas nos dangers sans nécessité, il n’y en a que trop à droite et à gauche, et partout où nous portions nos pas, pourquoi réveiller le feu caché sous la cendre, je veux dire exciter des passions endormies qui causeront peut-être une incendie horrible, et prétendre faire un pacte avec l’enfer. Hé ! Si vous êtes si avides et si affamés de spectacles, ils ne vous manqueront pas, le Psalmiste vous en présente de charmants, Seigneur vous avez fait une multitude de choses qui sont d’une magnificence admirable. Au lieu de considérer les frivoles merveilles des hommes, arrêtez-vous à celles de Dieu, contemplez-les, ce sont des miracles d’une sagesse toute divine dont la vue devrait causer un plaisir toujours nouveau, les livres sacrés vous en fournissant encore de beaucoup plus admirables. Qu’est-ce que tout l’effort de l’imagination des Poètes a pu jamais enfanter d’approchant, c’est là que vous verrez des villes prises, des combats singuliers, des batailles sanglantes, des renversements de Provinces et de Royaumes, de nouvelles Monarchies établies sur les débris des anciennes, des prodiges de valeur, tant de belles Scènes que Dieu lui-même a pour ainsi dire préparées, mais toute la conduite qu’il a tenue depuis le commencement du monde, n’est-ce pas une espèce de poème épique plein d’événements merveilleux, on y voit tout l’enfer déchaîné pour traverser et anéantir ses desseins adorables, le sacrifice d’une infinité de martyrs, des hérésies sans nombre, sorties du puits de l’abîme pour offusquer la lumière de la vérité, ses victoires, malgré l’oppression de ses défenseurs, tout se disposant aux noces de l’Agneau avec l’Eglise, qui se consommeront à la fin des siècles par leur union éternelle, et le spectacle lumineux de la vérité. Voilà qui est plus que capable de nous préserver de l’ennui, et de causer à notre cœur de douces émotions sans le laisser en proie à ces folies des folies, comme les appelle saint Augustin, « et non daretur turpis præda nugatilibus ».
Substituons donc ces objets sacrés aux profanes, ces chastes délices aux impures, rappelons dans notre mémoire les jugements que Dieu a exercéd dans tous les siècles, soit en punissant les prévaricateurs de ses ordres, soit en récompensant ses fidèles serviteurs, et nous goûterons une consolation merveilleuse, parce que si la Cité de Babylone, mère des fornications de la terre semble prévaloir quelquefois contre Jérusalem la Cité sainte, ce n’est que pour augmenter l’éclat de leur couronne, et se voir condamnée elle-même à des supplices plus horribles avec tous ceux qui ont eu part à sa corruption. Quand vous aurez une fois goûté la suavité de cette manne céleste, loin de souhaiter de repaître vos sens de ces représentations pernicieuses qui vous avaient mis à deux doigts de votre ruine, vous vous écrierez avec le chantre Royal, ils m’ont raconté leurs fables, mais qu’ont-elles de comparable à votre Loi ? Vos ordonnances pleines de justice, seront mes cantiques dans mon pèlerinage, elles ont en effet la force de charmer et d’enchanter d’une manière toute céleste, l’ennui de cet exil. Dieu ne manquera pas de répandre cette joie toute spirituelle en vos cœurs, si vous lui faites un généreux sacrifice des autres.
Y a-t-il à balancer, Chrétiens mes frères, et chercherez-vous encore de vaines excuses et des prétextes déplorables, le meilleur moyen de vous justifier est de fuir cette fournaise de Babylone, de vous éloigner des attraits de l’Egyptienne, et s’il est nécessaire, de quitter plutôt votre manteau, comme fit Joseph, pour vous tirer des mains de cette prostituée, qu’enfin tout ce qui est véritable et honnête, tout ce qui est saint et édifiant, tout ce qui est vertueux et louable dans le règlement des mœurs, soit l’entretien de vos pensées. C’est ainsi que nous jouirons au-dedans de nous-mêmes d’une joie ineffable qui ne sera pas troublée par les remords de la conscience, et qu’ayant mené ici-bas une vie chaste et innocente, nous serons couronnés dans le Ciel.