(1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 2. SIECLE. » pp. 81-106
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(1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 2. SIECLE. » pp. 81-106

2. SIECLE.

THEOPHILE Patriarche d'Antioche,
Dans le 3. Livre à Autolique, contre les Calomniateurs de la Religion Chrétienne.

Il nous est défendu d'être spectateurs des duels, de peur que nous ne devenions complices des meurtres qui s'y font: Nous n'osons pas assister aux autres Spectacles, de peur que nos yeux n'en soient souillés, et que nos oreilles ne soient remplies de vers profanes qu'on y récite; comme lors qu'on décrit les crimes, et les actions tragiques de Thyeste, et qu'on représente Terrée mangeant ses propres enfants; et il ne nous est pas permis d'entendre raconter les adultères des Dieux, et des hommes, que les Comédiens attirés par l'espoir du gain, célèbrent avec le plus d'agrément qu'il leur est possible: Mais Dieu nous garde, nous qui sommes Chrétiens, dans qui la modestie, la tempérance, et la continence doivent reluire, qui regardons comme seul légitime le Mariage avec une seule femme, nous chez qui la chasteté est honorée, qui fuyons l'injustice, qui bannissons le péché, qui exerçons la justice, dans qui la Loi de Dieu règne, qui pratiquons la véritable Religion, que la vérité gouverne, que la grâce garde, que la paix protégé, que la parole divine conduit, que la sagesse enseigne, que Jésus-Christ qui est la véritable vie régit, et que Dieu seul règle par l'empire qu'il a sur nous: Dieu nous garde, dis-je, de penser à de tels crimes, bien loin de les commettre.

TATIEN
Dans le Traité qu'il a composé contre les Grecs.

A quoi me sert un Oreste furieux, ainsi qu'Euripide le représente, ou un autre qui vient nous entretenir du meurtre qu'Alcméon fît de sa mère, ou bien celui qui porte un masque, ou qui fait des grimaces ayant l'épée au côté, et jetant des cris, ou celui qui s'habille d'une manière indigne d'un homme; laissons les fables d'Agesilaus, et du Poète Ménandre; pourquoi perdrais-je le temps à admirer dans les fables un Joueur de flute, et pourquoi m'arrêterais-je à considérer un Antigenide Thébain, disciple de Philoxene, qui faisait ce métier ? Nous vous laissons ces choses frivoles et inutiles, mais croyez plutôt les vérités de notre Religion, et quittez à notre exemple ces badineries.

TERTULLIEN
Dans l'Apologétique.

Chap. 15.

Tous ces esprits libertins qui travaillent pour vous donner du plaisir, tirent leurs sujets des actions déshonnêtes qu'ils attribuent à vos Dieux; Quand vous voyez jouer les pièces divertissantes d'un Lentulus, et d'un Hostilius, dites-moi si ce sont vos Farceurs, ou vos Dieux qui vous font rire; vous y entendez parler d'un Anubis impudique, d'une Lune de sexe masculin, et d'une Diane qui a été fouettée; On y récite le testament d'un Jupiter qui est mort; On y fait des railleries des trois Hercules affamés. Outre cela les Comédies, et les Tragédies expriment tout ce qu'il y a de honteux dans l'histoire de vos Dieux: vous regardez avec plaisir le Soleil plaindre le malheur de son fils qui est tombé du Ciel; vous voyez sans rougir que Cybèle soupire pour un berger qui la méprise; vous souffrez que l'on représente tous les crimes de Jupiter, et que Paris juge le différent de Junon, de Minerve, et de Venus. Mais n'est-ce pas quelque infâme qui se masque du visage de votre Dieu ? N'est-ce pas quelque vicieux qui paraît sur la Scène, avec un port contraint, et une voix efféminée, pour faire une Minerve, ou un Hercule ? Dites-moi, si quand vous approuvez ces sacrilèges par les louanges, et les applaudissements que vous leur donnez, vous ne violez pas la majesté des Dieux, et vous ne profanez pas la divinité ?

Chap. 38.

Nous renonçons à vos Spectacles, comme nous en condamnons les diverses origines, par la connaissance que nous avons que ce sont des effets de la superstition, et de l'idolâtrie. Enfin nous nous moquons de tout ce qui s'y passe, nous n'avons aucun commerce avec les fureurs du Cirque, avec l'impudicité du Théâtre, avec les vains exercices des Athlètes, et avec les cruautés de l'Amphithéâtre. Il a été permis aux Epicuriens de se feindre une volupté, en laquelle ils ont établi la vérité du souverain bien; en quoi donc vous offensons-nous ? si nous prenons d'autres voluptés que vous; Mais si nous voulons ignorer toutes sortes de réjouissances, il me semble que ce n'est pas votre intérêt, et que si en cela il y a quelque perte; Elle tombe toute sur nous. Nous rejetons, dites-vous, les choses qui vous plaisent: Nous avons droit de le faire, puisque nos plaisirs ne sont pas les vôtres.

TERTULLIEN
Dans le Traité des Spectacles.

Chap. 1.

Serviteurs de Dieu qui êtes prêts d'entrer au service de sa divine Majesté; et vous qui y êtes entrés par la confession, et par la déclaration que vous en avez fait au Baptême, sachez et reconnaissez que l'état de la Foi, l'ordre de la vérité, et la Loi de la discipline Chrétienne, condamnent absolument le divertissement des Spectacles, comme les autres dérèglements du monde, afin qu'aucun de vous ne pèche par ignorance, ou par dissimulation. Car la volupté a un si grand pouvoir sur les hommes, qu'elle les porte à embrasser les occasions du péché par l'ignorance, et à trahir leur conscience par la dissimulation.

Chap. 3.

Il y a des fidèles, qui par simplicité ou par défaut de docilité, ont peine à croire qu'ils soient obligés de se priver du divertissement des Spectacles, parce, disent-ils, qu'il ne paraît point dans l'Ecriture sainte que cela soit défendu aux serviteurs de Dieu. Il est vrai que nous ne trouvons pas dans la sainte Ecriture cette défense en termes exprès: vous n'irez point au Cirque, vous n'assisterez point aux Comédies, vous ne serez point spectateurs des combats des Athlètes, ou des Gladiateurs: comme il est dit en termes formels. Vous ne tuerez point, vous n'adorerez point les Idoles; vous ne commettrez point d'adultère; vous ne déroberez point; vous ne ferez point injure à votre prochain. Mais néanmoins la condamnation des Spectacles est assez clairement exprimée, par ces premières paroles des Psaumes de David. Bien heureux est l'homme qui n'est point allé dans le conseil des impies, qui ne s'est point arrêté dans la voie des pécheurs, et qui ne s'est point assis dans la chaire de pestilence.

Chap. 14.

Peut-on dire que les Spectacles ne sont pas défendus par la sainte Ecriture; puis qu'elle condamne toute sorte de concupiscence ? Car comme la concupiscence comprend l'avarice, l'ambition, la gourmandise, et la luxure, elle comprend aussi la volupté. Or les Spectacles sont une espèce de volupté.

Chap. 4.

Je passe à l'autorité principale qui est tirée du sceau de notre Foi. Lors que dans l'eau du Baptême nous faisons profession de la Foi de Jésus-Christ, selon la forme et la manière de sa Loi; Nous déclarons de notre propre bouche que nous avons renoncé au Diable, à ses pompes et à ses Anges. Or qu'est-ce qui est principalement, et sur toutes choses attribué au Diable, à ses pompes, et à ses Anges, sinon l'idolâtrie, qui comprend tous les esprits d'impureté et de malice ? Si nous faisons donc voir qu'il est constant, que tout l'appareil des Spectacles appartient à l'idolâtrie, il s'ensuit par une conséquence indubitable, que par le témoignage, et par la promesse solennelle, que nous avons fait au Baptême de renoncer au Diable, à ses pompes, et à ses Anges, nous avons aussi renoncé aux Spectacles.

Chap. 10.

Quant aux Comédies, si nous considérons l'origine du Théâtre, qui est le lieu où elles sont représentées, nous trouverons que c'est le Temple de Venus. C'est sous ce titre qu'il a été établi dans le monde; car auparavant dés qu'on dressait des Théâtres, souvent les Censeurs les faisaient abattre pour conserver la pureté des mœurs dont ils prévoyaient la corruption, et la ruine inévitable, si l'on souffrait la licence des Spectacles. Ainsi les sentiments des Païens qui sont aussi les nôtres en ce point, leur sont un témoignage de l'impiété des Comédies. Comme les règlements même de la discipline humaine nous servent de préjugé contre ce dérèglement. Le Grand Pompée qui s'est surmonté lui-même par la magnificence de son Théâtre, ayant bâti cet asile de toutes sortes d'impuretés, craignant d'en être un jour repris par les Censeurs, et de s'attirer par là quelque flétrissure injurieuse à sa mémoire, fit bâtir en ce lieu un Temple à l'honneur de Venus, et dans l'Edit qu'il publia pour appeler le Peuple à la consécration de cet Edifice, il ne lui donna point le nom de Théâtre, mais de Temple de Venus, au-dessus duquel, dit-il, nous avons mis des sièges pour ceux qui assisteront aux Spectacles: ainsi sous le titre d'un Temple, il éleva ce bâtiment détestable, employant la superstition pour se jouer de la discipline. Et ce lieu n'est pas seulement consacré à Venus, il est aussi dédié à Bacchus. Ces deux Démons de l'ivrognerie, et de l'impureté, sont unis ensemble; de sorte que le Théâtre est la maison de Venus, et de Bacchus. Les Arts aussi qui appartiennent à la Comédie sont sous la protection de Venus, et de Bacchus. L'Art qui règle les gestes, et les différentes postures du corps, qui appartient proprement à la Comédie, est consacré à la mollesse de Venus et de Bacchus, qui sont deux Démons également dissolus, l'un en ce qui regarde le sexe, et l'autre en ce qui regarde le luxe et la débauche. Les concerts de Musique, de Violes et de Luths sont dédiés à Apollon, aux Muses, à Minerve et à Mercure, qui les ont inventés. Vous qui êtes Chrétiens haïssez et détestez ces choses dont les Auteurs ne peuvent être que l'objet de votre haine, et de votre aversion.

Chap. 15.

Quelque bon et modéré que soit l'usage que les hommes peuvent faire des Spectacles, selon leur dignité, selon leur âge, ou même selon la condition de leur nature, néanmoins leur esprit n'est point si insensible qu'il ne soit agité de quelque passion secrète: nul ne reçoit de plaisir sans affection; et il n'y a point d'affection qui ne soit accompagnée de ces circonstances, qui l'excitent: Que si quelqu'un assiste à la Comédie sans affection et sans plaisir, il ne laisse pas d'être coupable du péché de vanité, allant en un lieu où il ne profite de rien; Or j'estime que la vanité ou l'occupation en des choses inutiles est un péché dont nous devons nous éloigner: Mais d'ailleurs celui qui assiste à la Comédie, ne se condamne-t-il pas lui-même, puis qu'en ce qu'il ne voudrait pas être semblable à ces Acteurs, il confesse qu'il les déteste: Quant à nous, il ne nous suffit pas de ne commettre rien de semblable; mais nous sommes encore obligés de ne point favoriser de notre consentement, et de notre approbation ceux qui commettent ces crimes: si vous voyez un larron, dit le Roi Prophète, Ps. 49. v. 18. vous courez avec lui. Plût à Dieu qu'il nous fût possible de ne point vivre en ce monde parmi ces gens-là: mais au moins nous devons nous séparer des œuvres du monde, parce que le monde est un ouvrage de Dieu, mais les œuvres du monde sont l'ouvrage du Diable.

Chap. 18.

Si les Tragédies et les Comédies sont des représentations de crimes et de passions déréglées, elles sont sanglantes, lascives, impies, et d'une dépense désordonnée, car la représentation d'un crime énorme, ou d'une chose honteuse n'est point meilleure que ce qu'elle représente: Comme il n'est point permis d'approuver un crime dans l'action qui le commet, il n'est pas aussi permis de l'approuver dans les paroles qui nous le font connaître.

Chap. 22.

Les Auteurs des Spectacles, et ceux qui sont chargés de les faire représenter abaissent autant les Comédiens, qu'ils relèvent la Comédie; ils les déclarent infâmes par leurs Edits, ils leur font changer d'état pour les exclure de la Cour, du Barreau, du Senat et de l'Ordre des Chevaliers; ils les privent de tous honneurs, et de toutes dignités. Qui vit jamais un pareil désordre ? ils aiment ceux qu'ils condamnent, ils méprisent ceux qu'ils approuvent, ils estiment l'Art, et ils notent d'infamie ceux qui l'exercent: N'est-ce pas un étrange jugement que de flétrir un homme pour cela même qui le rend recommandable ? ou plutôt n'est-ce pas avouer clairement qu'une chose est pernicieuse lors que ceux qui la font, quelque agréables qu'ils soient, sont notés d'infamie ?

Chap. 23.

Puisque les hommes quelques favorables qu'ils soient aux divertissements de la volupté, jugent ceux qui en sont les acteurs, indignes d'être admis aux dignités, et qu'ils les notent d'infamie, combien plus sévère sera le jugement que la Justice de Dieu exercera contre eux ?

Chap. 25.

Un homme pensera-t-il à Dieu dans les lieux où il n'y a rien de Dieu ? apprendra-t-il à être chaste lors qu'il se trouve tout transporté et comme enivré du plaisir qu'il prend à la Comédie ? Mais il n'y a rien de plus scandaleux dans tous les Spectacles, que de voir avec quel soin, et avec quel agreement les hommes et les femmes y sont parés; l'expression de leurs sentiments conformes ou différents pour approuver ou pour désapprouver les choses dont ils s'entretiennent, ne sert qu'à exciter dans leurs cœurs des passions déréglées: Enfin nul ne va à la Comédie qu'à dessein de voir, et d'y être vu: Comment un homme se représentera-t-il les exclamations d'un Prophète, en même temps qu'il sent frapper ses oreilles par les cris d'un Acteur de Tragédie ? Comment repassera-t-il en sa mémoire quelque chose des Psaumes, lors qu'il rend son esprit attentif aux vers que récite un Comédien ? à Dieu ne plaise que ses serviteurs se laissent emporter à une telle passion, pour un plaisir pernicieux; car n'est-ce pas un aveuglement étrange de quitter l'Eglise de Dieu pour courir à celle du Diable ? c'est tomber du Ciel, comme on dit, dans un égouts d'ordures: N'est-ce pas une chose honteuse d'honorer les Comédiens de votre approbation, et de vos applaudissements en frappant des mains, que vous venez d'élever pour invoquer le nom de Dieu ?

Chap. 26.

Pourquoi donc ces gens qui vont aux Spectacles ne sont-ils pas possédés du Démon ? Nous en avons l'exemple d'une femme dont Dieu est témoin, laquelle étant allée à la Comédie en sortit avec un Démon dans son corps; et comme on pressait ce malin esprit dans l'exorcisme, sur ce qu'il avait eu la hardiesse d'attaquer une fidèle. Il répondit hardiment, j'ai eu droit de le faire, puisque je l'ai trouvée dans un lieu qui m'appartient: Une autre femme étant aussi allée à une Tragédie, la nuit suivante elle vit en songe un suaire, et il lui sembla qu'on lui reprochait la faute qu'elle avait commise d'avoir assisté à cette Tragédie, en lui représentant même le nom de l'Acteur; ce qui l'effraya tellement qu'elle mourut cinq jours après: Combien d'autres exemples y a-t-il de ceux qui suivant le party du Démon dans les Spectacles, ont secoué le joug du Seigneur, car personne ne peut servir deux Maîtres: Quel commerce peut-il y avoir entre la lumière et les ténèbres; entre la vie, et la mort.

Chap. 27.

Chrétiens, ne fuirez-vous point ces sièges des ennemis de Jésus-Christ, cette chaire de pestilence, cet air tout infecté par ces voix exécrables ? Encore qu'il n'y eut rien dans les Spectacles qui ne fut doux, agréable, simple, et qu'il y eût même quelque chose d'honnête, ils n'en seraient pas moins dangereux; car comme personne ne mêle le poison avec du fiel, ou avec de l'Ellébore, mais on le met dans les viandes bien apprêtées, douces, et agréables au goûts; de même le Diable répand son venin sur les choses de Dieu les plus agréables; Que tout ce quic se passe à la Comédie soit généreux, honnête, harmonieux, charmant et subtil ? Regardez tout cela comme un breuvage de miel dans une coupe empoisonnée; et considérez qu'il y a plus de péril à se laisser emporter à la volupté, qu'il n'y a de plaisir à s'en rassasier.

Chap. 28.

Pendant que le monde se réjouira, dit notre Seigneur, vous serez dans la tristesse. Pleurons donc pendant que les gens du monde, et les Païens se réjouissent, afin que lors qu'ils commenceront à tomber dans l'état épouvantable de douleur, que la Justice de Dieu leur reserve, nous puissions entrer dans la joie que notre Seigneur prépare aux prédestinés: Car si nous voulons être dans la joie avec eux en ce monde, nous serons affligés avec eux éternellement. C'est une grande sensualité à des Chrétiens de chercher leurs plaisirs en ce monde; ou plutôt, c'est une étrange manie de considérer, comme un véritable plaisir, les voluptés de ce siècle. Quelques Philosophes ont donné ce nom au repos, et à la tranquillité, ils en ont fait l'objet de leur joie, de leur application, et de leur gloire; et vous Chrétiens, vous ne soupirez qu'après les Comédies ? Nous sommes si éloignés de pouvoir vivre sans volupté, que même nous devons trouver de la volupté dans la mort; car notre plus grand désir doit être à l'imitation de l'Apôtre, de sortir de cette vie, et souhaiter d'être unis à Dieu. Or nous devons trouver nos délices dans l'accomplissement de nos désirs.

CHAP. 29.

Vous voulez passer toute votre vie dans les délices ? C'est une étrange ingratitude de n'estimer pas autant qu'il le faut, de ne vouloir pas même, connaître les abondantes et précieuses délices que Dieu vous a préparées : Qu'y a-t-il de plus aimable, et de plus propre à nous donner une extrême joie; que d'être réconciliés avec Dieu ; que d'être éclairés de sa vérité ; que de connaître les erreurs qui lui sont opposées ; que d'être assurés du pardon de tant de crimes que l'on a commis ? Quelle plus grande volupté peut-on sentir, que celle qui nous dégoute de toutes les autres voluptés, qui nous fait mépriser le siècle; qui nous établit dans une véritable liberté ; qui conserve la pureté de notre conscience ; qui nous rend satisfaits de notre condition présente; qui fait que nous n'avons aucune crainte de la mort; qui nous fait fouler aux pieds les Idoles des Païens; qui nous tend victorieux des Démons; qui fait que nous ne vivons que pour Dieu ? Ce sont là les voluptés des Chrétiens; ce sont là leurs Spectacles, Spectacles saints, éternels, et qui leur sont donnés gratuitement. Ils nous représentent les Jeux du Cirque d'une manière mystérieuse : au lieu d'y voir la course des Chariots, représentez-vous le cours du siècle, et du temps qui passe ; considérez l'espace de votre vie ; et au lieu du terme et du bout de la carrière, regardez la fin du monde ; au lieu des partis du Cirque, défendez le parti de l'Eglise ; attendez avec vigilance le signal que Dieu vous donnera pour vous présenter devant son Tribunal: Tenez-vous prêts au son de la Trompette, et à la voix de l'Ange qui vous avertira: Considérez la victoire, et la couronne des Martyrs, comme l'objet de votre gloire. Aimez-vous les doctes Comédies ? Il y a plus de doctrine dans nos Exercices ; Les vers y sont plus beaux, les sentences plus solides, les airs plus agréables, les voix plus charmantes : au lieu des fables, vous y trouverez des vérités, au lieu des fourberies, une sainte simplicité ; Vous y verrez l'impureté bannie par la Chasteté ; la perfidie détruite par la Foi ; la cruauté abattue, par la Miséricorde; l'insolence chassée par la Modestie. Ce sont là nos Spectacles où nous sommes couronnés.

Chap. 30.

Mais quel sera ce Spectacle, qui s'approche de l'avènement du Seigneur, lors qu'il viendra faire éclater sa Majesté; lors qu'il paraîtra tout brillant de gloire dans la pompe d'un magnifique triomphe ? Elle sera la joie des Anges ? Quelle sera la gloire des Saints qui ressusciteront ? Quelle sera la magnificence du Royaume qui est préparé aux Justes ? Quel sera l'éclat de la nouvelle Cité de Jérusalem ? Mais ce sera bien un autre Spectacle, lors que le dernier jour du Jugement arrivera, d'où dépend l'éternité des peines, ou des récompenses ; ce jour que les Nations n'accèdent point ; ce jour donc elles se moquent, ors que le monde si vieux; et tout ce qui a été produit, sera consumé par un commun embrasement. Quelle sera l'étendue de ce Spectacle ? Avec quelle admiration, avec quel plaisir, avec quels transports de joie et d'allégresse verrai-je tant de Rois, qu'on disait avoir été élevés dans le Ciel, gémir dans le fond des ténèbres de l'Enfer avec Jupiter, et les témoins de leur fausse Divinité ? Alors les Acteurs des Tragédies se feront mieux entendre, poussant leurs plaintes d'une voix plus éclatante dans leur propre misère. Alors les Comédiens feront mieux paraître leur souplesse, étant devenus plus légers et plus agiles par le feu qui les pénètrera, etc. Il n'y a point de Préteur, de Consul, de Questeur, de Pontife, quelque libéralité qu'il déploie, qui vous puisse faire voir ces choses qui vous puisse donner ce plaisir : Néanmoins la Foi vous les représente dès à présent par les Images qu'elle en forme dans vos esprits ; et après cette vie vous verrez ce que l'œil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, et que l'esprit de l'homme n'a jamais conçu. Je crois que les représentations du Cirque, du Théâtre, de l'Amphithéâtre, et tous les efforts de l'industrie des hommes, n'égalent point ces Spectacles.

CLEMENT D'ALEXANDRIE
Dans le 3. Livre du Pédagogue, l'an 204.

Chap. II.

Jésus-Christ, qui est: notre Pédagogue, ne nous conduira point aux Spectacles. On peut justement appeler les Théâtres, et la carrière des courses publiques, une Chaire de pestilence ; Car tout ce qui se fait en ces Lieux est plein de confusion et d'iniquité : Ces assemblées ne fournissent que trop de sujets d'impureté, où les hommes et les femmes étant ensemble, s'occupent à se regarder : C'est là où se tiennent de pernicieux conseils, lors que les regards lascifs excitent de mauvais désirs ; et les yeux étant accoutumés à regarder impudemment les objets qui sont auprès d'eux, se servent de l'occasion qui se présente pour satisfaire leur cupidité. C'est pourquoi ces Spectacles doivent être défendus, où l'on ne voit que des choses mauvaises, et on n'entend que des paroles dissolues : Car y a-t-il rien de honteux qu'on ne représente sur les Théâtres ? Et y-a-t-il de parole insolente, que les Comédiens et les Farceurs ne profèrent, pour faire rire ; de sorte que ceux qui par leur inclination y prennent plaisir, en emportent chez eux de vives images empreintes dans leur esprit. Et ceux qui ne sont pas touchés de ces choses, ne se laissent-ils pas au moins emporter à des plaisirs inutiles ? S'ils disent que les Spectacles leur servent seulement de jeu et de divertissement pour relâcher leur esprit; Nous leur répondrons, qu'il ne faut jamais acheter un divertissement par une vaine et inutile occupation : car un homme sage ne préférera jamais ce qui est agréable, à ce qui est plus honnête et plus avantageux.

MINUTIUS FELIX

l'an 206.

C'est donc avec raison que nous qui faisons profession des bonnes mœurs, et de la pudeur, nous nous abstenons de vos voluptés, de vos pompes, et de vos Spectacles, comme de choses mauvaises, et consacrées à de fausses divinités, dont nous savons la naissance et l'origine, et nous les condamnons comme des corrupteurs agréables : Car qui n'a horreur dans la course des Chariots, de voir la folie de tout un Peuple qui se querelle: Qui ne s'étonne de voir dans les Jeux des Gladiateurs, l'art de tuer les hommes : La fureur n'est pas moindre au Théâtre ; mais l'infamie y est plus grande : car un Acteur y représente les adultères, où il les récite : Et un Comédien lascif émeut les passions des autres, en feignant d'en avoir lui-même.