(1697) Satire à Mgr Bossuet « SATIRE A MONSEIGNEUR JAQUES BENIGNE BOSSUET. EVEQUE DE MEAUX. » pp. 46-48
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(1697) Satire à Mgr Bossuet « SATIRE A MONSEIGNEUR JAQUES BENIGNE BOSSUET. EVEQUE DE MEAUX. » pp. 46-48

SATIRE A MONSEIGNEUR JAQUES BENIGNE BOSSUET
EVEQUE DE MEAUX.

Docte et sage Prélat dont le Ciel a fait choix,
Pour instruire et former la jeunesse des Rois,
Et qui par des discours vifs et pleins d’éloquence
Sais confondre l’erreur, et bannir l’ignorance.
 Je conviens avec toi que des hommes pécheurs
Devraient avoir toujours les yeux baignés de pleurs
Je sais que l’Evangile en ses leçons divines
N’offre pour le salut qu’un chemin plein d’épines
Et que loin d’approuver les jeux et les plaisirs
Il nous en interdit jusqu’aux moindres désirs,
 Ainsi la Comédie, étalant sur la Scène
Les appas séducteurs d’une pompe mondaine,
Sans doute est peu conforme à ces vœux solennels
Qu’en naissant un Chrétien fait au pieds des Autels.
Ces Caractères fiers des Héros du Théâtre
Pouvaient être applaudis par un peuple idolâtre,
Mais disciples d’un Dieu pour nous crucifié !
Nous devons n’estimer qu’un cœur mortifié,
Un cœur humble, sans fiel, et dont la vertu pure
Se fasse un point d’honneur d’oublier une injure,
Et préfère de voir ses passions aux fers,
A la fausse grandeur de dompter l’Univers.
 Cependant, Grand Prélat, d’invincibles obstacles
S’opposent au dessein d’abolir les spectacles ;
Auprès des Souverains l’oisiveté des Cours
Malgré tous les serments les maintiendra toujours,
Et les peuples privés d’un plaisir excusable
Peut-être en chercheraient quelqu’autre plus coupable.
 D’ailleurs tant qu’on verra des Prélats fastueux
Elever à grand frais des palais somptueux,
En fait de mets exquis ne rien céder au Princes
Et de leur train pompeux éblouir les Provinces.
Contre la Comédie en vain l’on écrira
De ces moralités le public se rira.
Jésus-Christ dira-t-il, aux riches de la terre
Pendant toute sa vie a déclaré la guerre.
Cependant un Prélat se croit en sûreté
Avec vingt mille écus dont il se voit renté ;
Et l’on ne pourra pas à l’Hôtel de Bourgogne,
Voir le Rôle plaisant d’un sot et d’un ivrogne,
Ou charmé de Corneille au Théâtre Français
Aller plaindre le sort des Princes et des Rois.
 De quel front ces Pasteurs vivant dans l’opulence
Viennent-ils nous prêcher l’esprit de Pénitence ;
Et comment dans ce siècle osent-ils se flatter,
Qu’on subira le joug qu’il savent éviter ?
 Tels dans l’ancienne Loi des Tartufes sévères
Damnaient le peuple Juif pour des fautes légères ;
Eux qui loin des témoins en des réduits cachés.
S’abandonnaient sans crainte aux plus honteux péchés.
 C’est ainsi, Grand Prélat, que le peuple raisonne
Et fait une leçon aux Docteurs de Sorbonne :
Pour imposer silence il faudrait réformer ;
Nombre d’autres abus que je n’ose rimer.