(1675) Traité de la dévotion «  Méditation. » pp. 66-67
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(1675) Traité de la dévotion «  Méditation. » pp. 66-67

Méditation.

Mon âme, que tu es malheureuse d’être née en Egypte, et de n’être pas sensible aux biens de la véritable Canaan ! C’est pourquoi tu tournes si souvent les yeux du côté du monde ; et à l’heure même que ton cœur devrait être tout entier dans le ciel aux heures de ta dévotion et de tes prières, tu penses aux oignons, aux aulx et aux potées de chair que tu mangeais quand tu étais esclave du Diable et du monde. Tu n’as pas encore goûté ces délices des âmes pieuses et dévotes qui disent, Je suis rassasiée comme de moelle et de graisse : Ah, que le Seigneur est bon, je l’ai goûté, il m’a mené en sa salle du festin, ses amours sont plus douces que le vin et que les rayons de miel, qu’il me baise des baisers de sa bouche. Plût à Dieu que j’eusse été honoré de ces communications secrètes dont mon Sauveur fait part à quelques âmes privilégiées, ce qui les comble de joie même au milieu des supplices, et les fait chanter dans les prisons et dans les fers. Apprends mon âme, apprends à chercher en Dieu tes plaisirs et tes délices, il en est la source, toute joie qui ne vient pas de lui se termine par la douleur, par la tristesse, par les pleurs, par le désespoir, et par le grincement de dents. Que souhaites-tu mon cœur ? quelle est ta faim et ta soif ? Aimes-tu la beauté ? tu la trouveras en Dieu, et Dieu te la donnera à toi-même ; car tu deviendras glorieux et plein de lumière par le commerce que tu auras avec lui. Aimes-tu la vie et la santé ? source de vie en lui gît, et par sa clarté nous voyons clair, et il te communiquera une vie toujours saine et toujours vigoureuse, c’est la vie éternelle. Aimes-tu les plaisirs ? voici il te fera boire au torrent de ses délices, il t’enivrera de ce vin préparé par la sagesse divine qui dit, j’ai mixtionné mon vin, j’ai tué mes bêtes grasses. Il te fera voir des objets qui te raviront ; il te fera entendre une douce et charmante musique dans le concert des Anges et des Saints, qui chanteront éternellement les louanges de notre Dieu. Après tant de biens ou déjà reçus ou déjà possédés en espérance, pourrais-je être sensible aux vains plaisirs de la terre ?