(1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « [Introduction]  » p. 2
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(1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « [Introduction]  » p. 2

[Introduction]

Avoir prouvé que la religion et les lois, les deux puissances ecclésiastique et séculière, proscrivent la comédie, c’est aux yeux d’un Chrétien avoir terminé ce fameux procès ; mais nous avons encore avancé que la politique, aussi bien que la vertu, prononçait la condamnation du théâtre, que funeste au bien public, elle méritait toute l’animadversion d’un sage gouvernement. Ce que nous avons dit dans les deux premiers livres suffirait pour démontrer cette vérité. Est-il rien de plus important au bonheur de la société que la religion et les lois ? le Prince n’est-il pas le législateur ? renverserait-il ses propres ordonnances ? et ce que sa sagesse a réglé sur le trône, le détruirait-il dans son conseil ? Si nous développons plus en détail ces justes conséquences, nous sommes bien éloignés de vouloir faire des leçons à nos maîtres, nous recevons au contraire avec le plus grand respect toutes celles qu’ils daignent nous donner ; mais sans blesser ce profond respect, il fut toujours permis d’écrire sur les matières de politique. Il en est dans les bibliothèques une infinité de traités ; ce siècle plus que d’autres est fertile en Ecrivains politiques : guerre, noblesse, finances, ambassades, marine, agriculture, etc. aucune des branches du gouvernement n’a échappé à leur plume. Les spectacles en sont un objet très intéressant, ils ont la plus grande influence sur les mœurs. Leur prodigieuse multiplication en France y a déjà fait une triste révolution, et en fait craindre l’entière décadence. Plaise au ciel que la vertu reprenne ses droits sur des cœurs faits pour l’aimer et la pratiquer, et que le gouvernement se déclare contre son ennemi secret et le plus dangereux, je veux dire l’ennemi de la religion et de la vertu.