(1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « PREFACE CONTENANT L’HISTOIRE DU DIX-SEPTIEME SIECLE, SUR LA COMÉDIE. » pp. -
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(1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « PREFACE CONTENANT L’HISTOIRE DU DIX-SEPTIEME SIECLE, SUR LA COMÉDIE. » pp. -

PREFACE CONTENANT L’HISTOIRE DU DIX-SEPTIEME SIECLE, SUR LA COMÉDIE.

Parce que ce Siècle a été le plus fécond en Ouvrages pour et contre la Comédie, et parce que c’est celui où nous vivons, je me contenterai d’en rapporter l’Histoire, sans remonter aux Siècles précédents.

Hédelina est le premier Auteur Français de ce Siècle, qui a osé entreprendre de justifier le Comédie proscrite de tout temps. Il fit deux Ouvrages en 1657. Le premier intitulé, Pratique du Théâtre. Le deuxième, Projet pour le rétablissement du Théâtre Français, contenant les causes de sa décadence, et les remèdes qu’on y pourrait apporter. Dans le premier, l’Auteur donne des preuves de son érudition dans les Poésies anciennes. Le second Ouvrage est demeuré imparfait, parce qu’il n’a pas pu exécuter son dessein. Cet Auteur insinue deux raisons, qui font voir les difficultés, qu’on a de justifier la Comédie. La première est la créance commune des peuples, que c’est pécher contre les règles du Christianisme que d’y assister. La second, l’infamie dont les Lois ont noté les Comédiens.

Ces deux Ouvrages d’Hédelin ne furent pas sans Réponse ; car on donna en 1659. un Traité contre la Comédie, qui se trouve dans le troisième Volume des Essais de Morale, et on peut regarder ce Traité comme une Réponse ; car quoique l’Auteur n’y nomme ni Hédelin ni ses Ouvrages, il se plaint pourtant de la corruption de son siècle, en ce qu’on y avait voulu justifier la Comédie. Or il n’y avait alors que les Ouvrages d’Hédelin pour la Comédie qui avaient paru en 1657.

En la même année 1657. M. le Curé de saint Germain de l’Auxerrois à Paris, consulta les Docteurs de Sorbonne sur les Comédies ; il fut décidé qu’il y avait péché mortel, et pour les Comédiens et pour ceux qui y contribuent : L’on verra cette décision dans la Section 6. du Chap. 4. de cet Ouvrage.

Monsieur le Prince de Conti, qui avait fréquenté les Théâtres avant sa conversion, se crut obligé d’écrire contre la Comédie ; ce qu’il fit d’une manière savante, élevée et très pressante. On trouve encore dans l’Ouvrage de ce pieux Prince autant de preuves de son zèle que de la beauté de son esprit. Il donna ordre, peu de mois avant son décès, à M. de Voisin, de faire imprimer ce Traité ; ce que ce Docteur exécuta en 1666.

Le public fut surpris de voir paraître dans la même année une Apologie de la Comédie, par un Livre intitulé, Dissertation sur la condamnation des Théâtres, dont on a cru qu’Hédelin était encore l’Auteur. M. de Voisin se crut obligé de défendre le Traité de Monsieur le Prince de Conti contre la Comédie, qu’il venait de donner au public. C’est pourquoi il composa un Livre in 4°. plein de preuves et de faits les plus solides que l’on puisse désirer. Cet Ouvrage a pour titre, Défense du Traité de M. le Prince de Conti, touchant la Comédie, Ou Réfutation de la Dissertation sur la condamnation des Théâtres. Ce Livre a été imprime en 1671.

Il parut en 1672. une autre pièce contre la Comédie, qui se trouve dans l’Education Chrétienne des Enfants, selon les maximes de l’Ecriture et les Instructions des saints Pères de l’Eglise, avec un petit traité contre les Chansons. Monsieur l’Abbé Fleury a aussi dit quelque chose de la Comédie, dans son Livre des Mœurs des Chrétiens, imprime en 1682.

On n’avait point vu de Réponse à tous ces savants et solides Ecrits contre la Comédie, et on ne croyait pas que personne osât mettre la main à la plume pour la défendre. Cependant après plus de vingt années de silence, un Particulier a entrepris de justifier la Comédie par une Lettre qu’on a voulu faire passer pour une Réponse faite au sieur Boursault, Auteur d’un Volume de Pièces de Théâtre, qui feint d’avoir consulté un Théologien illustre par sa qualité et par son mérite, pour savoir si la Comédie peut être permise, ou si elle doit être absolument défendue. Ce Théologien prétendu (je l’appelle ainsi, parce que le Père Caffaro Théatin, qu’on disait être Auteur de cette Lettre, l’a désavouée) veut justifier la Comédie par des passages de saint Thomas. Il fait aussi ses efforts pour établir que les saints Pères n’ont condamne les Spectacles des Païens, qu’à cause de la seule idolâtrie. Je ferai voir le contraire dans cet Ouvrage. La Lettre de ce prétendu Théologien ayant paru à Paris durant le Carême, plusieurs Prédicateurs zélés pour le salut des âmes, persuadés qu’ils devaient s’opposer à tout ce qui pouvait leur nuire, déclamèrent contre cette Lettre ; les uns faisant voir que la Comédie avait toujours été condamnée, d’autres que l’Auteur de cette Lettre est un faux Théologien : il y en eut même un, qui dit que cette Lettre méritait le feu, et que l’Auteur en devait faire une pénitence publique.

On a fait aussi au Séminaire de saint Magloire des Pères de l’Oratoire, plusieurs Conférences publiques contre la Lettre de ce Théologien. Les Auteurs ne sont pas demeurés dans le silence ; car on a vu plusieurs Ouvrages contre cette Lettre. Il y a eu deux autres Traités faits en ce siècle contre la Comédie, savoir celui de François Marie del Monacho Sicilien, et un du Père Ottonelli Jésuite Italien. Je vais donner l’Abrégé et le caractère de chacun de ces Ouvrages, avec toute l’exactitude que l’on peut souhaiter, afin de les conserver plus facilement à la postérité.