(1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE III » pp. 42-76
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(1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE III » pp. 42-76

CHAPITRE III

SECTION PREMIERE.
Traité de la Comédie et des Spectacles. A Paris, Chez Pierre Promé rue de la vieille Bouclerie, à la Charité. 1666.

On trouve une Estampe de M. le Prince de Conti, avec ces quatre vers au-dessous :

« L’or des Lys immortels qui brille en ta Couronne
N’est pas ce que ton sort a de plus éclatant,
C’est que la Grâce en sa personne
Fit d’un Prince pécheur un Prince pénitent. »

J’ai seulement retranché les premières pages de ce Traité, mais j’ai copié mot à mot tout le resteab.

« Si l’on veut regarder la Comédie dans son progrès et dans sa perfection, dit ce pieux Prince, soit pour sa matière et pour ses circonstances, soit pour ses effets ; n’est-il pas vrai qu’elle a traité presque toujours des sujets peu honnêtes, ou accompagnés d’intrigues scandaleuses ? Les expressions mêmes n’en sont-elles pas sales, ou du moins immodestes ? Peut-on nier ces vérités des plus belles Comédies d’Aristophane, et de celles de Plaute, et de Terence ? Les Italiens qui sont les premiers Comédiens du monde, n’en remplissent-ils pas leurs pièces ? Les farces Françaises sont-elles pleines d’autres choses ? et même de nos jours, ne voyons-nous pas ces mêmes défauts dans quelques-unes des Comédies les plus nouvelles? [...]

« Quels effets peuvent produire ces expressions accompagnées d’une représentation réelle ; que de corrompre l’imagination, de remplir la mémoire, et se répandre après dans l’entendement, dans la volonté, et ensuite dans les mœurs ? [...] Il y a beaucoup de personnes qui assurent qu’ils n’ont jamais reçu aucune impression mauvaise par la Comédie ; mais je soutiens ou qu’ils sont en petit nombre, ou qu’ils ne sont pas de bonne foi, ou que la seule raison par laquelle la Comédie n’a pas été cause de la corruption de leurs mœurs, c’est parce qu’elle les a trouvés corrompus, et qu’ils ne lui ont rien laissé à faire sur cette matière. [...] Il est certain que c’est à tort qu’on prétend justifier les Comédies de ce temps par l’exemple des anciennes, rien n’étant si dissemblable qu’elles le sont. L’amour est présentement la passion qu’il y faut traiter le plus à fond ; et quelque belle que soit une pièce de Théâtre, si l’amour n’y est conduit d’une manière délicate, tendre et passionnée, elle n’aura d’autres succès que celui de dégoûter les Spectateurs, et de ruiner les Comédiens. Les différentes beautés des pièces consistent aujourd’hui aux diverses manières de traiter l’amour ; soit qu’on le fasse servir à quelque autre passion, ou bien qu’on le représente comme la passion qui domine dans le cœur. Il est vrai que l’Herodes de Monsieur Heinsiusac est un Poème achevé, et qu’il n’y a point d’amour : mais il est certain aussi que la représentation en serait fort ennuyeuse. Car il faut avouer que la corruption de l’homme est telle depuis le péché, que les choses qui l’instruisent ne trouvent rien en lui qui favorise leur entrée dans son cœur. Il les trouve sèches et insipides, au lieu qu’il court, pour ainsi dire, au-devant de celles qui flattent ses passions, et qui favorisent ses désirs. Ce n’est donc plus que dans les livres de Poétique que l’instruction est la fin du Poème dramatique ; cela n’est plus véritable, ni dans l’intention du Poète, ni dans celle du Spectateur. Le désir de plaire est ce qui conduit le premier, et le second est conduit par le plaisir d’y voir peintes des passions semblables aux siennes : car notre amour propre est si délicat, que nous aimons à voir les portraits de nos passions aussi bien que ceux de nos personnes. Il est même si incompréhensible, qu’il fait par un étrange renversement, que ces portraits deviennent souvent nos modèles, et que la Comédie en peignant les passions d’autrui, émeut notre âme d’une telle manière qu’elle fait naître les nôtres, qu’elle les nourrit quand elles sont nées, qu’elle les polit, qu’elle les échauffe, qu’elle leur inspire de la délicatesse, qu’elle les réveille quand elles sont assoupies, et qu’elle les rallume même quand elles sont éteintes. Il est vrai qu’elle ne fait pas ces effets dans toutes sortes de personnes: mais il est vrai aussi qu’elle les fait dans un grand nombre, qu’elle les peut faire dans toutes, et qu’elle les doit faire même plus ordinairement, si on considère de bonne foi quel est l’empire naturel d’une représentation vive, jointe à une expression passionnée sur le tempérament des hommes. Il est tous les jours ému par l’éloquence des Orateurs, il le doit être à plus forte raison par la représentation des Comédies : ils y ajoutent même tout ce qui les peut aider à ce dessein, leur déclamation, leur port, leurs gestes et leur ajustement. Les femmes ne négligent rien pour y paraîttre belles : elles y réussissent quelquefois, et s’il y en a quelqu’une qui ne le soit pas, il ne faut pas s’en prendre à la Comédie, rien n’est plus contre son intention, puisqu’elle lui fait tenir la place d’une personne qui a été l’objet d’une passion violente, qu’une Comédienne sans beauté ne représente pas fidèlement. Mais ce qui est plus déplorable, c’est que les Poètes sont maîtres des passions qu’ils traitent, mais ils ne le sont pas de celles qu’ils ont ainsi émues ; ils sont assurés de faire finir celles de leur Héros, et de leur Héroïne avec le cinquième acte, et que les Comédiens ne diront que ce qui est dans leur rôle, parce qu’il n’y a que leur mémoire qui s’en mêle. Mais le cœur ému par cette représentation n’a pas les mêmes bornes, il n’agit pas par mesures ; dès qu’il se trouve attiré par son objet, il s’y abandonne selon toute l’étendue de son inclination, et souvent après avoir résolu de ne pousser pas les passions plus avant que les Héros de la Comédie, il s’est trouvé bien loin de son compte ; l’esprit accoutumé à se nourrir de toutes les manières de traiter la galanterie n’étant plein que d’aventures agréables et surprenantes, de vers tendres,délicats et passionnés, fait que le cœur dévoué à tous ces sentiments n’est plus capable de retenue. Et quand même ces effets, que je n’ose faire entrevoir, ne s’en suivraient pas, n’est-ce pas un terrible mal que cette idolâtrie que commet le cœur humain dans une violente passion ? N’est-ce pas en quelque sens le plus grand péché qu’on puisse commettre ? La créature y chasse Dieu du cœur de l’homme, pour y dominer à sa place, y recevoir des sacrifices et des adorations, y régler ses mouvements, ses conduites et ses intérêts, et y faire toutes les fonctions de Souverain qui n’appartiennent qu’à Dieu, qui veut y régner par la charité qui est la fin et l’accomplissement de toute la Loi Chrétienne.

« Ne voyez-vous pas l’amour traité de cette manière si impie dans les plus belles Tragédies et Tragicomédies de notre temps ? N’est-ce pas par ce sentiment qu’Alcionée mourant par sa propre main, dit à Lidie:

« Vous m’avez commandé de vaincre, et j’ai vaincu,
Vous m’avez commandé de vivre et j’ai vécu :
Aujourd’hui vos rigueurs vous demandent ma vie,
Mon bras aveuglément l’accorde à votre envie,
Heureux et satisfait dans mes adversités,
D’avoir jusqu’au tombeau suivi vos volontés. »

Rodrigue ne parle t-il pas de même à Chimène, lorsqu’il va combattre dom Sanche.

« Maintenant qu’il s’agit de mon seul intérêt,
Vous demandez ma mort, j’en accepte l’arrêt,
Votre ressentiment choisit la main d’un autre,
Je ne méritais pas de mourir de la vôtre,
On ne me verra point en repousser les coups,
Je dois trop de respect à qui combat pour vous,
Et ravi de penser que c’est de vous qu’ils viennent,
Puisque c’est votre honneur que ses armes soutiennent,
Je vais lui présenter mon estomac ouvert,
Adorant en sa main la vôtre qui me perd. »

« En vérité peut-on pousser la profanation plus avant, et le faire en même temps d’une manière qui plaise davantage et qui soit plus dangereuse ? Quoiqu’on veuille dire que le Théâtre ne souffre plus rien que de chaste, et que les passions y sont traitées de la manière du monde la plus honnête, je soutiens qu’il n’en est pas moins contraire à la Religion Chrétienne. Et j’ose même dire que cette apparence d’honnêteté, et le retranchement des choses immodestes le rend beaucoup plus à craindre. Il n’y aurait que les libertins qui pussent voir les pièces déshonnêtes ; les femmes de qualité et de vertu en auraient de l’horreur, au lieu que l’état présent de la Comédie ne faisant aucune peine à la pudeur attachée à leur sexe, elles ne se défendent pas d’un poison aussi dangereux et plus caché que l’autre qu’elles avalent sans le connaître, et qu’elles aiment lors même qu’il les tue. Mais pour pousser encore davantage cette matière sans sortir pour cela des bornes de la vérité : peut-on appeler tout à fait honnêtes des ouvrages, dans lesquels on voit les filles les plus sévères écouter les déclarations de leurs amants, être bien aises d’en être aimées, recevoir leurs lettres et leurs visites, et leur donner même des rendez-vous ? J’avoue que nonobstant tout cela elles sont tout à fait honnêtes, puis qu’il a plu ainsi au Poète : mais en vérité y a-t-il personne de tousceux qui sont les plus zélés défenseurs d’une si mauvaise cause, qui voulût que sa femme, ou sa fille fût honnête comme Chimène, et comme toutes les plus vertueuses Princesses du Théâtre ? Je pense qu’il souffrirait assez impatiemment dans les unes, ce qu’il respecte tant dans les autres, et que dès qu’il verrait cette sévérité tant vantée dans un sujet auquel il prendrait quelque intérêt, il reconnaîtrait bientôt ces fausses vertus pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire, pour des vices véritables.

« Mais avant que de faire voir plus à fond quelle est l’opposition qui est entre la Comédie et les plus solides fondements de la Morale Chrétienne, je dois répondre à deux objections que les défenseurs de la Comédie font pour l’ordinaire. J’y satisfais avec exactitude et avec ordre tout ensemble. Ils disent qu’il est vrai que la Comédie est une représentation des vertus et des vices, parce qu’il est de la fidélité des portraits de représenter leurs modèles tels qu’ils sont, et que les actions des hommes étant mêlées de bien et de mal, il est par conséquent du devoir du Poème Dramatique de les représenter en cette manière : mais que bien loin qu’il fasse de mauvais effets, il en a de tout contraires, puisque le vice y est repris, et que la vertu y est louée, et souvent même récompensée. Je ne puis mieux faire voir la faiblesse de cette objection, qu’en répondant avec un savant Prélat de notre siècle « Le remède y plaît moins que ne fait le poison »ad.

« Telle est la corruption du cœur de l’homme, mais telle est aussi celle du Poète, qui après avoir répandu son venin dans tout un Ouvrage d’une manière agréable, délicate et conforme à la nature et au tempérament, croit en être quitte pour faire faire quelque discours moral par un vieux Roi représenté, pour l’ordinaire, par un fort méchant Comédien, dont le rôle est désagréable, dont les vers sont secs et languissants, quelquefois même mauvais, mais tout du moins négligés ; parce que c’est dans ces endroits qu’il se délasse des efforts d’esprit qu’il vient de faire en traitant les passions. Y a-t-il personne qui ne songe plutôt à se récréer en voyant jouer Cinna, sur toutes les choses tendres et passionnées qu’il dit à Emilie, et sur toutes celles qu’elle lui répond ; que sur la clémence d’Auguste à laquelle on pense peu, et dont aucun des spectateurs n’a jamais songé à faire l’éloge en sortant de la Comédie ?

« La seconde chose qu’ils objectent, est qu’il y a des Comédies saintes, qui ne laissent pas d’être belles, et sur cela on ne manque jamais de citer Polyeucte ; car il serait difficile d’en citer beaucoup d’autres. Mais en vérité, y a-t-il rien de plus sec et de moins agréable que ce qui est de saint dans cet Ouvrage ? Y a-t-il rien de plus délicat et de plus passionné que ce qu’il y a de profane ? Y a-t-il personne qui ne soit mille fois plus touché de l’affliction de Sévère lorsqu’il trouve Pauline mariée, que du martyre de Polyeucte ? Il ne faut qu’un peu de bonne foi, pour tomber d’accord de ce que je dis. Aussi Dieu n’a pas choisi le Théâtre pour y faire éclater la gloire de ses Martyrs ; il ne l’a pas choisi pour y faire instruire ceux qu’il appelle à la participation de son héritage. Mais, comme dit le grand Evêque que je viens de citer ae : "Pour changer leurs mœurs, et régler leur raison, les Chrétiens ont l’Eglise, et non pas le Théâtre" : l’amour n’est pas le seul défaut de la Comédie, la vengeance et l’ambition n’y sont pas traitées d’une manière moins dangereuse. Comme ces deux passions ne passent dans l’esprit de ceux qui ne se conduisent pas par les règles de l’Evangile, que pour de nobles maladies de l’âme, surtout quand on ne se sert pour les contenter que des moyens que le monde trouve honnêtes : les Poètes se rendant d’abord les esclaves de ces maximes pernicieuses, en composent tout le mérite de leurs Héros. Rodrigue n’obtiendrait pas le rang qu’il a dans la Comédie s’il ne l’eût mérité par deux duels, en tuant le Comte, et en désarmant Dom Sanche : et si l’histoire le considère davantage par le nom de Cid, et par ses exploits contre les Maures ; la Comédie l’estime beaucoup plus par sa passion pour Chimène, et par ses deux combats particuliers. Le récit même de la défaite des Maures y est fort ennuyeux, et peu nécessaire à l’Ouvrage, étant certain qu’il n’y avait nulle rigueur en ce temps-là contre les duels, et n’y ayant pas d’apparence que la sévérité du Roi de Castille fût si grande en cette matière contre la coutume de son siècle, qu’il n’en pût bien pardonner deux par jour, même sans le prétexte d’une victoire aussi importante que celle-là. La vengeance n’est-elle pas encore représentée dans Cornélie comme un effet de la piété, et de la fidélité conjugale, jointe à la force et à la fermeté Romaine, au troisième Acte de la mort de Pompée, Scène quatrième, lors qu’elle dit à César :

« C’est là que tu verras sur la terre et sur l’onde,
Le débris de Pharsale armer un autre monde :
Et c’est là que j’irai pour hâter tes malheurs,
Porter de rang en rang ces cendres et mes pleurs ;
Je veux que de ma haine ils reçoivent des règles,
Qu’ils suivent au combat, des urnes au lieu d’Aigles,
Et que ce triste objet porte à leur souvenir,
Les soins de me venger, et ceux de te punir. »

« On ne peut pas dire qu’en cet endroit le Poète ait voulu donner de l’horreur de la vengeance, comme il a voulu en donner de celle de Cléopâtre dans Rodogune ; au contraire c’est par cette vengeance qu’il prétend rendre Cornélie recommandable, et la relever au-dessus des autres femmes, en lui faisant un devoir, et une espèce même de piété, de sa haine pour César, qui attire le respect, et qui la fasse passer pour une personne héroïque. Mais il ne croit pas que sa vertu soit dans un degré assez haut, s’il ne fait monter sa piété vers Pompée, jusques à l’impiété et au blasphème envers les Dieux de l’antiquité ; car il la fait parler dans la première Scène du cinquième Acte aux cendres de son mari, en cette manière ;

« Moi je jure des Dieux la puissance suprême,
Et pour dire encore plus, je jure par vous-même ;
Car vous pouvez bien plus sur ce cœur affligé,
Que le respect des Dieux qui l’ont mal protégé. »

Et sur la fin de la Scène quatrième du même Acte :

« J’irai, n’en doute point, au partir de ces lieux,
Soulever contre toi les hommes et les Dieux :
Ces Dieux qui t’ont flatté, ces Dieux qui m’ont trompée,
Ces Dieux qui dans Pharsale ont mal servi Pompée,
Qui la foudre à la main l’ont pu voir égorger :
Ils connaîtront leur crime, et le voudront venger ;
Mon zèle à leur refus, aidé de sa mémoire,
Te saura bien sans eux arracher la Victoire. »

« Ce serait une fort méchante excuse à cette horrible impiété, de dire que Cornélie était Païenne ; car cela prouve seulement qu’elle se trompait, en attribuant la divinité à des choses qui ne la possédaient pas : mais cela n’empêche pas que supposé qu’elle leur attribuât la divinité, elle n’eût pas des sentiments effroyablement impies. Cette estime pour Cornélie que le Poète a voulu donner en cet endroit aux Spectateurs, après l’avoir conçue lui-même, vient du fond de cette même corruption qui fait regarder dans le monde comme des enfants mal nés et sans mérite, ceux qui ne vengent pas la mort de leurs pères, ou de leurs parents, en sorte que le public attache souvent leur honneur à l’engagement de se battre contre les meurtriers de leurs proches ; qu’on les élève dans de si horribles dispositions, et qu’on mesure leur mérite à la correspondance qu’on trouve en eux, au sentiment qu’on prétend leur donner ; que ces sortes de représentations favorisent encore d’une manière pathétique, et qui s’insinue plus facilement que tout ce qu’on pourrait leur dire d’ailleurs.

« Pour l’ambition qui est proprement la fille de l’orgueil, elle est trop honorée dans le monde pour ne l’être pas dans la Comédie. Il faudrait un volume pour tous les exemples qu’on en pourrait donner presque dans toutes les Pièces, comme il en faudrait un autre pour combattre cette passion autant qu’elle mérite de l’être.

« Il est donc vrai que le but de la Comédie, est d’émouvoir les passions, comme ceux qui ont écrit de la Poétique en demeurent d’accord : et au contraire, tout le but de la Religion Chrétienne est de les calmer, de les abattre et de les détruire autant qu’on le peut en cette vie. C’est pour cela que l’Ecriture nous apprend que la vie de l’homme sur la terre est un combat continuel, parce qu’il n’a pas plutôt terrassé un ennemi, que cette défaite en fait naître un autre dans lui-même, et qu’ainsi sa victoire n’est pas moins à craindre pour lui, que ses pertes : c’est avec ces armes que la chair fait cette cruelle guerre à l’esprit qui ne peut vivre qu’en mortifiant les passions de la chair : elles appartiennent à cette loi de mort qui s’oppose continuellement à la loi de l’esprit. De là vient qu’on ne peut être parfait Chrétien, que ce corps de péché ne soit détruit, que l’homme céleste ne règne, et que le vieil homme ne soit crucifié. Voilà la Religion Chrétienne : voilà quelle doit être l’application de ceux qui la professent ; voilà la doctrine de l’Apôtre saint Paul, ou plutôt celle du saint Esprit. Et comme les exemples ont un grand pouvoir sur les hommes, dans le même temps que la Comédie nous propose ses Héros livrés à leurs passions, la Religion nous propose Jésus-Christ souffrant pour nous délivrer de nos passions. Ceux qui courent après les premiers, regardent Jésus-Christ crucifié comme une folie, et comme une occasion de scandale ; mais ceux qu’il appelle à la participation de sa gloire par le renoncement à leurs désirs et à leur cupidité, le regardent comme la force et la sagesse de Dieu.

« Si donc la Comédie en l’état qu’elle est présentement, est si opposée aux maximes du Christianisme : n’est-ce pas encore ajouter crime sur crime, que de choisir le saint jour du Dimanche pour la jouer ? c’est le jour du Seigneur, il lui appartient tout entier, et si la faiblesse de l’homme ne lui permet pas de le lui donner absolument par une application actuelle, au moins ne doit-on prendre que les divertissements nécessaires ; encore faut-il qu’ils ne soient contraires ni à la sainteté du jour, ni à celle à laquelle les Chrétiens sont obligés. Mais les Comédiens font céder toutes ces considérations à leur avarice, et les mauvais Chrétiens à leur plaisir. Saint Augustin assure que celui qui danse le Dimanche fait un plus grand péché que celui qui laboure la terre. Je ne pense pas que selon cette règle on puisse justifier celui qui va à la Comédie, ni celui qui la joue. Il déplore comme un grand égarement, de ce qu’il pleurait la mort de Didon, et qu’il ne pleurait pas celle de son âme ; et les Chrétiens dont la vie est si courte, au lieu d’employer les jours saints à racheter leurs péchés par des dignes fruits de pénitence, les donnent à des divertissements défendus. Y a-t-il rien de pareil à cet aveuglement ? Si ce discours peut ouvrir les yeux à quelqu’un, je serai parvenu à la fin que je me suis proposée. Pour ceux qui sont remplis des maximes de la chair et du monde, et que Dieu par un juste, mais terrible jugement, a abandonnés aux désirs de leur cœur ; je ne m’étonne pas qu’ils trouvent de la faiblesse dans mes raisonnements ; ils en trouvent dans l’Evangile : ils n’ont pas accoutumé d’examiner les choses par les règles que j’ai suivies. Car, comme dit l’Apôtre, "l’homme qui est tout charnel n’est point capable des choses qu’enseigne l’Esprit de Dieu : Elles lui passent pour folie, et il ne les peut comprendre, parce que c’est par une lumière spirituelle qu’on en doit juger.". »

SECTION SECONDE.
Dissertation sur la condamnation des Théâtres. A Paris, Chez N. Pepingué, au bout du Pont S. Michel, 1666.

Cet Ouvrage parut la même année que le Traité de Monsieur le Prince de Conti ; c’est un petit Livre in 12. Hédelin qu’on en croit l’Auteur, s’applique à faire voir que les Spectacles des anciens ont fait une partie de la Religion Païenne, et que la représentation des Comédies et des Tragédies était un Acte de Religion. Il veut prouver ensuite que la représentation des Poèmes dramatiques ne peut être défendue par les raisons des anciens Pères de l’Eglise, et il apporte pour autoriser sa proposition, les jeux du Cirque que le grand Constantin et le grand Théodose firent faire pour le divertissement du peuple : mais on verra dans la Section suivante la réponse de saint Ambroise. Dans le onzième Chapitre de cette Dissertation, on cite des passages de Tertullien, de saint Cyprien et de S. Augustin ; mais on n’a rapporté de ces saints Pères que ce qui accommodait et on a supprimé ce qui condamnait : néanmoins on ne peut conclure rien autre chose de ces passages des saints Pères, sinon que les Poèmes dramatiques sont moins honteux que les Idolâtries des Spectacles des Païens. Enfin cet Auteur s’est retranché à dire dans le 12me et dernier Chapitre, que la représentation des Comédies et des Tragédies ne doit pas être condamnée tant qu’elle sera modeste et honnête ; pourquoi il cite saint Thomas. Mais il se plaint à la fin de cet Ouvrage par ces paroles : « Il est certain que depuis quelques années notre Théâtre se laisse retomber dans sa vieille corruption, et que les Farces impudentes, et les Comédies libertines, où l’on mêle bien des choses contraires aux sentiments de la piété et aux bonnes mœurs, ranimeront bientôt la Justice de nos Rois. »

SECTION TROISIEME.
Défense du Traité de M. le Prince de Conti, touchant la Comédie et les Spectacles : Ou La Réfutation d’un Livre intitulé, Dissertation sur la condamnation des Théâtres, par le sieur de Voisin Prêtre, Docteur en Théologie, Conseiller du Roy. A Paris, Chez Jean-Baptiste Coignard, rue S. Jacques à la Bible d’Or. 1671.

Il y a d’abord une Epitre dédicatoire, à Monsieur le Prince de Conti fils. Le Sieur de Voisin a mis ensuite un Abrégé très édifiant de la vie de Monsieur le Prince de Conti, où les principales actions de ce pieux Prince sont décrites, principalement celles que la piété lui a fait pratiquer, et les sentiments chrétiens qu’elle lui avait inspiré. Dans la Préface, l’Auteur déclare qu’il se trouve engagé de défendre le Traité contre la Comédie, fait par Mr. le Prince de Conti, parce qu’il l’avait donné au public par l’ordre de ce Prince quelques mois avant sa mort.

Il rapporte les paroles de la Dissertation, quoiqu’elle eût été méprisée par les Savants : il les réfute pied à pied, pour empêcher que les faibles et les ignorants ne fussent surpris par ce mauvais Ouvrage ; et il s’applique à faire voir que les Comédies de ce siècle corrompent le cœur, en rapportant plusieurs morceaux des Comédies les plus fréquentées. Cette Réfutation est un Ouvrage in 4° de 500. pages : il y a beaucoup d’érudition sur les Jeux et les Spectacles des Païens, on y trouve une longue Tradition des Conciles et des saints Pères contre la Comédie. Cette Tradition est poussée jusqu’au dix-septième siècle, par la citation de plusieurs saints et savants Hommes de chaque siècle, qui ont condamné la Comédie et les Spectacles. L’Auteur répond aux passages de saint Thomas et de saint François de Sales, qui paraissent favorables à la Comédie. Mais comme l’Auteur de la Dissertation avait voulu justifier les Jeux du Cirque par Constantin et Théodose ; le sieur de Voisin lui oppose l’autorité de saint Ambroise qui les a condamnés dans deux endroits de ses Ouvrages, premièrement dans son Traité de la Fuite du siècle Chapitre 1. où il dit que le Cirque est une vanité qui ne sert de rien, la vitesse des chevaux n’est que vanité, le Théâtre est vanité. Ce saint Docteur dit la même chose en expliquant le verset 37. du Psaume 118. « Averte oculos meos, ne videant vanitatem. » J’aurais fait un plus long extrait de cet Ouvrage, qui renferme tout ce que les Auteurs postérieurs ont écrit depuis, mais il aurait fallu user de redites.

SECTION QUATRIEME.
Extrait du Traité de la Comédie, qui se trouve dans L’Education Chrétienne des Enfants selon les maximes de l’Ecriture sainte, et les Instructions des saints Pères de l’Eglise. Chez Jean-Baptiste Coignard rue S. Jacques, à la Bible d’Or. 1672.

L’Auteur cite l’endroit de Tertullien au Chapitre 28. du Livre des Spectacles, d’une femme Chrétienne, laquelle étant allée au Théâtre et à la Comédie, en revint possédée du diable, et que les Exorcistes demandant au démon comment il avait osé attaquer une Chrétienne, il répondit qu’il l’avait fait sans crainte, parce qu’il l’avait trouvée dans un lieu qui lui appartient, Inveni ine meo af. Il continue par saint Augustin, qui remarque dans le troisième Livre de ses Confessions, Chapitre 2. qu’encore qu’il n’y ait rien que de feint dans les Représentations, l’on ne laisse pas de prendre part à la joie de ces Amants de Théâtre, lorsque par leurs artifices ils font réussir leurs impudiques désirs ; qu’on ne prend pas de plaisir dans les Comédies si l’on n’y est touché de ces aventures Poétiques qui y sont représentées, et dont cependant on est d’autant plus touché, que l’on est moins guéri de ces passions. L’Auteur conclut de ces principes, que plus les Enfants témoignent d’empressement pour les Comédies, moins on leur doit permettre d’y aller ; parce que l’empressement est une marque de l’inclination qu’ils ont au luxe, à la pompe, à la sensualité, à la délicatesse, à l’oisiveté, à la mollesse, aux artifices, et aux déguisements. Ce sont les passions qui se fortifient par les Représentations des Théâtres, et que les parents doivent s’efforcer de bannir du cœur de leurs enfants.

SECTION CINQUIEME.
Idée que Mr. l’Abbé Fleury a donnée de la Comédie dans Les Mœurs des Chrétiens, imprimés en 1682.

Cet Abbé remarque qu’il y avait peu de divertissements qui fussent à l’usage des Chrétiens, et qu’ils fuyaient tous les Spectacles publics, soit du Théâtre, ou de l’Amphithéâtre, ou du Cirque. Il dit qu’on jouait au Théâtre les Tragédies et les Comédies, qu’à l’Amphithéâtre se faisaient les combats des gladiateurs ou des bêtes, et qu’au Cirque on voyait les courses des chariots.

Il cite saint Cyprien dans la seconde Epitre, qui nous apprend que les Chrétiens regardaient ces Spectacles comme une grande source de corruption pour les mœurs : le Théâtre était une école d’impudicité, l’Amphithéâtre de cruauté, et saint Augustin ajoute dans le sixième Livre de ses Confessions Chapitre 7. que le Cirque qui paraissait le plus innocent causait des factions, et produisait tous les jours des querelles et des animosités furieuses. Enfin il conclut que les Chrétiens blâmaient la grande dépense de ces Spectacles, l’oisiveté qu’ils fomentaient, le rencontre des hommes et des femmes qui s’y trouvaient mêlés et disposés à se regarder avec trop de liberté et de curiosité. Tout cela ne se rencontre-t-il par dans nos Comédies ?

Contre les Chansons mondaines.

Ayez un soin tout particulier d’empêcher vos Enfants d’apprendre des chansons mondaines. Je ne puis vous trop recommander cet avis, ni vous exprimer comme il faut, les maux que causent les Chansons malheureuses qui font tout le divertissement et toute la joie de ceux qui suivent les maximes du siècle.

Dieu nous a donne des yeux, une bouche et des oreilles, afin, dit S. Jean Chrysostome, que nous les consacrions à son service, que nous ne parlions que de lui, que nous n’agissions que pour lui, que nous ne chantions que ses louanges, que nous lui rendions de continuelles actions de grâces, et que par ces saints exercices nous purifions le fond de nos cœurs. Cependant au lieu d’en faire cet usage, nous les profanons en des paroles et des actions toutes vaines et superflues, et même mauvaises et dangereuses.

Qui est celui de vous tous qui m’écoutez maintenant, ajoute ce Père, qui me pourrait dire par cœur aucun Psaume, ou quelque autre partie de l’Ecriture, si je lui demandais ? Il ne s’en trouverait pas un seul, et ce qui est encore plus à déplorer, c’est que dans cette indifférence pour les choses saintes, vous avez en même temps une ardeur qui passe celle du feu même, pour des choses détestables qui ne sont dignes que des démons. Car si quelqu’un vous priait au contraire de lui dire quelqu’une de ces Chansons infâmes, et de ces Odes honteuses et diaboliques, il s’en trouverait plusieurs qui les auraient apprises avec soin, et qui les réciteraient avec plaisir.

Ne pensez pas que ces paroles soient trop fortes, pour être appliquées aux Chansons qui sont communes parmi le monde, et qu’on apprend aux enfants dès qu’ils commencent à parler. Celles qui passent pour les plus honnêtes, renferment bien souvent le poison le plus subtil, et si vous examinez toutes celles que vous avez jamais ouïes, vous remarquerez qu’il n’y en a point qui ne blessent ou la vérité, ou la charité, soit en donnant de fausses louanges aux choses, et aux personnes qui n’en méritent point, soit en déchirant l’honneur et la réputation du prochain. Vous remarquerez qu’il n’y en a presque point qui ne soient pleines des médisances et des calomnies les plus atroces, et qui ne soient des satires sanglantes, où l’on n’épargne ni la Personne sacrée des Souverains, ni celle des Magistrats, ni celle des personnes les plus innocentes et les plus pieuses. Vous remarquerez qu’il n’y en a presque point qui ne flattent avec ce fard qui en déguise l’horreur, et en fait aimer l’injustice et l’infamie, qui ne soient employées à faire éclater des flammes criminelles, qui ne soient remplies d’équivoques déshonnêtes, et qui ne portent dans l’imagination des idées si sales et si honteuses, qu’il est impossible qu’elles ne blessent entièrement la pureté.

Cependant combien y a-t-il de pères et de mères qui souffrent sans scrupule que leurs enfants se remplissent l’esprit et la mémoire de ces Chansons, qu’ils les chantent en leur présence et avec plaisir ; de sorte qu’en les répétant librement, ils s’accoutument insensiblement à perdre la honte et la pudeur, qui les ferait rougir dans un âge plus avancé de les entendre, si on ne les avait accoutumés de bonne heure à ce langage corrompu.

Lactance dans l’Abrégé qu’il a fait de ses Institutions, dit qu’un des effets funestes de ces Chansons, est de laisser dans le cœur une très grande disposition au crime et au libertinage ; en sorte que ceux qui les aiment et qui en font leur divertissement, se laissent facilement engager dans le désordre et dans l’impiété. Il ajoute qu’elles donnent du dégoût pour toutes les choses saintes, et surtout pour les saintes Ecritures, parce que la nature corrompue n’y trouvant rien qui la flatte, elle s’en dégoûte, et préfère injustement ces Vers et ces Chansons misérables, qui touchent et entretiennent ses passions, aux vérités que ces Livres saints lui découvrent et qui condamnent ses dérèglements.

Quel soin les pères et les mères ne doivent-ils donc pas avoir, de préserver leurs enfants de cette peste qui corrompt presque tout le monde ? Quelle faute ne commettent-ils point, non seulement lorsqu’ils se plaisent à entendre chanter ces Chansons mondaines par leurs enfants ; mais même à les leur apprendre eux-mêmes ? Saint Cyprien en parlant des pères et des mères qui faisaient manger à leurs enfants des viandes offertes aux Idoles, fait dire aux enfants ces paroles étonnantes : Nos propres pères ont été nos parricides ; Et saint Augustin expliquant ce Passage, dit qu’encore que les enfants n’ayant point de part à cette action criminelle par leur volonté, ne mourussent pas réellement dans l’âme, néanmoins leurs pères ne laissaient pas d’être leurs homicides, parce que en tant qu’il dépendait d’eux, ils faisaient mourir spirituellement leurs âmes.

Combien les mères qui apprennent à leurs enfants des Chansons de médisance ou d’impudicité, sont-elles plus coupables que celles dont parle saint Cyprien ? Car enfin les viandes offertes aux Idoles sont des créatures de Dieu ; mais ces chansons ne sont que des productions du diable qui les compose par ses ministres. Ces viandes ne corrompaient réellement ni l’âme ni le corps des enfants, elles ne faisaient que passer en eux comme les autres viandes, sans y faire aucune impression maligne ; au lieu que ces Chansons sacrilèges corrompent l’esprit de ceux qui les chantent, et que demeurant dans la mémoire elles leur sont une tentation pour toute leur vie. En effet, comme remarque excellemment Lactance, quelque douceur qu’il y ait dans les sons harmonieux qui flattent nos oreilles, on les peut aisément mépriser, parce qu’ils ne laissent point d’impression dans le cœur, et qu’ils ne s’attachent point pour ainsi dire à la substance de l’âme. Mais les vers qui sont animés du chant, la charment par leur douceur, ils s’emparent de l’esprit de l’homme, et le poussent avec impétuosité où il leur plaît, ils lui persuadent tout ce qu’ils lui font trouver agréable ; et peu s’en faut qu’ils ne surprennent et qu’ils ne s’emparent entièrement de toute la volonté, pendant qu’ils flattent les sens. Vous ne devez donc, conclut cet Auteur, trouver rien de doux à vos oreilles, que ce qui nourrit votre âme et la rend meilleure ; et il faut particulièrement vous appliquer à détourner du vice cet organe qui nous a été donné de Dieu pour entendre sa Vérité, et recevoir sa Doctrine. Si vous vous plaisez au Chant et à la Poésie, plaisez-vous à chanter les louanges de Dieu ; il n’y a de plaisir véritable que celui qui est accompagne de la Vertu.

Voilà Pères et Mères ce que vous devez inspirer de bonne heure à vos Enfants. Ne souffrez jamais qu’on fasse ou qu’on dise en leur présence la moindre chose indigne de la modestie, de la prudence et de la charité qu’on doit au prochain, dont vous faites profession en qualité de Chrétiens. Ne leur permettez point d’ouïr des Chansons efféminées et lascives, de peur que ce ne soit un malheureux charme qui amollisse leurs âmes, et qui leur fasse perdre toute vigueur. N’endurez point que des bouches qui doivent être un jour sanctifiées par la nourriture céleste du Corps de Jésus-Christ, soient profanées par des Chansons infâmes, et que des langues qui doivent être teintes dans le Sang du Sauveur, se servent d’un langage tout corrompu.

Ayez toujours présentes à votre esprit ces excellentes paroles de S. Paul dans l’Epitre aux Ephésiens, Chapitre 5 vers. 3. 4. 17. et 19 qui renferment les règles de la conversation des Fidèles ; « Qu’on n’entende pas seulement parler parmi vous de fornication, ni de quelque autre impureté que ce soit, ni d’avarice, comme on n’en doit point ouïr parler parmi des Saints. Qu’on n’y entende point de paroles déshonnêtes, folles et bouffonnes, ce qui ne convient pas à votre vocation ; mais plutôt des paroles d’actions de grâces. Ne soyez pas indiscrets, mais sachez discerner quelle est la volonté du Seigneur, vous entretenant de Psaumes, d’Hymnes et de Cantiques spirituels, chantant et psalmodiant du fond de vos cœurs à la gloire du Seigneur. Que toutes les paroles déshonnêtes soient bannies de votre bouche. Que la parole de Jésus-Christ habite en vous avec plénitude, et vous comble de sagesse. Instruisez-vous et exhortez-vous les uns les autres par des Psaumes, des Hymnes et des Cantiques spirituels. »

Vous voyez par ces paroles de l’Apôtre, qu’il n’est pas permis aux Chrétiens de dire la moindre parole non seulement déshonnête, mais même peu sérieuse, ou qui tienne pour peu que ce soit de la bouffonnerie, bien loin d’en faire toute leur joie et tout leur divertissement. Et s’ils chantent, il faut, dit saint Augustin, que ce soit des Psaumes, des Hymnes et des Cantiques spirituels, afin que par le plaisir qui touche l’oreille, l’esprit encore faible s’élève dans les sentiments de piété, et qu’etant plus ardemment touché de dévotion par les chants animés de la parole divine, il reçoive avec plus de respect et de douceur les vérités qu’elle renferme et s’en occupe plus utilement.

Les pères et les mères qui ne se seront pas efforcés de suivre ces règles de l’Apôtre dans l’Education de leurs Enfants, et qui ne leur auront pas absolument défendu ces Chansons corrompues, seront d’autant plus coupables devant Dieu, qu’il leur est plus facile dans ce siècle de les en détourner. Car il y a plusieurs personnes de piété qui ont travaillé avec beaucoup de succès, à mettre en vers les Psaumes, les Hymnes et les Cantiques de l’Eglise. Il y en a beaucoup qui ont fait des Chansons spirituelles fort agréables : et l’on a mis ces Psaumes, ces Hymnes et ces Chansons spirituelles, sur des chants et des airs fort harmonieux, et qui divertissent agréablement l’esprit, le portent à Dieu, et nourrissent la piété dans les âmes.